Archives par mot-clé : Henri III

Le château de Ewloe, bastion de la resistance galloise dans l’Angleterre médiévale des XIIe et XIIIe siècles

mondes_3D_virtuels_rue_médiévale_unity_3D_jeux_videosSujet : château-fort, reconstitution 3D, vidéo, architecture médiévale, angleterre médiévale, Pays de Galles monument historique, patrimoine anglais.
Période : Moyen-âge central, XIIIIe siècle
Lieu : Château de Ewloe ( Flintshire, pays de Galles, frontières anglaises)

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial y a quelque temps de cela nous avions partagé ici une belle reconstitution 3D du château de Flint au pays de Galles et nous avions touché, à cette occasion, un mot de l’histoire de l’Angleterre médiévale.  Aujourd’hui c’est un autre château que nous vous présentons. Il a lui aussi joué son rôle dans le cadre du même conflit qui opposait la couronne anglaise aux natifs gallois.

ewloe_chateau_fort_gallois_angleterre_europe_medievale_moyen-age_central

Situé lui aussi au nord du pays de Galles et dans le comté du Flintshire,  à quelques lieues du site du château de Flint et à deux pas de la frontière anglaise, le site d’Ewloe connut plusieurs épisodes houleux de Henri II d’Angleterre, à son fils Henri III et finalement ,jusqu’au fils de ce dernier, Edouard 1er. Nous en avions parlé dans notre article précédent, c’est ce dernier souverain, qui, d’une main de fer et notamment au moyen d’un grand maillage de forteresses, mit un terme à la résistance galloise qui s’efforçait de regagner le terrain qui lui avait été confisqué depuis les campagnes de Guillaume le conquérant, autour de 1066 et contre les seigneurs de la Marche que le normand avait mis en place derrière lui.

Henri II d’Angleterre, Owain Gwynedd et
La bataille d’Ewloe ou de Coleshill

P_lettrine_moyen_age_passion copiaeu après son accession au trône, Henri II d’Angleterre décida de lancer une campagne en galles pour y rétablir l’ordre et y restaurer la couronne. En 1157, parti de Chester, avec dit-on près de 30 000 hommes, il entendait remonter vers le nord du pays de galles pour le reconquérir mais l’affaire ne fut pas si simple. Il croisa, en effet, bientôt l’opposition galloise sur sa route. Dans le but de la prendre à revers, le souverain anglais envoya son avant-garde dans la forêt d’Ewloe. Erreur fatale. Ses hommes s’y feront piégés et le site sera le théâtre d’une grande victoire des gallois. Les gallois menés par les fils de Owain Gwynedd  y mettront ainsi en déroute les armées d’Henri II.  L’histoire raconte même que le roi anglais manqua d’être tué durant cette bataille qui entra Owain_Gwynedd_armoirie_supposee_angleterre_pays_de_galles_europe_medievale_moyen-age_centraldans la légende du côté gallois, d’autant plus  que ces derniers se trouvaient, à ce que l’on conte, en large sous nombre par rapport aux anglais.

(ci-contre armoiries « supposées » de Owain Gwynedd, non vérifiée historiquement)

Même si Henri II put tout de même, suite à cette bataille, poursuivre ses avancées et contraindre Owain à une trêve, en entreprenant une nouvelle campagne près de 10 ans plus tard et en 1165, il prendra cette fois, une autre route. Il est possible que le souvenir douloureux de l’affront reçu à Ewloe l’y ait poussé. L’histoire ne le dit pas, mais les gallois aiment à le supposer.

Reconstitution de Ewloe par DEXTRAVISUAL

Ewloe sous le règne de
Llywelyn ap Gruffudd, dernier prince gallois

I_lettrine_moyen_age_passion copial est difficile de savoir si le site bénéficiait déjà au XIIe siècle et au moment de la bataille d’Ewloe, d’une construction fortifiée. Si c’est le cas, elle ne semble pas avoir joué de rôle dans les échauffourées qui se passèrent principalement en forêt.  Il faut donc faire un bond, un siècle plus tard, sous Llywelyn ap Gruffudd (ou Gruffyddpour retrouver la trace d’une partie de la construction dont on peut observer de nos jours les vestiges.

