Archives par mot-clé : Hespèrion XXI

troubadour et trobairitz : quand GUiraud de bornelh tentait de sauver un amour perdu

Sujet  : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, tenso, troubadour, manuscrit médiéval, occitan, oc, amour courtois, razo, trobairitz
Période  : Moyen Âge central, XIIe et XIIIe s
Auteur  :  Guiraut de Bornelh, Giraut de Borneil, Guiraut de Borneill, (?1138-?1215)
Titre : Si’us Quèr Conselh, Bel Ami Alamanda
Interprètes : Hespèrion XX, Jordi Savall ‎
Album : Cansos de Trobairitz, España Antigua

Bonjour à tous,

ous vous entraînons, aujourd’hui, du côté du pays d’oc médiéval, en compagnie du troubadour Giraut de Borneil. Cette fois-ci, c’est dans une « tenson » (tençon) que nous le retrouvons. cette forme littéraire occitane qui consistait, au Moyen Âge, en un dialogue ou, si l’on préfère, une joute poétique entre deux protagonistes.

La chanson du jour suivant les razos

En lisant à travers les lignes de la poésie du troubadour, un récit biographique (razo) nous contera que ce dernier s’était épris d’une dame gasconne du nom d’Alamanda d’Estanc. La noble était alors réputée pour son esprit autant que sa beauté et, longtemps, il la courtisa, la suppliant de lui céder, à grand renfort de chansons, de louanges et de promesses courtoises qu’on n’a peine à imaginer.

Le razo nous dit que la dame ne céda jamais totalement aux avances de Giraut mais qu’elle se laissait gentiment courtiser. Pour l’encourager, elle lui avait même laissé son gant en gage, ce qui avait contenté le poète et avait même fait, longtemps, sa joie. Hélas, notre troubadour aurait fini par perdre le gage et en aurait éprouvé beaucoup de peine. Pour couronner le tout, quand la dame l’apprit, elle s’en offusqua grandement, accusa notre homme de trahison et rejeta même, à partir de là, son amour et ses avances. Meurtri, dolent, et dans le plus grand désarroi, Giraut alla demander conseil à une autre damoiselle du nom de Alamanda également. La donzelle, suivante de la dame ou proche d’elle, était très sage. Au fait des choses de l’amour et de la courtoisie, elle aurait même maîtrisé l’art de « trobar ». Aussi, Giraut s’en remit à elle. Cherchant conseil autant qu’une alliée susceptible d’intercéder auprès de la dame, il lui conta ses misères de cœur. C’est là que serait intervenue la tenson du jour : elle met en scène l’échange verbal entre cette deuxième Alamanda et le poète en détresse, suite à ses déconvenues amoureuses.

Le razo original en langue d’oc

« Giraut de Borneil si amava una dompna de Gascoina qe avia nom N’alamanda d’Estanc. Moul era prezada dompna de sen, et de . . . valor e de beutat, & ella si sofria los precs el entendemen d’en Giraut, per lo gran enansamen qu’el li fazia de dretz e d’onor e per las bonas chansos qu’el fasia d’elle, don ella s’en deleitava mout, per qu’elle las entienda ben. Lonc temps la preget, & ella, com bels ditz e com bels honramenz e com bellas promissions, se defendet de luis cortezamen, qe anc noil fetz d’amor nil det nuilla joia, mas un son gan, dont el visquet lonc temps gais e joios, e pueis n’ac mantas tristessas, qant l’ac perdut; que madomna n’Alamanda quan vi qu’el la preissava fort qu’ella li feses plaser d’amor, e saub q’el avia perdut lo gan, ella s’en corozet del gan, dizen que mal l’avia gardat, e qu’ella noil daria nulla joia ni plaser noil faria mais d’amor, e que so qu’elle li avia promes li desmandava, qu’elle vesia ben qu’el era fort loing eissitz de sua comanda. Quant Girautz ausi la novella ocasion el comjat que la domna li dava, mout fo dolens e triz, e venc s’en ad una donzella qu’ell avia, que avia nom Alamanda, si com la domna. La doncella si era mout savia e cortesa, e sabia trobar ben et entendre . E Girautz sil dis so que la domna li avia dit, e demandet le conseil a la doncella que el devia far et dis : Si us quer conselh, bel’ ami’ Alamanda. »

Les Biographies des troubadours en langue provençale – Camille Chabaneau (Ed Edouard Privat -1885)

Trier le vrai du faux ?

Récit alambiqué ? Très certainement romancé en tout cas. En suivant les pas de Michel Zinc, il faut bien se souvenir que les vidas et les razos des troubadours, écrites longtemps après ces derniers, sont d’abord à appréhender comme des récits épiques et littéraires. Ils se basent, d’ailleurs, en majeure partie, sur la poésie de l’auteur qu’ils synthétisent en la prenant au pied de la lettre, puis en la romançant.

Si l’histoire du gant est plausible dans le contexte courtois – Don par la dame d’un gage pour signifier l’existence d’un lien affectif, qui semble au passage provenir d’un rituel vassalique (1) elle n’est confirmée, à aucun moment, par le troubadour lui-même dans cette chanson. S’agit-il d’une allégorie de la part de l’auteur du razo ? Comme on le verra, s’il a existé, ce gant ou ce gage perdu n’est pas posé, dans cette tenson, comme l’objet véritable de la discorde. Trahison du poète plus loyal amant sur le papier que dans les faits ? Trahison de la dame ? La perte de ce gage ne serait elle pas plutôt une excuse de sa part, pour balayer son prétendant courtois d’un revers de main ? Un autre razo (à prendre avec les mêmes réserves que le premier), penchera clairement en faveur de cette hypothèse, n’hésitant pas à affirmer que la Dame avait trahi plusieurs fois l’amour et la confiance de Giraut. C’est d’ailleurs ce que le poète suggèrera, lui même, ici, pour se défendre.

Une Alamanda peut en cacher une autre

En suivant la piste de la véracité historique, on s’étonne un peu de la coïncidence des deux prénoms au point de se demander si le poète ne joue pas au jeu de la chaise vide, en s’inventant une conseillère imaginaire ou, peut-être même, des amours imaginaires. Si cette deuxième Alamanda a vraiment existé, la relation que Guiraut a entretenu avec elle, apparaît, en tout cas, bien étroite et familière dans cette poésie.

Au jeu habituel des devinettes médiévales et à 800 ans de distance, un certain nombre d’érudits penche, en tout cas, en faveur d’une Alamanda troubairitz réelle contemporaine de Guiraut de Bornelh. Certains auteurs parlent, notamment, d’une certaine Alamanda de Castelneau, troubairitz à la cour de Toulouse. Dans cette hypothèse, elle aurait pu avoir écrit sa part de vers, dans cet échange plutôt rythmé, qui se joue sur fond de franchise. Pour d’autres médiévistes, le tout est plutôt à mettre au crédit de Giraut, ou même totalement de cette dame Alamanda.

De notre côté, nous ne nous aventurerons pas à trancher. Aussi, pour courir après l’historiographie de toutes ces possibles Alamanda, réelles, historiques, fictives ou hypothétiques, vous pouvez vous reporter valablement à l’ouvrage suivant de Robert A Taylor : A Bibliographical Guide to the Study of Troubadours and Old Occitan Literature, sorti chez Medieval Institute Publications, en 2015.

