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Roman : Jeanne d’Arc sous la plume de Xavier Leloup dans la saga médiévale des Trois pouvoirs

enluminure médiéval scripte

Sujet : auteur, romans historiques, édition, Jeanne d’Arc, actualité littéraire, guerre de cent ans, aventure, saga historique, fiction médiévale, siège d’Orléans, Jeanne d’Arc, aventure médiévale
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Titres : Les trois pouvoirs, T4 l’Envoyée de Dieu Xavier Leloup, Editions La Ravinière (2023)

Bonjour à tous,

l’occasion de la sortie du 4ème tome de la saga médiévale des Trois pouvoirs intitulé « L’envoyée de Dieu », nous avons, à nouveau, le plaisir de recevoir Xavier Leloup, auteur, mais également éditeur aux Editions La Ravinière qu’il a fondées, il y a déjà quelques années.

Un Entretien exclusif avec Xavier Leloup
des éditions la Ravinière

Propos recueillis par Frédéric EFFE le 30 juin 2023

Mpassion : Bonjour Xavier, Nous sommes, encore une fois, heureux de vous recevoir. Que de temps passé depuis notre dernière entrevue. Vous êtes en forme, j’espère ?

Xavier L : Je me trouve d’autant plus en pleine forme que j’ai de nouveau l’occasion de m’entretenir avec vous, cher Frédéric !

Actualité des éditions & réédition d’Ivanhoé

« Ivanhoé n’est pas seulement un grand roman de chevalerie et d’aventures. C’est aussi un livre débordant de sensualité et de romantisme, ce qui le rend intemporel. »

Mpassion : Le plaisir est partagé ! Visiblement, les éditions La Ravinière continuent sur leur lancée et leur projet de proposer des romans historiques ayant pour cadre le Moyen Âge. Après Quentin Durward qui avait fait l’objet d’une précédente entrevue, on les a vues rééditer, tout récemment, Ivanhoé de Sir Walter Scott, autre ouvrage fictionnel du grand écrivain anglais, sur toile de fond historique et médiévale.

C’est même d’ailleurs le premier roman de Walter Scott qui se déroulait au Moyen Âge et, il a été plutôt bien accueilli dès sa parution. puisqu’il a même assuré le succès de son auteur en Europe, en consacrant, au passage, une certaine mode du roman historique. On se souvient aussi quil avait été adapté sur grand écran par Richard Thorpe, en 1952 mais depuis le livre semblait un peu tombé dans l’oubli. Peut-être pourriez-vous nous dire un mot du roman et de ce choix de publication ?

Xavier L : Ivanhoé est un grand classique dont beaucoup ont entendu parler grâce au cinéma, mais sans jamais l’avoir réellement lu, ou lu seulement en version abrégée. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu le faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs en le rééditant dans sa version intégrale et, qui plus est, traduite par Alexandre Dumas. L’année où ses Trois Mousquetaires font justement l’objet d’une nouvelle adaptation sur grand écran, le moment ne pouvait pas être mieux choisi !

Roman d'aventure médiéval : Ivanhoé, Sir Walter Scoot, éditions La Ravinière (2023), couverture

Ivanhoé, ce sont d’abord de fabuleuses scènes de tournois et d’affrontements à la lance, des sièges de châteaux mettant aux prises des personnages aussi célèbres que Robin-des-Bois, frère Tuck ou Richard-Cœur-de-Lion, ce roi anglais revenu des croisades pour reconquérir son trône. Mais c’est aussi un roman d’amour, avec un trio amoureux s’articulant autour du chevalier chrétien Ivanhoé, de la princesse saxonne Rowena ainsi que de la séduisante juive Rebécca (incarnée par Elisabeth Taylor dans le film de Richard Thorpe), elle-même objet de la passion dévorante du vil templier Brian de Bois-Guilbert.

Bref, Ivanhoé n’est pas seulement d’un grand roman de chevalerie et d’aventures. C’est aussi un livre débordant de sensualité et de romantisme, ce qui le rend intemporel.

Le goût des romans historiques et médiévaux

« … le défi du roman historique consiste à se faire une place entre des livres d’histoire, certes intéressants, mais qui n’ont rien de romanesques et des ouvrages de Medieval fantasy, qui jouent avec les codes médiévaux sans pour autant être de véritables romans historiques… »

Mpassion : Pour rester encore un peu sur le sujet des éditions La Ravinière, et avant de parler de la Saga des Trois Pouvoirs et de la sortie de son quatrième opus : en plus de votre saga historique on en est donc maintenant à 2 rééditions de Sir Walter Scott, et un autre ouvrage de portraits sur Les Grandes Dames qui ont fait l’histoire de la guerre de Cent Ans, signé de votre plume.

Avec le recul de plus de 2 ans d’existence, quel est l’accueil réservé par le public à ce positionnement de votre maison d’édition sur les fictions ou les essais historiques portant sur la période médiévale ? On sait que « le Moyen Âge est à la mode », Jacques le Goff nous l’avait confirmé, mais en dehors des fêtes médiévales, des séries télévisées ou des jeux vidéos, qu’en est-il dans le monde du livre ? L’enthousiasme des lecteurs est-il au rendez-vous et surtout, qu’en est-il de l’accueil presse ou des revues spécialisées ?

Autre question que j’ai en tête et que je vous pose dans la foulée, y a-t-il encore une place sur les rayons des libraires pour les fictions sur fond historique dans un monde du livre qui semblait jusqu’à très récemment, sérieusement investi par les univers médiévaux fantasy inspirés des cultures anglo-saxonnes. Dites-nous tout, le roman historique fait-il glorieusement front au Medieval Fantasy et comment trouve-t-il sa place ? Et que pourrait-on faire, le cas échéant, pour améliorer la situation ?

