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L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau: du Vert empoisonné au Vert salvateur

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_vert_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Livre : « Vert, Histoire d’une Couleur » (2013)
Auteur : Michel Pastoureau
Média : émission radio, livre, « conférence »
Titre : « Des goûts et des couleurs : le vert»
Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous reprenons aujourd’hui le fil du cycle d’entretiens proposés par France-Culture et Laure Adler, autour de Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. Après le bleu, le rouge et le noir, c’est donc au tour du vert d’être passé au crible par l’Historien, couleur dont il confesse, par ailleurs, qu’elle est depuis toujours sa préférée. Là encore et à son habitude, l’historien dépassera de loin la dimension sensorielle et perceptive de son objet d’étude – Le vert -pour le mieux cerner dans sa dimension historique et l’approcher de manière culturelle, symbolique et anthropologique.

« La couleur n’est pas seulement un phénomène physique et perceptif ; c’est aussi une construction culturelle complexe, rebelle à toute histoire_couleur_vert_michel_pastoureau_historien_medieviste_conference_programme_radio_interviewgénéralisation, sinon à toute analyse. Elle met en jeu des problèmes nombreux et difficiles. (…) La couleur est d’abord un fait de société. Il n’y a pas de vérité transculturelle de la couleur, comme voudraient le faire croire certains livres appuyés sur un savoir neurobiologique mal digéré ou – pire – versant dans une psychologie ésotérisante de pacotille. »
Michel Pastoureau, Communication 2005, Académie des Beaux-Arts

Stigmates : d’une instabilité chimique
à une ambivalence symbolique

Couleur emblématique et sacrée de l’Islam, il semble que le vert ait connu un destin plus houleux et moins consensuel du côté de l’occident antique et médiéval. Est-ce la présence dans le colorant dont on use pour la produire d’un poison, le vert de gris, qui histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videosl’explique ou même  les difficultés en teinture, une fois le vert obtenu, de le maintenir et de le faire durer? Sans doute cela a-t-il pu y contribuer.

Même si le fait n’épuise pas, à lui seul, l’Histoire symbolique de cette couleur à travers les âges et les réserves qu’on a pu émettre sur son usage, notamment dans le champ du textile et du vêtement, il demeure fascinant de penser que la difficulté de le fixer chimiquement ait pu en faire une couleur dont on s’est souvent défié et qui semble, du même coup, résister à se laisser figer, une fois pour toute, dans des symboles clairs. Selon Michel Pastoureau, elle reste en effet, à travers l’Histoire la couleur de l’instabilité, de l’ambivalence, du changement et les premiers tâtonnements chimiques pour la maîtriser, autant que sa nature « empoisonnée » l’ont chargés, pour longtemps, de superstitions tenaces.

Lien vers ce même podcast sur le site officiel de France-Culture

D_lettrine_verte_moyen_age_passionurant des siècles, on a également cru que le vert portait malheur, car, pour le fabriquer, on a utilisé des produits extrêmement dangereux. (…) Autrefois, comme on avait du mal à teindre les tissus en vert, on portait des vêtements peints avec du vert-de-gris et selon une tradition qui n’a pas été vérifiée, Molière aurait rendu l’âme un jour où il était habillé de vert, les vapeurs de vert-de-gris pouvant entraîner la mort.  Michel Pastoureau, Vert : Histoire d’une couleur.

Molière ? Peut-être même Napoléon, emporté par le vert et l’arsenic contenu dans les murs qu’il avait fait repeindre de la couleur qui lui était si chère? Vert empoisonné, vert turbulent et rebelle, vert de la fortune comme des « revers » du sort, elle sera encore, au moyen-âge tardif, la histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videoscouleur des démons et des diables tapis dans l’ombre, peut-être encore celle des forêts profondes et mystérieuses et des êtres magiques qui s’y nichent.

Du vert considéré comme la couleur du « barbare » chez les romains, elle connaîtra tout de même quelques succès dans la chevalerie et la littérature courtoise au moyen-âge central, pour perdre à nouveau quelques galons du XIVe au XVIe en devant la couleur attitrée du Diable. On se souvient encore qu’elle sera le symbole de l’inconstance et de la femme facile, comme nous en avions parlé à l’occasion de l’article sur la célèbre chanson anglaise GreenSleeves. Elle aura tout de même, entre temps, conquis les fonds marins et le monde aquatique dans les représentations picturales et graphiques, avant de reprendre, à travers le temps, sa marche symbolique hasardeuse, faite de dénigrement et de « tièdes » promotions.