Aux sources de cette chanson médiévale

La chanson de Giraud de Borneil dans le Canzionere Provenzale estense, Modena (MS.  alfa.r.4.4)

La présence de cette tenson de Giraut de Borneil dans de nombreux manuscrits médiévaux plaide, en faveur, de sa popularité. Elle a même certainement influencé d’autres textes d’époque (2). On a également pu faire remarquer des parentés de ton entre cette pièce et le serventois de Bertran de Born D’un sirventes no.m cal far loignor ganda et la pièce (3).

Du point de vue des formes, certains philologues ont également souligné des convergences de style et d’argumentaires entre les vers de la trobairitz de cette pièce et la chanson « A chantar m’er de so qu’eu no volria » de la comtesse Béatrice de Die. Du point de vue des sources manuscrites, nous vous la présentons (ci-dessus) dans le Canzionere provenzale de la Bibliothèque d’Estense de Modène, en Italie (cote alfa.r.4.4). Ce recueil de pièces de troubadours est référencé, quelquefois, sous le nom de chansonnier D.

Une belle interprétation d’Hespèrion XX
sous la direction de Jordi Savall

Pour son interprétation, nous avons choisi celle que nous proposaient Jordi Savall et son ensemble médiéval Hespèrion XX (désormais rebaptisé Hespèrion XXI), à la fin des années 70.

La belle version de Jordi Saval, Montserrat Figueras et Hespèrion XXI

Cansos de Trobairitz
un album en hommage aux trobairitz occitanes

Cette version de la chanson de Giraut de Borneil, par Hespèrion XX est apparue, pour la première fois, dans l’album Cansos de Trobairitz . Enregistré en 1977 et paru en 1978, ce dernier proposait de redonner de la voix aux poétesses et compositrices occitanes, du XIIe siècle au tout début du XIIIe. On y retrouve ainsi, pour une durée de 50 minutes d’écoute, 7 pièces d’exception en provenance du Moyen Âge central et toutes en occitan médiéval. La sélection se partage entre compositions originales (paroles et musiques) et contra factum : soit, dans un esprit très médiéval, l’adaptation ou utilisation, par le directeur catalan, d’une musique existante de la même époque, sur une chanson demeurée, jusque là, sans notation.

Sur Cansos de Trobairitz, aux côtés de la chanson du jour de Guiraut de Bornelh, on pourra découvrir : une pièce de la comtesse de Provence et Gui de Cavaillon sur une musique de Gaucelm Faidit, trois pièces de la Comtesse Béatrice de Die (une sur une musique de cette dernière et deux autres, sur des compositions empruntées à Raimon de Miravla et Bernard de Vendatorn). Enfin, viennent s’ajouter à ce tableau sonore, une pièce anonyme sur une musique de Arnaut de Maruelh et encore, une chanson du troubadour Cadenet (Elias Raimond Bérenger).

Musiciens présents sur cet album :

Montserrat Figueras (voix), Josep Benet (voix), Pilar Figueras (voix), Jordi Savall (vièle & lyre), Hopkinson Smith (lute & guitarre), Lorenzo Alpert (flûte), Gabriel Garrido (flûte et percussion), Christophe Coin (vielle & rebab)

« España Antigua » un voyage en musique
du Moyen Âge central à la période baroque

Sauf erreur, l’album original Cansos de Trobairitz n’a pas été réédité récemment. On pourra toujours tenter de le chercher d’occasion en version vinyle. Une autre option est de le retrouver dans une compilation de 8 CDs signés Hespèrion XX et Jordi Savall et ayant pour titre España Antigua. C’est même le premier CD de la série.

Sorti chez Warner Music en 2001, ce coffret assez accessible en terme de prix, au regard de son généreux contenu, est une véritable invitation au voyage à travers l’œuvre du grand maître de musique catalan. En prenant le large, depuis les rives du XIIe siècle, ces 8 CDs d’exception emporteront l’auditeur jusqu’à l’ère baroque espagnole, de la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle : tout un programme à la façon unique de Jordi Savall. Voir ce lien pour plus d’informations : Espana Antigua : Spanish Secular Music (Coffret 8 CD)


Si us quer conselh, bel’ ami’ Alamanda
en occitan médiéval et en français moderne

Si us quer conselh, bel ami Alamanda,
No.l me vedetz, c’om cochatz lo.s demanda;
Que so m’a dich vostra domna truanda
Que lonh sui fors issitz de sa comanda
Que so que.m det m’estrai er’ e.me desmanda.
Que.m conselhatz?
C’a pauc lo cor dins d’ira no m’abranda,
Tan fort en sui iratz’-

Si je cherche conseil auprès de vous, belle amie Alamanda
Ne me le refusez pas, cas c’est un homme en détresse qui le demande ;
Puisque votre dame traîtresse m’a dit
Que je suis désormais fort loin de son pouvoir
Et que ce qu’elle m’avait donné, à présent, elle me le reprend.
Que me conseillez-vous ?
Car pour peu mon cœur s’embrase de chagrin,

De manière si forte que j’en suis affligé.

Per Deu, Giraut, ges aissi tot a randa
Volers d’amic no.s fai ni no.s garanda;
Car si l’us falh, l’altre conve que blanda,
Que lor destrics no crescha ni s’espanda.
Pero si.us ditz d’alt poi que sia landa,
Vos la.n crezatz,
E plassa vos lo bes e.l mals que.us manda;
C’aissi seretz amatz.-

Par Dieu, Giraut, les choses ne sont pas ainsi, tout soudain
Désir d’amant ne se fait, ni ne se réalise ainsi ;
Car si l’un faute, il convient que l’autre s’adoucisse,
Afin que leurs peines ne croissent et ne s’étendent.
Mais si elle vous dit d’une haute colline que c’est une plaine
Vous devez l’en croire.
Et que vous plaisent le bien et le mal qu’elle vous envoie;
Car c’est de cette façon que vous serez aimé.

No posc mudar que contr’ orgolh no gronda,
Ja siatz vos, donzela, bel’ e blonda.
Pauc d’ira.us notz e paucs jois vos aonda;
Mas ges n’etz primera ni segonda!
Et eu que tem d’est’ira que.m confonda,
Qe m’en lauzatz,
Si.m tem perir, que.’m traia plus vas l’onda?
Mal cut que.m chabdelatz!-

Je ne peux me taire et ne pas gronder contre l’orgueil,
Bien que vous soyez, Donzelle, belle et blonde.
Peu de peine vous afflige et peu de joie vous comble:
Mais en cela vous n’êtes ni première, ni seconde !
Et je suis celui qui redoute que ce chagrin ne me détruise,
Que me recommanderez-vous (là),
Si je crains de périr (noyer), cela ne va t-il pas m’attirer plus encore vers l’onde ?
Je crois que vous me guidez bien mal !