 » …Depuis son lancement, La Ravinière a réussi à conquérir plus de 9 000 lecteurs. »

Xavier L : Il existe indéniablement une forte demande pour le roman historique, en particulier médiéval. Le succès de mes dédicaces en atteste, qui me permettent de rencontrer de nombreux amateurs du genre souvent très enthousiastes. Il en va différemment des libraires, généralement moins enclins à s’intéresser à un genre qui ne répond guère à leurs goûts personnels. À cela s’ajoute une offre éditoriale très abondante, qui monopolise leur temps de lecture. Il s’agit donc de prendre le temps de les convaincre et, surtout, de leur faire lire les ouvrages afin qu’ils en fassent ensuite la promotion auprès de leurs clients.

Dans ce contexte, le défi du roman historique consiste à se faire une place entre des livres d’histoire, certes intéressants, mais qui n’ont rien de romanesques et s’adressent le plus souvent à une clientèle masculine et âgée, et des ouvrages de médiéval fantasy, qui jouent avec les codes médiévaux sans pour autant être de véritables romans historiques et font baigner le lecteur dans un univers en réalité assez déraciné. L’objectif d’une maison d’édition comme la mienne est donc de se constituer une communauté de fidèles en jouant sur tous les leviers permettant de les toucher : librairies, réseaux sociaux et media (locaux ou nationaux), rencontres-dédicaces. C’est ainsi que depuis son lancement, La Ravinière a réussi à conquérir plus de 9 000 lecteurs.

Les Trois Pouvoirs & l’arrivée de « l’envoyée de Dieu »

« …C’est alors que se répand une étonnante rumeur : une jeune paysanne venue des marches du royaume aurait été envoyée par Dieu pour lever le siège d’Orléans et faire sacrer le Dauphin Charles, « qui doit être vrai et est vrai roi de France».«  

Les Trois Pouvoirs, saga historique, Tome 4 l'envoyée de Dieu, Xavier Leloup, éditions La Ravinière (2023)

Mpassion : Bravo, en tout cas, voilà qui fait plaisir à entendre ! Venons-en maintenant au 4eme opus de la saga des Trois Pouvoirs sous-titré L’envoyée de Dieu ? Est-ce que vous pouvez nous toucher un mot des 3 premiers ouvrages, afin de recontextualiser un peu mieux l’arrivée de celui-ci pour nos lecteurs ? Et peut-être aussi nous dire un mot de son intrigue sans trop la « divulgâcher », comme disent nos amis québécois ? Nos lecteurs vont également se demander s’il faut avoir lu les trois premiers ouvrages pour entrer dans celui-ci ?

Xavier L : Quand le livre commence, nous nous trouvons à la fin de l’hiver 1429. Assiégée depuis des mois par les Anglais, la ville d’Orléans est tout près de se rendre : 22 ans, déjà, que le duc d’Orléans, frère du roi Charles VI, a été assassiné en plein Paris, rue Vieille-du-Temple – 14 ans que l’armée de Charles VI a été défaite par les troupes du roi anglais Henri V à Azincourt – 10 ans, enfin, que Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne, a été assassiné, à son tour, sur le pont de Montereau.

Dans ce contexte, la France se divise en trois : une France franco-anglaise gouvernée depuis Paris par le duc de Bedford, une France bourguignonne, celle du duc de Bourgogne Philippe le Bon, et enfin une France française ou « armagnac » dont le roi n’est autre que le roi Charles VII, dernier descendant de la dynastie des Valois.

Au milieu de ces trois puissances, une femme : Yolande d’Aragon, la puissante duchesse d’Anjou. Belle-mère du roi de France, elle soutient Charles VII de toutes ses forces en même temps qu’elle cherche à dénouer l’alliance anglo-bourguignonne. C’est alors que se répand une étonnante rumeur : une jeune paysanne venue des marches du royaume aurait été envoyée par Dieu pour lever le siège d’Orléans et faire sacrer le Dauphin Charles, « qui doit être vrai et est vrai roi de France ». Mais certains, n’ayant aucun intérêt à ce que cette « Pucelle » parvienne jusqu’à Charles VII, vont tout faire pour l’empêcher de le rencontrer à Chinon…

Il n’est donc nullement nécessaire d’avoir lu les trois premiers tomes pour se plonger dans ce nouvel opus. Dix années se sont écoulées depuis le tome 3, dont la plupart des protagonistes sont morts ou disparus. Les fidèles de la saga auront toutefois le plaisir d’en retrouver les principaux héros, à savoir l’ancien prévôt de Paris Guillaume de Gaucourt, la duchesse d’Anjou Yolande d’Aragon et enfin le chef des brigands parisiens, le mystérieux roi des Tartas. Sans oublier le fidèle Dimenche Le Loup, bien entendu. Avec L’envoyée de Dieu, c’est en quelque sorte un nouveau cycle qui commence. Et un cycle au sein duquel Jeanne d’Arc va jouer les tous premiers rôles.

Enluminure médiévale, arrivée de Jeanne d'Arc à Chinon
Enluminure du Manuscrit médiéval Français 5054 – Arrivée de Jeanne d’Arc à Chinon

Mpassion : C’est, il est vrai, une arrivée très attendue de Jeanne d’Arc dans la saga et qui met particulièrement en valeur la partie de son épopée qui se déroule dans une province chère à votre cœur, la Touraine.

Xavier L : De mon point de vue de tourangeau, le local rejoint ici le national puisque les premiers mois de l’épopée johannique se sont historiquement déroulés en Touraine. Sainte-Catherine-de-Fierbois, Chinon, Loches, Tours, Blois… c’est en quelque sorte à un voyage en Val de Loire qu’est convié le lecteur, à mesure qu’il suit la Pucelle dans ses pérégrinations.

J’ai également pris soin de décrire aussi précisément que possible le siège d’Orléans, qu’il s’agisse des « bastilles », ces fameuses tours édifiées autour de la ville par les Anglais, du positionnement des troupes, ou du déroulé des fameux conseils de capitaines. In fine, je crois donc que le lecteur aura une idée assez précise des différents théâtres de guerre au sein desquels s’est illustrée Jehanne d’Arc.

