Archives par mot-clé : Moyen-âge central

Saadi : postérité, action politique et gouvernement juste

Sujet   : sagesse persane,  conte moral, charité, bienfaisance, vanité, citations médiévales, citations, sagesse.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Mocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage  :  Le Verger de Saadi traduit pour la première fois en français,  par A. C. barbier de Meynard, (1880)

Bonjour à tous,

u XIIIe siècle, à des lieues de l’Europe médiévale, le conteur persan Saadi dispense ses contes moraux à qui veut les entendre, mais le plus souvent, tout de même, aux princes, aux puissants et aux lettrés. 800 ans après son œuvre, les perles de poésie et de sagesse qu’il a semées nous sont parvenues, notamment à travers deux de ses ouvrages : le Gulistan (jardin de roses) et le Boustan (ou Bustan, le verger).

Juste gouvernement et action politique, une citation extraite du Boustan de Saadi
Une citation médiévale de Saadi contre la vanité et pour la charité dans l’action politique

Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir un nouveau conte tiré du Boustan. Il provient du premier chapitre de l’ouvrage intitulé : « Des devoirs des rois ; de la justice et du bon gouvernement ; règles de politique et de stratégie. » et il nous entraînera dans une parabole morale destinée à l’homme le plus modeste comme aux gouvernants.

A la lecture de cette courte histoire, il sera difficile de ne pas avoir à l’esprit les « miroirs aux princes« . Ces traités politiques et moraux, qui portent des visées éducatives à l’attention des puissants, forment, en effet, un genre littéraire que l’on retrouve aussi, du côté de l’Occident médiéval, dès les débuts du Moyen-Âge central.


Le lutteur et le squelette, de Saadi Shirazi

Un lutteur disgracié par la fortune et dénué de toutes ressources ne trouvait jamais ni à dîner ni à souper. Pressé par la faim impérieuse, il s’employait à porter de la terre sur son dos ; le métier d’athlète ne fait guère vivre son homme. Dans cette condition misérable, son cœur s’épuisait dans la douleur et son corps dans la fatigue. Tantôt il déclarait la guerre à ce monde égoïste, tantôt il maudissait la fortune ennemie ; un jour, à l’aspect du bonheur d’autrui, il refoulait dans sa gorge des larmes amères ; un autre jour, éperdu de chagrin, il s’écriait :

— Vit-on jamais une existence plus misérable que la mienne ! D’autres réunissent sur leur table miel, volaille et agneau ; moi je ne puis même mettre un légume sur mon pain. A dire vrai, c’est chose injuste que je sois à demi-nu quand le chat lui-même a sa fourrure. Que je serais heureux si, tandis que je pétris l’argile, quelque trésor me tombait sous la main ; je pourrais alors vivre à ma guise et secouer la poussière de la pauvreté !

Un jour qu’il creusait le sol, il trouva la mâchoire d’un crâne rongée de vétusté, dont les débris couverts de terre étaient disjoints et les dents disparues ; mais de cette bouche sans langue sortirent de sages conseils :

— Ami, lui dit-elle, supporte patiemment ta misère. Regarde, n’est-ce pas ainsi que finit toute chose, la bouche qui a savouré le miel et celle qui n’a dévoré que ses regrets (litt. le sang de son cœur) ? Ne te plains pas des vicissitudes de la sphère inconstante, longtemps encore elle tournera et nous ne serons plus. 

En se présentant à son esprit, ces pensées en éloignèrent le triste cortège du chagrin :

— Être sans raison, ni sagesse, se dit-il à lui-même, supporte courageusement tes maux, au lieu de te consumer dans les regrets. L’homme qui plie sous un lourd fardeau et celui qui, du front, touche les cieux, l’un et l’autre, quand vient la catastrophe suprême, oublient leur condition première. Le chagrin s’évanouit comme la joie et rien ne survit, sauf la rétribution des œuvres et la bonne renommée. La bienfaisance subsiste et non le trône et la couronne. 

Grands de la terre, faites le bien si vous voulez laisser un bon souvenir; ne tirez vanité ni de votre cour somptueuse ni de votre puissance, d’autres les ont possédées avant vous et les posséderont quand vous ne serez plus. Voulez-vous préserver votre trône d’une chute prochaine, donnez tous vos soins à la religion et à vos sujets, et puisque il faut quitter la vie, répandez l’or de l’aumône à pleines mains. Quant a Saadi, il n’a pas d’or, mais il prodigue les perles de la poésie.