Si m’enqueretz d’aital razo preonda,
Per Deu, Giraut, no sai com vos responda;
Pero, si.us par c’ab pauc fos jauzionda,-
Mais volh pelar mo prat c’altre. me tonda.
E s’e.us er’oi del plach far dezironda,
Ja l’encerchatz
Com so bo cor vos esdui’ e.us resconda;
Be par com n’etz cochatz!-

Si vous me questionnez à propos d’un sujet si profond
Par Dieu, Girau, je ne sais comment vous répondre ;
Mais si vous avez pensé que je suis de nature à me satisfaire de peu
Je préfère raser (récolter) mon propre champ plutôt qu’un autre ne le tonde.
Et si vous êtes désireux d’aboutir à un réconciliation,
Vous devez chercher à comprendre d’abord
Pourquoi elle éloigne de vous et vous cache son beau corps
Ce par quoi vous êtes bien tourmenté !

Donzel, oimais no siatz trop parlera!
S’ilh m’a mentit mais de cen vetz primera,
Cudatz vos donc que totztems l’o sofera?
Semblaria c’o fezes per nescera
D’altr’ amistat-er’ ai talan que.us fera,
Si no.chalatz!
Melhor conselh dera na Berengera
Que vos no me donatz.-

Donzelle, ne soyez pas si bavarde !
Car elle m’a mentit cent fois la première,
Croyez vous donc que je le supporterai éternellement ?
Il semblerait que vous le faites par sottise (Je passerais pour un ignorant).
J’aurais envie de trouver d’autres amitiés
Si vous ne vous tenez pas coite !
Dame Berengera donnerait de meilleurs conseils
Que ceux que vous me donnez.

L’ora vei eu, Giraut, qu’ela.us o mera,
Car l’apeletz chamjairitz ni leugera;
Per so cudatz que del plach vos enquera?
Mas no cut ges que sia tan manera;
Ans er oimais sa promessa derrera,
Que que.us diatz,
Si s’en destrenh tan que ja vos ofera
treva ni fi ni patz.-

Désormais je vois, Giraut, comment elle vous récompense en retour
Pour la traiter de femme changeante et volage,
Vous croyez que cela vous aidera dans cette querelle ?
Je ne pense pas que ce soit la chose à faire ;
Au contraire, à présent, elle mettra sa promesse plus en arrière encore,
Quoi que vous en disiez.
Si encore elle prend sur elle de jamais vous offrir (à nouveau)
Trêve, foi ou paix.

Bela, per Deu, no perda vostr’ aiuda,
Car be sabetz com me fo convenguda.
S’eu m’ai falhit per l’ira c’ai aguda,
No.m tenha dan; s’anc sentitz com leu muda
Cor d’amador, ami’, e s’anc fotz druda,
Del plach pensatz;
Que be vos dic: Mortz sui, si l’ai perduda,
Mas no l’o descobratz!-

Belle, par Dieu, ne me retirez pas votre aide,
Quand vous savez bien ce qui m’a été promis
Si je me suis égaré par ma tristesse (ma colère)
Ne m’en gardez pas dommage ; si vous n’avez jamais senti comment est mu aisément, un cœur amoureux, amie, et si jamais vous fûtes aussi amante
Prenez soin de cette réconciliation.

Car je vous le dit bien clairement : je mourrai si je l’ai perdu
Mais ne lui révélez pas cela !

Senher Giraut, ja n’agr’eu fi volguda,
Mas ela.m ditz c’a drech ses irascuda,
C’altre.n preietz, com fols, tot a saubuda,
Que no la val, ni vestida ni nuda.
No fara donc, si no.us gic, que vencuda
S’altre.n preiatz?
Be.us en valrai, ja l’ai’ eu mantenguda,
Si mais no.us i mesclatz.-

Seigneur Giraut, j’aurais déjà voulu que tout cela finisse
Mais elle me dit qu’elle a le droit d’être en colère,
Quand vous en courtisiez une autre
, comme un fou, au vu et au su de tous,
Une qui ne la vaut ni vêtue, ni dénudée,
Ne ferait-elle, alors, montre de faiblesse, si elle ne vous quittait pas
Alors que vous en courtisez une autre ?

Mais je vous soutiendrai auprès d’elle, je l’ai toujours fait
A condition que vous ne fassiez plus de telles choses (fig commerce charnel ?)

Bela, per Deu, si d’ela n’etz crezuda,
per me lo.lh afiatz!-

Belle, par Dieu, si vous avez sa confiance
Rassurez la pour moi.

Ben o farai; mas can vos er renduda
S’amors, no la.us tolhatz!


Je m’en chargerai, mais quand elle vous aura rendu
son amour, ne reprenez pas le vôtre
(ne la privez pas du votre ie respectez vos engagements courtois).


NB : Après m’être attelé un sérieux nombre d’heures à cette traduction, en croisant sources et dictionnaires diverses, versions déjà traduites par d’éminents chercheurs, dans des langues variées (espagnol, anglais, italien, français,…) je dois avouer que certaines zones d’ombre demeurent. A l’habitude, il est donc question d’approcher le sens, quelquefois même de l’extrapoler. Il n’y a aucune prétention de l’épuiser.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

PS : l’enluminure ayant servi à l’image d’en tête est tirée du Manuscrit des Cantigas de Santa Maria de la Bibliothèque de l’Escurial, à Madrid.

(1) La Réception des troubadours au Moyen âge (oc et oïl), Revue des langues romanes, T CXXIV N°2, Isabel de Riquer

(2) Los Debates entre Trobairitz y el conselh, Tania Vázquez García, Estudios Románicos, Volumen 26, 2017

(3) Chansons de guerre : la voix de Bertran de Born, Sarah Kay, Magazine Transposition Musique et sciences sociales (H-Série 2 -2020)

Le miracle de la Cantiga de Santa Maria 37 : un pied tout neuf pour un déshérité

cantigas_santa_maria_vierge_marie_sainte_culte_mariale_medievale_amour_lyrique_courtoise_moyen-ageSujet :  musique  médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle
Période :    XIIIe siècle, Moyen Âge central
 Auteur  :    Alphonse X de Castille (1221-1284)
Interprète :  Jordi Savall · La Capella Reial de Catalunya · Hespèrion XXI
Titre :  Cantiga  Santa Maria 37,      « Miragres fremosos
faz por nós Santa María»
 
Album :    Cantigas de Santa Maria, Strela do dia, 2017

Bonjour à tous,

B_lettrine_moyen_age_passionienvenue à la cour de Castille, au cœur de l’Espagne médiévale du XIIIe siècle. Aujourd’hui, nous poursuivons, en effet,  notre découverte des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X le Sage.

L’importance du culte marial
de l’Europe médiévale aux siècles suivants

cantiga-santa-maria-37-miracle-culte-marial-monde-medieval-moyen-age-001Du Moyen Âge central aux siècles suivants, le culte marial a fait plus que simplement traverser l’occident chrétien médiéval. De l’architecture à l’art, de la peinture à la littérature, il l’a grandement inspiré. Des troubadours aux trouvères, de Rutebeuf à Villon et  d’autres après eux, rares seront les auteurs et poètes qui ne rédigeront leur ode à la Sainte. Certains lui feront de véritables déclarations sur le mode de l’amour courtois et même des religieux s’enflammeront pour elle.

