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Conférence : la légende noire de l’inquisition médiévale avec Laurent Albaret

Sujet :   inquisition, légende noire, idées reçues, définition. monde médiéval, Languedoc,   Provence
Période : moyen-âge central,  XIIIe et XIVe siècle
Média  : vidéo-conférence, livres.
Titre :   L’inquisition médiévale
Conférencier :  Laurent Albaret,    historien médiéviste
Lieu  :   Ecole nationale des chartes   (2019)

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passion‘il y a bien une chose à laquelle l’imaginaire populaire lié au moyen-âge aime à s’accrocher, c’est cette vision d’une période médiévale peuplée de bûchers, sur lesquels quelques frères dominicains fanatisés, grillent, à tour de bras et après force tortures, d’ingénus contradicteurs : du bonhomme cathare au guérisseur de campagne, jusqu’à une pauvre marginale dénoncée par son voisin comme suspecte de commerce avec le diable.

Dans cette construction/reconstitution, aussi effrayante que spectaculaire, l’apparition  d’un Bernard Gui  glacé et  sanguinaire, tout droit  sorti  du film  Le   Nom de la Rose ( réalisé par  Jean-Jacques Annaud sur la base du roman d’Umberto Eco) tomberait à point nommé. Pour un peu, elle cristalliserait même très exactement (tout en l’alimentant),  une  « légende noire de l’inquisition » qui  se tenait, depuis longtemps, cachée dans les replis  de notre imaginaire et qui ne demandait qu’à en sortir.

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Méthode historique  vs    sensationnalisme

Pour faire un peu le tri dans tout cela, plusieurs historiens médiévistes se sont penchés, jusqu’à récemment, sur le sujet de l’inquisition et des hérésies médiévales.  Ils  l’ont fait avec beaucoup de méthode et de sérieux et nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer quelques-uns d’entre eux ici : Andre Vauchez et son histoire des hérésies médiévales (2014) ou encore Jean-Louis Biget  avec son   Hérésie et inquisition dans le midi de la France (2007).    Aujourd’hui et pour le dire trivialement, c’est au tour de  Laurent Albaret   de s’y coller.  Cet historien,  actif dans de nombreux domaines, a également fait de l’inquisition un de ses sujets de recherche, notamment celle des XIIIe et XIVe siècles en Languedoc et dans le midi de la France.   Ainsi, en septembre 2019, il était accueilli dans le cadre prestigieux de l’Ecole Nationale des Chartes pour y donner une conférence sur ce thème que nous avons le plaisir  de partager, plus bas dans cet article.

Des documents et des faits

deco_cathare_monde_medieval_moyen-age_croisade_albigeois_inquisition_histoire_feodal_languedocPour autant qu’il soit devenu presque banal de  charger l’Eglise  catholique romaine  à tout propos,  sur le sujet de l’inquisition au moyen-âge,   il  faut s’atteler à détricoter certaines idées reçues pour rétablir un semblant d’objectivité.  Cela tombe bien puisque, la conférence du jour se propose justement de réintroduire des éléments factuels sur ce terrain conquis de longue date par un imaginaire débordant. Bien sûr, à travers cela, il s’agira aussi de rendre justice à l’Histoire. A l’attention de ceux qui, pour des biais idéologiques ou des croyances personnelles, pourraient être tentés d’y voir une façon de « trouver des justifications » ou de « fournir des excuses »  aux procédés questionnés, la méthodologie historique n’aura   qu’une chose à opposer : le principe de réalité, la froideur des  chiffres et des faits, et,  plus que tout cela encore, des réserves prudentes à l’égard de tout jugement.

Une fois le  tableau  restauré, si l’inquisition médiévale et les acteurs impliqués s’en tirent plutôt plus favorablement, dans leurs méthodes et leurs statistiques, que l’imagerie populaire et littéraire moderne ne l’avaient jusque là supputé, c’est simplement que les historiens (celui du jour et d’autres avant lui), ont fait parler les sources manuscrites d’époque : soit, principalement, les documents juridiques issus des tribunaux inquisitoriaux, avec leurs minutes, leurs sanctions, leurs relaxes et leurs chiffres.

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Ms 0609, Registrum inquisitorum Tholosanorum (1245-1253) Bibliothèque municipale de Toulouse – Bibliothèque Virtuelle des manuscrits médiévaux CNRS

Une « légende noire » pour des « Dark Ages »

Pour le reste, pas plus que Laurent Albaret ne le fait dans cette conférence, nous n’allons prétendre décortiquer, ici, les raisons complexes (historiques, idéologiques, littéraires, …) ayant favorisé  la promotion (sensationnaliste) d’une inquisition médiévale essentiellement  aveugle et massivement « meurtricide », au point de forger à son égard, ce que l’on a pu quelquefois appeler « une légende noire ».

deco_cathare_monde_medieval_moyen-age_croisade_albigeois_inquisition_histoire_feodal_languedocSans entrer dans le détail, on pourrait s’en tirer avec une généralité. A l’image de la notion anglaise de « Dark Ages », un voile  noir à été jeté sur les 1000 ans du moyen-âge propice à  bien des fantasmes et des instrumentalisations : plus sales, plus méchants, plus ignorants, plus barbares, plus fanatiques,  plus injustes  et, finalement, moins « civilisés ». Notre  belle modernité rationaliste, matérialiste et progressiste brille de mille feux en comparaison de cette ombre tremblante, peuplée de  tristes fantômes, que nous avons formée  au sujet des temps médiévaux. Grâce à elle, nous pouvons occulter, un peu plus aisément,  le fait que ce siècle et le précédent ont emporté dans leur barbarie, des dizaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants pour des raisons géo-politiques, économiques, religieuses même, et  souvent, très cyniquement pour des visées d’appropriation.