La Jeanne d’Arc de Xavier Leloup

 » Une autre caractéristique du roman tient, il me semble, à son caractère immersif. J’ai souhaité plongé d’emblée le lecteur dans le feu de l’action, qu’il s’agisse des intrigues de cour ou de la libération d’Orléans. « 

Mpassion : Autre question un peu inévitable et que nos lecteurs vont certainement se poser. Entre historiens, auteurs de fiction et même scénaristes de cinéma, d’Anatole France à Jules Michelet, Régine Pernoud, Georges Duby, Max Gallo en allant même jusqu’à Philippe de Villiers ou Luc Besson, vous n’êtes pas le premier à vous attaquer à l’épopée de la légendaire pucelle d’Orléans. On n’a sans doute pas fini d’épuiser le sujet du reste. Mais même si vous vous situez bien plus dans l’univers de la fiction que du biopic, la question qui nous intéresse ici est qu’est-ce qu’elle a de particulier votre Jeanne d’Arc ? Comment vous l’êtes-vous appropriée ? Et peut-être, encore, si ce n’est pas trop personnel, qu’est-ce qui vous a touché le plus chez elle ?

Xavier L : Pour être honnête, j’étais au départ assez intimidé à l’idée de mettre en scène une icône telle que Jehanne d’Arc, à la fois héroïne nationale et Sainte, symbole mondial de la pureté et du courage. Et puis, sa personnalité a fini par s’imposer à moi. Celle qui n’est au départ qu’une mystérieuse prophétesse se révèle progressivement comme un véritable chef de guerre, quitte pour cela à s’opposer frontalement aux plus grands seigneurs du royaume et à désobéir à leurs ordres.

Ce que le roman montre, je crois assez bien, est que si le personnage a d’abord laissé sceptique, sa fougue, sa détermination, sa foi en Dieu comme en elle-même, sa pureté d’âme et de cœur, vont finalement réussir à emporter l’adhésion des plus sceptiques. À Orléans, tout le monde semble lui répéter que la libération de la ville est impossible, que les « Anglois » sont invincibles, qu’il vaut mieux attendre de nouveaux renforts. À quoi elle rétorque avec obstination qu’Orléans finira par être libéré sous peu et, qu’au contraire, il n’y pas une seule minute à perdre pour lancer l’assaut.

Enluminure médiévale : Libération d'Orleans par Jeanne d'Arc et ses troupes dans le Ms Français 5054
Libération d’Orleans par Jeanne d’Arc et ses troupes dans le Ms Français 5054

« Et c’est d’ailleurs bien là tout l’intérêt d’un roman historique que de restituer le parfum d’une époque, d’en récréer l’ambiance et l’atmosphère. Le récit mêle aussi aux événements historiques des scènes au ton plus léger, voire franchement comiques. »

Mpassion : Jeanne est donc venue à vous, en quelque sorte, par ses faits et les éléments historiques qu’on en connaît.

Xavier L : Oui. Une autre caractéristique du roman tient, il me semble, à son caractère immersif. J’ai souhaité plongé d’emblée le lecteur dans le feu de l’action, qu’il s’agisse des intrigues de cour ou de la libération d’Orléans. « On est vraiment transporté dans la scène », en disent d’ailleurs les premiers lecteurs. Et c’est d’ailleurs bien là tout l’intérêt d’un roman historique que de restituer le parfum d’une époque, d’en récréer l’ambiance et l’atmosphère.

Le récit mêle aussi aux événements historiques des scènes au ton plus léger, voire franchement comiques. Car l’objectif est bien de divertir. Il n’y a cependant là rien de bien nouveau, Alexandre Dumas n’ayant pas procédé autrement dans des romans tels que Vingt Après ou Les Trois Mousquetaires. Dernier point, la part de mystère laissée au personnage. Le roman ouvre des portes, lance des pistes, mais finalement ne tranche rien, laissant le lecteur se forger sa propre opinion sur Jehanne d’Arc.

Moyen Âge historique & fictionnel, où placer le curseur ?

« … La part de vérité historique est prépondérante, en particulier en ce qui concerne la levée du siège d’Orléans. Reste que par définition, un roman historique n’est pas un livre d’histoire… »

Mpassion : Et c’est très appréciable ! Autre question, pour anticiper un peu sur les critiques qu’on entend déjà d’ici par certains puristes qui vous accuseront peut-être de prendre quelques libertés avec l’histoire de France et de remplir les blancs à votre manière, qu’est-ce que vous leur répondez ? Pour être très clair, on reste ici dans une fiction romanesque sur fond historique, il n’y a donc pas de prétention de restitution d’un Moyen Âge strictement historique, pas d’avantages que de révélation de faits nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’Arc. Mais peut-être pourriez-vous nous redire un mot de votre processus de rédaction ? Quelle est la part du réel et du fictionnel ? La part de références et la part plus libre ou disgressive ? Où se situe la prétention historique ? Et finalement aussi, à qui se destinent d’abord vos romans ?

Enluminure médiévale : Jeanne d'Arc reçue par le Dauphin dans le manuscrit médiéval Ms Français 5054
Jeanne d’Arc reçue par le Dauphin dans le manuscrit médiéval Ms Français 5054

Xavier L : Lors des dédicaces, les lecteurs me demandent très souvent quelle est la part de vérité historique dans l’histoire que je leur dépeins. Et à moi, alors, de leur répondre : « 90% de ce que je viens de vous raconter est vrai ! ». Il n’en va pas différemment dans ce nouvel opus, où la part de vérité historique est prépondérante, en particulier en ce qui concerne la levée du siège d’Orléans. Reste que par définition, un roman historique n’est pas un livre d’histoire. Lorsqu’il l’ouvre, le lecteur doit donc accepter que tout n’y soit pas strictement véridique mais, dans l’ensemble, vraisemblable.

En l’occurrence, la quasi-totalité des propos que Jehanne d’Arc tient dans le livre sont du verbatim. J’ai bien sûr pris quelques libertés avec l’histoire officielle, ajoutant ici ou là des sous-intrigues et des personnages imaginaires, de l’amour, du psychologique, mais en refermant L’envoyée de Dieu, le lecteur en aura tout de même beaucoup appris sur « la Pucelle ». Ce roman s’adresse donc aux lecteurs de tous âges et de tous horizons, quelle que soit leur culture historique.