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Du dénigrement à la promotion :
Le Vert pour sauver le monde

« On lui a donné le feu vert, et même confié une mission de taille : sauver la planète ! C’est devenu une idéologie : l’écologie  »
Michel Pastoureau, Entretien, Telerama, Propos recueillis par Juliette Cerf

C_lettrine_moyen_age_passionomme il demeure étonnant de penser, en suivant les pas de Michel Pastoureau, que la nature ait pu attendre le XVIIIe siècle pour devenir « verte », démontrant bien, là encore, la dimension culturelle et symbolique des couleurs. Aujourd’hui couleur hygiéniste et sanitaire – le vert de la nature, le vert de la propreté – elle est aussi pratiquement confisquée politiquement, comme le rouge le fut (et l’est peut-être encore sûrement d’ailleurs), dans les esprits. Il souffle aussi sur le vert un vent de liberté reconquise, mais peut-être là encore, contient-il ce vent là, une touche d »anticonformisme, une liberté en forme de retour à la nature, hors histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videosdu social et hors des villes. La belle couleur indomptable essaierait-elle encore d’échapper par ce biais aux sociétés et aux cultures qui prétendent la saisir et l’instrumentaliser, en gardant son double tranchant?

Au final, on suivra là encore avec intérêt et fascination le projet entrepris par Michel Pastoureau pour faire des couleurs un véritable objet d’étude historique. Peut-être fallait-il qu’il compte dans sa famille trois oncles peintres, un père passionné d’art qui le mène tout jeune au musée, et qu’il se soit lui-même essayé quelques temps aux toiles et aux pinceaux. pour devenir, pour notre plus grand plaisir, d’un historien passionné, un chasseur de couleurs ?

Le vert : plus qu’un beau livre d’Histoire,
un beau livre d’Art

Au delà du programme radio et de l’article que nous présentons ici, il faut vraiment souligner la grande qualité des ouvrages de Michel Pastoureau sur les couleurs, dans leur  édition originale ( au Seuil ). Au delà de sa nature informative et académique, cette histoire de la couleur verte est un superbe objet qui se situe, à mi chemin entre le livre d’Histoire et le livre d’art. Vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessous pour en avoir un aperçu.

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L’ouvrage est toujours disponible à la vente en ligne, dans son édition originale; en voici le lien : Vert. Histoire d’une couleur (relié). Pour les bourses plus modestes, il est aussi paru dans un format poche, chez Points :Vert – Histoire d’une couleur.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

l’homme au coeur de l’histoire et l’histoire au coeur des sciences de l’homme

histoire_questionnement_sciences_humaines_anthropologie_liberte_representations_symboliquesSujet : citations  histoire, historien médiéviste, Michel Pastoureau,  Sciences humaines, anthropologie et histoire, réflexions , pluridisciplinarité,  histoire des symboles et des représentations, liberté, sociologie.

“La préférence individuelle, le goût personnel existent-ils vraiment ? Tout ce que nous croyons, pensons, admirons, aimons ou rejetons passe toujours par le regard et le jugement des autres. L’homme ne vit pas seul, il vit en société.”
Citation de Michel PASTOUREAU, historien médiéviste,  Bleu : Histoire d’une couleur

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour ne pas être ciblée uniquement sur le monde médiéval,  cette citation de Michel Pastoureau reste un axiome pour tout amateur ou chercheur en sciences humaines. L’homme, animal social, n’existe qu’en relation. Il « épouse » ou « contredit » dans des positions ou des histoire_libre_arbitre_empreinte_determinisme_sciences_humaines_anthropologie_symbolespostures qui n’en finissent pas d’interroger ou de refléter, en miroir, le contexte social, culturel et historique dans lequel il se trouve pris. Et même le deux-plumes d’Edouard Sapir,  interrogé dans sur la culture de sa tribu et qui n’était jamais de l’avis de personne, ne pouvait s’y soustraire.