Mocharrafoddin Saadi – Le Boustan (op cité)


Des leçons de vie de la bouche d’un mort

Les thèmes moraux traités dans ce conte seront familiers à ceux qui connaissent Saadi ou qui ont lu certains de nos articles à son sujet (voir, par exemple, les regrets du roi d’Egypte ou encore l’Incendie de Bagdad) : la mort (ici personnifiée par la mâchoire) reste toujours bonne conseillère. Saadi lui donnera même la parole. Le moment venu, elle nivellera de sa présence et pour tout un chacun, les joies, comme les regrets et les plaintes. Saadi invoque la Camarde pour donner au déshérité, le courage de résister à l’adversité, mais aussi pour souligner ce que retiendra la postérité de son passage sur terre.

Enluminure médiévale : le voyage de Saadi

Dans un deuxième temps, il élargit son propos aux puissants en prenant pour cible leurs tentations de vanité. La bonne renommée, les bonnes actions et la bienfaisance, voilà les seules traces que l’homme de pouvoir comme l’homme simple devraient vouloir laisser après lui. Comme des empreintes de pas sur les dunes, le reste sera effacé par le premier vent du désert.

Charité et mansuétude contre vanité, on pourra arguer que le thème est redondant mais c’est le lot du sage que de se répéter. Aussi, comme un vieux professeur, Saadi multiplie les paraboles en variant les angles pour mieux toucher ses cibles.

Bien que des lieues séparent le grand conteur persan de la France médiévale, on ne manquera pas, également, de relever les parentés morales entre les valeurs qu’il met en exergue et celles que l’on croise chez certains auteurs moraux du Moyen Âge chrétien (voir les 4 saisons de la vie, la mort médiévale contre la vanité des hommes ou encore réflexions sur la mort au Moyen Âge).

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB : sur l’image d’en-tête, on retrouve un détail d’enluminure tiré d’un manuscrit du Boustan conservé actuellement à la bibliothèque du Palais de Niavaran à Téhéran et daté du XIXe siècle.

prodige de l’asservissement et de la manipulation des âmes, Roger Bacon

Statut du savant médiéval Roger Bacon

Sujet : science médiévale, savant, psychologie, citations médiévales, miroir des princes, exercice politique, manipulation, asservissement.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Roger Bacon (1214-1292)
Ouvrage Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art et la nullité de la magie, A. Poisson, (1893)

Bonjour à tous,

ans le courant du Moyen Âge central, le savant, médecin et alchimiste Roger Bacon liste, dans un petit ouvrage de moins de 100 pages, les prodiges de la nature et de l’art contre ceux de la magie. Au XIXe siècle, l’écrivain et alchimiste Albert Poisson traduira en français actuel cette Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae du Doctor Mirabilis dont on n’avait déjà connu certaines traductions en français vernaculaire dans le courant du Moyen Âge.

Dans cette Lettre sur les prodiges de la Nature et de l’Art, le savant médiéval listera un certain nombre de choses dont certaines pourraient paraître assez surprenantes au profane, au regard du XIIIe siècle dont Roger Bacon est contemporain. Nous en avons déjà cité quelques extraits et citations dans de précédents articles et nous nous récidivons aujourd’hui.

L’asservissement des individus par le prince

Citation illustrée de Roger Bacon tirée de la lettre des Prodiges

Dans son chapitre consacré aux « expériences merveilleuses », Roger Bacon conclut en s’éloignant des arts mécaniques pour basculer sur un propos plus proche de la manipulation politique des individus.

« Il y a un prodige qui l’emporte sur tous les précédents. L’âme raisonnable, qui ne peut être asservie, puisqu’elle possède la liberté, peut cependant être efficacement circonvenue, dominée et disposée de telle sorte qu’elle changera volontiers ses habitudes, ses affections, ses volitions, selon la volonté d’un autre (1), et non seulement on peut ainsi dominer une personne, mais encore une armée, une cité, tout un peuple. Aristote dans le livre des Secrets enseigne la manière de faire cette expérience aussi bien sur un peuple ou une armée que sur les individus. L’on peut dire que c’est là l’extrême limite de la nature et de la science. »

Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art,
Roger Bacon (1220-1292), Traduction de Albert Poisson

(1) note d’ Albert Poisson : Roger Bacon exposant clairement le dogme de la suggestion mentale ou du magnétisme animal, comme on voudra, quel enseignement pour les adorateurs fanatiques de la science actuelle ! Et encore l’alchimiste anglais reporte cette expérience à Aristote, ce qui nous ramène à quelques siècles avant l’ère chrétienne, ou tout au moins si le livre des Secrets est supposé, à un écrivain arabe. Le fait est trop clairement exposé pour être discuté, Bacon parle bien de la substitution d’une volonté à une autre volonté !