Figure de la mère et de la sainte, proche et sacrée à la fois, mère du Dieu mort en croix, elle est celle que le croyant peut approcher en espérant que par sa douceur, son écoute et sa mansuétude, elle puisse exaucer ses prières ou, peut-être, encore intercéder, en sa faveur, auprès du christ et du ciel. On loue, tout à la fois, ses miracles, sa miséricorde et ses vertus et, sur les longues routes qui mènent  aux églises ou aux chapelles qui lui sont dédiées,  les pèlerins la chantent avec fièvre et foi, en priant pour  la réparation, le pardon ou le salut.

Il reste, de ce culte marial, une quantité de textes, de récits, de poésies, ou encore de témoignages artistiques et patrimoniaux dans de nombreux pays d’Europe. En Espagne, le corpus réuni et mis en musique sous le règne d’Alphonse X demeure l’un des plus célèbres d’entre eux. Ils contient 427 chansons médiévales dédiées au culte de la vierge et nous avons entrepris de nous y  pencher depuis quelque temps déjà : voir les Cantigas de Santa Maria, du Gallaïco-portugais et leur traduction vers le français moderne.

Le récit de Miracle de la Cantiga 37

La Cantiga Santa Maria 37 est un nouveau récit de miracle. Ce dernier  nous entraîne en France, en  la ville ardéchoise de Viviers et dans l’ancienne province du Vivarais. Il a pour cadre l’église locale. Au Moyen Âge, les pouvoirs que l’on reconnait à la Sainte sont incommensurables.   Certains n’ont même rien à envier à ceux qu’on prête au Christ dans les évangiles.  Le refrain de la Cantiga 37 ne cessera d’ailleurs de le scander :  « Miragres fremosos faz por nós Santa María, e maravillosos.  « ,     « Sainte-marie accomplit pour nous de beaux et merveilleux miracles. »

cantiga-santa-maria-37-miracle-culte-marial-monde-medieval-moyen-age-002(ci-contre et ci-dessus miniatures de la Cantiga 37 tirées du Manuscrit T.I.1, Bibliothèque de l’Escurial, Madrid)

Lèpre, mal des ardents, autre maladie, accident ? Ce chant marial  restera vague sur l’origine médical du problème. Toujours est-il qu’un  homme atteint d’un mal   qui lui infligeait des douleurs terribles au pied (ardentes) finira par se le faire trancher sans ménagement. Devenu un des plus « terribles » estropiés d’entre les estropiés, comme nous dira le poète, le malheureux ne cessera pourtant d’implorer de ses vœux un miracle marial qui finira par survenir.

Une nuit, pendant son sommeil, la Sainte viendra, en effet, à son chevet. Et dans une séance décrite, par la Cantiga, comme une véritable opération de « passes » curatives comme en font certains guérisseurs ou leveurs de maux, elle reconstituera l’organe amputé, rendant ainsi  au malheureux son pouvoir de marcher normalement.   A l’écoute du miracle et comme à la fin de nombreuses autres Cantigas de Santa Maria, on vînt, bientôt, de loin pour louer le prodige accompli par la vierge et son immense pouvoir.

La Cantigas 37 par Jordi Saval & la Capella Reial de Catalunya

Jordi Savall et les Cantigas de Santa Maria

cantigas-santa-maria-album-jordi-savall-Hesperion-XXI-capella-reial-catalunya-Alphonse-X-culte-marial-moyen-ageSorti pour la première fois chez Astrée en 1993, le bel album dont est tirée la cantiga du jour fut remastérisé et réédité chez Alia vox en 2017. Entouré de ses deux formations  de prédilection,  la Capella Reial de Catalunya et Hespèrion XXI, le maître de musique catalan Jordi Savall y dirige, en virtuose, 14 pièces issues du répertoire médiéval des cantigas d’Alphonse X de Castille.  On y trouvera des versions vocales et instrumentales des cantigas 100, 400, 209, 18, 163, 37, 126, 181, 383, aux côté d’interprétations uniquement instrumentales des CSM 176, 123, 142, 77 et 119.   On peut  toujours trouver cette album à la vente au format CD ou Mp3. Voici un lien utile pour le pré-écouter ou l’acquérir : Cantigas de Santa Maria, Alfonso X El Sabio.


« Miragres fremosos faz por nós Santa María »
La Cantiga 37 et sa traduction en français

NB : à  d’habitude, pour cette traduction nous ne prétendons pas à la perfection. Elle est le fruit de recherches personnelles et elle pourrait mériter quelques repasses.  Son intérêt n’est que  de fournir les clés de compréhension générale de cette pièce médiévale.

Esta é como Santa María fez cobrar séu pée ao hóme que o tallara con coita de door.

Celle-ci (cette cantiga) conte comment Sainte-Marie fit retrouver son pied à un homme qui se l’était fait trancher à cause de la grande douleur qu’il subissait.

Miragres fremosos
faz por nós Santa María,
e maravillosos.    

Sainte-marie accomplit pour nous
De beaux et merveilleux miracles.

Fremosos miragres faz que en Déus creamos,    
e maravillosos, por que o mais temamos;    
porend’ un daquestes é ben que vos digamos,    
dos mais pïadosos.
Miragres fremosos…

Elle accomplit de beaux miracles pour que nous croyions en Dieu,
Et merveilleux, pour que nous le craignons d’avantage:
A ce propos,  il est bon que nous vous contions,
un de ceux là parmi les plus miséricordieux.
Refrain …
         
Est’ avẽo na térra que chaman Berría,    
dun hóme coitado a que o pé ardía,    
e na sa eigreja ant’ o altar jazía    
ent’ outros coitosos.    
Miragres fremosos…    

Celui-ci survint en une terre qu’on appelait Viviers (Vivarais)
A propos d’un homme affligé dont un pied brûlait (fig : de douleur)
Et qui gisait dans l’église, devant l’autel
Au milieu d’autres malheureux.
Refrain …

    
Aquel mal do fógo atanto o coitava,    
que con coita dele o pé tallar mandava;    
e depois eno conto dos çopos ficava,    
desses mais astrosos,    

Ce feu de la lèpre (de la douleur) le tourmentait tellement
Que dans une grande douleur, il manda qu’on lui coupa le pied,
Et suite à cela, on le compta parmi les estropiés,
et les plus terribles (atroces) d’entre eux.
Refrain …

pero con tod’ esto sempr’ ele confïando    
en Santa María e mercee chamando    
que dos séus miragres en el fosse mostrando    
non dos vagarosos,

Pourtant, malgré tout cela, il était toujours resté confiant
En Sainte Marie et il implorait sa miséricorde
Afin qu’elle exerce sur lui ses miracles
Sans tarder (et pas des plus lents)
Refrain …

e dizendo: “Ai, Virgen, tu que és escudo    
sempre dos coitados, quéras que acorrudo    
seja per ti; se non, serei hoi mais tẽudo    
por dos mais nojosos.”    
Miragres fremosos…    

En disant :  « Oh, Vierge, toi qui es toujours le bouclier
Des miséreux, voudras-tu que je sois secouru
par toi ; sans quoi, je serais, dès à présent, tenu
pour une des plus misérables créatures (une des créatures les plus répugnantes, disgracieuses)
Refrain …