Echapper aux déterminismes, exercer notre  libre arbitre, espérer faire le deuil de nos « habitus » en faisant la nique à Bourdieu, bien sûr, nous en avons quelquefois soif, mais aux frontières de nos conformismes comme de nos échappées belles, nous demeurons le produit d’un contexte et nous évoluons dans un champ de symboles et de représentations dont les contours nous sont tracés.  Alors, si la beauté de nos itinéraires existe, sans doute est-ce dans le dessin et les motifs que nous laissons de nos empreintes, sur la toile  figée de ces espaces possibles.  Le « génie », ou celui que l’on pointe du doigt comme tel, y  échappe-t-il ou ne fait-il que les réagencer en se juchant un peu plus haut, à des hauteurs qui lui permettent de regarder un peu plus loin ? Il faut relire l’archéologie du savoir de Foucault pour trouver quelques éclairages sur ces questions.

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De la même façon, la richesse, la distinction unique et ce qui fait nos différences, sont toutes entières contenues dans ces déterminismes. Combien de  vocables pour décrire le sable chez les Touaregs, là où nous ne voyons que des dunes? On pense encore à cette tribu indienne d’Amérique latine dont Jean Stoetzel nous parlait dans sa psychologie sociale et qui étaient les seuls à percevoir dans le ciel, une étoile que nul autre ne voit.  Alors, prenant la mesure de notre histoire_sciences_humaines_complexite_pluridisciplinarite_citation_michel_pastoureaupropre ignorance et touchant du doigt les merveilles et les richesses insoupçonnables de tous les ailleurs possibles, on ne peut s’empêcher d’attraper le vertige, celui-là même qui effleure l’historien, face à un manuscrit ancien exhumé du passé et découvrant un simple texte  qui paraît vouloir lui parler, dans lequel il retrouve des mots même semblables aux siens, mais qui cache pourtant,  il le sait, des trésors de monde à reconstruire.

L’Histoire, complexité et pluridisciplinarité

Face à cette vérité et cet axiome, l’histoire  est devenue une science pluridisciplinaire qui tente de restituer les sociétés du point de vue non plus simplement  de leur chronologie mais qui, bien au delà, fait le pari de resituer les hommes du passé dans une histoire des symboles et des représentations, autant que dans les intrications culturelles, psychologiques et sociologiques dans lesquels ils se trouvaient pris.

C’est un travail de reconstruction complexe et subtil, une monographie patiente qui fait appel, bien au delà de la paléographie, l’analyse des sources et documents anciens,  ou l’approche des traces factuelles du passé grâce à l’archéologie sous ses formes les plus diversifiées et pointues, aux méthodes et aux apports de toutes les autres sciences humaines, et même encore, nouvellement aux données de sciences récentes comme la climatologie.

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En changeant de visage au fur et à mesure de l’évolution des autres sciences pour élargir ses vues, l’Histoire a su opérer sa remise en cause autant que prendre la mesure de sa propre complexité. Elle a su encore retourner sur elle-même son propre regard en développant l’Historiographie pour chercher à mieux se comprendre et pour interroger ses processus de gestation idéologiques, contextuels et sociaux. Gourmande de tous les histoire_libre_arbitre_empreinte_determinisme_sciences_humaines_anthropologie_symboleséclairages, ouverte à tous les questionnements,  jamais  elle n’a été aussi vivante, vibrante  de tout embrasser. Il n’y a plus de certitudes confortables et l’on peut quelquefois s’en offusquer, habitués que nous étions à recevoir d’elles des réponses simples, mais elle y a substitué la passion de l’inconnu et, avec elle, une curiosité insatiable. Signe de maturité, nulle doute qu’elle y a aussi gagné en humilité. .

Michel Pastoureau est un de ces médiévistes qui pense la complexité historique en perspective et ses ouvrages  le place au coeur de questionnements devenus aussi anthropologiques. Vous pouvez découvrir quelques unes de ses conférences  dans les articles suivants :

universite_ete_ecole_nationale_chartes_histoire_medievale_patrimoine_moyen-ageVous pourrez  encore le retrouver comme intervenant et enseignant dans la formation unique  sur l’Histoire et le Patrimoine proposée par l’Ecole Nationale des Chartes, ce mois de juillet :
l’Ecole d’été de l’Ecole nationale des Chartes : excellence et prestige au service de l’Histoire.

En vous souhaitant une merveilleuse journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau : le Noir

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_noir_blanc_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, , anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Livre : « Noir, histoire d’une Couleur »
Auteur : Michel Pastoureau
Média : émission radio, livre, « conférence »
Titre : « Des goûts et des couleurs : le noir et le blanc»
Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons, ici, le troisième volet des interviews donnés par l’historien médiéviste Michel PASTOUREAU, à la journaliste Laure ADLER de France Culture, au sujet de l’histoire des couleurs à travers les âges.

couleur_histoire_moyen-age_michel_pastoureau_conference_monde_medieval_noirC’est, cette fois-ci, à la découverte du noir et du blanc et de leur symbolique changeante que le programme nous entraîne. On y apprend que le noir gagna peu à peu son statut de couleur, même si au fond il n’a jamais vraiment pu figurer seulement qu’une absence. Dans le courant du XXe siècle, sa mode venue du Japon, a perduré encore longtemps de notre côté du monde et l’esprit zen n’y est certainement pas étranger; les Kolomos des moines qui le pratiquent y sont encore de cette couleur qui porte, dans sa symbolique zen, la marque de la sobriété, de l’humilité et, finalement, d’une certaine volonté de non paraître. Couleur peut-être encore d’une mort symbolique déjà là, pour ceux qui ont fait le voeu de renoncement aux désirs et aux attachements, face à la marche de l’univers et du temps.

histoire_couleur_noir_moyen-age_michel_pastoureau_conference_livre_monde_medieval_anthropologieOn revisitera aussi, avec l’historien, les noirs de Pierre Soulages et de son Art pictural d’Outrenoir. Et suivant les méandres de ce noir et de ce blanc et leur dialogue en miroir,  on regrettera presque, en accord avec lui et  François Truffaut, que l’arrivée de la couleur au cinéma soit venue si souvent brouiller des codes que le noir et blanc rendaient presque transparents. Disant cela, il vous reviendra peut-être en mémoire, l’image de Peter Falk, en ange incarné, qui se frotte les mains après un café, dans le froid d’un matin d’hiver, face à un Bruno Gantz, encore entre deux mondes, dans les Ailes du Désir de Wim Wenders, ou, peut-être encore, une photo de Robert Doisneau saisissant  un instant de vie pour le figer, à jamais, dans une éternité de noir et blanc.

Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier
Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier

Et puis, sur les rivages de ce débat ancien, Noir pur d’une sobriété toute chrétienne ou Noir de l’obscurité, de la mort ou de la peur ancré à jamais dans les parties les plus grégaires de nos subconscients, et en miroir encore, Blanc de la pureté ou blanc de l’apparat et du paraître. Michel Pastoureau évoquera aussi les luttes médiévales entre moines blancs et moines noirs sur le territoire d’une symbolique et d’une pratique spirituelle, qui, au XIIIe siècle, finira par interroger au delà des couleurs de robes le statut tout entier de moines comme celui de l’Eglise: les blancs et riches cisterciens et les ordres mendiants aux couleurs de loups.

Les goûts et les couleurs; le noir et blanc


Lien direct vers le même podcast sur le site de France-Culture

En vous souhaitant une bonne journée.
Fred
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau: rouge sang, rouge feu, rouge passion

conference_monde_medieval_couleurs_symbolique_moyen-age_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Média : émission radio, livre, « conférence »
Auteur : Michel Pastoureau
Titre : « Des goûts et des couleurs : le rouge»
Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler

« On ignore encore tout de l’usage que les hommes préhistoriques faisaient de l’ocre et autres colorants, mais on peut aller jusqu’à imaginer, sur la foi des documents ultérieurs, que, comme à partir de 35000 les Aurignaciens, ils créaient des formes, symbolisaient le sang et la vie avec le rouge, disposaient des différentes teintes pour leur décoration corporelle »
Emmanuel Leroi-Gourhan

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions aujourd’hui la deuxième vidéo du cycle de France Culture dédié à Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. L’entretien, mené par Laure Adler, traite cette fois-ci du rouge et fait suite à l’histoire du bleu.

histoire_couleur_rouge_moyen-age_conference_monde_medieval_michel_pastoureauLe rouge est parmi les premières des couleurs que l’homme a su fixer et teindre. On la retrouve  déjà  à la préhistoire avec les empreintes de main dans des centaines de cavernes et de grottes de par le monde et elle est alors obtenue à partir d’ocre mêlé d’oxydes de fer.