Le Secret des Secrets, un succès médiéval

La référence de Bacon est donc empruntée au Secretum Secretorum, ouvrage très populaire du Moyen Âge que l’on a longtemps attribué à Aristote, devenu avec le temps « Pseudo-Aristote » et dont l’auteur est resté anonyme.

Ce « Secret des secrets » a émergé dans la littérature proche-orientale du Xe siècle sous la forme d’un ouvrage ayant pour nom « Kitāb-al-siyāsaẗ fī tadbīr al-riyāsaẗ ». Ce dernier se présente comme un échange épistolaire supposé du philosophe Aristote vers son prestigieux disciple Alexandre le Grand. Ses origines sont, peu ou prou, inconnues. La version arabe s’annonce comme une traduction du grec vers le syriaque, puis de cette langue vers l’arabe par Abu Yahya ibn al-Batriq, un érudit du IXe siècle. Depuis, cette assertion a été remise en cause par certains érudits et certaines hypothèses font remonter Le Secret des Secrets à un autre miroir des princes islamique dont il aurait été inspiré : le as-Siyâsat al-‘âmmiyyahn du VIIIe siècle.

Popularité de cet ouvrage au Moyen Âge

Livre de conseils de gouvernance (ou miroir des princes, comme on les nomme alors), le Secretum Secretorum apparaîtra, en Europe, dans des centaines de manuscrits du Moyen Âge central : d’abord en latin, puis en français vernaculaire à partir du Moyen Âge tardif et des XIVe/XVe siècles. Il existe en deux versions une courte et synthétique, une autre plus longue de plusieurs volumes. Les thématiques abordés par ce « digest » de la bonne tenue et de la bonne gouvernance à l’attention des puissants demeurent assez larges : stratégies à tenir en matière d’administration et de gestion du pouvoir, usage des conseillers, vertus nécessaires et vices à écarter mais encore santé, régime, vêtements et apparence, … Et pour finir, cette énigmatique « physiognomonie », une discipline qui permettrait de connaître l’âme des hommes d’après leur physique/physionomie, leurs traits particuliers et leurs attitudes, à des fin, bien sûr, de manipulations ou, pour le dire plus positivement, de meilleur gouvernement.

Le Livre "Le Secret des Secrets par Denis Lorée

En plus des manuscrits qui attestent de la grande popularité médiévale de l’ouvrage, des références à son contenu apparaissent aussi clairement entre les lignes de nombreuses autres auteurs médiévaux dont Albert le Grand ou Gilles de Rome. Roger Bacon en proposera même une version remaniée et annotée. Plus près de nous, on doit au Docteur ès Lettres et professeur Denis Lorée, une édition commentée du Secrets des Secrets qui vous pourrez trouvez facilement en ligne (voir également ce lien).

Vieux comme le monde et toujours d’actualité

« Plusieurs types de secrets se côtoient dans le traité du Pseudo-Aristote. Les secrets humains sont ceux que chacun utilise pour tromper l’autre. Ils ne sont acceptables que lorsqu’ils permettent de maintenir le prince dans ses fonctions et le royaume en équilibre. »

Edition commentée du Secret des Secrets, Denis Lorée, CELAM, 2012.

A ces secrets, viendront s’ajouter, notamment, les secrets divins, confiés à Dieu à un nombre choisi d’élus et de princes avec grande responsabilité de ne pas les révéler. Marketing médiéval et teasing avant l’heure ? En suivant la plume de Denis Lorée, une partie des secrets éventés par l’ouvrage pourrait avoir fait l’effet d’être un peu remâchés ou survendus même pour certains érudits et savants du XVe siècle.