Lógo a Santa Virgen a el en dormindo    
per aquel pé a mão indo e vĩindo    
trouxe muitas vezes, e de carne comprindo    
con dedos nerviosos.
Miragres fremosos…

Suite à cela, la Sainte Vierge vint à lui alors qu’il dormait
Et sur ce pied, elle passa sa main, allant et venant,
De nombreuses fois, en reconstituant sa chair
de ses doigts habiles (en reconstituant la chair et les nerfs  de ses doigts ?)
Refrain …

E quando s’ espertou, sentiu-se mui ben são,    
e catou o pé; e pois foi del ben certão,    
non semellou lóg’, andando per esse chão,    
dos mais preguiçosos.
Miragres fremosos…    

Et quand l’homme s’éveilla, il se sentit totalement guéri
Et il  regarda son pied ; et puis quand il fut bien sûr de lui,
après un court instant, il se mit à marcher sur le sol,
en prenant son temps (avec précaution, en flânant ?)
Refrain …
    
Quantos aquest’ oíron, lóg’ alí vẽéron    
e aa Virgen santa graças ende déron,    
e os séus miragres ontr’ os outros tevéron    
por mais grorïosos.
Miragres fremosos…         
 
Ceux qui entendirent cela, sont alors venus sur place
Et à la Sainte Vierge, ils ont rendu grâce,
Ainsi qu’à ses miracles, entre autres ceux qui étaient
tenus pour les plus glorieux.
Refrain …


Notes de contexte

culte-marial-actualite-destruction-eglise-imagerie-catholique-Faut-il être soi-même chrétien pour apprécier la valeur de ces chants, de ces miracles et tout ce qu’ils nous disent du monde médiéval et de sa culture ? Ce serait se condamner (et l’exercice de l’Histoire) avec, à des vues bien étroites. Ce patrimoine et ces témoignages font partie intégrante de notre Histoire et des centaines d’années les contemplent.

Au vue de l’actualité, il semble même plus à propos que jamais  de rappeler la grande importance revêtue par le culte marial en France, comme dans une partie de l’Europe médiévale, à partir du XIIe  et durant de longs siècles.   Dussions-nous encore abonder dans le sens contraire du vent, nous le ferions même, sans hésiter en affirmant combien il nous est agréable de voir encore les traces  de ce culte marial dans nos villes, nos villages et nos campagnes. Il est même devenu tout particulièrement important et urgent de nous souvenir de sa profondeur historique à l’heure où, sous couvert d’idéologies ou d’impulsions diverses (souvent sans grande relation, semble-t-il, avec les manifestations ayant fait suite, en France, au décès de l’américain Georges Floyd), quelques individus sans grande envergure, culture, ni profondeur s’arrogent fièrement le droit de déboulonner (officiellement) ou même de vandaliser (plus sauvagement), des statues de vierges  installées, ici ou là, depuis des siècles.

C’est encore cette même heure affligeante et irritante à laquelle on incendie régulièrement des églises et des cathédrales, de manière  criminelle et gratuite, et en toute impunité, en donnant même, au passage, à tous ceux pour lesquels l’histoire, le patrimoine et/ou ses symboles ont encore un sens profond, l’impression  que cette fameuse « haine » devenue un instrument de coercition à la mode  et dont on nous rabat les oreilles, est un peu à échelle variable suivant les objets ou les valeurs qu’elle  vise.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Chant de croisade : les vers du lavoir ou l’appel de Marcabru à la reconquista

troubadour_moyen-age-central_musique_chanson_poesie_medieval_occitan_oc_occitanie_MarcabruSujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson, musique médiévale,  chant de croisade. poésie satirique, occitan
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Marcabru  (1110-1150)
Titre :  « Lo vers del lavador»
Interprète : Jordi Savall, Hespérion XXI
Album:  Jerusalem, la ville des deux paix
 (2014)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn plein cœur du Moyen-âge central, le troubadour Marcabru exhortait ses contemporains à la croisade, celle d’outre-mer mais plus encore celle, bien plus proche, des terres d’Espagne et de la « Reconquista ». Nous vous proposons, aujourd’hui, d’étudier de près cette chanson médiévale du XIIe siècle, ainsi que de vous en fournir la traduction. Du côté de l’interprétation et pour le temps de ce voyage, nous serons accompagnés de  l’Ensemble médiéval Hespèrion XXI et la grande voix de Marc Mauillonsous la direction de Jordi Savall.

Les vers du lavoir de Marcabru, par Hespérion XXI et Jordi Savall

Jerusalem, la ville des deux paix,
sous la direction de Jordi Savall

En 2008, Jordi Savall et Montserrat Figueiras accompagnés de La Capella Reial de Catalunya, la formation Al-Darwish et l’ensemble Hespèrion XXI, partaient à la redécouverte musicale de Jerusalem. Ils signaient ainsi un livre double-album, riche de 52 pièces, au carrefour de nombreuses influences musicales et civilisationnelles. La virtuosité de l’exercice fut salué par la scène des musiques anciennes et l’album fut primé d’un Diapason d’Or.

jordi_savall_fusion_art_et_recherche_musique_ancienne_medievaleComme à son habitude, Jordi Savall était bien décidé à transcender la simple interprétation musicale, pour se situer dans un message résolument humaniste et pacifiste. Sous sa maestria, Jérusalem devenait ainsi la ville des deux paix, paix céleste et paix terrestre et il déclarait à son sujet:

« Ce projet a été conçu comme un hommage à Jérusalem, la ville construite et détruite à l’infini par l’homme, dans sa quête du pouvoir sacré et du pouvoir spirituel. Par le pouvoir de la musique et des paroles, ce fruit de la collaboration passionnée et engagée de musiciens, poètes , chercheurs, écrivains et historiens de 14 pays, ainsi qu’Alia Vox et les équipes de la Fondation CIMA, est devenu une fervente invocation pour la paix. »  Jordi Savall

Au delà de son agencement savant de compositions et chants profanes, chrétiens, juifs ou musulmans, le maître de musique catalan nous proposait ici un véritable appel à la paix, en réunissant aussi autour de lui des musiciens européens, juifs, palestiniens et jordi_savall_hesperion_XXI_album_jerusalemvenus encore du monde arabe. D’un point de vue narratif, l’oeuvre évoquait la cité sainte, à travers les âges, au large d’un périple de plus de 3000 ans : Jérusalem la juive de l’antiquité, Jérusalem la chrétienne et médiévale des pèlerinages, puis l’ottomane et musulmane, pour, finalement, s’ouvrir sur une dernière partie plus contemporaine et qui se voulait porteuse de réconciliation et d’espoirs, envers toutes les cultures en présence,

Cet album est toujours édité et vous pouvez le retrouver sur le site Alia-Vox ou encore au lien suivant :Jérusalem, la ville des deux paix

Pax in nomine Domini,
la chanson du lavoir de Marcabru

Contexte historique, 2e croisade et reconquista

Dans ce Pax in nomine Domini, plus connu encore sous le nom de les vers ou la chanson du lavoir (Vers del lavador), le célèbre troubadour comparait l’engagement aux croisades à un « lavoir » dans lequel tout chevalier et combattant chrétien pouvait et devait même « se laver » (se purifier de ses péchés). Mise à l’épreuve de sa foi véritable mais aussi purification de l’âme avec assurance d’y gagner le Paradis, il y pointait du doigt, au passage, les péchés de luxure et l’absence de foi de certains de ces contemporains.