(ci-contre portrait de Michel Pastoureau, historien médiéviste)

La symbolique du rouge à travers les âges

« Contrairement à ce timoré de bleu, le rouge, lui, est une couleur orgueilleuse, pétrie d’ambition et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir et qui est bien décidée à en imposer à toutes les autres. Méfiez-vous de lui : cette couleur-là cache sa duplicité. Elle est fascinante, et brûlante comme les flammes de Satan. »
Michel Pastoureau – Couleurs, le grand livre

D_lettrine_moyen_age_passionepuis la protohistoire et à l’image du bleu, le rouge en occident a connu une histoire changeante au niveau symbolique. Couleur politique du XXe où quand aimer le rouge était l’expression d’une conviction politique et plus seulement un goût personnel, on apprend encore que, pendant une longue période et jusqu’au XIIIe siècle, qui consacrera le mariage chrétien et l’importance d’afficher sa virginité, la mariée, n’était ni en blanc, ni en noir, mais en rouge. Rouge de tous les possibles, cette couleur fut encore à travers les âges le réceptacle de bien d’autres symboles: danger, guerre, fête, amour passion, sexualité transgressive, couleur du sang, du mal ou du bien, couleur du feu purificateur de l’esprit sain ou du feu destructeur des enfers, la beauté, la colère…rouge_danger_humour_histoire_pprehistoire_couleur_michel_pastoureau Combien de sens changeants pour ce rouge, dont la charge puissante ne se démentira pas et qui, à travers les époques, passera encore sans complexe de l’homme guerrier à la femme fatale?

(ci contre main préhistorique de la grotte du Pech Merle, Lot, -25000 ans légèrement détournée par nos soins, pardon pas pu résister. En même temps rouge danger donc bon…)

Avec cette couleur  à la grande élasticité symbolique et dont l’émotionnel semble parfois rester la seule constante (on en rougirait presque), se trouve posé bien clairement l’impossibilité de chercher des sens figés associés aux couleurs sans les mettre en perspective historique, (ça on l’avait déjà compris) mais encore les difficultés qui subsistent, au delà même de l’analyse historique, à les enfermer dans des définitions symboliques étriquées et simplistes. Et ce n’est peut-être pas par hasard si ce rouge qui coule jusque dans nos veines est aujourd’hui encore chargée de connotations complexes comme si elle contenait en elle un potentiel tout à la fois sacré et interdit, prêt à exploser à chaque instant.


Lien vers le même podcast sur le site de France Culture

Rubia tinctorum. La garance des teinturiers

Les lois font les bagnes, les moeurs font les lupanars. La lumière crée le peuple, la nuit enfante la plèbe. La veste rouge du forçat est taillée dans la robe rouge du juge.”                                                                      Victor Hugo

C_lettrine_moyen_age_passiononnu depuis l’antiquité, on utilisait déjà les racines et les rizhomes de la garance en Egypte, 1500 ans avant notre ère et elle était aussi connue des grecs et des romains. En France, elle fut cultivée de manière intensive jusqu’à l’extraction au rubia_tinctorum_garance_teinture_medievale_histoire_couleurs_michel_pastoureau_moyen-agedébut du XIXe siècle et en 1835 de son composé chimique: l’alizarine, qui en supplanta l’utilisation, progressivement.

Au moyen-âge, pour obtenir le rouge, on connaissait aussi l’usage en teinture de la cochenille et  du Kermes vermilio, insecte que l’on récoltait et que l’on faisait sécher avant de le réduire en poudre. Cette culture se faisait dans le sud de la France, en Languedoc et en Provence, et fit entre autre la célébrité de la ville de Montpellier pour ses rouges écarlates, dans le courant du XIVe siècle. Ces tons vifs ayant un coût de production toutefois bien supérieur à la garance, cette dernière était d’usage bien plus commun.

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Nuance de rouge obtenu avec l’utilisation de garance

Sur ce, je vous laisse, j’ai eu ma dose de rouge pour aujourd’hui et je vais me mettre un peu au vert.

En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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