Quant à la manipulation des individus et des masses par les pouvoirs politiques, si les moyens sont différents au XXIe siècle, le fond n’a guère changé. A l’ère du tout médiatique et numérique, la rapidité de traitement de l’information et son inflation est loin d’être un gage de qualité, et encore moins de vérité. Comme toujours, pour demeurer libre et échapper à la désinformation autant qu’à la manipulation, le devoir nous échoit de croiser très sérieusement les sources pour exercer à plein notre intelligence. C’est, à ce jour, la seule chose qui permette de se faire une idée plus claire de la réalité de l’action politique derrière le visage affable de sa communication. Ce devoir de sens critique est particulièrement essentiel à l’heure où l’on traverse, en France assurément, sinon dans d’autres pays d’Occident, une crise de confiance de plus en plus grande vis à vis de la réalité de l’exercice démocratique, le tout en relation avec des connivences de « caste » aux idéologies autant qu’aux intérêts politico-économico-médiatiques convergents.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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NB : l’image d’en tête est tirée, pour le premier plan, d’une gravure de l’édition de 1893 de la Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art de Roger Bacon, traduite par A poisson. Son arrière plan provient du manuscrit Ms- 2872 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Daté de la première moitié du XVe siècle, cette ouvrage contient diverses œuvres du Moyen Âge en provenance d’auteurs divers, dont le Secrets des Secrets (à consulter en ligne ici).

quelques citations du conteur saadi sur la guerre et les conflits

Mocharrafoddin Saadi

Sujet   : sagesse persane,  conte moral, guerre, bienséance, citations médiévales, citations, sagesse.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Mocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage  le Gulistan  et le Boustan

Bonjour à tous,

ans la Perse médiévale du XIIIe siècle, le conteur et voyageur Mocharrafoddin Saadi dispense sa sagesse auprès des princes et puissants de son temps. Aujourd’hui, nous partageons quelques autres de ses vers en forme de citation. Les premiers sont tirés de son Gulistan ou parterre de roses dans la traduction qu’en a faite, en 1838, Charles Defrémery, grand homme de lettres et orientaliste du XIXe siècle. Les suivants nous viendront du Boustan ou Verger tel que le traduit, en 1880, Charles Adrien Barbier de Meynard, un autre orientaliste français.

Va-t-en-guerre de salon & hystérie ambiante

La première citation de Saadi est extraite du chapitre VIII du Gulistan « Touchant les bienséances de la société« . Il y est question de la guerre et de conflits entre individus et du rôle néfaste que peuvent parfois jouer ceux qui la commentent de façon à jeter de l’huile sur le feu.

Citation médiévale illustrée de Mocharrafoddin Saadi

« La guerre entre deux personnes est comme le feu , et le misérable rapporteur fait office de bûcheron. Les deux adversaires se réconcilieront, et lui restera malheureux et confondu. Il n’est pas conforme à la sagesse d’allumer du feu entre deux individus, et de s’y brûler. »
Citation médiévale extraite du Gulistan de Mocharrafoddin Saadi

Pour être très clair, il nous est difficile de ne pas résister à la transposition et de ne pas voir, dans ces quelques lignes, une leçon à méditer sur les tristes événements actuels. A l’heure où la guerre de l’information fait rage de tous côtés entraînant, dans son sillage, la désinformation crasse et, pire même, la censure grossière, il serait sage d’être vigilant, d’aiguiser notre sens critique mais aussi de ne pas agir en faveur d’une escalade dont absolument nul ne sait où elle pourra conduire le monde.

Les va-t-en-guerre de salon et les faux braves hystériques de plateaux télés sont comme l’ignorant que nous décrit le même Saadi : «l’ignorant est comme le tambour de guerre, sonore, mais creux et ne proférant que des paroles inutiles». A l’hystérie « covidienne », vient se succéder celle au sujet de l’Urkraine, en s’enfonçant toujours plus dans le discrédit, le ridicule et la caricature. On a changé les visages et les « experts » mais la procédure est la même ; l’heure est, de nouveau, à la propagande et aux procédés inquisitoriaux (au sens moderne et figuré d’arbitraire). On lapide à coups de « pro » ou « d’anti » tout ce qui n’entre pas dans une rhétorique imbécile qui ne souffre aucune nuance. Honte est faite à l’intelligence.

Les voies diplomatiques

Sur ce même thème de la guerre, une autre citation de Saadi nous semble intéressante à méditer. Elle est tirée, cette fois, du chapitre premier de son Boustan (traduction de A. C. Barbier de Meynard, 1880) et touche à la diplomatie. Comme on le verra, elle conseille exactement l’inverse de ce qui a été fait depuis 2014 et de ce qui continue d’être fait :

Citation médiévale illustrée de Mocharrafoddin Saadi

«Tant que des négociations habiles peuvent assurer le succès d’une affaire, la douceur est préférable à l’emploi de la force; quand on ne peut vaincre par les armes, c’est a la modération à fermer les portes de la guerre. La bienfaisance est le talisman le plus efficace contre les agressions de l’ennemi; au lieu de chausse-trappes sème l’or sous ses pas, tes bienfaits émousseront ses dents acérées.»
Le boustan ou verger de Saadi, chapitre 1 : des devoirs des rois, de la justice et du bon gouvernement, règle de politique et de stratégie.


Pour être tout à fait honnête intellectuellement avec ce dernier extrait, précisons de notre conteur persan Saadi qu’il n’est pas non plus un pacifiste jusqu’au-boutiste. Pour lui, il n’est question que de s’adapter à la situation quitte à se montrer plus ferme, à un autre moment et si nécessaire.

Dans le prolongement de ces sujets, vous pouvez également vous reporter à l’histoire de l’homme tombé dans le puits, de Saadi également.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB : Sur l’image d’en-tête, on peut voir un exemplaire du Gulistan, superbement illuminé, daté de 1822. Il est actuellement conservé au National Museum of Iran, de Téhéran.

La Cantiga de santa maria 70 : des 5 lettres du nom de Marie

Enluminure de Saint-Louis

Sujet :  musique  médiévale, galaïco-portugais, culte marial, chant de louanges, nom de la vierge, chanson médiévale
Période :   XIIIe s, Moyen Âge central
 Auteur  :  Alphonse X de Castille (1221-1284)
Titre : CSM 70,  « En o nome de MARIA, cinque letras, no-mais, i há»
Interprète :  Universalia in Re
Album :  Cantigas de Santa Maria, Grandes Visiões (2012)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à poursuivre notre exploration des musiques et chansons médiévales. Nous voguons, cette fois-ci, en direction des rives de l’Espagne du XIIIe siècle pour vous présenter un chant de louanges, la Cantiga de Santa Maria 70.

A partir du Moyen Âge central, le culte marial prend une forte importance dans le monde chrétien occidental et l’homme médiéval s’adresse, de plus en plus, directement à la vierge Marie ; femme et mère, douce et compréhensive, le croyant espère qu’elle pourra intercéder en sa faveur, auprès de son fils, le Christ, le « Dieu mort en croix », comme on le nomme souvent alors.

Manuscrit médiéval Codice Rico : Cantigas de Santa Maria
La Cantiga de Santa Maria 70 dans le superbe Codice Rico de la Bibliothèque Royale de l’Escurial à Madrid (Espagne)

Pèlerinages, miracles et dévotion

Si l’on prête de l’écoute, de la compassion et de la miséricorde à Marie, on lui reconnaît aussi d’immenses pouvoirs. Pour chercher le salut, le pardon et pour montrer sa dévotion, on fait même de nombreux pèlerinages vers les nombreuses églises ou cathédrales élevées en son honneur. Au Moyen Âge, les miracles qu’on lui prête sont aussi légion aux quatre coins d’Europe et même jusqu’en terre sainte (voir la cantiga 29 sur l’apparition de la vierge sur une pierre à Gethsémani). Ils courent le long des routes des pèlerinages et animent les chants de dévots. Au XIIIe siècle, le roi Alphonse X de Castille lancera une grande compilation d’une partie importante de ces récits dans ses Cantigas de Santa Maria. Ce vaste corpus de 417 chants et chansons sur le thème de la vierge demeure, encore aujourd’hui, une œuvre majeure témoignant du culte marial de la Castille médiévale et même d’au delà les frontières espagnoles.

A cette période, la dévotion à Marie soulève des montagnes en prenant la forme de pèlerinages, de témoignages de foi, de prières et de chants, mais la simple évocation de la sainte chrétienne peut même, quelquefois, suffire à produire des miracles. Dans le même esprit, les seules lettres de son prénom se drapent de vertus magiques et deviennent source de prodiges (voir cantiga 384, les clés du paradis pour l’écriture du nom de la vierge ). C’est le thème de la Cantiga Santa Maria du jour. Ce chant de louanges gravite en effet autour des cinq lettres de « Maria » et nous propose d’en décrypter le sens. Il y a quelque temps, nous avions déjà étudié, ici, une chanson très semblable du roi trouvère Thibaut IV , roi de Navarre et Comte de Champagne (voir du trez doux nom de la virge Marie). Celle de jour ne vient pas de sa cour mais de celle d’Alphonse le savant.

