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Chanson ancienne : aux origines de la Complainte du Roi Renaud, avec Georges Doncieux

Sujet  : chanson ancienne, complainte, poésie, folk, chanson traditionnelle, romaniste, folkloriste.
Période : Moyen-Age tardif XVe, XVIe siècle
Auteur : Georges Doncieux (1856-1903)
Titre :  La complainte du Roi Renaud
OuvrageLe  Romancero populaire de la France, Georges Doncieux (1904)

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passionuite à de nombreuses questions reçues au sujet de la chanson ancienne La complainte du roi Renaud ou Le roi Renaud de Guerre Revient, nous nous fendons aujourd’hui d’un petit exercice de synthèse sur le sujet. Pour se faire, nous partons d’un article très sérieux paru dans un numéro de la Revue Romania, daté de 1900, sous la plume de Georges Doncieux (1). Dans ce papier de quelques quarante pages, repris également dans l’ouvrage (posthume) Le Romancero populaire de la France, choix de chansons populaires françaises, textes critiques par George Doncieux (1904), l’écrivain et homme de lettres des XIXe et XXe siècles dressait un panorama exhaustif des différentes versions connues de cette célèbre chanson ancienne et tentait aussi d’en reconstituer la possible genèse.

Pour être très clair, nous ne ferons ici que dérouler le fil de ses hypothèses tout en synthétisant grandement ses propos. Pour de plus amples détails (versions par langue, variantes par manuscrit, etc…) nous vous invitons à consulter directement la source.

L’histoire de la Complainte du Roi Renaud

Pour en dire à nouveau deux mots, dans cette chanson, reprise maintes fois par des interprètes des années 50-60 mais aussi, plus tard par des artistes folk, un seigneur revenu de guerre et mourant demande à sa mère que son agonie soit cachée à son épouse. Jusqu’au jour fatal et même après la mise en terre, cette dernière s’alarmera de toutes les manifestations de tristesse et de deuil autour d’elle. Conformément aux vœux du roi défunt, la vérité lui sera pourtant cachée et elle se verra donner de fausses excuses jusqu’au moment où elle découvrira la fatale vérité et choisira d’en mourir.

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Versions & datations certaines

A partir de là nous reprenons les éléments fournis par l’auteur cité plus haut.

deco_frise_medevial_eustache_deschampsOn connaissait déjà au XIXe siècle plus de soixante versions de cette chanson et il est indéniable que sa popularité y était déjà grande. Débordant les terres françaises, on en trouvait alors des variantes en Catalogne, en Espagne, dans le pays basque ou même encore dans le Piémont ou en région vénitienne. Dans de nombreuses versions, le héros se nommait déjà Renaud sous des variantes linguistiques diverses, dans d’autres, il apparaissait sous des noms totalement différents. Le noble y est tantôt roi, tantôt comte ou infant et, dans quelques rares versions, ce n’est pas de guerre qu’il revient mais de chasse. La partie la plus dramatique, son retour et sa mort tenue secrète aux yeux de sa fiancée ou de son épouse, reste relativement commune à toutes ses variantes.

En remontant l’historique des dernières versions, Georges Doncieux nous apprend que la chanson était déjà connue à la fin du XVIe, sous Henri IV, ce qui le conduit à faire remonter son auteur à la première moitié de ce même siècle. Certaines des tournures employées mais également le fait que les versions les plus complètes du Roi Renaud nous soient parvenues de Bretagne permettent également de supposer que c’est sans doute là que ce texte a trouvé son origine, sous la forme que l’on connait en Français.

Des origines armoricaines ?

En approchant une version armoricaine de cette chanson (un Gwerz breton) Georges Doncieux. en vient à former l’hypothèse que cette dernière aurait pu être à l’origine de la version que nous connaissons. Du point de vue de sa datation (sourcée, documentée, écrite), ce chant breton est lui aussi contemporain du XVIe siècle. Dans ses variantes, il conte l’histoire d’un Comte « Tudor », « Jean » ou « Nann » suivant les versions et contient de troublantes similitudes avec l’histoire du roi Renaud, même si on y trouve aussi quelques divergences. A noter que du point de vue de la versification, cette chanson armoricaine est également écrite en vers octosyllabiques.

