Archives de catégorie : Martín Codax

Au XIIIe siècle, le troubadour Martin Codax écrit des chansons courtoises pures et simples en langue galaïco-portugaise. On n’en connait pas un très grand nombre mais elles ont traversé le temps pour être reprises par un grand nombre d’ensemble de musiques médiévaux. Ici, nous partons à leur découverte avec sources, commentaires, traductions et de belles versions musicales.

Cantiga de Amigo : aux temps médiévaux, la danse d’une jeune fille amoureuse à Vigo

martin_codax_mar_de_vigo_poesie_chanson_medievale_troubadour_moyen-age_central_XIIIe_siècleSujet :  amour courtois, musique, poésie médiévale,  chanson médiévale,   Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise.
Période :  XIIIe siècle, Moyen Âge central
Auteur :  Martín (ou Martim) Codax
Titre :  Eno sagrado en Vigo, Cantiga   VI
Interprètes :    The Dufay Collective
Album  :  Music for Alfonso the Wise  (2005)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons  sur les  Cantigas de Amigo de l’Espagne et du Portugal du Moyen Âge central.  Nous le faisons même avec un des plus célèbres  compositeurs de ce genre  galaïco-portugais du XIIIe, le jongleur (jogral) et troubadour Martín Codax.

Les Cantigas de Amigo conjuguent l’amour courtois au féminin, en donnant la parole à des jeunes filles  :   espoir, attente de l’être aimé (« l’ami »), joie ou tristesse, les compositeurs de ces chansons médiévales se glissent dans le cœur  des damoiselles pour  nous chanter avec grâce, les émois et les revers du sentiment amoureux.  Au delà de leur contenu, ces poésies se signent par  leur simplicité, leur pureté de style et la présence d’un refrain qui vient créer  une    résonance  sur  l’émotion au centre  de    chaque composition.

Une  belle sur le parvis de l’église de Vigo

eglise-cathedrale-collegial-vigo-chanson-medieval-martin-codax-moyen-ageCette  Cantiga de amigo de Martín Codax est connue sous le titre  Eno sagrado en Vigo (sur la base de son premier vers) : en français, on peut le traduire par  sur le parvis de Vigo. On peut supposer, sans trop de risques, qu’il s’agit là d’une allusion au parvis de  l’actuelle collégiale de Santa Maria de Vigo, en Galice. Datée du XIXe siècle, cette dernière a été reconstruite en lieu et place d’un autre édifice religieux qui, lui même, était venu faire suite, au  XVe siècle, à une église Santa Maria qui se tenait, là, depuis le Moyen Âge central et le XIIe siècle.

Du point de vue du sens de cette composition,  la jeune fille y danse  en chantant  et on l’imagine tournant et souriant, emportée par la joie de l’amour qu’elle porte  en elle.  Pour faire bonne mesure, nous vous en proposerons une traduction  sur laquelle on pourra  d’ailleurs argumenter. La simplicité des vers prête, en effet, à interprétation suivant  les auteurs qui s’y sont penchés et notamment ce refrain :   » Amor ei… » . Faut-il simplement traduire  :  « Oh  Amour » ou « J’ai de l’amour« , autrement dit « Je suis amoureuse » ou  même encore « Je suis  aimé » ?    Nous avons penché, de notre côté, pour « Je suis amoureuse ».

Sources et interprétations

Cette cantiga de amigo, que l’on retrouve dans le Parchemin Vindel, actuellement conservé à la  Morgan Library  de New York, a été reprise par une certain nombre de formations médiévales contemporaines. On pense  notamment  à celle d’Eduardo Paniagua ou encore, plus près de nous,  au groupe   allemand  Triskilian.   Pour vous la faire découvrir, nous avons, pour cette fois, choisi la version des anglais de     The Dufay Collective.

Eno sagrado en Vigo de Martin Codax par The Dufay Collective

Quand  le Dufay Collective chantait
l’Espagne médiévale  d’Alphonse le Sage

En  2005, les artistes du Dufay Collective    décidèrent de consacrer  leur talent aux musiques contemporaines de la cour d’Alphonse X de Castille. Intitulé « Music for Alfonso the Wise » (musique pour Alphonse le Sage), l’album sortit chez Harmonia  Mundi. Il proposait pas moins de 19 pièces pour plus d’un heure d’écoute entre lesquelles de nombreuses Cantigas de Santa Maria (dix compositions) du roi savant d’Espagne. Dans la deuxième partie de l’album, on retrouvait aussi  huit  cantigas de Amigo, signée de la main de  Martín Codax. Enfin, une danse anonyme de la même période venait compléter le tableau de cette production.

musique-medievale-cantigas-de-amigo-martin-codax-album-Dufay-collectiveI-moyen-age-centralAu moment de cet article, l’album n’est pas disponible à la vente en ligne ( en tout cas sur Amazon). Il n’est même pas sûr qu’il ait été réédité.  Nous en avons trouvé un copie d’occasion à la vente, mais le vendeur  en attendait un prix tellement indécent que nous avons préféré ne pas vous en donner le lien ici. En contrepartie, nous mettons  le lien par défaut vers ce produit, en espérant que tôt ou tard,  de nouveaux CD’s fassent leur apparition :    Music for Alfonso the Wise by The Dufay Collective (2005-04-20).


Eno sagrado en Vigo, de Martin Codax
traduite en français moderne

Eno sagrado en Vigo,
Beylava corpo velido
En Vigo, no sagrado,
Beylava corpo delgado
Amor ei…

Sur le parvis, à Vigo.
Dansait une belle (un joli corps)
Sur le parvis, à Vigo.
Dansait une  jolie fille (un corps fin) :
Je suis amoureuse …

Beylava corpo delgado
Que nunc’ ouver’ amado
Beylava corpo velido
Que nunc’ ouver’ amigo
Amor ei…

Dansait une  jolie fille
Qui n’avait jamais eu d’être aimé
Dansait une   belle
Qui n’avait jamais eu d’ami
Je suis amoureuse …

Que nunc’ ouver’ amigo
Ergas no sagrad’, en Vigo
Que nunc’ ouver’ amado
Ergas en Vigo, no sagrado
Amor ei…

Qui n’avait jamais eu d’ami
Sauf à Vigo, sur le parvis,
Qui n’avait  jamais eu d’aimé
Sauf à Vigo, sur le parvis, 
Je suis amoureuse …


En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

« Mia irmana fremosa », la cantiga de amigo III du troubadour Martin Codax, par Evo et Efrén López

trompette_marine_musique_medievale_anciennes_troubadoursSujet : amour courtois, musique, chanson, poésie médiévale, Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise, Espagne, Portugal médiéval, parchemin Vindel
Période :  XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur    : Martín Codax
Titre : « Mia irmana fremosa », cantiga de amigo III
Compositeur/Interprète  :     Efrén López, (EVO)
Media    : concert, IVe cycle des arts scéniques et des musiques historiques de la cité de León, Mai 2011.

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui à l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et au poète Martín Codax, à sa lyrique courtoise, à son amour de la mer de Vigo dont il était originaire et à ses Cantigas de Amigo.

Le poète s’y  met dans la peau d’une jeune fille qui attend son promis et chante son amour pour lui à ses amies ou à ses proches. Imprégné de lyrique courtoise, ces chansons souvent courtes, et presque si minimalistes et épurées qu’elles pourraient nous paraître parchemin_vindel_martin_codax_troubadour_musique_chanson_espagne_medievale_cantigas_amigo_moyen-agenaïves sont, en réalité, des fleurons de la littérature médiévale galaïco-portugaise et de l’art profane de ses troubadours.

La Cantiga de Amigo III
de Martín Codax
sur le Parchemin Vindel

Martin Codax chante l’attente du bien-aimé, sans doute parti guerroyer au loin, l’espérance de son retour, et un vague à l’âme qui s’abîme dans la contemplation de la mer et bat au rythme de ses ondes. Si l’océan en est le décorum, l’église de Vigo y revient également.

Sur la route des pèlerinages de Saint-Jean de Compostelle, la cité est alors en pleine effervescence. On y entonne certainement les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X et encore bien d’autres chants de pèlerins. Si Martin Codax n’est alors, sans doute pas, le seul troubadour à y chanter des compositions plus profanes, inspirées de la lyrique et de l’amour courtois, il est, en tout cas, un des rares, avec quelques autres, dont les compositions nous soient parvenues avec leur notation musicale, notamment, par l’intermédiaire du Parchemin Vindel, le MS M979 de la Morgan Library de New-York (sur ce document voir article suivant)

La Cantiga de Amigo III de Martín Codax, par Evo et Efrén Lopez

Efrén López et EVO, au coeur de la méditerranée traditionnelle et médiévale

Le plaisir est d’autant plus grand de vous présenter cette pièce qu’elle nous donne l’occasion de mentionner à nouveau ici le musicien, vielliste et multi-instrumentiste Efrén López et sa formation EVO. On peut, en effet, retrouver cette interprétation sur sa chaîne officielle Youtube et elle est extraite d’un concert donné en 2011, à l’auditorium de la cité de León, dans le cadre d’un festival sur les arts scéniques et les musiques historiques.

efren_lopez_chansons_musiques_medievales_anciennes_traditionnelles_méditerranéennes_passion_moyen-ageTrès actif dans le champ des musiques médiévales et anciennes, mais aussi, plus largement, dans celui des musiques traditionnelles de la méditerranée, cet artiste catalan est ouvert à toutes les rencontres et nous ne pouvons que vous conseiller, une fois de plus, de vous pencher sur ses travaux.

Nous lui avions consacré un article, il y a quelque temps déjà, aussi nous vous y renvoyons pour plus d’informations,  Efrén LÓPEZ, portrait d’un troubadour passionné de musiques médiévales et anciennes. Si vous êtes polyglotte, vous pouvez aussi consulter valablement son site web  officiel. Très fourni. il est disponible en quatre langues (espagnol, catalan, anglais et même grec) et l’artiste y partage généreusement nombre de ses productions, (musiques, vidéos, partitions, etc…).


« Mia irmana fremosa », les paroles
en gallaïco-portugais et leur adaptation

Mia irmana fremosa, treides comigo
a la ygreia de Vigo, u e o mar salido.
E miraremos las ondas.

Ma  belle*  sœur, viens avec moi
A l’église de Vigo, où la mer est agitée,
Et nous contemplerons les vagues.

Mia irmana fremosa, treides de grado
a la ygreia de Vigo, u e o mar levado.
E miraremos las ondas.

Ma  belle sœur, viens de bonne grâce
A l’église de Vigo, où la mer est en furie,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar salido,
e verra i mia madre e o meu amigo.
E miraremos las ondas

A l’église de Vigo où la mer est en furie
Il viendra, mère, mon doux ami,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar levado,
e verra i mia madre o meu amado
E miraremos las ondas.

A l’église de Vigo, où la mer est agitée
Il viendra, mère, mon bien-aimé,
Et nous contemplerons les vagues.

* Fremosa : belle, jolie, charmante.


En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.

chanson médiévale : la cantiga de amigo II du troubadour Martin Codax

martin_codax_mar_de_vigo_poesie_chanson_medievale_troubadour_moyen-age_central_XIIIe_siècleSujet : amour courtois, musique, poésie médiévale,  chanson médiévale, Cantigas de amigo II, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise.
Période : XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur : Martín (ou Martim) Codax
Titre: Mandad’ei comigo
Interprètes :  Oni Wytars
Album :  Amar e Trobar,  la passion et le mystère au moyen-âge  (1992)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partons aujourd’hui, toutes voiles dehors,  à la découverte de l’art des troubadours galaïco-portugais de l’Espagne et du Portugal du moyen-âge central. Ce sera l’occasion d’approcher une nouvelle chanson de Martin Codax, prise dans le répertoire des Cantigas de amigoComme dans la plupart des poésies musique_poesie_medievale_troubadour_moyen-age_central_martin_codax_cantigas_de_amigodu genre, le poète met ici ses rimes dans la bouche d’une damoiselle qui nous conte ses sentiments  pour son  « ami », autrement dit son bien-aimé, dans l’attente de son retour ou de sa venue.

Bien que le  jongleur (juglar ou jograr) galaïco-portugais Martin Codax ne soit qu’un des quatre-vingt huit auteurs des cantigas de amigo, il est demeuré, à ce jour, l’un des représentants les plus célèbres de cette lyrique courtoise médiévale et il reste, en tout cas,  l’une des plus chantés. Comme nous lui avons déjà dédié un article, nous vous invitons à vous y reporter, au besoin : Martin Codax troubadour médiéval.

Oni  Wytars. Mandad’ei comigo, Cantiga de Amigo 2 de Martin Codax

Amar e Trobar,
par l’ensemble Médiéval oni Wytars

C_lettrine_moyen_age_passion‘est  l’excellent ensemble allemand Oni Wytars qui nous propose ici l’interprétation de cette Cantiga de Amigo II de Martin Codax. Elle est tirée de leur album Amar e trobar, sorti en 1992. La formation y présentait seize titres empruntés au répertoire médiéval français, italien et espagnol,  avec pour ambition d’approcher le thème de l’amour et de la passion au moyen-âge, au sens large. Les pièces vont en effet de l’amour courtois et profane, à un amour au sens plus spirituel, comme on le trouve dans la passion et les mystères. On trouvera ainsi des compositions issues de l’art des troubadours, des Cantigas de Amigo, mais encore des pièces en provenance  du Livre Vermell de Montserrat ou des Cantigas de Santa Maria.

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Oni Wytars signait également, dans cet album, une collaboration avec le très reconnu compositeur, chef d’orchestre, musicien et musicologue autrichien. René Clemencic et ce dernier venait prêter, ici, ses talents d’instrumentiste à la flûte à bec, à la flûte en corne (gemshorn) ou encore au chalémie (instrument médiéval de la famille des hautbois).

Du côté du chant, c’est la soprano Ellen Santaniello qui prêtait ici sa belle voix  à la pièce de Martin Codax du jour.

Mandad’ei comigo de Martin Codax
et sa traduction/adaptation en français


Mandad’ei comigo,
ca ven meu amigo.
E irei, madr’ a Vigo

Un message m’est parvenu
Que venait mon doux ami
Et j’irai, mère, à Vigo

Comigo’ei mandado,
ca ven meu amado.
E irei, madr’ a Vigo

J’ai avec moi le message
Que venait mon bien-aimé
Et j’irai, mère, à Vigo 

Ca ven meu amigo
e ven san’ e vivo.
E irei, madr’ a Vigo

Que venait mon doux ami
bien portant et vivant
Aussi, j’irai, mère, à Vigo 

Ca ven meu amado
e ven viv’ e sano.
E irei, madr’ a Vigo

Que venait mon bien-aimé
Bien vivant et bien portant
Aussi, j’irai, mère, à Vigo 

Ca ven san’ e vivo
e d’el rei amigo
E irei, madr’ a Vigo

Qu’il venait bien portant et vivant
Et qu’il est du roi l’ami
Aussi, j’irai, mère, à Vigo 

Ca ven viv’ e sano
e d’el rei privado.
E irei, madr’ a Vigo

Qu’il venait vivant et bien portant
et qu’il est du roi, favori
Aussi, j’irai, mère, à Vigo 

 En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Martin Codax, troubadour médiéval et la Cantiga de Amigo V par Montserrat Figueras

martin_codax_mar_de_vigo_poesie_chanson_medievale_troubadour_moyen-age_central_XIIIe_siècleSujet : amour courtois, musique, poésie médiévale,  Cantigas de amigo V, galaïco-portugais, troubadour.
Période : XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur : Martín (ou Martim) Codax
Titre:  Quantas Sabedes Amar Amigo
Interprètes :  Montserrat Figueras, Jordi Savall, Ferran et Arianna Savall
Album :  Du temps & de l’instant  (2005)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiarobablement natif de la Province de Vigo en Gallice qu’on retrouve présente dans nombre de ses chansons, Martín Codax fut un troubadour galaïco-portugais du moyen-âge central. Bien qu’il soit indéniablement l’un des poètes les plus connus et les plus diffusés de la littérature médiévale  galaïco-portugaise (« profane ») nous n’avons pas la date précise de sa naissance ou de sa mort et nous connaissons de sa vie, comme beaucoup de troubadours, uniquement ce que ses poésies nous en apprennent, c’est à dire presque rien. On situe, en général, ses activités artistiques entre le milieu du XIIIe et les débuts du XIVe siècle.

Le Parchemin Vindel

parchemin_vindel_troubadour_chanson_poesie_medieval_martin_codax_moyen-age_central_XIIIeSes oeuvres nous sont connues par les chansonniers et manuscrits anciens de lyrique galaïco-portugais ou même encore par le Parchemin Vindel. C’est d’ailleurs grâce à ce dernier document, découvert totalement par hasard au début du XXe siècle dans un exemplaire de l’ouvrage De Officiis de Cicéron  que l’on a pu retrouver les notations musicales des  chansons du poète. Le parchemin daté du milieu du XIIIe siècle et composé de plusieurs feuillets, avait vraisemblablement servi plus tardivement à un moine pour effectuer la reliure de l’ouvrage politique de l’homme d’Etat romain. C’est un libraire madrilène du nom de Pedro Vindel qui fit cette découverte en 1914. Aujourd’hui, le précieux document est conservé aux Etats-Unis, à la Morgan Library & Museum, de New York.

Ajoutons encore qu’à ce jour, le Parchemin Vindel et le Parchemin Sharrer (lui aussi découvert très tardivement, vers la fin du XXe siècle), sont les deux seuls documents anciens ayant permis de retrouver les compositions musicales originales des Cantigas de Amigo.

parchemin_vintel_poesie_chanson_medievale_amour_courtois_cantigas_amigo_galaico-portugaise_martin_codax

Le legs et les chansons de Martín Codax

Les chansons de Martín Codax sont toutes regroupées sous le genre des Cantigas de amigo ou chansons pour l’être aimé et nous sommes donc clairement ici dans le registre lyrique de l’amour courtois.

Les oeuvres léguées par le poète galaïco-portugais sont peu nombreuses ;  sept chansons ont été mises à jour pour l’instant et le parchemin Vindel a permis de retrouver la musique de six d’entre elles. Jusqu’à encore récemment le succès de ce troubadour médiéval a largement débordé la péninsule ibérique et on le trouve repris par un nombre incalculable de formations spécialisées dans les musiques anciennes, à travers l’Europe et même au delà. La musicalité de la langue galaïco-portugaise autant que la pureté et la simplicité de sa poésie y sont indéniablement pour beaucoup. Les chansons de Martin Codax les plus souvent reprises mettent en scène la mer de Vigo et ses vagues évocatrices de contemplation et de poésieC’est le cas de celle du jour à laquelle la talentueuse chanteuse lyrique soprano Montserrat Figueras prêtait son talent dans les années 2000.

Quantas sabedes amar amigo, par Montserrat Figueras

Du temps & de l’instant

Pour l’interprétation de la Cantiga de Amigo du jour, la V, nous avons donc choisi l’envoûtante interprétation de Montserrat Figueras  accompagnée de Jordi Savall, de leurs deux martin_codax_troubadour_gallaico-portugais_cantiga_de_amigo_temps_et_instant_montserrat_figueras_jordi_savall_chanson_musique_medievale_XIIIeenfants Ferran et Arianna et du percussionniste Pedro Estevan.

L’enregistrement date de 2005 et il est tiré de l’album au titre français : Du temps & de l’instant.  Les artistes catalans signaient là une production familiale et intimiste présentant une sélection de pièces allant du moyen-âge central à des siècles plus récents (XVIIIe et au-delà). Ils y visitaient au passage l’Espagne, la Catalogne, l’Orient et même encore la Grèce et le mexique. L’album est toujours disponible à la vente sur le site officiel d’Alia Vox, leur maison de distribution.


Les Paroles de la Cantiga de Amigo V
et leur traduction, adaptation en français

Dans les chansons issues de Cantigas de Amigo, le troubadour met en général ses mots dans la bouche d’une demoiselle parlant de l’être aimé, le louant ou l’attendant. C’est le cas ici.

Quantas sabedes amar amigo
treydes comig’ a lo mar de Vigo:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Jusqu’à quel point sais-tu aimer un ami (mon ami?)*
Viens avec moi à la mer de Vigo :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Quantas sabedes amar amado
treydes comig’ a lo mar levado:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Jusqu’à quel point sais-tu aimer  l’être aimé (mon aimé?)
Viens avec moi à la mer de Vigo :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Treydes comig’ a lo mar de Vigo
e veeremo’ lo meu amigo:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Viens avec moi à la mer de Vigo
Et nous verrons mon ami :
Et nous nous baignerons dans les vagues !

Treydes comig’ a lo mar levado
e veeremo’ lo meu amado:
E banhar-nos-emos nas ondas!

Viens avec moi dans la mer agitée
Et nous verrons mon aimé :
Et nous nous baignerons dans les vagues !


* Notez que nous traduisons  « Quantas sabedes amar »  comme « Jusqu’à quel point (COMBIEN) sais-tu aimer » ce qui me parait le plus littéral et logique même si c’est une traduction totalement hispanisante que j’assume : « Cuantas Sabeis amar… »

L’absence de ponctuation laisse à penser que « Combien sais-tu aimer, ami » sous entendu « mon ami, mon aimé » peut-être sujette à caution, ce qui pourtant serait, là encore en espagnol contemporain, sans doute plus correct et donnerait en plus à la chanson un sens différent certes, mais peut-être plus logique ou « coulant ». Comme on trouve de nombreuses traductions espagnoles à la ronde qui ajoutent l’article indéfini « UN ». « Combien sais-tu aimer UN ami ou l’être aimé » Dans le doute, je le laisse donc et garde la porte ouverte aux deux options, même si je ne suis convaincu qu’à moitié et lui préfère largement la première :  la jeune fille parlant à son propre amoureux, le « défiant » gentiment et l’invitant à la rejoindre dans les vagues. On retrouve encore et quelquefois cette phrase traduite comme « Toi qui sais aimer un ami » mais dans ce cas-là le « Quantas » est occulté et cela me semble encore moins  correct.

En vous souhaitant une belle journée.

Fréderic EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.