Au sujet des nobles et seigneurs auxquels le poète médiéval fait allusion dans ce chant de croisade, on peut se risquer avec l’appui des médiévistes à quelques conclusions, même si certains éléments sont encore sujets à débat, Du point de vue datation, il semble que cette chanson ait été composée dans l’année 1149 et sans doute dans sa deuxième moitié.

chant-de-croisade_chanson-medievale_marcabrun_vers-del-lavador_XIIe-siecle_moyen-age_manuscrit-ancien_francais-844_s

(ci-contre le Pax in nomine Domini de Marcabru tronqué, mais accompagné de sa partition, Mss Français 844 de la Bnf)

Un an auparavant, la deuxième croisade s’enlisait devant Damas et, au début de l’année 1149, Louis VII levait le siège en mettant fin à la deuxième croisade, expliquant sans doute les critiques que Marcabru adresse aux français, dans sa dernière strophe. Du côté espagnol, et depuis quelques années, le comte de Barcelone Raimond-Berenguer IV avait accumulé les succès dans la reconquête de l’Aragonais contre les Maures. Autour de 1147, il leur avait notamment repris Tortosa, héritant ainsi du titre de Marquis de Tortosa. C’est sans doute de lui dont le troubadour nous parle dans l’avant dernière strophe de cette poésie.

Quant au comte défunt auquel Marcabru souhaite le repos de l’âme, à la toute fin de ce chant de croisade, et bien que les avis soient mitigés sur la question, on peut tout de même avancer qu’il s’agit sans doute de Raymond d’Antioche (1098-1149) (1). Les débats entre experts au sujet de cette identité gravitent principalement autour du fait que le noble était désigné sous le titre de « prince d’Antioche » et non de « comte » (2). Pour le reste, outre le fait qu’il était le second fils de Guillaume IX de Poitiers, lui-même duc d’Aquitaine et comte de Poitiers, Raymond d’Antioche est justement décédé dans le courant de l’année 1149, lors de la prise d’Antioche par le sultan Nur ad-Din, et durant la bataille d’Inab (29 juin 1149). Dès lors et si c’est bien de lui dont il s’agit ici, on peut supputer que Marcabru rédigea ses vers, peu après avoir appris la nouvelle. Cela, du reste, cadrerait tout à fait avec cette « Antioche » dont  « le prix et la valeur sont pleurés par la Guyenne et le Poitou » dans la même strophe.

Concernant le lieu où le troubadour écrivit ses vers, là encore les avis ne sont pas tranchés. Il peut les avoir écrit alors qu’il était à la cour d’Espagne (probablement au service d’Alphonse VII) ou bien, ce que pourrait suggérer son chant, alors qu’il se trouvait encore en Aquitaine.

De l’Oc de Marcabru  au français moderne

Pour la traduction de cette chanson, nous nous appuyons, à nouveau, largement, sur l’ouvrage de JML Dejeanne (Poésies complètes du troubadour Marcabru (1909) mais en les croisant avec quelques autres sources (notamment l’article de Silvio Melani (1)) et recherches complémentaires.

Dans l’interprétation musicale proposée plus haut, Jordi Savall a fait le choix de tronquer deux des strophes de la poésie originale (la 3 et la 4). De notre côté, nous vous la livrons dans son entier.


I
Pax in nomine Domini
Fetz Marcabrus los motz e.l so.
Aujatz que di :
Cum nos a fait, per sa doussor,
Lo Seingnorius celestiaus
Probet de nos un lavador,
C’anc, fors outramar, no.n fon taus,
En de lai deves Josaphas:
E d’aquest de sai vos conort.

Pax in nomine Domini
Marcabru a fait les paroles et l’air* (la musique) .
Écoutez ce qu’il dit :
Comme nous a fait, par sa bonté,
Le Seigneur céleste,
Il a fait près de nous un lavoir
tel qu’il n’y en eut jamais, sinon outre-mer, 
là-bas, vers Josaphat,
et c’est pour celui qui est près d’ici que je vous exhorte.

II
Lavar de ser e de maiti
Nos deuriam, segon razo,
Ie.us o afi.
Chascus a del lavar legor!
Domentre qu’el es sas e saus,
Deuri’ anar al lavador,
Que.ns es verais medicinaus!
Que s’abans anam a la mort,
D’aut en sus aurem alberc bas.

Nous devrions nous laver, soir et matin,
Si nous étions raisonnables,
Je vous l’assure;
Chacun peut s’y laver à loisir !
Pendant qu’il est encore sain et sauf,
Chacun devrait aller au lavoir
Car c’est pour nous un véritable remède;

De sorte que si nous allons à la mort avant cela,
notre demeure ne sera pas là-haut, mais nous
l’aurons bien bas.

III
Mas Escarsedatz e No-fes.
Part Joven de son compaigno.
Ai cals dois es,
Que tuicl volon lai li plusor,
Don lo gazaings es enfernaus!
S’anz non correm al lavador
C’ajam la boca ni·ls huoills claus,
Non i a un d’orguoill tant gras
C’al morir non trob contrafort.

Mais Mesquinerie et absence de foi
Séparent de Jeunesse son compagnon.
Ah! quelle douleur c’est
Que le plus grand nombre vole là
Où on ne gagne que l’Enfer !
Si nous ne courons au lavoir
Avant d’avoir la bouche et les yeux clos,
Il n’en est pas un si gonflé d’orgueil
Qui, dans la mort, ne trouve(ra) son adversaire (3) 

IV
Que·l Seigner que sap tot quant es
E sap tot quant er e c’anc fo,
Nos i promes
Honor e nom d’emperador.
E-il beutatz sera, sabetz caus
De cels qu’iran al lavador?
Plus que l’estela gallz ignalls
Ab sol que vengem Dieu del tort
Que’ill fan sai, e lai vas Domas.

Car le Seigneur, qui sait tout ce qui est,
Et sait tout ce qui sera et qui fut,
Nous y a promis
Honneur au nom de l’empereur.
Et savez-vous quelle beauté sera celle
De ceux qui se rendront au lavoir?
Plus grande que celle de l’étoile du matin,
Pourvu que nous vengions Dieu du tort
Qu’on lui fait ici, et là-bas, vers Damas.

V
Probet del lignatge Cai,
Dei primeiran home felho,
A tans aissi
C’us a Dieu non porta honor!
Veirem qui.ll er amics coraus!
C’ab la vertut del lavador
Nos sera Jhezus comunaus!
E tornem los garssos atras
Qu’en agur crezon et en sort

Proches du lignage de Caïn,
De ce premier homme félon,
Il y en a tant ici
Qui à Dieu ne portent honneur !
Nous verrons qui sera son ami cordial !
Car, par la vertu du lavoir,
Jésus sera avec nous tous.
Et nous ferons reculer les misérables* (JML Dejeanne :  « mauvais garnements »)
Qui croient aux augures et aux sorts.