L’histoire du Comte Nann

Dans cette version, le seigneur, jeune marié, part à la chasse pour attraper du gibier en guise de présent pour sa femme qui vient de lui donner un héritier. En chemin, il croise une fée qui se dit amoureuse de lui. Comme le noble se refuse à elle et lui résiste, cette dernière décide de l’acculer en lui offrant un choix : l’épouser, être malade et alité durant 7 ans ou mourir sous trois jours. C’est cette dernière option que le Seigneur prendra. En rentrant, il demandera à sa mère de taire son agonie à son épouse jusqu’au jour de ses funérailles. Et l’histoire conte donc qu’on mentit à cette dernière et qu’à chaque fois qu’elle relevait  des signes alarmants autour d’elle de la mort de son époux, on lui donnait de fausses explications. Bien entendu, la belle finira, là aussi, par apprendre la vérité et tomber morte.

Une version française remaniée
à partir de la version celte ?

Mise à part le départ fantastique, la suite de l’Histoire, sa fin autant que ses vers, et finalement son grand nombre de similitudes avec la Complainte du Roi Renaud, incline notre romaniste du XXe à penser que la chanson que nous connaissons aurait pu naître d’une certaine deco_frise_medevial_eustache_deschampssimplification de ce chant armoricain.

Pour avancer cette hypothèse, il part du principe que le compositeur de la version qui nous est la plus connue, un poète franco-breton donc, ait pu trouver l’histoire en provenance d’Armorique séduisante. A partir de là, ce dernier aurait fait sur elle un véritable travail de re-création, en décidant notamment de la dépouiller de ses aspects les plus fantastiques, pour ne conserver que sa dimension plus factuelle et dramatique. Ainsi, en lieu de fée et de chasse, le noble sera devenu, au passage, un seigneur revenant de guerre, mais finalement pour le reste, le poète aurait suivi la même mécanique que celle du récit armoricain : on cache à son épouse le décès de son conjoint de diverses manières, et au moyen de diverses excuses  pour reculer le moment de la vérité et finalement, en l’apprenant, cette dernière trépasse.

Pour notre homme de lettres du XXe, il demeure  logique de pencher pour cette « simplification » plutôt que de supposer qu’à partir de la version française que nous connaissons, un poète armoricain ait décidé d’échafauder toute une histoire de fée, en lui ajoutant une dimension fantastique. L’hypothèse pourrait presque sembler légère si, en la suivant, Georges Doncieux n’en venait à rapprocher le contenu du chant armoricain d’un autre texte originaire, cette fois, de Scandinavie, et qui offre également, une certaine parenté avec la Chanson du Roi Renaud.

Une chanson scandinave

Nous partons donc en direction de l’Europe du Nord pour la « Vise » d’un roi, frappé par le sortilège d’un Elfe. On en connait 68 versions dans toute la Scandinavie et elle aurait essaimé à partir du Danemark vers d’autres pays d’Europe. Là encore,  du point de vue de la datation, ses variantes sont toutes au minimum renaissantes (XVIe, XVIIe et postérieures). Et si l’on n’a guère de sources documentées du côté scandinave permettant d’en établir l’émergence plus reculée ou même l’appartenance médiévale, notre romaniste la décrit pourtant comme prenant ses sources dans une période bien antérieure au XVIe siècle (nous verrons plus loin pourquoi).

L’histoire du chevalier Olaf

Cette fois-ci, notre Héros et seigneur (un roi) chevauche hors de son domaine, quand il tombe sur des elfes en train de danser. Sortie de la ronde, l’une de ces créatures l’accoste et tente d’entraîner le noble à sa suite en lui promettant de lui faire cadeau d’une paire de bottes en peau de bouc, s’il se joint à la danse. Comme Olaf s’y refuse, l’elfe surenchérit avec d’autres présents tous plus prestigieux à chaque fois. Le roi se dit prêt à les accepter mais sans toutefois vouloir s’acquitter de la danse et devant son refus tenace, l’Elfe finit par prendre la mouche et le menacer d’un sortilège. La forme est ici extrêmement proche de celle utilisée par la fée dans la chanson armoricaine : « mourir demain ou être malade pendant 7 ans ». Et comme le chevalier fait le choix de mourir le lendemain, le sort chanson_ancienne_la_complainte_du_roi_renaud_histoire_partitions’abattra inexorablement  sur lui.

Là encore, comme dans la chanson armoricaine, c’est la mère qui accueille le roi, de retour au château et comme ce dernier se sait condamner, il lui demande de cacher à son épouse son décès prochain. A partir de là, le récit rejoint le déroulement déjà évoqué dans les deux versions précédentes. On ment à la jeune femme pour lui cacher la terrible vérité et quand elle se trouve face à la vue de son défunt mari, elle se brise en morceau et meurt.

Similitudes et propagation

Cette vise danoise se serait répandue d’abord à la zone scandinave avant de s’étendre à d’autres terres notamment l’Ecosse. De ce côté ci, l’Elfe s’est retrouvé changé en fée vengeresse. après que le noble, baptisé Colvill, lui ait, cette fois, cédé. En poursuivant son passionnant voyage du côté des terres slaves, l’histoire se trouvera dépouillée (là encore) de sa  partie fantastique mais on retrouvera la constante de la mort cachée à l’épouse et qui lui sera fatale au bout du compte (ce qui apporte de l’eau au moulin de notre auteur des débuts du XXe concernant l’hypothèse du modèle d’adaptation de la version armoricaine vers la version française).

Les fées vengeresses du moyen-âge tardif
et les origines germaines ?

Sur la partie qui concerne la vengeance de la fée, on retrouve ce type d’histoire dans des poésies anciennes ou de vieilles croyances scandinaves, anglaises et encore allemandes du XIIIe et du XIVe siècle. Dans la forme la plus commune de ces récits, des hommes auraient connu bibliquement des fées et s’étant mariés par la suite, malgré les mises en garde vengeresses de ces dernières, seraient morts subitement, avant même d’avoir pu consommer leur mariage.

deco_frise_medevial_eustache_deschampsEn se penchant sur cet aspect particulier, Georges Doncieux  évoque un poème allemand du XIVe siècle : le Chevalier de Staufenberg qui contient justement les germes de cette histoire de fée. Un noble se laisse séduire par une femme superbe qui lui promet de venir le visiter pour le satisfaire, à chaque fois, qu’il sera seul, à la condition qu’il ne se marie jamais. Le chevalier y cède sans compter. Las! sous la pression de l’entourage et d’un évêque à qui il s’était confié, le chevalier finit par prendre une dame en épousailles et se voit, pour sa peine, condamner à mourir le jour même de ses noces.

Comme ce récit présente quelques parentés fantastiques (bien que lointaines) avec le chant armoricain du Comte Nann et la vise danoise du roi Olaf, Georges Doncieux forme encore l’hypothèse que cette partie de l’histoire (disparue dans la version connue de la complainte du Roi Renaud) serait peut-être née sur les rives du Rhin. De là, elle aurait pu voyager jusqu’au Danemark pour donner naissance à l’histoire du chevalier Olaf et ensuite redescendre vers l’Ecosse et les pays slaves et celtes.

Quoiqu’il en soit, pour revenir à la Chanson du Roi Renaud et s’il faut en croire notre érudit du jour, ce que, à date, un grand nombre d’experts a fait, elle aurait trouver ses origines dans un chant armoricain lui même inspiré d’une chanson scandinave, avant de se retrouver traduite et remaniée en langue française pour finir par se décliner vers le Sud, dans d’autres langues encore.

Georges_doncieux_romancero_populaire_de_la_frace_chansons_traditionnelles_anciennes_folkloriquesEn espérant que ce petit voyage exploratoire vous ait plu. Il est toujours fascinant de suivre les tentatives pour retracer la circulation des « objets » culturels et immatériels dans la France ou l’Europe médiévale et ancienne et c’est encore un des grands intérêts que nous avons trouvé, à partager avec vous cette lecture.

Encore une, fois n’hésitez pas à vous rendre à sa source pour une vision plus détaillée et plus nuancée des versions qu’en présente l’auteur. Si vous optez pour son ouvrage, vous trouverez d’autres récits tout aussi passionnants que celui du jour, sur d’autres chansons populaires anciennes.  Pour information, ce livre est réédité au format papier chez Forgotten Books. Voir Le Romancéro Populaire de la France, Choix de Chansons Populaires Françaises: Textes Critiques (Classic Reprint)

Sur le sujet de cette chanson toujours, vous pourrez en trouver deux versions chantées dans les articles suivants:  Folk et musique ancienne: la complainte du roi Renaud  par le talentueux Pierre Bensusan  et La complainte du roi Renaud.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

(1) La chanson du Roi Renaud, ses dérivées romanes, sa parenté celtique et scandinave, Georges Doncieux, Romania 114 (1900)

Rolandskvadet, une ballade norvégienne sur la chanson de Roland par le trio Mediaeval

moyen-age_musique_litterature_medievale_vikings_scandinavie_auteurs_medievaux_charlemagne_rolandSujet : musique, chanson, poésie médiévale, scandinavie, Norvège médiévale, Charlemagne, Roland, Haakon V, littérature courtoise, ballade folklorique, chanson traditionnelle, folk médiéval.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Anonyme
Titre : Rolandskvadet, la chanson de Roland
Interprètes : Trio Mediaeval
Album : Folk Songs (2007)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous voyageons vers le nord de l’Europe et les terres scandinaves à la découverte d’une version toute récente de la chanson de Roland qui nous provient de manière presque inattendue, tout au moins en apparence, de Norvège.