L’interprétation de la version de la Cantiga 70 par Universalia in Re

Universalia in Re et les musiques médiévales

Musique médiévale, l'Ensemble Universalia en Ré

Par les hasards de la programmation, l’interprétation que nous vous présentons, aujourd’hui, nous provient d’une formation musicale russe. Cela nous fournira l’occasion de dire qu’en ces temps de conflit, nous formons le vœu pour que la paix revienne et que des compromis soient rapidement trouvés entre ses deux nations historiquement très proches que sont la Russie et l’Ukraine. Nous espérons que les populations ukrainiennes, à l’est comme à l’ouest, se tiennent en sécurité mais également que toutes les parties tiers impliquées feront le nécessaire pour éviter l’escalade.

Cette parenthèse faite, revenons à l’ensemble de musique du jour. Il a pour nom Universalia in Re et est originaire de la ville de Nijni Novgorod. Dès sa création en 2001, ses fondateurs se sont concentrés sur la musique médiévale européenne des XIIIe et XIVe siècles. Par la suite, la formation a eu l’occasion de participer à de nombreux concerts et festivals de musique ancienne en Russie, en Ukraine, mais aussi en Pologne, en Estonie et en Suisse.

Cantigas de Santa Maria: Grandes Visiões

Album de musique médiévale sur les Cantigas de Santa Maria

Sortie en 2012, l’album Grandes Visiões propose, sur une durée proche de 50 minutes, 8 cantigas de Santa Maria prises dans le répertoire d’Alphonse X. Le chant de louanges de la cantiga 70 que nous vous présentons aujourd’hui, ouvre l’album. On peut trouver ce dernier en ligne sous forme digitalisée, voici un lien utile pour l’obtenir : Cantigas de Santa Maria: Grandes Visiões. C’est le second album que Universalia in Re a consacré au Cantigas d’Alphonse X. le premier datait de 2005. A date et sauf erreur, cette production est aussi la dernière de l’ensemble médiéval.

Membres ayant participé à cet album

Maria Batova (chant), Yulia Ryabchikova (chant, psaltérion, tambourin), Ekaterina Bonfeld (chant, flute), Maria Golubeva (vielle, rebec), Danil Ryabchikov (guitare sarrazine, narration).


La cantiga de Santa Maria 70
Paroles et traduction en français actuel

Esta é de loor de Santa María, das cinque lêteras que há no séu nome e o que quéren dizer.

En o nome de MARIA,
cinque letras, no-mais, i há.

« EME » mostra Madr’ e Mayor,
e mais Mansa, e mui Mellor
de quant’ al fez Nostro Sennor
nen que fazer poderia.
En o nome de MARIA…

« A » demostra Avogada,
Aposta e Aorada
e Amiga, e Amada
da mui Santa compannia.
En o nome de MARIA…

« ERRE » mostra Ram’ e Rayz ,
e Reyn’ e emperadriz,
Rosa do mundo e fiiz
quena visse ben seria.
En o nome de MARIA…

« I » nos mostra Jhesu Cristo,
Justo, Juiz, e por isto
foi por ela de nos visto,
segun disso Ysaya.
En o nome de MARIA…

« A » ar diz que Averemos,
e que tod’ Acabaremos
aquelo que nos queremos
de Deus, pois ela nos guia.
En o nome de MARIA…


Celle-ci (cette chanson) est un chant de louange à Sainte Marie, à propos des cinq lettres qu’il y a dans son nom et ce qu’elles signifient.

Dans le nom de Marie
il y a cinq lettres, pas plus.

« M » nous montre la Mère
plus grande
La plus dotée de Mansuétude, la Meilleure
De tout ce que créa notre Seigneur
Et de ce qu’il pourrait créer.
Dans le nom de Marie


« A » la montre Avocate,
Apprêtée et Adorée,
Amie et Aimée
De très-sainte compagnie.
Refrain

« R » la montre Rameaux (branches) et Racines
Et Reine et impératrice,
Rose du monde qui comblerait
Celui qui la verrait.
Refrain

« I » nous montre Jésus Christ
Juste, Juge et c’est grâce à elle
Qu’il nous fut révélé,
Selon ce que dit Ésaïe
.
Refrain

« A » nous dit que nous Arriverons
À
Avoir et obtenir tout
Ce que nous désirons
De Dieu, puisqu’elle nous guide.
Dans le nom de Marie
Il y a cinq lettres, pas plus.




En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

NB : sur l’image d’en-tête, l’illustration et l’enluminure sont issues du Codice rico de la Bibliothèque royale du Monastère de l’Escurial, à Madrid. Ce manuscrit médiéval, également référencé  Ms. T-I-1, peut désormais être consulté en ligne sur le site de la grande institution espagnole.