Une production TV ou cinématographique en vue ?

Mpassion : Sur un autre sujet qui ne manquera pas d’intéresser les amateurs de productions télévisuelles ou cinématographiques, j’ai lu, me semble-t-il dans un article de la presse tourangelle que des contacts avaient été pris auprès de producteurs pour une éventuelle mise à l’écran de la série. Rumeurs ou faits avérés ? Verra-t-on bientôt votre Jeanne d’Arc à l’écran ?

Xavier L : Un grand producteur français s’intéresse en effet au projet, même si je ne peux pas vous en dire davantage pour le moment. Nous verrons. Mais si Les Trois Pouvoirs sont portés à l’écran, croyez-bien que les lecteurs de Moyenagepassion en seront les premiers informés !

Enluminure médiévale : Sacre de Charles VII à Reims  dans le manuscrit médiéval Ms Français 5054
Sacre de Charles VII à Reims dans le manuscrit médiéval Ms Français 5054

Séances dédicaces et projets futurs

Mpassion : Bien, nous saurons apprécier le suspense et en pas insister, en espérant que tout cela voit le jour. Les vraies productions françaises sur fond de Moyen Âge historique se font trop rares. Un dernier mot pour donner envie à nos lecteurs d’acquérir l’ouvrage et peut- être aussi quelques informations sur votre actualité et vos projets futurs même si nous vous cueillons là en plein actualité de ce 4eme tome et qu’il va sûrement vous occuper pour les mois à venir.

Xavier L : Je me trouve actuellement en pleine période promotion, qui m’a vu notamment passer sur TV Tours et enchaîner les signatures partout en France. Je donne d’ailleurs rendez-vous à vos lecteurs le samedi 8 juillet à partir de 10h à l’excellente librairie d’Amboise Lu et Approuvé pour une nouvelle dédicace des Trois Pouvoirs. Située à seulement quelques centaines de mètres d’une forteresse royale, je ne pouvais sans doute rêver meilleur endroit ! Les lecteurs d’Histoire Magazine pourront enfin retrouver mes deux derniers livres recensés dans son numéro d’été. 

Mpassion : Merci pour vos réponses et pour cette entrevue. On renvoie donc nos lecteurs sur le site officiel des Editions la Ravinière ou chez tout bon libraire pour y débusquer le 4eme tome des Trois pouvoirs et les autres ouvrage déjà disponibles.

Xavier L : Merci à vous, Frédéric, et à bientôt !


Retrouvez nos entretiens en compagnie de Xavier Leloup.

Découvrir ses articles dans le cadre du cycle Les grandes dames de la guerre de cent ans : 


En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : en arrière plan de la photo de l’auteur, sur l’image d’en-tête, on retrouve un autre détail enluminure extraite du manuscrit médiéval Ms Français 5054 : Jeanne d’Arc assiégeant Paris.  Vigiles de Charles VII de Martial d’Auvergne (1430-1508). Ce manuscrit superbement illustré, daté de la fin du XVe siècle (vers 1485) peut être consulté Gallica.fr.

Au XVIe s, une belle élégie courtoise de Clément Marot et son sens de la chute

Gravure ancienne de Clément Marot

Sujet : poésie, élégie, courtoisie, sentiment amoureux, moyen-français, auteur, poète médiéval.
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Période : Moyen Âge tardif, Renaissance
Titre : « Le plus grand bien qui soit en amitié » Ouvrage : Œuvres complètes de Clément Marot, Tome 2, Pierre Jannet (1873)

Bonjour à tous,

ous revenons, aujourd’hui, à l’œuvre poétique de Clément Marot. Au début du XVIe siècle, ce poète de cour s’inscrivit à la charnière du monde de la renaissance et du Moyen Âge. S’il ne cacha pas son goût pour des poètes et des textes médiévaux, comme Le Testament de Villon ou même Le Roman de la rose qu’il édita, il puisa également largement dans les auteurs antiques et on pourra voir en lui, la marque d’une certain renouveau littéraire propre au XVIe siècle.

En dehors de cela, Marot se fit connaître pour son esprit, ses traits d’humour mais aussi pour son œuvre abondante et plus grave, par endroits, qui comprend la traduction des psaumes. Fils du rhétoriqueur Jehan Marot, il fut d’abord protégé de François 1er, mais il eut par la suite quelques déboires qui l’obligèrent à l’exil, hors de France, et en particulier, près des cours italiennes (voir sa biographie).

Une élégie de Clément Marot en image avec portrait de l'auteur

L’élégie, un genre antique

Nous vous avons présenté, jusque là, un certain nombre d’épigrammes, de dizains et de pièces courtes de Clément Marot. Aujourd’hui, nous le retrouvons pour une élégie, genre qu’il contribua à créer en français, en lui prêtant sa plume, son talent et son sens des chutes.

L’élégie est une forme de poésie lyrique, qui avait été connue des grecs avant de passer ensuite aux romains. Elle fut favorisé par certains poètes antiques pour exprimer des thèmes variés, dont notamment le sentiment amoureux, mais toujours sur une note assez triste et mélancolique.

De Marot à la Pléiade

A la fin du Moyen-âge et aux débuts de la renaissance, l’élégie ressurgira donc en langue française avec l’aide de Clément Marot qui œuvrera à la réhabiliter, en tant que genre poétique à part entière (1). La Pléiade acceptera cet héritage de Marot, mais Joachim du Bellay, soucieux de marquer la différence entre son école et l’œuvre de Marot, entrera bientôt dans le débat. A la suite du poète de Cahors, il reconnaîtra l’élégie comme un genre convenable, tout en y mettant la condition qu’on revienne à la tristesse ou la gravité antique d’un Ovide ou d’un Horace (2).