Par quel curieux mystère l’histoire et la fin tragique  du  plus fidèle et héroïque guerrier de Charlemagne peut-elle aujourd’hui se retrouver chantée par un trio originaire de Scandinavie dans un album qui met en exergue les chansons traditionnelles et folkloriques de Norvège ? C’est ce que nous allons nous proposer de vous expliquer dans cet article, en remontant le fil de l’Histoire jusqu’au moyen-âge central.

mort_de_roland_roncevaux_legendes_charlemagne_moyen-age_central_manuscrit_ancien_enluminures
Mort de Roland à Roncevaux, VIIIe siècle (778). MS Français 6465 BnF, département des Manuscrits, Grandes Chroniques de France, Jean Fouquet, (Milieu du XVe siècle)

La Karlamagnùs Saga, la geste de Charlemagne en terres noiroises

A_lettrine_moyen_age_passion la fin du XIIIe siècle et sous le règne de Haakon V de Norvège (1270-1319) parut en vieux norrois (le norvégien ancien devenu aujourd’hui l’Islandais), la Karlamagnùs Saga. Le récit contait l’épopée du grand empereur Charlemagne et la chanson de Roland y avait, bien entendu, sa place.  A la même époque et sans doute à l’initiative du souverain, de source sûre et documentée, une quarantaine d’autres récits, romans ou poésies français furent traduits au coté de cette saga. Il y a pu en avoir plus, mais si c’est le cas, ils se sont perdus en cours de route.

Selon la romaniste et médiéviste danoise Jonna Kjaer (1), les traductions sous Haakon V de cette littérature médiévale française participait d’une volonté du souverain « de mettre la Norvège à la hauteur de la civilisation européenne contemporaine« . Pour être plus spécifique, il était notamment question pour lui d’introduire et  de promouvoir à sa cour et « dans son entourage », les moeurs courtoises.

Les textes ont sans doute et en partie transités par l’Angleterre même si les échanges culturels entre la France et la Norvège, dans le courant des XIIe et XIIIe siècles, sont des faits établis, notamment à travers certaines abbayes (Saint Victor à Paris) mais encore par des litterature_medievale_Haakon_V_magnusson_de_norvege_duc_oslo_moyen-age_centralclercs norvégiens venus se former à l’Université de Paris.  Parmi les oeuvres concernées, outre la saga de Charlemagne, on retrouvait aussi des chansons de gestes, des pièces courtoises et encore trois romans arthuriens de Chrétien de Troyes.

Bien entendu, pour des raisons sans doute autant liées à la difficulté de transposer mot pour mot l’univers et le contexte historique français dans lesquels baignait la plupart de ces textes (et notamment les chansons de Geste), autant que pour des raisons idéologiques et politiques, les textes une fois traduits n’étaient pas tout à fait les mêmes que les originaux. On notera, par exemple, avec Jonna Kjaer (opus cité), que le peu de goût pour les croisades du souverain norrois l’ont sans doute conduit à en gommer quelque peu l’ardeur dans les versions traduites. (pour plus de détails, nous vous renvoyons à l’excellent article de la romaniste cité en sources)

Plus tard, au moyen-âge tardif et dans le courant du XVe siècle, un auteur danois vint encore recompiler la Karlamagnus saga pour en produire une version d’un usage plus populaire, en s’aidant aussi d’autres poésies médiévales françaises. Au XIXe siècle, des versions adaptées de cet ouvrage circulaient encore dans les campagnes islandaises ou danoises. Nous trouvons ces faits exposés très clairement dans l’introduction de La chanson de Roland, de l’historien et chartiste Léon Gauthier, datant de 1876 (2)

Rolandskvadet, aux origines de la Chanson
et ballade Norvégienne sur Roland

T_lettrine_moyen_age_passionout cela démontre donc, sans conteste, une réelle popularité de cette saga de Charlemagne en terres scandinaves et, avec elle, la partie qui concerne le chant de Roland de Roncevaux. Cette popularité a perduré au fil des siècles et, de fait, on comprend mieux pourquoi et comment on peut encore, de nos jours, retrouver une chanson norvégienne sur le sujet;  l’intérêt que cette dernière démontre pour l’histoire franque et ses héros vient de très loin.

Si elle fut bien inspirée de la Karlamagnus Saga, cette ballade ayant originellement pour titre  Roland og Magnus kongen (Roland et le Roi Magnus), a été recueillie au début du XIXe siècle par les folkloristes norvégiens. Il semble qu’elle ait été collectée directement auprès des chanteurs populaires issus de la longue tradition des bardes nordiques. Son auteur s’est perdu dans les méandres de la transmission et de la culture orales et nous ne savons pas non plus la dater précisément mais il ne fait aucun doute qu’indirectement au moins elle prend ses racines dans le lointain passé médiéval auquel nous faisions référence plus haut. Depuis, elle a connu de nombreuses variantes; les versions originelles qui comptaient entre 27 et 31 strophes (!) sont quelquefois tronquées, comme c’est le cas de l’adaptation que nous en propose aujourd’hui le Trio Mediaeval.


La Gloire de Roland et de Charlemagne dans l’Europe médiévale

« Roland est un des héros dont la gloire a été le plus oecuménique, et il n’est peut-être pas de popularité égale à sa popularité »
Léon Gauthier la Chanson de Roland

Pour élargir, il est indéniable que la popularité de Roland fut grande, en Scandinavie, comme en de nombreux autres endroits de l’Europe médiévale : Allemagne, Angleterre, Italie, Hollande, … Au moment où les romanciers et poètes du moyen-âge central avaient commencé à donner à la mythologie arthurienne ses premières lettres de noblesse, le roi celte et breton était pourtant loin de rallier tous les esprits à sa cause et à sa référence. Une bonne dose d’imaginaire entourait aussi les récits arthuriens et si on les considérait chant_roland_roncevaux_litterature_chanson_medievale_moyen-age_central« plaisants »  avec Jean Bodel : « Li conte de Bretaigne si sont vain et plaisant », on savait, par ailleurs, que leur nature était, en grande partie, fictionnelle.  Et même si le roi Edouard 1er d’Angleterre dans le courant du XIIIe siècle, se piqua d’intérêt pour l’histoire du roi breton, il fallut compter tout de même sur de notables efforts de l’Abbaye de Glastonbury pour tenter de donner à la légende des chevaliers de la table ronde un fond plus solide de véracité ou au moins de vraisemblance historique.

De son côté, pour romancée, magnifiée ou même encore instrumentalisée que pouvait être l’histoire de Charlemagne et de Roland, ces derniers demeuraient des personnages historiques bien réels et les faits de Charlemagne, grand empereur unificateur, restaient établis à l’échelle européenne. Dans les XIIe et XIIIe siècles et longtemps loin devant Arthur, l’empereur et son fidèle Roland comptaient indéniablement parmi les héros qui faisaient rêver les rois et chanter les bardes jusqu’aux confins des terres de l’Europe médiévale.


La chanson de Roland par le Trio Mediaeval

Le Trio Mediaeval

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaondée à Oslo dans les années 1997 par l’artiste Linn Andrea Fuglseth, la formation vocale norvégienne Trio Mediaeval s’est donnée comme ambition de faire revivre les chants monodiques ou polyphoniques sacrés de l’Italie, l’Angleterre et la France médiévales, mais encore d’y adjoindre des ballades ou chansons plus traditionnelles (ou folk) en provenance des répertoires norvégiens, suédois ou islandais, et réarrangées par leurs soins.

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Vingt ans après sa création, le trio féminin continue de se produire activement.  Sa fondatrice et directrice est aujourd’hui entourée de  Anna Maria Friman et Berit Opheim, cette dernière ayant remplacée Torunn Østrem Ossum qui faisait partie de la formation des origines et l’a quitté depuis. En scène ou sur leurs albums, on peut retrouver les trois chanteuses en trio simple ou accompagnées de divers artistes, ceci pouvant aller jusqu’à des formations et orchestrations plus conséquentes.

Retrouvez leur site et toute leur actualité ici (en anglais)

L’album Folk Songs

Q_lettrine_moyen_age_passionuatrième album du trio, Folk Songs entendait renouer avec les racines traditionnelles et anciennes de la musique norvégienne. Trio Mediaeval faisait appel ici à l’artiste Birger Mistereggen spécialiste des percussions dans la pure tradition norvégienne et signait un album résolument folk et 100% nordique.

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Si l’album vous intéresse ou même simplement quelques unes de ses pièces, vous pourrez le trouver au lien suivant en format CD ou en format dématérialisé MP3 : Folk Songs du Trio Mediaeval

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Les paroles de Rolandskvadet du Trio Medioeval & leur traduction française

NB : mon norrois étant aussi pauvre que la misère sur un jour sans pain, la version française des paroles est adaptée par mes soins à partir de leur traduction anglaise. Elle en a donc clairement des limites, mais elle a au moins le mérite de nous permettre d’approcher le texte original.

Seks mine sveinar heime vera
Og gjøyme det gullet balde;
Dei andre seks på heidningslando
Gjøyme dei jarni kalde.

Six hommes restèrent à l’arrière
Pour garder leur or;
Les six autres au coeur de la lande
Brandirent l’acier froid.

Ria dei ut or Franklandet
Med dyre dros i sadel.
Blæs i luren, Olifant,
På Ronsarvollen.

Ils sont sortis des terres franques
Avec des butins dans leurs selles.
Souffle dans ta corne, Olifant,
À Roncevaux.

Slogest dei ut på Ronsarvollen
I dagane två og trio;
Då fekk’kje soli skine bjart
For røykjen av manneblodet.

Ils se battirent à Roncevaux
Pour deux jours, sinon trois;
Et le soleil était obscurci
Par la puanteur du sang des hommes.

Ria dei ut or Franklandet…
(refrain) Ils sont sortis des terres franques…

Roland sette luren for blodiga mundi
Blæs han i med vreide.
Då rivna jord og jardarstein
I trio døger av leide.

Roland porta son cor à sa bouche ensanglantée
Et souffla dedans de toute sa volonté
La terre trembla et les montagnes résonèrent
Durant trois jours et trois nuits.

Ria dei ut or Franklandet…
(refrain) Ils sont sortis des terres franques…

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« ailleurs » viking, réalités européennes médiévales & « Sacré Charlemagne »…

C_lettrine_moyen_age_passion‘est un fait, de nos jours, une certaine littérature, des mouvements musicaux ou même encore de nombreuses troupes médiévales de reconstituteurs sont fortement attirés par les légendes ou la mythologie nordiques ou par l’histoire de ces vikings qui, venant de leurs terres froides, s’installèrent dans le nord de la France entre la fin du haut moyen-âge et le début du moyen-âge central. Pour autant, on s’en souvient sans doute moins, mais il est amusant de constater qu’à une période médiévale un peu plus tardive, les légendes et l’histoire de Charlemagne en provenance des terres franques, autant que la poésie et les chansons de geste françaises qui les vantaient, influençaient grandement la littérature et les esprits du côté de la Norvège et de la Scandinavie.

chanson_medievale_viking_humour_ballade_norvegienne_saga_charlemagne_scandinavie_moyen-age_central

Sous la pression même de leurs couronnes, on  voyait  alors dans ces oeuvres littéraires le moyen d’introduire des « éléments civilisationnels » en provenance de l’Europe, autrement dit (pour ne pas entrer dans le difficile débat qui consiste à définir ce qu’est exactement une civilisation) des « choses culturelles » auxquelles on prêtait suffisamment de reconnaissance et de crédit, pour vouloir les voir diffuser au sein de son propre territoire,  Contre les conquêtes et les grandes expéditions du haut moyen-âge, la courtoisie et ses valeurs étaient, semble-t-il, devenues les signes d’une certaine modernité, une norme, en somme, qu’on cherchait même à importer, dusse-t-elle être au passage adaptée et quelque peu remaniée.

Pour parenthèse, on notera encore que cette popularité du thème de Roland est encore relativement présente en Norvège puisque cette chanson a connu plus de sept enregistrements par des groupes folk locaux différents, depuis le milieu du XXe siècle. Dans le même temps, en France, nos chansons sur Charlemagne se réduisent à peu près à une contine pour enfants sur l’invention de l’école, reprise par France Gall dans les années soixante et écrite par son père Robert, parolier et chanteur, un peu avant. Sauf tout le respect dû à la mémoire de l’auteur autant qu’à sa belle et talentueuse interprète, disparue récemment et puisqu’il ne s’agit pas de cela, on conviendra tout de même que du point de vue de notre Histoire, nous avons perdu quelques billes en cours de route… Il fallait bien, semble-t-il quelques norroises passionnées de musiques médiévales et anciennes pour venir nous rappeler les glorieux héros de notre moyen-âge.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.


Sources :

(1) La réception Scandinave de la littérature courtoise et l’exemple de la Chanson de Roland/Af Rúnzivals Bardaga. Une épopée féodale transformée en roman courtois ? Jonna KjaerRomania, 1996.

(2)   La chanson de Roland, Par Léon Gauthier, professeur à l’Ecole des Chartes, sixième édition (1876)

Voir aussi ;

La Karlamagnus-Saga, histoire islandaise de CharlemagneGaston Paris, Bibliothèque de l’École des chartes  Année 1864 

Roland og Magnus kongen, (article très bien sourcé de Wikipédia)

De lady Greensleeves à « l’enfant roi », chant profane, chant religieux

musique_ancienne_renaissance_medievale_viole_de_gambe_greensleeves_jordi_savalSujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, ballade. chant de noël, William Chatterton Dix
Période : XVIe, renaissance, moyen-âge tardif et XIXe pour la version du jour.
Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves What is this child ?
Groupe : Adagio Trio
Album : Winter Gift (2002)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avions déjà dédié un article détaillé à la célèbre chanson anglaise traditionnelle Greensleeves dont les traces écrites remontent à la fin du XVIe siècle et qui, on s’en souvient, avait inspiré le non moins célèbre Port d’Amsterdam de Jacques Brel. Après vous avoir présenté ici différentes versions vocales ou instrumentales de cette ballade, en voici donc aujourd’hui une nouvelle. Harpe, flûte et violoncelle, on la doit à un Trio d’artistes d’origine américaine (Etats-Unis) et, si cette interprétation n’est que  musicale, elle nous entraînera pourtant, comme on le verra, du côté d’un chant religieux et chrétien du XIXe, loin de la jeune fille « aux manches vertes » des paroles originelles.

L’Adagio Trio

lady_greensleeves_adagio_trio_chant_de_noel_sur_melodie_musique_medievale_renaissanceFondé dans les années 85, l’Adagio Trio ne se dédie pas exclusivement à la musique médiévale ou renaissante et on le retrouve sur des pièces classiques, folk ou même celtiques, dans un répertoire qui va du profane au religieux. A travers leur interprétation, les trois artistes du trio affichent clairement leur parti-pris : apporter à l’aide de leur musique une forme de paix ou de tranquillité propice à la réflexion, à la méditation ou la « relaxation ». Pour le dire avec leurs mots:  « Experience a sense of tranquility and spiritual renewal through reflective classical, folk, and religious music ».

Ce positionnement et cette intention se ressentent assez bien à travers l’interprétation qu’ils nous proposent ici de Greensleeves. Paisible et déliée, la musique coule littéralement sans heurt. « Easy Listening » ? Si ce terme ne s’appliquait pas d’ordinaire à un autre genre et n’était pas un peu réducteur, il pourrait sans doute leur convenir. 

Greensleeves_chanson_musique_medievale_XVIe_renaissance_folk_ballade_anglaise_trio_AdagioEnregistrée sous le titre « What Child Is This? » et non pas le traditionnel « Lady Greensleeves » qu’on lui connait, la pièce du jour fait partie d’un album dédié à des chants et musiques de Noël ayant pour titre Winter Gift. On le trouve disponible en ligne sous forme de CD ou sous forme dématérialisée. Voici un lien utile pour le trouver:  Album Winter Gift d’Adagio Trio en ligne.

Après plus de trente ans, l’Adagio Trio est toujours bien actif et se produit principalement en concert du côté de son berceau d’origine, aux Etats-Unis.  Sans doute plus occupé sur la scène qu’en studio, leur production musicale en matière d’albums n’abonde pas, mais compte tout de même cinq CDs, avec des sélections originales. (voir le site web officiel en anglais)

Greensleeves : la version de l’Adagio Trio

De Lady Greensleeves au chant de Noël : what child is this ?

Pour y revenir, vous vous demanderez peut-être pourquoi le trio a choisi ce titre « What Child Is This? » (Quel est cet enfant ?) plutôt que l’original Lady GreenSleeves ? Et bien tout simplement parce, dans le courant du XIXe siècle, l’écrivain et parolier anglais de chansons de Noël et d’hymnes William Chatterton Dix (1837-1898) (portrait-ci-dessous) se servit de la mélodie de Greensleeves pour lui adapter les paroles d’un chant qu’il avait composé autour du thème de la Nativité et du Christ. L’oeuvre connut, à son tour, des heures de gloire et demeure même encore particulièrement populaire aux Etats-Unis, au moment des fêtes; elle a été repris, outre-atlantique, par un grand nombre d’artistes.

lady_greensleeves_chant_noel_chretien_musique_medievale_renaissante_profane_William_Chatterton_DixMême si leur version est instrumentale, c’est donc bien à ce Christmas Carol, plus qu’aux paroles originales et à l’histoire de la demoiselle dépensière, libertine (si l’on se fie à ses « manches vertes ») et qui refusait de céder à son pauvre amant transi que l’Adagio Trio fait référence dans son interprétation du jour (en accord avec le thème de leur album).

Quoiqu’il en soit, il est amusant  (d’aucuns jugeront même peut-être troublant), de constater que trois siècles après sa composition, la même mélodie originale – qui, dans le champ profane, avait servi à faire l’étalage des somptueux cadeaux d’un amant à sa maîtresse au coeur de pierre – est venue louer le « divine enfant » et la nativité, démontrant encore la capacité de cette pièce musicale à s’adapter à travers le temps et poursuivre sa route. Sur ce point et encore une fois, ce ne sont pas les amateurs des chansons de Brel qui le démentiront puisqu’un siècle après William Chatterton Dix et sur la même ligne mélodique le grand chanteur et parolier belge emportait Greensleeves sur les docks hollandais et jusque dans « l’coeur des frites », en renouant même, au passage, avec le thème de la femme volage.

Les Paroles de « What Child is this? »
de William Chatterton Dix et leur traduction

What child is this, who, laid to rest,
On Mary’s lap is sleeping?
Whom angels greet with anthems sweet,
While shepherds watch are keeping?
This, this is Christ the King,
Whom shepherds guard and angels sing:
Haste, haste to bring Him laud,
The babe, the son of Mary.

Quel est cet enfant allongé et reposé,
Sur les genoux de Marie en train de dormir?
Que les anges accueillent avec de doux hymnes ,
Pendant que les bergers regardent?
Ceci, ceci est le Christ Roi,
Que gardent les bergers et chantent les anges :
Hâtez-vous, hâtez-vous de lui apporter les louanges,
Le bébé, le fils de Marie.

Why lies He in such mean estate,
Where ox and donkeys are feeding?
Good Christians, fear, for sinners here
The silent Word is pleading.
Nails, spears shall pierce him through,
the cross he bore for me, for you.
Hail, hail the Word made flesh,
the Babe, the Son of Mary.

Pourquoi est il allongé dans une si pauvre étable
Où le bœuf et l’âne se nourrissent?
Bons chrétiens, craignez (tremblez), pour les pécheurs ici
La parole silencieuse implore.
Les clous, les lances le transperceront,
la croix il la porta pour moi, pour vous.
Saluez, saluez le Verbe fait chair,
le bébé, le fils de Marie.

So bring him incense, gold, and myrrh,
Come, peasant, king, to own him.
The King of kings salvation brings,
Let loving hearts enthrone him.
Raise, raise a song on high,
The virgin sings her lullaby
Joy, joy for Christ is born,
The babe, the Son of Mary.

Alors, apportez-lui encens, or et myrrhe,
Venez, paysan, roi, pour le reconnaître.
Le roi des rois venu vous sauver
Laissez les coeurs aimants le couronner (l’introniser).
élevez, élevez un chant très haut,
La vierge chante sa berceuse
Joie, joie car le Christ est né,
Le bébé, le Fils de Marie.

Pour tout savoir sur la chanson anglaise originale Greensleeves, son histoire, ses origines et ses paroles, voir l’article :  Greensleeves, une ballade folk traditionnelle anglaise

En vous souhaitant une belle journée.
Fréderic EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Lady Greensleeves: une version vocale de la célèbre chanson anglaise

musique_ancienne_renaissance_medievale_viole_de_gambe_greensleeves_jordi_savalSujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version vocale
Période : XVIe, début de la renaissance, toute fin du moyen-âge.
Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves
Groupe : Estampie, Graham Derrick
Album : Under The Greenwood Tree (1997)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avons longuement parlé de l’histoire de la chanson anglaise Greensleeves dans un précédent article. Nous vous présentions alors, pour l’illustrer, une version instrumentale interprétée par Jordi Saval et Hespèrion XXI.

Aujourd’hui, pour faire suite à l’adaptation-traduction que nous vous avions alors proposé des paroles de cette chanson, vraisemblablement née sous le règne des Tudors et dont la popularité ne s’est pas démentie dans le monde anglo-saxon depuis près de quatre cents ans, nous vous en proposons une version vocale. On la doit  à une formation anglaise, du nom d’Estampie dans un  album de 1997, dédié aux musiques médiévales et anciennes intitulé ; Under The Greenwood Tree.

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Même si les paroles de Greensleeves furent, à l’évidence, écrites par un homme pour (ou à propos) d’une femme, la version du jour est interprétée par une très belle voix féminine mezzo soprano, celle de Anne Falloon. Pour de nombreuses chansons médiévales, il n’est pas rare que l’art  ou le chant lyrique s’en soient emparé, et de fait les chanteurs masculins semblent plus rares que les chanteuses sur le répertoires des troubadours.

Dans les interprétations vocales masculines que vous pourrez trouver à la ronde, de nombreuses sont polyphoniques et tirent un peu plus cette Lady Greensleeves du côté des chants de noël, ce qu’elle est aussi devenue avec le temps mais comme cela l’éloigne encore plus de ses origines, nous leur avons largement préféré la version du jour. Pour suivre les paroles et tout savoir sur cette chanson n’hésitez pas à consulter le précédent article sur le sujet!

 

En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com.
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C