Sur le sujet de l’inquisition médiévale, si, à bien des égards, les morts  à compter pourront toujours nous sembler de trop, remis dans leur contexte, les chiffres sont très loin d’égaler d’autres massacres perpétrés dans l’histoire. Quant à l’arbitraire et la barbarie supposés des méthodes et des sanctions, jusqu’à  ce jour  et en accord avec l’historiographie  récente, l’examen des faits et des statistiques semble plaider en leur défaveur.

Des confusions « classiques »

Pour finir cette introduction  sur  les représentations autour de l’inquisition médiévale, notons que de nombreuses choses sont venues s’y mêler dans une sorte de confusion générale : 1/ Les périodes  : l’inquisition du moyen-âge n’est pas celle des siècles suivants,  2/ Les « justices » et les tribunaux concernés :  les tribunaux inquisitoriaux et le  bras séculier (justice royale, seigneurial, civile, politique) sont deux choses différentes. Les enjeux politiques et économiques sont souvent à démêler (procès des templiers, méandres de l’affaire Gille de Rais, etc…) 3/ Il faut encore dissiper les confusions qui planent entre l’histoire de l’inquisition française des XIIIe et XIVe siècles et celle de l’inquisition espagnole de la fin du XVe siècle.

Enfin, il faut aussi le comprendre, bien souvent, c’est l’ignorance qui nous fait « tout mettre dans le même sac », comme on le dit l’expression populaire. Quand on s’approche avec sérieux et   méthode de la réalité, en général, les  visions grossières et sans nuance fondent comme neige au soleil. Demandez-le à quiconque est engagé dans des recherches  de haut vol.  Quelque soit sa matière scientifique, la première chose qu’il fera est de border très précisément son sujet et son champ d’observation. Tout en le faisant, vous verrez qu’il vous parlera  d’humilité, bien avant de vous parler de certitudes. Tout cela bien compris,  nous vous souhaitons une excellente conférence.

La conférence  de Laurent Albaret sur l’inquisition médiévale

Laurent Albaret :  esquisse de Biographie

Après une formation en histoire  et une spécialisation dans le domaine des Inquisitions médiévales dans le Sud de la France,  Laurent Albaret a enseigné plus d’une dizaine d’années dans le secondaire (1991-2002),  puis dans le monde universitaire (2002-2006), avant de voguer vers d’autres horizons.

Sur le terrain de l’Histoire et de la Culture

laurent-albaret-conference-histoire-inquisition-medievale-medieviste-moyen-ageAyant laissé derrière lui sa carrière dans l’enseignement, on le retrouvera bientôt très impliqué dans le secteur de la culture,  du patrimoine et de la muséographie. Dans le même temps, il restera fortement présent dans le domaine de l’Histoire.  A  ce titre, et  pour ne citer que ces deux charges, il est de longue date membre associé de la Société des Historiens Médiévistes de l’enseignement supérieur public,  ou encore  administrateur de la Société des  Amis du Musée de Cluny.  Actuellement, il  termine  un doctorat à  l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales sous la direction de Jacques Chiffoleau. Notons qu’il avait effectué son DEA sous la direction de André Vauchez (directeur de l’Ecole Française de Rome, spécialisé  dans les hérésies médiévales).

Histoire contemporaine & présence médiatique

Les années 2010-2020   verront  Laurent Albaret  investi du côté de l’Histoire  postale  (conservateur au Musée de la poste) mais aussi de l’Histoire de l’Aviation (secrétaire général et secrétaire de la commission Histoire, Arts & Lettres de l’Aéro-Club de France). A côté de cela, il lancera également des opérations dans le domaine culturel et patrimonial (Association Parix Louxor ou encore Un soir, un musée, un verre) auxquelles viendront s’ajouter des activités dans le monde de la presse au sein de divers magazines.    Aujourd’hui, dans le champ de l’Histoire médiévale ou plus contemporaine, on le trouve très actif sur de nombreux médias : conférences, interviews, podcasts, publications diverses. Il intervient même, à titre de conseiller historique, auprès d’émissions télévisuelles (voir son site web pour plus de détails).

Présence dans le domaine du consulting digital

A ces nombreuses activités, Laurent Albaret a encore ajouté,  dernièrement,   une présence dans le  secteur de la création et de la communication digitale. En 2016, il a, en effet, créé,  une  agence  web baptisée Le doigt sur le truc. C’est en occupant divers postes à responsabilité  au sein de pôles numériques et médias sociaux  de diverses filiales  du groupe La poste (2010-2015), qu’il s’est forgé des compétences dans cette matière. Il y a, depuis, ajouté de nombreuses autres références.


Deux ouvrages de Laurent Albaret pour en savoir plus  sur l’inquisition médiévale

Pour approcher de plus près les éléments abordés dans cette conférence, voici deux ouvrages de Laurent Albaret sur le sujet de l’Inquisition médiévale.

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 Les Inquisiteurs : portraits de
défenseurs de la foi en Languedoc
Privat  (2001) – Acheter en ligne
 L’Inquisition : Rempart de la foi 
Format poche –  Gallimard (1998)
Acheter l’ouvrage en ligne 

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric  Effe
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Umberto Eco et le nom de la rose

roman_aventure_medieval_le_nom_de_la_rose_umberto_eco« Les livres ne sont pas faits pour être crus, mais pour être soumis à l’examen. Devant un livre nous ne devons pas nous demander ce qu’il dit mais ce qu’il veut dire, idée fort claire pour les vieux commentateurs des livres saints. »

Le Nom de la rose. Extrait roman d’aventure médiéval.  Umberto Eco (1932-2016 rip).

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