Le château-fort d’Ewloe compte d’ailleurs parmi les derniers, sinon le dernier, à avoir été édifié de la main d’un seigneur gallois natif.  Nous sommes au milieu du XIIIe siècle, sous le règne d’Henri III, et le grand seigneur et stratège gallois, encore connu sous le nom de Llywelyn le Dernier (voir article précédent) allait commencer à Ewloe_chateau_fort_architecture_medievale_reconstitution_3D_angleterre_moyen-ageregagner à nouveau du terrain sur la couronne anglaise.

Après avoir repris le site d’Ewloe en 1257, il y engagera  la construction d’une forteresse de pierre. En 1265 et depuis cette position fortifiée, le gallois fera même tomber le château de Hawarden, à quelques kilomètres de là.

A l’occasion du traité de  Montgomery de 1267, les terres furent reconnues à la main du Prince de Galles, mais dix ans plus tard, face aux alliances de ce dernier avec Simon de Montfort, le fils d’Henri III désormais couronné Edouard 1er ne l’entendra pas de cette oreille. Il lancera une campagne qui durera de 1277 à 1283 et aura définitivement raison de la résistance galloise.

Le pays de Galles à la main de Edouard 1er
et la fin du château d’Ewloe

A_lettrine_moyen_age_passionprès avoir assis son autorité dans le Flintshire, le roi d’Angleterre boudera le site d’Ewloe et lui préférera, de loin, le château de Flint, nouvellement édifié, plus vaste et bien plus stratégique du point de vue militaire (structure défensive plus efficace, ravitaillement en troupes et en logistique facilité par voie maritime).

Eléments d’architecture défensive

De son côté, sis sur un monticule rocheux, le château d’Ewloe était noyé au milieu d’une dense végétation forestière qu’il surplombait de ses hauteurs. A l’époque de son occupation, il faut supposer que ses abords étaient clarifiés afin de détecter l’approche d’assaillants potentiels et pouvoir les accueillir, le cas échéant, avec quelques jets nourris de flèches ou de carreaux d’arbalète.

Du point de vue architectural, il était bordé d’un fossé et possédait une structure commune à d’autres châteaux gallois de la même période. A l’image de certaines mottes castrales, il était doté d’une double enceinte : une autour de la basse-cour, l’autre protégeant la haute cour et son donjon. A l’opposé de ce dernier, une autre tour flanquée venait encore protéger l’autre pointe de l’édifice. L’accès à la basse cour s’effectuait par une simple porte, ménagée dans le mur d’enceinte. L’entrée la plus large se trouvait, quant à elle, du côté de la haute cour et était accessible au moyen d’un pont enjambant le fossé. (voir photo plus haut dans l’article)

Ewloe_chateau_fort_architecture_europe_medievale_angleterre_moyen-ageA la fin du XIIIe siècle, le site étant tombé à l’abandon, les belles pierres de Ewloe seront, comme pour beaucoup d’autres  édifices de cette période, pillées ou réutilisées à la faveur d’autres projets. De la gloire passée de Llywelyn le Dernier, il ne reste aujourd’hui à Ewloe plus que quelques murs debout pour encore en témoigner. Comme Flint, le château de Ewloe et la préservation de ses restes ont été confiés au CADW, organisme gallois pour la sauvegarde et la protection du patrimoine.  Encore une fois, il faut rendre grâce ici au travail d’infographie 3D de la chaîne DextraVisual qui nous fournit l’occasion d’approcher de plus près l’histoire mouvementée de l’Angleterre médiévale, tout en nous donnant les moyens de visualiser l’édifice après sa construction.

Malgré la longue résistance du pays de Galles, ce dernier n’échappera toutefois pas à son destin. Le XIIIe siècle est un siècle d’expansion pour les souverains de l’Europe médiévale et ces derniers s’évertuent à regagner du terrain sur des provinces perdues ou même à en conquérir de nouvelles. Contre les pouvoirs et les « identités » régionales, contre les seigneuries, les baronnies ou les duchés, l’Europe des nations est en marche, ou à tout le moins en gestation, et c’est d’abord et avant tout une Europe qui se construit contre les dérives de la féodalité, autour des monarques et des couronnes et de leur volonté de centralisation.

En vous souhaitant une excellente  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.


Sources :  

The Medieval Castles of Wales Par John R. Kenyon,
University of Wales Press, 2010.

Le site web Castlefortbattles de l’historien James Lancaster

Black’s picturesque guide to North Wales (1874)