Autrement dit, la légèreté de Marot, ses traits d’esprit et son fréquent badinage lui seront, à nouveau, reprochés. Pour la Pléiade, la poésie est une affaire sérieuse et c’est un raison suffisante pour écarter Marot ou ses héritiers de leur horizon. En relisant les élégies de Marot pourtant (il nous en a laissé un peu plus d’une vingtaine), on notera que si le poète de cahors continue d’y manier la plume avec talent, légèreté et esprit, il renoue tout de même, par endroits, avec le ton un peu mélancolique du genre originel des élégies.

Notes

(1) L’élégie au XVIe siècle, Robert G Mahieu, Revue d’histoire littéraire de la France, numéro 3/4, 1939.
(2) Les élégies de Clément Marot, V.L Saulnier, éditions de la Sorbonne, 1968


Elégie, Clément Marot


Le plus grand bien qui soit en amitié,
Après le don d’amoureuse pitié ,
Est s’entr’escrire, ou se dire de bouche ,
Soit bien , soit dueil , tout ce qui au coeur touche :
Car si c’est dueil, on s’entrereconforte ;
Et si c’est bien, sa part chacun emporte.
Pourtant je veux, mamye, et mon desir,
Que vous ayez votre part d’un plaisir
Qui en dormant l’autre nuict me survint.

Advis me fut que vers moy tont seul vint
Le dieu d’amours , aussi cler qu’une estoille ,
Le corps tout nud, sans drap, linge, ne toille,
Et si avoit, afin que l’entendez,
Son arc alors, et ses yeux desbandez,
Et en sa main celuy traict bien heureux
Lequel nous feit l’un de l’autre amoureux.
En ordre tel, s’approche et me va dire :
Loyal amant, ce que ton coeur desire
Est asseuré : celle qui est tant tienne
Ne t’a rien dit (pour vrai) qu’elle ne tienne ;
Et, qui plus est, tu es en tel crédit,
Qu’elle a foy ferme en ce que luy as dit.

Ainsi amour parloit, et en parlant
M’asseura fort. Adonc en esbranlant
Ses aisles d’or, en l’air s’en est volé : ‘
Et au resveil je fus tant consolé ,
Qu’il me sembla que du plus haut des cieux
Dieu m’envoya ce propos gracieux.

Lors prins la plume, et par escrit fut mis
Ce songe mien, que je vous ay transmis ,
Vous suppliant, pour me mettre en grand heur,
Ne faire point le dieu d’amour menteur.


Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : sur les illustrations de cet article, vous retrouverez le portrait « supposé » de Clément Marot, en tout cas celui qu’on lui associe le plus souvent. Il est tiré d’un œuvre du peintre italien Giovanni Battista Moroni (1520-1587) et s’intitule laconiquement : « Ritratto di un uomo » autrement dit « Portrait d’un homme« .

Deux Nouveaux ouvrages historiques aux éditions La Ravinière

enluminure médiéval scripte

Sujet : auteur, romans historiques, édition, essai, guerre de cent ans, aventure, saga historique, fiction médiévale.
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Titres : Quentin Durward, Sir Walter Scott (1823-2022), les grandes dames de la guerre de cent ans, Xavier Leloup, Editions La Ravinière (2022)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous avons le plaisir de partager avec vous un nouvel entretien avec l’auteur et éditeur Xavier Leloup. On y parlera de l’actualité de sa maison d’édition, lancée depuis peu, et de deux ouvrages historiques sur le Moyen Âge tardif qui sortent aujourd’hui même.

En vous souhaitant une bonne lecture

Nouveautés : deux livres sur le Moyen Âge,
un entretien avec Xavier Leloup

Propos recueillis par Frédéric EFFE le 8 juin 2022


— Bonjour Xavier ! Très heureux de vous retrouver pour un nouvel entretien et pour prendre des nouvelles de cette grande aventure de l’édition dans laquelle vous vous êtes lancé depuis maintenant près de 10 mois. Entre temps, le troisième tome 3 des Trois Pouvoirs est sorti et, après quelques salons du livre très fréquentés, nous nous retrouvons pour un billet d’actualité sur votre activité d’éditeur de romans historiques sur la période médiévale. Vous allez bien ? Toujours très occupé entre vos activités d’écriture et d’édition ? La tension s’étant libérée sur la Covid, vous avez pu reprendre normalement le chemin des salons et des séances de signature ?

Bonjour Frédéric. Je suis également très heureux de vous retrouver. Je me porte d’autant mieux qu’en effet, depuis quelques mois, auteurs et éditeurs ont pu reprendre le chemin des dédicaces « à visage découvert ». Pour faire la connaissance de ses lecteurs, c’est tout de même plus agréable ! Les signatures des Trois Pouvoirs m’ont ainsi permis de faire de superbes rencontres avec des passionnés de toutes générations. Nombreux d’entre eux m’ont dit combien ils aimaient l’histoire et le Moyen Âge. Cette période les fait rêver. Cela avait toujours été mon intuition, mais c’est toujours un grand bonheur de se l’entendre dire.

Quentin Durward, réédition du roman historique
de Sir Walter Scott

Quentin Durward, roman historique de Sir Walter Scott

Cela fait plaisir à entendre. Nous renverrons les lecteurs désireux de vous rencontrer et de se faire dédicacer vos livres à la rubrique actualité du site web des éditions La Ravinière. Mais revenons à l’actualité immédiate de votre maison d’édition justement. Nous avons eu, le plaisir de découvrir la sortie prochaine de deux ouvrages dont nous allons pouvoir parler dans l’ordre, en commençant par le premier : il s’agit du « Quentin Durward » du grand écrivain et historien écossais des XVIIIe, XIXe siècles Sir Walter Scott. Il était initialement avocat, d’ailleurs. Je ne sais pas si c’est une coïncidence totale, vu que vous étiez vous-même avocat dans une vie passée qui n’est pas si loin, du reste ?