VI
C.il luxurios corna-vi,
Coita-disnar, bufa-tizo,
Crup-en-cami
Remanran inz ei felpidor!
Dieus vol los arditz e.ls suaus
Assajar a son lavador!
E cil gaitaran los ostaus!
E trobaran fort contrafort,
So per qu’ieu alor anta.ls chas.

Ces libertins, cornes-à-vin* (ivrognes),
Presse-dîner, souffle-tison,
Ces accroupis sur le chemin (4)
Resteront dans les souillures* (folpidor, fumier)
Dieu veut les hardis et les doux
Éprouver à son lavoir !
Et ceux-là guetteront les maisons !
Et trouveront un rude adversaire
C’est pourquoi, à leur honte, je les chasse.

VII
En Espaigna, sai, Io Marques
E cill del temple Salamo
Sofron Io pes
E.I fais de l’orguoill paganor,
Per que Jovens cuoill avollaus.
E.I critz per aquest lavador
Versa sobre.ls plus rics captaus
Fraitz, faillitz, de proeza Ias,
Que non amon Joi ni Deport.

En Espagne, ici, le Marquis
Et ceux du Temple de Salomon
Souffrent le poids
Et le fardeau de l’orgueil des païens
Par quoi Jeunesse recueille mauvaise louange.
Et le blâme, à cause de ce lavoir,
Tombe sur les plus puissants seigneurs,
Brisés, faillis, vides de prouesse
Et qui n’aiment ni joie ni amusements.

VIII
Desnaturat son li Frances,
Si de l’afar Dieu dizon no,
Qu’ie.us ai comes.
Antiocha, Pretz e Valor
Sai plora Guiana e Peitaus.
Dieus, Seigner, ai tieu lavador
L’arma dei comte met en paus:
E sai gart Peitieus e Niort
Lo Seigner qui ressors dei vas

Dépravés sont les Français
S’ils se refusent à soutenir Dieu,
Car je les ai mis en demeure.
Antioche, ton Prix et ta Valeur
Sont pleurés ici par Guyenne et Poitou.
Dieu, Seigneur, en ton lavoir
Donne paix à l’âme du comte,
Et ici, puisse garder Poitiers et Niort!
Le Seigneur qui ressuscita du Sépulcre.


Ces articles pourraient aussi vous intéresser :
– Jordi Savall, l’autobiographie d’un grand maître de musique.
– Découvrir plus de chansons de croisades du Moyen-âge central

En vous souhaitant une agréable journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes.


Sources

(1) « Intorno al Vers del lavador. Marcabruno e la riconquista ispanica », Medioevo romanzo, XXII (s. iii, ii), 1997, Silvio Melani.

(2) Marcabru: A Critical EditionMarcabrun, Simon Gaunt, Ruth Harvey and Linda Paterson Brewer, Cambridge, UK, 2000.

(3) « C’al morir non trob contrafort ».  Contrafort  : adversaire. JML Dejeanne (op cité) traduit : « Qui dans la mort ne trouve un vainqueur » ou « Qui ne soit vaincu par la mort ».  Concernant  cet adversaire, Silvio Melani (1) y voit plutôt sous-entendu « le diable ». 

(4) Crup-en-cami. Là encore divergence de traduction entre JML Dejeanne « Accroupi sur le chemin » et une interprétation de Silvio Melani qui se référera de son côté au « Crup-en-cendres » utilisé par ailleurs par Giraut de Borneil.  Autrement dit, ceux qui restent accroupi sur le chemin pour l’un et pour l’autre ceux qui restent accroupi auprès de la cheminée ou de l’âtre, pour se chauffer le dos et ne rien faire.

 

Une chanson médiévale satirique du troubadour Peire Vidal sur les maux de son siècle

peire_vidal_troubadour_toulousain_occitan_chanson_medievale_sirvantes_servantois_moyen-age_central_XIIeSujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, langue d’oc, poésie satirique, servantois, sirvantès, amour courtois, viole de gambe.
Période : moyen-âge central, XIIe, XIIIe siècle
Auteur : Peire Vidal (? 1150- ?1210)
Interprète : Jordi Savall, Hespèrion XXI, Capella Reial de Catalunya
AlbumLe Royaume Oublié / La Croisade Contre Les Albegeois / La Tragédie Cathare (2009)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionprès avoir fourni quelques éléments sur la biographie et l’oeuvre du  troubadour Peire Vidal, nous vous proposons, aujourd’hui, de découvrir une de ses chansons médiévales. C’est un texte satirique, un servantois (sirventès) dans la pure tradition des poètes du Sud de la France. L’auteur toulousain y passe en revue, d’un oeil critique, les maux de son temps pour finir, tout de même, sur une note plus distanciée et plus joyeuse.

L’interprétation que nous vous en proposons nous fournit le grand plaisir de retrouver la direction du du maître de musique Jordi Savall, sa viole de gambe  et son incomparable talent.

Jordi Savall et la tragédie cathare – Le royaume oublié

Hespèrion XXI et la Capella Reial de Catalunya à la recherche du royaume oublié

En 2009, à la faveur du 800e anniversaire de la croisade albigeoise, Jordi  Savall, accompagné de Montserrat Figueras, et de leur deux formations, Hespèrion XXI et la Capella Reial de Catalunya partait, en direction de la Provence médiévale, sur les traces des Cathares.

Sur le concept du livre album, il proposait ainsi un véritable opéra en 3 actes réparti sur 3 CD différents. Avec un total de 61 pièces, le triple album suivait l’épopée cathare de son émergence dans l’Occitanie de la fin du Xe siècle jusqu’à sa diaspora et sa disparition tardive au moyen-âge tardif, en passant bien sûr par sa répression. Pour la première fois dans l’histoire de la chrétienté, ce tragique épisode de la croisade des albigeois qui divise encore quelquefois aujourd’hui les experts, les historiens et les occitans de coeur, jeta les seigneurs de la France médiévale les uns contre les autres, ceux du Nord contre ceux du Sud.

L’appel de l’Eglise jordi_savall_royaume-oublie_tragedie-cathare_croisade-albigeois-moyen-age-central_musique-chanson-medievale_sRomaine fut long et insistant et s’il tarda à se faire entendre, cette croisade déborda largement la seule répression de l’hérésie et ne manqua pas de servir les ambitions des uns et des autres. Au bout du compte, la couronne de France qui avait tardé à l’entendre en ressortit comme une des grandes gagnantes.

Pour revenir à ce livre-album d’exception, on y retrouve,  au titre de contributions vocales, Montserrat  Figueras aux cotés de Pascal Bertin, Lluís Vilamajó, Furio Zanasi, et encore Marc Mauillon.  Il fut, à juste titre, largement salué sur les scènes dédiées aux Musiques Anciennes d’Europe. Pour prendre un peu de hauteur, il faut dire que, là encore et comme pour tous les sujets qu’il touche, Jordi Savall se situait au delà de la simple évocation musicale, dans une réflexion profonde et spirituelle sur l’histoire des hommes, et toujours empreinte d’un grand humanisme.

Cette production est encore éditée et vous pourrez la retrouver facilement à l’achat, en ligne. Distribuée par Alia-vox, la maison d’édition de Jordi Savall, elle est disponible au format original livre-CD mais vous pourrez aussi y butiner quelques pièces au format digital MP3 avant de vous décider. Voici un lien utile pour la pré-écouter ou l’acquérir : The Forgotten Kingdom

« A per pauc de Chantar no’m lais »
Il s’en faut peu que je renonce à chanter

A l’hiver du XIIe siècle,
une chanson satirique teintée d’amour courtois

Au vue des thèmes abordés, cette chanson a dû être composée entre 1192 et 1194 date de l’emprisonnement de Richard Coeur de Lion au retour de la troisième croisade. Critique directe du roi de France, mentions des conflits nobiliaires en Espagne, et encore dénonciation du Pape et du Clergé qu’il désigne comme seul responsable d’avoir favorisé la propagation de l’hérésie Cathare (la croisade n’interviendra que quelques 10 années plus tard), notre troubadour balaye tous ses sujets sans mâcher ces mots. Il s’en dit si affligé que pour peu il renoncerait à son art, mais malgré tout, dans la dernière partie du texte, il prend ses distances pour nous conter ses états d’âme et sa joie dans un belle élan de courtoisie et de fine amor pour sa dame de Carcassonne.

De l’Occitan au français moderne

Précisons que la traduction en français moderne que nous vous proposons de ce texte occitan colle fortement de celle de Joseph Anglade (Les Poésies de Peire Vidal, chez Honoré Champion, 1913) même si nous l’avons quelque peu revisitée. Nous avons en effet changer quelques tournures mais également quelques vocables à la lumière de recherches personnelles sur l’Occitan ancien et tâchant aussi de croiser un peu la version de Anglade, pour la mettre en perspective avec celle de Veronica Mary Fraser dans son ouvrage The Songs of Peire Vidal: Translation & Commentary (Peter Lang Publishing, 2006). Grande spécialiste de littérature médiévale,  cette dernière est professeur(e) de littérature, ainsi que de vieux Français et d’occitan ancien à l’université américaine de Windsor dans l’Ontario.

A per pauc de Chantar no’m lais

I

A per pauc de chantar nom’lais,
Quar vei mort joven e valor
E pretz, que non trob’on s’apais,
Qu’usquecs l’empenh e.l gita por;
E vei tan renhar malvestat
Que.l segle a vencut e sobrat,
Si qu’apenas trop nulh paes
Que.l cap non aj’en son latz près.

Il s’en faut peu pour que je renonce  à chanter
Car je vois morts, jeunesse et valeur
Et mérite,  qui ne trouvent plus refuge où s’apaiser
Quand tous les repoussent et rejettent;
Et je vois  régner partout la vilenie,
Qui a soumise et vaincu le monde
Tellement que je ne trouve nul pays
Qui n’ait la tête prise dans son lacet

II

Qu’a Rom’ an vout en tal pantais
L’apostolis e.lh fais doctor
Sancta Gleiza, don Deus s’irais;
Que tan son fol e peccador,
Per que l’eretge son levat.
E quar ilh commenso.l peccat,
Greu es qui als far en pogues;
Mas ja no volh esser plages.

A Rome, le pape et les faux docteurs,
ont mis dans un tel trouble (agitation)
La Saint Eglise, mettant Dieu en colère;
Ils sont si fous et si pécheurs
Qu’ils ont fait se lever les hérétiques.
Et comme ce sont eux qui ont commencé à pécher (Rome)
Il est difficile pour les autres de réagir autrement
Mais je ne veux prêcher à leur place.

III
E mou de Fransa totz l’esglais,
D’els qui solon esser melhor,
Que.l reis non es fis ni verais
Vas pretz ni vas Nostre Senhor.
Que.l Sépulcre a dezamparat
E compr’e vent e fai mercat
Atressi coin sers o borges:
Per que son aunit sei Frances.

Et c’est beaucoup de France que vient tout l’effroi
De ceux qui d’habitude étaient les meilleurs
Car le roi n’est ni fiable ni sincère
envers l’honneur, ni envers notre Seigneur.
Puisqu’il a abandonné le Saint-Sépulcre
Et qu’il achète, vend et fait commerce
Tel un serf ou un bourgeois;
Pour cela ses sujets français sont honnis.

IV

Totz lo mons es en tal biais
Qu’ier lo vim mal et oi pejor ;
Et anc pos lo guitz de Deu frais,
Non auzim pois l’Emperador
Creisser de pretz ni de barnat.
Mas pero s’oimais laiss’ en fat
Richart, pos en sa preizon es,
Lor esquern en faran Engles.

Le monde est pris dans un tel biais
Que hier nous le trouvions mauvais et aujourd’hui c’est pire :
Et depuis qu’il a renoncé à  la guidance de Dieu,
Nous n’avons pas appris que l’Empereur
Ait accru son honneur, ni sa réputation.
Mais pourtant si désormais, il abandonne sottement
Richard* (*coeur de Lion), qui est dans sa prison
Les anglais montreront leur  mécontentement (raillerie)

V

Dels reis d’Espanha.m tenh a fais,
Quar tan volon guerra mest lor,
E quar destriers ferrans ni bais
Trameton als Mors per paor:
Que lor orgolh lor an doblat,
Don ilh son vencut e sobrat;
E fora melhs, s’a lor plagues,
Qu’entr’els fos patz e leis e fes.

Quant aux rois d’Espagne, ils m’affligent
Parce qu’ils veulent tant se faire la guerre entre eux.
Et parce que destriers gris et bais
Ils envoient aux maures, par peur.
En doublant l’orgueil de ces derniers
Qui les ont vaincus et surpassés
Il serait meilleur, s’il leur plait,
Qu’entre eux  se maintiennent paix, loi et foi.

VI

Mas ja no.s cug hom qu’eu m’abais
Pels rics, si’s tornon sordejor ;
Qu’us fis jois me capdela e.m nais
Que.m te jauzent en gran doussort;
E.m sojorn’ en fin’ amistat
De leis qui plus mi ven en grat :
E si voletz saber quais es
Demandatz la en Carcasses.

Mais ne laissez jamais qu’un homme pense que je m’abaisse
Pour les riches, s’ils se mettent à s’avilir (à empirer):
Car une joie pure en moi me guide
Qui me réjouit en grande douceur
Et je me tiens dans la fine amitié (amor)
De celle qui me plait le plus:
Et si vous voulez savoir qui elle est
Demandez-le dans la province de Carcassonne.

VII

Et anc no galiet ni trais
Son amie ni.s pauzet color,
Ni.l cal, quar cela qu’en leis nais
Es fresca com roz’ en pascor.
Bel’es sobre tota beutat
Et a sen ab joven mesclat :
Per que.s n’agrado’l plus cortes
E’n dizon laus ab honratz bes.

Elle n’a jamais déçu, ni trahi
Son ami, ni ne s’est fardé devant lui
Elle n’en a pas besoin car son teint naturel
Est frais comme une rose de Pâques
Elle est belle, au dessus de toute beauté
Et elle a sens (raison, intelligence) et jeunesse à la fois,
Qui la rendent agréable aux plus courtois
Qui en font l’éloge avec une honnêteté (honneur?) bienveillante.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes