Archives de catégorie : Citations médiévales ou sur le moyen-âge
Le monde médiéval en question : une large sélection de citations regroupant des auteurs du moyen-âge à des penseurs du passé, mais aussi des historiens plus contemporains.
Sujet : citations, moyen-âge, histoire médiévale, monde médiéval, voyage, historien médiéviste. Auteur : Jacques le Goff, Jean-Louis Schlegel Ouvrage : Le Moyen Âge expliqué aux enfants (2006)
« Il ne s’agit certes pas de refaire le Moyen Âge, mais de ne pas oublier que les hommes et les femmes de cette période sont nos ancêtres, qu’il est un moment essentiel de notre passé, et donc qu’un voyage au Moyen Age vous donnera le double plaisir de rencontrer à la fois l’autre et vous-même. »
Jacques Le Goff, historien médiéviste (1924-2014) Le Moyen Âge expliqué aux enfants, Edition Le Seuil (2006)
Sujet : citation médiévale, poésie, amour courtois, roi troubadour, roi poète, lyrisme courtois, fine amor, trouvères, vieux-français, Oïl, chanson, extraits Période : moyen-âge central Auteur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253),
ou Gace Brûlé (1160/70 -1215)
Bonjour à tous,
our aujourd’hui, voici un court extrait, en forme de citation, d’une chanson qui a été diversement attribuée dans les manuscrits à Thibaut de Champagne, à Gace Brûlé et qui est même, dans certaines autres sources, demeurée anonyme.
On connait, du reste, la parenté de plume entre les deux trouvères, séparés par une génération. Gace Brûlé compte, indéniablement, parmi les auteurs qui ont influé l’œuvre de Thibaut le Chansonnier. Même si cela demeure invérifiable, on se plait même à imaginer que le comte de Champagne et roi de Navarre, encore enfant, a peut-être même pu croiser Gace, à la cour de Champagne, alors que ce dernier était déjà à l’apogée de sa renommée.
Quoiqu’il en soit, dans le courant du moyen-âge central et des XIIe, XIIIe siècles, ils sont, tous deux, les dignes représentants de ce courant culturel et poétique qui a favorisé le passage de la poésie d’oc et de ses formes, en langue d’Oïl et ils n’ont eu de cesse, l’un comme l’autre, d’élever la tradition de l’Amour courtois, en y apportant leur propre marque et leur style incomparable.
Quant fine Amor me prie que je chant, Chanter m’estuet, car je nel puis lessier* (y renoncer, m’en abstenir), Car je sui si en son conmandement Qu’en moi n’a mès desfense ne dangier* (résistance, opposition). Se la bele, qui je n’os mès prïer, N’en a merci et pitiez ne l’en prent, Morir m’estuet* (de estovoir : falloir) amoreus en chantant.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : citations, homme médiéval, nature, moyen-âge, poésie médiévale, représentations Période : moyen-âge central Auteur : Michel Zink, Sources : Nature et sentiment. Littérature n°130, 2003
Bonjour à tous,
n 2003, dans un article de la revue Littérature, l’académicien et spécialiste de littérature médiévale Michel Zink s’interrogeait sur le « sentiment de la nature » au moyen-âge et, dans cette continuité, sur les interrelations entre homme médiéval et nature. Aujourd’hui, nous partons, à la rencontre d’une partie de ses réflexions sur le sujet, touchant notamment à la nature dans la poésie lyrique médiévale. Au passage, nous le suivrons sur la déconstruction qu’il opère sur quelques possibles idées reçues sur la question. Au programme donc et partant d’une citation extraite de cette article : définitions et sens nichés sous le terme de nature dans la poésie du moyen-âge, ou encore altérité médiévale contre représentations modernes.
La Nature médiévale
au service de la lyrique courtoise
La nature ne fournit pas au poète courtois du moyen-âge central, un simple décorum à ses envolées poétiques, elle est son inspiration, sa respiration. Le fine amant courtois y mire son âme et ses propres sentiments comme dans un miroir et, dans ce dialogue, il est d’abord question d’un contact émotionnel intime ; son cœur bat au rythme des saisons, entre le sommeil triste, froid, et quelquefois mortel de l’hiver et les chaleurs printanières porteuses de promesses de nouveaux éveils amoureux, avec leurs bois qui reverdissent et leurs chants d’oiseaux complices.
Si nos esprits modernes pourraient être tentés d’interpréter comme une forme « d’écologie » avant la lettre, ce « bon temps » où le cœur de l’homme battait à l’unisson de mère nature, il faut pourtant se garder de s’y précipiter. Une des particularités premières de la perception-représentation de l’idée de nature au moyen-âge, est, en effet, d’être d’abord appréhendée comme reflet de la création divine. Comme Michel Zink nous le rappelle ici : « La notion de nature au Moyen Âge renvoie fondamentalement à l’action créatrice de Dieu ». Elle est sa main, et même plus loin, « elle est Dieu ». Entre le créateur, sa création et ses créatures, la relation est symbiotique, presque charnelle.
“(…) l’homme médiéval se conçoit si entièrement comme une créature, comme un produit de la nature, qu’il n’envisage pas de porter sur le monde dans lequel il est immergé un regard extérieur et distancié.” Michel ZINKNature et sentiment. Littérature n°130, 2003
Si la poésie courtoise médiévale a fait de la nature cet interlocuteur qui accorde le poète et ses sentiments amoureux, au point de l’y avoir réduite, par endroits, il ne s’agit donc pas là d’une nature « objectivée ». Autrement dit, pas question ici de « paysages » ou de contemplation de son vivant spectacle, qui susciteraient une émotion à part entière et sa large palette de nuances. Si la nature inspire, reflète, influe sur les dispositions amoureuses du poète, susurre à son oreille, c’est toujours pour mieux lui renvoyer l’image de son désir ou de sa dame, comme autant de « projections » mises au service des nouvelles formes d’expressions sentimentales que le Moyen-âge concocte à travers la lyrique courtoise. Instrumentalisée par le fine amant, cette nature médiévale s’épuise souvent tout entière dans « l’obsession » amoureuse de ce dernier. Si elle vibre à l’unisson d’une créature, le poète, qui lui est inextricablement spirituellement lié et qui ne peut totalement s’en abstraire pour la distancier, il est question de résonance et pas d’objet de contemplation doté de ses « propres » propriétés intrinsèques. Là encore, citons Michel Zink ;
» (…) le sens véritable de la nature se trouve dans la participation à la nature, et non dans le regard porté sur elle, regard distancié qui ne la voit pas elle-même ni pour elle-même, mais qui voit en elle l’objet qui occupe l’esprit et qui la modèle en fonction de lui. » Michel ZINK (opus cité)
Pour que la nature devienne un sujet de contemplation, une source à part entière d’inspiration, suscitant son lot de nouvelles émotions, il faudra attendre les siècles suivants. Dans le même esprit bien sûr, cette notion de nature médiévale ne recouvrera pas non plus le sens qu’on lui donne parfois, de nos jours, de territoire vierge, non encore domestiqué ou conquis, par l’homme (il n’en reste d’ailleurs plus guère). Pour élargir ces réflexions, nous vous conseillons la lecture de l’article de Michel Zink dans son entier sur Persée (1).
Sujet : citations médiévales, sagesse persane, poésie morale, conte moral, miséricorde, justice, devoir politique Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Mocharrafoddin Saadi (1210-1291) Ouvrage : Gulistan, le jardin des roses, traduit par Charles Defrémery (1838)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle incursion dans la Perse du XIIIe siècle avec une leçon de morale politique du poète Saadi. Une fois encore, il y est question de tenue dans l’exercice du pouvoir. Comme dans un nombre important de ses contes, l’auteur médiéval insiste encore ici sur le fait que la sagesse et le discernement doivent primer chez l’homme d’Etat sur tout autre diktat, un peu comme si la loi religieuse demeurait sans fond si elle ne reposait d’abord sur des qualités humaines et de bon sens « intrinsèques », En d’autres termes, pour faire un bon roi, il faut d’abord un homme bon, juste et censé. Il faut aussi qu’il soit entouré de conseillés courageux et droits, prêts au besoin à essuyer les foudres du souverain pour s’acquitter du prix de la vérité.
Si la philosophie qui sous-tend les petits contes du voyageur, homme politique, diplomate et conteur du moyen-âge n’est pas la même que la morale chrétienne qui est alors à l’oeuvre dans l’Occident médiéval, son Jardin des Roses ne cesse pourtant d’évoquer, par certains aspects, ces Miroirs des princes que l’on retrouvait à la même époque en Europe. Ici comme ailleurs et par delà le temps, dans l’ombre du pouvoir, l’abus n’est jamais loin et il s’en faut toujours de peu que le détenteur du destin des hommes ne soit tenté de se changer en le pire des prédateurs. Qui pense-t-il servir vraiment ? La question de fond finit toujours par être posée en ces termes et sur ce point, de l’Iran médiéval aux terres occidentales, nombre d’auteurs s’accorde pour le lui rappeler : aucun souverain ne peut gouverner indéfiniment et impunément sans son peuple et encore moins contre.
Miséricorde dans l’exercice du pouvoir
Le roi demanda: « Quel est le moyen de rassembler l’armée et les sujets? » Le vizir répondit : « il faut au roi de la justice afin qu’on se rallie autour de lui, et de la miséricorde afin qu’on s’assoie tranquille à l’ombre de sa puissance. Or, tu n’as ni l’une ni l’autre de ces deux qualités. »
Distique : Celui qui a pour habitude la violence n’exerce pas la souveraineté; car les fonctions de berger ne seront pas remplies par le loup. Un souverain qui jette les fondements de l’oppression, arrache la base du mur de sa puissance.
Le conseil de ce vizir sage et dévoué ne se trouva pas conforme au caractère du roi. il le fit charger de liens et l’envoya en prison. Il ne s’était pas écoulé beaucoup de temps, lorsque les cousins germains du sultan se levèrent contre lui, équipèrent une armée pour le combattre et réclamèrent le royaume de leur père. Les gens qui avaient été réduits aux dernières extrémités par la main de son oppression et s’étaient dispersés, se rallièrent auprès d’eux, et les fortifièrent, si bien que le royaume sortit de sa puissance, et fut affermi dans la leur.
Distique ; Un roi se permet-il l’injustice envers ses sujets, son ami même, au jour de la détresse, devient un ennemi pressant. Fais la paix avec tes sujets et demeure sans aucune inquiétude d’avoir la guerre avec un ennemi; car les sujets sont une armée pour le monarque juste.
Une belle journée à tous.
Fred
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