Disons que du prétoire aux récits romanesques il n’y a qu’un pas que certains avocats n’hésitent pas à franchir. Mais pour honnête, je crois que Walter Scott et moi avons surtout en commun de ne pas avoir beaucoup pratiqué la profession !… Cet illustre personnage s’est d’abord fait connaître comme traducteur et poète avant de devenir le père fondateur du roman historique. Et son œuvre est pour moi une inépuisable source d’inspiration. Non seulement parce que c’est à lui qu’on doit d’avoir inventé le genre du roman historique mais surtout parce que, mieux que personne, il a su rendre compte des mentalités qui régnaient au temps de la chevalerie. Avec un art consommé du dialogue, il en fait magistralement revivre les personnages, leur donne du souffle, leur donne du corps. C’est comme si le sang des grandes figures du passé coulait dans ses veines, telles Richard Cœur de Lion ou le maître de l’ordre des Templiers.

D’Alexandre Dumas à Eugene Sue, nombreux ont d’ailleurs été nos auteurs français à revendiquer son héritage. Son influence demeure si grande qu’aujourd’hui encore, certains scénaristes continuent à s’en inspirer. Je pense par exemple au film Kingdom of Heaven, de Ridley Scott, qui emprunte certaines de ses scènes au Talisman, un captivant récit de chevalerie se déroulant au temps des croisades sous le soleil de Palestine. Il était donc naturel pour moi de vouloir de rééditer le plus français de ses romans historiques, et qui plus est se déroule pour partie en Touraine, ma région natale : Quentin Durward.

Alors, avec ce roman historique, Walter Scott nous transporte au cœur du Moyen Âge tardif, du temps des intrigues entre Louis XI et le duc de Bourgogne. On y suit le destin d’un jeune archer anglais, noble et désargenté, qui va se retrouver pris dans tout cela. C’est un livre qui a connu de nombreuses adaptations au cinéma et même à la télévision française et qui a été longtemps reconnu comme un grand classique de cette période.

Ce livre a en effet fait l’objet de célèbres adaptations : d’abord dans les années 50, par le célèbre réalisateur américain Richard Thorpe avec Robert Taylor dans le rôle-titre. Puis dans les années 70, avec une série télévisée franco-allemande qui fit la joie des spectateurs de l’ORTF en même temps que des admirateurs de Jacqueline Boyer, l’interprète de son célèbre générique. Mais depuis, plus rien. En l’espace de quelques années, ce formidable récit d’aventures sur fond de rivalité entre le royaume de France et le duché de Bourgogne semblait être tombé dans l’oubli. Et pourtant, quel roman ! Walter Scott ne nous y retrace pas seulement l’épopée de Quentin Durward, ce jeune archer écossais débarqué en France qui devra surmonter les pires dangers pour conquérir la dame de son cœur, la comtesse Isabelle de Croye. Il nous brosse également le portrait d’un Louis XI tour à tour généreux, cynique, superstitieux et surtout, terriblement manipulateur.

Or, en dépit de son absence de scrupules et de son indifférence à toute forme de pitié, de son machiavélisme, il est difficile pour le lecteur de ne pas s’y attacher. C’est même la figure politique de Louis XI qui m’a donné envie de republier ce classique, et qui justifie d’ailleurs toute la place que son portrait occupe sur la couverture du livre. Car ce souverain était aussi un homme d’esprit. Amateur de bons mots et doté d’un humour ravageur, voir scabreux, il se révèle par moment extraordinairement drôle.

Dans un Moyen Âge finissant, son mépris du protocole et des valeurs chevaleresques semble préfigurer notre époque moderne. En ce sens, c’est un personnage très contemporain. C’est pourquoi il était devenu urgent d’offrir une nouvelle jeunesse à un roman qui plonge le lecteur dans une époque médiévale, certes, fort éloignée de la nôtre, mais dont les intrigues politiques et les coups bas ne sont pas sans rappeler les fameux « coups de billard à trois bandes » si prisés par nos dirigeants d’aujourd’hui. Au vu des soubresauts politiques actuels, ce récit ne devrait pas manquer d’intéresser les nouvelles générations.

En somme, un ouvrage à relire et à redécouvrir pour tous les passionnés de Moyen Âge qui nous lisent et en particulier de son automne, le XVe siècle. On vous souhaite beaucoup de succès pour cette réédition.

Les grandes dames de la guerre de cent ans,
de Xavier Leloup

Les grandes dames de la guerre de Cent Ans ; le pouvoir médiéval au féminin.

Mais parlons, maintenant, de l’autre ouvrage sur lequel nous serions tenté de nous étendre plus encore et ce, à plusieurs titre. Tout d’abord, cette fois, c’est vous qui le signez. Ensuite, son thème nous est familier puisque c’est, ici-même, sur le site moyenagepassion qu’il a vu le jour pour la première fois. Je veux parler, bien sûr, du cycle sur les grandes dames de la guerre de cent ans. Cette série d’articles qui revisite le pouvoir médiéval au féminin sous ses formes variées dans le courant du XVe siècle, a beaucoup plu à nos lecteurs. Alors, dans cet ouvrage, le concept s’est étoffé pour donner naissance à un vrai beau livre qui, nous en sommes convaincu, devrait trouver, rapidement, son public. On y présente plus encore de portraits de dames du Moyen Âge tardif et de manière plus détaillée. Vous pouvez un peu mettre l’eau à la bouche de nos lecteurs ?

C’est par le biais des femmes que j’ai commencé à m’intéresser à la guerre de Cent Ans, ou plus exactement l’une d’entre elles, une certaine Yolande d’Aragon. Comme beaucoup, j’avais entendu parler de Jeanne d’Arc. Jeanne la Sainte, Jeanne la guerrière, Jeanne la fille du peuple qui, suivant le conseil de ses voix, avait fait sacrer le roi Charles VII à Reims et délivré Orléans. Comme pour beaucoup, la libératrice d’Orléans constituait pour moi la référence incontournable. Mais celle qui m’intriguait le plus, c’était Yolande d’Aragon : une femme de pouvoir demeurée dans l’ombre, mais dont la volonté inébranlable avait permis à son gendre, de roi Charles VII, de gagner la guerre de Cent Ans. Cette duchesse d’Anjou me semblait d’autant plus fascinante qu’elle avait secrètement soutenu la Pucelle dès les premières semaines de son épopée et que, selon toute vraisemblance, c’était grâce à cette aide que cette héroïne avait pu mener à bien sa mission… du moins jusqu’à un certain point, comme vous le découvrirez dans le livre.

Deux femmes donc, l’une politique, l’autre guerrière, agissant de concert pour sauver le royaume de France. Le tout durant une période tragique et sanglante : la guerre de Cent Ans. Il y avait là de quoi bâtir un bon roman, voir même une saga. C’est ainsi que je m’attelai à la rédaction des Trois Pouvoirs, dont l’intrigue démarre sous le règne du roi fou Charles VI, en 1407, c’est-à-dire 22 ans avant la libération d’Orléans. Mes recherches me conduisirent naturellement à m’intéresser à d’autres personnages féminins. Car comment évoquer le destin tragique du roi fou Charles VI, le père du « gentil Dauphin » de Jeanne d’Arc, sans y mêler celui de son épouse Isabelle de Bavière ? Comment retracer le funeste destin du frère du roi, le duc Louis d’Orléans, prince brillant assassiné en pleine gloire, sans évoquer celle qui aura cherché à le venger, à savoir son épouse Valentine Visconti ? Comment, enfin, ne pas faire entrer en scène la fameuse Christine de Pizan, l’un des esprits les plus brillants de ce début de XVe siècle ? Je prenais ainsi conscience qu’à cette époque, les femmes ne constituaient pas un simple élément du décorum mais qu’elles prenaient une part active à la vie publique et que, dans bien des cas, leur histoire s’avérait tout aussi passionnante que celle des hommes.

Puis c’est grâce à vous, Frédéric, et à moyenagepassion.com, que j’ai pu me lancer dans cette série de portraits dédiés aux grandes figures féminines du Moyen Âge. Avec le succès de cette chronique, m’est venue l’idée d’y consacrer un livre qui permettrait de mettre en avant ces nombreuses femmes qui ont fait l’histoire de France.

— Nous en sommes très heureux. Mais alors, au sortir, de tous ces portraits de dames du XVe siècle voyez-vous un canevas, une constance, dans toutes ces formes de pouvoir féminin ou avez-vous plutôt découvert leurs formes variées ?

Leur point commun est bien sûr d’avoir vécu durant cette période fort mouvementée que fut la guerre de Cent Ans. Mais ce qui les relie plus étroitement entre elles, c’est leur caractère de battante. Qu’elles aient été saintes (sainte Jeanne d’Arc, sainte Colette de Corbie), politiques (Yolande d’Aragon, Isabelle de Portugal), guerrières (Jeanne de Belleville, Jeanne des Armoises) ou intellectuelles (Christine de Pizan), elles ont toujours fait preuve de résolution, elles ont toujours surmonté les épreuves. Elles ne parvinrent pas toujours à leurs fins, certes. Mais au fond, peu importe. Ce qui est remarquable chez elles est d’avoir su se montrer à la hauteur des événements et de leur idéal, qu’il s’agisse de l’honneur de leur famille, leur foi ou leur patrie. Notons d’ailleurs que la plupart d’entre elles étaient très attachées à la France. C’étaient donc des patriotes.

Nouveautés parution : deux livres sur la période médiévale

Autrement dit, je me suis intéressé à ces « grandes dames » pour elles-mêmes et pas seulement en raison de leurs liens avec leurs époux ou de leurs amants. Certains historiens peuvent avoir eu tendance à évoquer les femmes historiques pour la seule raison qu’elles avaient partagé le lit des puissants. Pensez ainsi à Diane de Poitiers ou à Gabrielle d’Estrées, à madame de Pompadour, à la Montespan. Dans ce livre, c’est l’inverse : les hommes passent au second plan. Et si j’y ai inclus Agnès Sorel, la première favorite officielle de l’histoire de France, c’est pour mettre en valeur son rôle politique. D’où le titre du chapitre qui lui est consacré : « Agnès Sorel, une femme d’influence ».

Si le terme de « féminisme » est sans doute anachronique (à l’exception peut-être de Christine de Pizan, qui a beaucoup écrit sur la condition des femmes), votre expression de « pouvoir médiéval au féminin » me semble en revanche très adaptée. Ces femmes ont exercé le pouvoir sous toutes ses formes, parfois de manière ostensible, parfois plus cachée, mais toujours pleinement. Notons enfin que ces « grandes dames » furent sans doute plus nombreuses qu’on pourrait le croire. Il s’agissait donc pour moi de retrouver leur trace et de les mettre en valeur quand par le passé, avouons-le, justice ne leur avait pas toujours été rendu.

En tout cas, l’ouvrage devrait faire merveilleusement écho avec l’anniversaire des 500 ans d’Anne de France et aux différents colloques et expositions données cette année sur le pouvoir féminin au Moyen Âge. Encore une fois, nous sommes certains qu’on le verra sans doute sur bien des plages ou des lieux de vacances cette été !

Absolument ! Le lecteur y trouvera 12 portraits de dames ayant joué un grand rôle dans l’histoire médiévale et l’ouvrage est conçu pour s’adresser au grand nombre, qu’on soit passionné d’histoire ou simplement curieux d’esprit. Je me suis efforcé de scénariser le propos et de faire ressortir la psychologie de mes héroïnes. A plus de quatre siècles de nous, ces dernières devraient encore parler à de nombreuses femmes d’aujourd’hui.

Nous en sommes certain aussi. Avant de nous séparer, profitons-en pour rappeler que ces deux livres historiques viennent tout juste de paraître. Et une autre bonne nouvelle pour nos lecteurs, je crois que désormais vos ouvrages sont disponibles dans certains points de grande distribution, c’est bien cela ? Il devrait donc être encore plus simple de les obtenir.

Vous pourrez non seulement retrouver ces livres en librairies ou sur le site de la Ravinière mais aussi sur Amazon ou dans les boutiques de grands monuments historiques tel que le château de Vincennes, où la saga des Trois Pouvoirs figure déjà en bonne place. Les éditions La Ravinière viennent par ailleurs d’intégrer le catalogue d’ELECTRE, la base de référence et l’outil de recherche de toutes les librairies, bibliothèques et autres médiathèques françaises. J’en profite enfin pour annoncer trois dates de dédicaces : le 25 juin à la librairie La Boîte à Livres de Tours, le 2 juillet à la librairies Les Petits Mots à Chatou (Yvelines) et enfin le 5 août, chez Lu et Approuvé à Amboise.

Très bien. Nous nous assurerons de les transmettre à nos lecteurs. En vous remerciant encore de votre temps et en vous souhaitant un très bel été littéraire.


Retrouvez nos autres entretiens avec Xavier Leloup
Février 2021Décembre 2021

Découvrir ses articles sur Les grandes dames de la guerre de cent ans : 


En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Ballade Des vices qui peuvent perdre un prince

Sujet  : poésie médiévale, auteur médiéval,  moyen-français, manuscrit ancien, poésie, Ballade
Période  : Moyen Âge tardif,  XIVe siècle.
Auteur :  Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre  :  «Pour ce, fait bon telz vices remouvoir»
Ouvrage  :  Poésies Morales et Historiques d’Eustache Deschamps, G.A. Crapelet (1832)

Bonjour à tous,

ans le contexte mouvementé du XIVe siècle, Eustache Deschamps mène sa barque de petit noble et officier de cour en semant des rimes, dans son sillage. Au terme de son existence, il laissera la quantité impressionnante de plus de 80 000 vers de poésie.

Ballades, virelais, rondeaux, complaintes, chants royaux,… Toutes les formes poétiques y sont passées mais aussi tous les sujets : courtoisie, alimentation, voyages, politique, vie curiale, tournois, chevalerie, mœurs de son temps. En soixante ans, Eustache a été témoin, tout à la fois, des guerres, des pillages des campagnes, des épidémies de peste, des luttes de pouvoir, les abus des princes. Il a même été contemporain d’un roi devenu fou. Il a aussi connu l’amour, les désillusions, les affres de la maladie et de l’âge, des années d’opulence et d’autres moins heureuses et tout cela, il l’a couché sur le papier et mis en rime comme tout le reste.

Poésie satirique  : une ballade  médiévale d'Eustache Dechamps avec enluminure

Aux sources de l’œuvre d’Eustache

Dans la première moitié du XIXe siècle, l’écrivain et imprimeur Georges-Adrien Crapelet fera paraître une première sélection de poésies morales et politiques d’Eustache. Elle contribuera à attirer l’attention d’autres historiens et imprimeurs sur l’auteur médiéval. Quelques années plus tard, l’archéologue et historien Louis Hardouin Prosper Tarbé fera, à son tour, paraître deux tomes de nouvelles œuvres inédites d’Eustache. Enfin, dans la dernière partie de ce même siècle et jusqu’au début du XXe siècle, deux éminents médiévistes, le Marquis de Queux de Saint-Hilaire, puis Gaston Raynaud  se relaieront pour publier les œuvres complètes d’Eustache Deschamps. On y comptera pas moins de 11 tomes entre notes diverses, éléments de biographie et poésies. À lui tout seul, Eustache nous a presque légué une encyclopédie poétique.

Si tous ses vers n’ont pas accédé au panthéon de la rime et de la poésie, loin s’en faut, son legs est d’un grand intérêt à plus d’un titre. Les amateurs de poésie peuvent l’explorer tout à loisir pour y chercher quelques pépites ou parfaire leur connaissance de l’ancien français. Les spécialistes de littérature médiévale, les philologues, historiens du Moyen Âge et autres universitaires y puisent aussi abondamment pour alimenter leur connaissance des mœurs et usages de cette période et approcher aussi de près les mentalités médiévales. Du point de vue des sources historiques, le manuscrit médiéval Ms français 840, conservé à la BnF contient l’ensemble de l’œuvre d’Eustache Deschamps, soit le chiffre vertigineux de 1500 pièces.

Pour ce qui est de la ballade du jour, elle est dans la veine de ses poésies les plus politiques et morales sur les devoirs des Princes et même les vices dont ceux-ci doivent se tenir éloignés au risque de se faire honnir de leur peuple.


Des six choses qui perdent le Prince
une ballade d’Eustache Deschamps

Six choses sont qui font prince exillier,
Perdre s’onneur et haine encourir :
Trop longuement sa guerre conseillier,
Estre orgueilleus , son convent non tenir
(1),
Trop convoiter, ses subgiez asservir,
Paresce ès fais qu’om doit hastis avoir
(2) ;
Par ces six poins se puet prince honnir
(deshonorer) :
Pour ce, fait bon telz vices remouvoir
(écarter).

Par longs conseilz
(décision, délibération) puet terre périllier,
Et la puet lors l’ennemi conquérir,
Et par orgueil se fait prince laissier,
Et si acquiert déshoneur par mentir;
Par convoiter, se fait partout haïr;
Par asservir, ses subgiez esmouvoir;
Par paresce, du tout anientir :
Pour ce, fait bon telz vices remouvoir.

Conseil
se doit briefment expédier,
C’est ce qui fait la guerre secourir;
Humilité souffisance traittier
(3),
Franchise amer, vérité soustenir,
Diligence en tous cas maintenir ;
Car tous ces poins doit tous bons princes sçavoir,
Règnes en puet par les autres fenir :
Pour ce, fait bon telz vices remouvoir.

(1) Tenir son convent : tenir ses engagements.
(2) Paresse dans les choses qui doivent être accomplis rapidement.
(3) Traitier : traiter, parler de, s’occuper d’humilité de manière suffisante


En vous remerciant de votre lecture.
Une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : l’enluminure sur image d’en-tête ainsi que sur l’illustration représente un pèlerin médiéval croisant sur sa route Flatterie et orgueil. Elle provient du manuscrit ms 1130 : Les trois pèlerinages et le Pèlerinage de la Vie Humaine de Guillaume de Digulleville (moine et poète français du Moyen Âge central (1295-1360). Ce manuscrit de la deuxième moitié du XIVe peut être consulté en ligne ici. Il est conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris