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Faire reculer la mort : vocation médicale et questions liées à l’exercice de la médécine

Bonjour à tous,

ans la foulée de notre article précédent (idées pour tromper le temps en août), la deuxième chose que nous voulions mentionner ici est aussi liée, ç sa manière au contexte actuel en relation au roman « Frères devant dieu et la tentation de l’alchimiste« . C’est une coïncidence assez étrange mais dans cet ouvrage ayant pour toile de fond le Moyen Âge, et paru quelques mois avant l’arrivée de la Covid, nous traitions, entre autres sujets, de médecine médiévale et de questions liées à cette vocation.

« Ceux qu’on désespérait de guérir »

Depuis son origine, la pratique médicale s’est donnée pour objectif de prévenir, soulager, mais aussi de faire reculer la maladie et, autant que faire se peut, la mort. Jusqu’où devait-elle le faire et où le médecin devait-il fixer la limite ? On peut supposer que le peu de moyens des médecines anciennes évitait, bien des fois, de se poser la question. Pourtant, si la nature mettait souvent le pratiquant face à l’inconnu ou devant le fait accompli, cette question de « l’acharnement thérapeutique » semble bien avoir accompagné les tous premiers médecins. En suivant certains vieux textes de l’antiquité et hippocratiques, le médecin prudent pouvait être tenté de s’écarter bien vite de celui qu’il ne pouvait soigner, de crainte qu’on l’accuse, plus tard, de l’avoir conduit à leur perte. Mais d’autres sources l’enjoignaient, au contraire, au dépassement et à l’opposition contre le sort et la nature même (1).

Cette dernière idée était, en tout cas, présente au début du Moyen Âge central et Avicenne l’exprimait déjà de manière un peu abrupte en écrivant : « Certains avaient pensé qu’il fallait tuer ceux qu’on désespérait de guérir. » Le médecin face à sa vocation autant qu’à son impuissance, vaste sujet. Cette citation donne la mesure de cette problématique et d’une pratique médicale qui peut, quelquefois, glisser au point de devenir obsessionnelle.

Toute proportion gardée, les questions de l’acharnement et des limites dans l’exercice médical étaient donc déjà là, dès l’aube de la médecine et, a fortiori, au Moyen Âge. Elles se sont posées, de manière plus aigue encore, au fur et à mesure, de l’avancée de la médecine moderne et bien que transposées sur le plan collectif et politique, on ne peut tout à fait les abstraire de la toile de fond qui préside à la crise sanitaire actuelle.

Dans la fiction « Frères devant Dieu ou la tentation de l’Alchimiste« , vous trouverez justement un médecin médiéval en prise avec un mal mystérieux et face à ce questionnement. Jusqu’où aller pour exercer son don de médecine sans prendre le risque de s’égarer soi-même ? Où doit s’arrêter la science ? Où commence la vanité ? Au Moyen Âge, le médecin et son patient s’inscrivent aussi dans une relation triangulaire puisque la vie comme la mort demeure, en premier et en dernier ressort, dans les mains de Dieu.


Où trouver ce roman d’aventure médiévale ?

Vous pouvez retrouver cette fiction médiévale qui a pour toile de fond le XIVe siècle, aux adresses suivantes.

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 Format papier.  – 18,90 €uros chez Amazon ou chez  Librinova.fr

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Format  Ebook, Epub ou Mobi
Dans toutes les plus grandes librairies en ligne, à partir du 8 août 2021, Opération Spéciale Eté à 2,99 €uros

Cliquez sur les liens pour plus d’informations : Amazon  –   Cultura –  Decitre  –   Kobo –  Bayard –  Paris Librairies – Sciences po –   Forum du Livre –  La Buissonnière 

Quelques retours de lecteurs

Livre, fiction médiévale de Fréderic Effe

« Philosophie , médecine, religion, croyances et vie médiévale font de ce roman un agréable moment de lecture. le narrateur est soit omniscient, soit ce sont les personnages tour à tour et c’est ce qui permet d’impliquer le lecteur encore plus dans l’histoire. J’aime beaucoup les romans historiques et celui ci m’a beaucoup plu. » Isabelle sur Netgalley.

« J’ai adoré ce roman. Très beau voyage dans ces temps reculés. Personnage vraiment attachant ce Geoffroy ! C’est une lecture que je conseille vivement ! » Pascale Lainé  – Maquettes médiévales

« Je viens de terminer la lecture de Frères devant Dieu ou la tentation de l’Alchimiste. Je voudrais vous adresser mes compliments. Votre roman m’a passionnée !!!  » Marianne – Scénariste

« Le Moyen Age reste tout de même toujours dans mon cœur et m’accompagne dans mes quelques temps de loisirs grâce à la lecture d’un livre que j’aime beaucoup et qui aborde des sujets sensibles pour  Conscience Médiévale comme l’Alchimie et la médecine au Moyen Age. Une lecture prenante, facile et très agréable, je vous la recommande !  Merci à l’auteur de Moyen-âge Passion qui est aussi l’auteur de ce livre, pour ce bon moment de lecture ! »
Blog Conscience Médiévale

« Frédéric Effe, l’architecte du site @moyenagepassion, vient de publier un chouette roman racontant l’histoire de deux frères, un médecin et un troubadour, confrontés à une obscure affaire de sorcellerie dans une seigneurie du XIIIe siècle… Avec plein de vrai Moyen Âge dedans! » Florian Besson – Historien-médiéviste, blog Actuel MoyenAge

« J’ai terminé Frères devant Dieu et l’histoire m’a longtemps habitée. Dès le départ et tout au long du livre, j’ai été impressionnée par les descriptions si vivantes des lieux, les ambiances, la psychologie des personnages, les discussions, les idées qui s’opposaient, et la quantité de détails documentés sur le Moyen Âge. Au départ tout cela m’a rappelé — avec plaisir Le Nom de la Rose. Et puis l’intrigue a pris une tournure tout à fait originale. (…) Merci pour ce beau roman. »
Michelle Galles – Réalisatrice – A la Recherche de Vaubeton


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du Monde médiéval sous toutes ses formes.

(1) voir Le Médecin du Prince: Voyage à travers les cultures, Anne Marie Moulin -Odile Jacob 2010

Les Grandes dames de la guerre de Cent Ans (2) : Isabelle de Bavière, une reine dans la tourmente

Sujet : guerre de cent ans, destin, femmes, monde médiéval, saga historique, roman, jeanne d’Arc, Charles VII.
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Portrait : Isabelle de Bavière (1370-1435)
Auteur : Xavier Leloup
Ouvrage : Les Trois pouvoirs (2019-2020)


En plein Moyen Âge tardif et au cœur de la guerre de Cent Ans, le destin de grandes femmes a marqué, à jamais, celui de la France. Dans ce cycle, nous vous présenterons quatre d’entre elles. Nous poursuivons, aujourd’hui, avec la seconde : Isabelle de Bavière.


u tribunal de l’histoire, la reine de France Isabelle de Bavière apparaît coupable d’une double trahison : trahison à son époux Charles VI, qu’elle aurait allègrement trompé, mais aussi trahison à son royaume, de par la signature du « honteux » traité de Troyes livrant la France aux Anglais. Pour autant, cette reine allemande mérite-t-elle vraiment sa légende noire ?

L’entrée de la reine Isabelle de Bavière à Paris, en 1389, entourée des princes du sang, Miniature du MS Harley 4379, British Library (Chroniques de Froissart, Bruges, vers 1470)

Une reine cupide et adultère ?

Isabelle de Bavière n’aurait sûrement jamais atteint une telle renommée si Charles VI n’était tombé fou. Car lorsqu’il devient clair à tous que le roi de France, qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la démence, ne reviendra jamais à son état normal, Isabelle de Bavière se voit attribuer la régence du royaume. Seulement voilà, cette souveraine se désintéresse de la politique. Raison pour laquelle elle s’empresse de confier à son beau-frère, le beau et séduisant Louis d’Orléans, les rênes du gouvernement. Dès lors, ces deux-là ne se quitteront plus. Selon toute vraisemblance, ils deviendront même amants. C’est en tout cas ce qu’en pensaient leurs contemporains, qui s’étonnaient de les voir longuement deviser ensemble au château de Saint-Germain-en-Laye, dans le logis royal, ou au couvent des Célestins. Mais ce n’est pas là le seul reproche fait à la reine.

Son infidélité au roi se doublerait d’un goût du luxe et de l’argent. Au point qu’on écrira sur elle dans Le Songe véritable, pamphlet politique de l’époque, que « tout ce qu’elle veut est d’en prendre tant qu’elle peut mais non pas tant comme elle veut ». Au point qu’à compter de cette époque, ses détracteurs ne la désigneront plus que sous le sobriquet d’« Isabeau ». Le cas de la reine s’aggrave encore lorsqu’elle consent à ce qu’une jeune concubine soit donnée au roi pour combler son absence dans le lit conjugal. Odette de Champdivers, cette maîtresse officielle dénommée la « petite reine », donnera même un enfant au roi. Et un moine augustin invité à prêcher à l’occasion des fêtes de la Pentecôte d’oser lancer à Charles VI que « la déesse Venus règne toute seule à votre cour… ».

Mais très vite, les choses vont se gâter. C’est d’abord le duc d’Orléans qui se fait assassiner en plein Paris sous les ordres de son cousin Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne. C’est ensuite un royaume divisé entre Armagnacs et Bourguignons qui plonge dans la guerre civile, puis les chevaliers français qui se feront exterminés à la bataille d’Azincourt. C’est enfin Jean Sans Peur qui se fera tuer à son tour sur le pont de Montereau, privant ainsi la France du seul prince capable de s’opposer à l’appétit de conquête d’Henri V, le roi d’Angleterre.

Après la disparition de Louis d’Orléans

La reine se consolera de la disparition de Louis d’Orléans dans les bras d’autres amants, parmi lesquels un certain chevalier de Boisrédon. S’inspirant probablement des écrits du marquis de Sade, l’historien Philippe Erlanger dépeindra lsabelle de Bavière, à l’automne de sa vie, envahie de graisse, submergée, déformée au point que ne pouvant marcher, elle se faisait traîner dans une chaise roulante. « Jamais cependant, écrit-il encore, la colossale matrone, soufflante et gouteuse, n’avait tant aimé le faste et les plaisirs. Elle se soignait en absorbant de l’or potable… Immobile dans sa cathèdre, le chef écrasé sous le poids du hennin, le corps surchargé d’étoffes orfévrées, l’étrange dame présidait inlassablement aux ébats de la cour ».

Détail Français 2646, Chroniques Froissart, BnF, Arrivée et bon accueil de la Royne dans Paris (Bourgogne, vers 1475)

Mais il ne s’agit pas seulement de sa vie personnelle. Pour les historiens, Isabelle de Bavière est surtout coupable d’avoir négocié le traité de Troyes. L’accord qui livre le royaume aux Anglais, celui par lequel Charles VI déshérite le Dauphin, son fils unique, et donne sa fille en mariage au roi d’Angleterre Henri V, faisant de celui-ci l’héritier de la couronne et le régent du royaume. Animée, selon l’histoire Edouard Perroy, d’une « haine atroce » envers le futur Charles VII, Isabelle de Bavière se serait laissée acheter par l’Anglais pour renier son fils et lui livrer sa fille. De tous les désastres connus par la France au cours de son histoire, celui-là est sans doute l’un des plus graves : l’instauration d’une double monarchie sous égide anglaise, une capitulation en bonne et due forme. Or rien n’aurait pu se faire sans qu’Isabelle de Bavière l’étrangère, Isabelle l’allemande, ne renie préalablement son fils et avoue par là-même qu’il n’était qu’un bâtard.

Nous avons donc là le portrait d’une femme infidèle et cupide, voire débauchée, mauvaise mère, traître à son pays. Avouez qu’à ce prix-là, Isabelle de Bavière aurait plus encore que Marie-Antoinette mérité de voir sa tête rouler sur le billot. Seulement voilà, il s’agit là d’un portrait au vitriol. Car à y regarder de plus près, la reine de France bénéficie de circonstances atténuantes.

Une vie d’épreuves

Détail Harley 4380, Chroniques Froissart, BnF, Signature du traité de Troyes avec Charles VI ( (Bruges – vers 1475)

On ne saurait comprendre la conduite d’Isabelle de Bavière sans rendre compte de ce que son mari, à son corps défendant, lui a fait subir. A compter de 1392 et de sa première crise dans la forêt du Mans, le roi de France est schizophrène. Il s’agit donc d’une folie intermittente, qui le voit alterner les périodes de rémission avec les périodes de démence. Il devient alors incontrôlable, voire violent. Pris d’accès maniaques, il refuse de se laver, de se raser et se prend pour un chevalier vengeur, un certain « Georges ». Charles VI crie et hurle « comme s’il était piqué de mille pointes de fer ».

Le Religieux de Saint-Denis raconte ainsi que lorsque la reine Isabelle s’approchait de lui, «  le roi la repoussait en disant à ses gens : « Quelle est cette femme dont la vue m’obsède ? Sachez si elle a besoin de quelque chose et délivrez-moi comme vous pourrez de ses persécutions et des importunités afin qu’elle ne s’attache pas ainsi à mes pas. » Il prétendait n’être pas marié et n’avoir jamais eu d’enfants…  Lorsqu’il apercevait ses armes ou celles de la reine gravée sur sa vaisselle d’or ou ailleurs, il les effaçait avec fureur ». Parfois même, le roi de France menaçait de s’en prendre à son épouse. Ce qui ne pouvait qu’inquiéter, attendu que lors de sa première crise dans la forêt du Mans, Charles VI avait tué quatre de ses gardes coup sur coup… Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi Isabelle de Bavière aura décidé de quitter le logis royal pour emménager dans l’hôtel Barbette, emportant avec elle tous ses enfants. Ce qui n’empêchera pas le sort de s’acharner sur la reine de France, qui perdra successivement ses deux fils aînés, les Dauphins Louis et Jean, morts tous deux de maladie dans les dix-huit mois suivant le désastre d’Azincourt.

Une amoureuse des arts

Le-cheval-d-or-Altötting commandé par la reine Isabelle, grand chef d’œuvre de l’orfèvrerie médiévale

Il est toutefois remarquable qu’au milieu de ces désastres, la reine Isabelle de Bavière ait conservé un intérêt marqué pour les choses de l’esprit. Ainsi la voit-on mécène de l’écrivaine Christine de Pizan, première femme de lettres française, féministe avant l’heure, qui lui dédiera ses « Epîtres du Débat sur le Roman de la Rose » et composera même une « Epître à Isabelle de Bavière ».

Les comptes de la reine montrent d’ailleurs qu’elle faisait partie des plus importants mécènes de son temps et aimait beaucoup plus les livres que son royal époux. Ainsi la voit-on offrir à Charles VI « Le Petit Cheval d’or », sculpture en or émaillé et argent doré, ornée de saphirs, de rubis et de perles représentant la Vierge à l’enfant, véritable chef d’œuvre de l’orfèvrerie médiévale qui figure aujourd’hui parmi le trésor de la collégiale d’Altötting, en Bavière. Ainsi découvre-t-on une reine bien plus intelligente et cultivée que ne le laisserait suggérer sa légende noire. Si elle a beaucoup dépensé, c’est aussi en proportion de son amour du Beau.

Une reine objet de tous les désirs

Isabelle de Bavière aura été, sa vie durant, une reine sous influence. Qu’il s’agisse de son amant le duc Louis d’Orléans, de son « beau cousin » de Bourgogne, Jean Sans Peur, ou du roi d’Angleterre Henri V, chacun aura cherché à se servir de son statut de reine pour accéder au pouvoir. Aussi par comparaison avec la « reine de fer » Yolande d’Aragon et la sainte de Domrémy, la Bavaroise fait-elle pâle figure. Elle aura même contribué, par sa parfaite incarnation de la pécheresse, à faire de Jeanne d’Arc cette nouvelle Eve, cette Marie lavant le royaume de France de ses péchés sans nombre.

Mais il faut admettre que la vie n’aura pas épargné cette princesse arrivée en France à l’âge de 14 ans sans parler un mot de français. Et que le désespoir l’aura sans doute étreint plus d’une fois, comme en cette nuit du 23 novembre 1407 où Louis d’Orléans, son amant passionnément aimé, périra sous les coups de haches quelques minutes seulement après l’avoir quittée.

De par ses multiples fragilités, Isabelle de Bavière n’en est que plus humaine et je dirais même, plus touchante. C’est pourquoi si elle ne mérite pas les lauriers de la gloire, il serait sans doute injuste de la jeter au bûché de l’histoire.

Un article de Xavier Leloup. avocat, journaliste, auteur.
Auteur de la saga médiévale « Les Trois Pouvoirs »
Editions Librinova (2020-2021).
Découvrir son interview exclusif ici.


Voir également les autres articles du cycle sur Les grandes dames de la guerre de cent ans signé de cet auteur :Yolande d’Aragon, la reine de fer – Christine de Pizanchampionne des damesLes illusions perdues de Valentine Visconti, duchesse d’Orléans.


Bibliographie & Références

Atlas de Paris au Moyen Âge, Philippe Lorentz et Dany Sandron, Parigrame.
Charles VII et son mystère, Philippe Erlanger, Gallimard.
Charles VI, Françoise Autrand, Fayard.
Chronique du Religieux de Saint-Denys contenant le règne de Charles VI, de 1380 à 1422, publiée en latin et traduite par M.L Bellaguet, imprimerie de Crapelet.
1328-1453, Le temps de la guerre de Cent Ans, Boris Bove, Belin

Note Moyenagepassion : la miniature ayant servi de fond à l’image d’en-tête représente Christine de Pisan tendant un de ses ouvrages à la reine Isabelle de Bavière. Cette illustration est issue du manuscrit médiéval Harley ms 4431, intitulé The book of the Queen. Daté des débuts du XVe siècle, cet ouvrage est conservé à la British Library et consultable en ligne à l’adresse suivante. Au premier plan, le buste de la reine est, quant à lui, issu de la photo d’une œuvre de Guy de Dammartin (1365-1404). Cette sculpture est encore exposée au Palais de Justice de Poitiers. En 2001, elle a également servi à la couverture d’un ouvrage de Jean Verdon au sujet de Isabeau de Bavière.

Les Grandes dames de la guerre de Cent Ans (1) : Yolande d’Aragon, la reine de fer

Sujet : guerre de cent ans, destin, femmes, monde médiéval, saga historique, roman, jeanne d’Arc, Charles VII.
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Portrait : Yolande d’Aragon (1380-1442)
Auteur : Xavier Leloup
Ouvrage : Les Trois pouvoirs (2019-2020)


En plein Moyen Âge tardif et au cœur de la guerre de Cent Ans, le destin de grandes femmes a marqué, à jamais, celui de la France. Dans ce cycle, nous vous présenterons quatre d’entre elles et nous commençons, aujourd’hui, par la première : Yolande d’Aragon.


omment le petit roi de Bourges, prince fragile de corps et d’esprit, a-t-il pu se transformer en Charles VII le Victorieux, le Bien Servi, et finir par triompher de l’envahisseur anglais ? Comment Jeanne d’Arc, simple bergère de Lorraine, a-t-elle trouvé le moyen d’accéder à la cour de France ? de mener au-devant d’Orléans une armée composée de 3 000 hommes de guerre, 400 bêtes de bétail et plus de 600 voitures chargées de vivres ?

C’est que ces deux illustres personnages ont été aidés par une main invisible. La main invisible d’une femme dont beaucoup ignore le nom mais qui aura tenu le royaume de France à bout de bras quand celui-ci semblait condamné à disparaître. Cette femme, c’est Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, reine de Sicile et des Quatre Royaumes. Femme de pouvoir, femme de l’ombre. Mais sur laquelle il convient de braquer le projecteur pour qui veut comprendre comment la France a gagné la guerre de Cent Ans.

Une femme de pouvoir

Fille du roi Jean Ier d’Aragon et de Yolande de Bar, la jeune Yolande a été éduquée pour régner, au milieu d’une cour brillante. Dès son plus jeune âge, elle s’intéresse aux choses de l’art et de l’esprit. Si bien qu’arrivée à l’âge adulte, elle se portera acquéreur des Belles Heures du duc de Berry, livre de prières enluminé figurant des scènes de cour et de campagne dans les châteaux des bords de Seine ou de Loire, véritable chef d’œuvre de l’art médiéval. Mais surtout, c’est une forte tête. Elle n’a pas 15 ans qu’elle exprime clairement son refus de se marier avec un cousin et le fait consigner par écrit, sous la forme d’un procès-verbal.

Yolande d’Aragon et Louis II d’Anjou, Chroniques de Froissart , Ms Harley 4379 , British Library (1470)

Si Yolande d’Aragon ne sera jamais souveraine, elle n’en deviendra pas moins l’épouse du duc d’Anjou, cousin du roi de France, qui règne alors sur de très vastes territoires : l’Anjou, la Provence, ainsi que le royaume de Sicile, soit tout le sud de l’Italie. Or le duc est souvent absent, notamment pour raisons militaires. Yolande d’Aragon se voit alors confier la lieutenance générale de ses fiefs. On calculera ainsi que durant leurs 6 dernières années de mariage, le duc et la duchesse d’Anjou ne se verront pas plus de 2 à 3 mois par an. Suffisamment toutefois pour concevoir cinq enfants, dont une fille, Marie, qui se mariera au dernier fils du roi de France Charles VI, un certain Charles de Ponthieu. Timide jeune homme au physique ingrat, jambes grêles et paupières tombantes, et qui ne semble pas destiné à régner. Mais que Yolande ne manquera pas de faire « sien » en l’élevant durant trois ans au milieu de sa cour angevine.

Aussi quand son époux décède, Yolande d’Aragon dispose déjà d’une solide expérience de la chose publique. Elle possède aussi un art consommé de la diplomatie. Or c’est justement ce dont l’époque, violente, tragique, crépusculaire, a si grand besoin : le roi de France Charles VI est fou, son frère le duc d’Orléans, amant de la reine, s’est fait assassiner, et la guerre des clans qui va s’en suivre dégénèrera bientôt en une guerre civile qui s’ajoutera au conflit avec les Anglais. Ceux-ci ont d’ailleurs remporté la célèbre bataille d’Azincourt, et prévoient déjà de revenir. Ultime malheur : les deux premiers héritiers de la Couronne de France meurent coup sur coup, sans qu’on ne sache jamais si leur disparition relève de l’empoisonnement ou de causes naturelles.

La bonne fée de Charles VII

Mais Yolande d’Aragon ne cessera jamais de croire dans le royaume de France. C’est d’ailleurs pour elle, chef du parti angevin et belle-mère du nouveau Dauphin, son intérêt. Et ce alors que ses partisans viennent d’assassiner le duc de Bourgogne Jean Sans Peur, poussant ainsi définitivement son duché dans les bras de l’Angleterre ; et ce alors que le roi de France Charles VI, de par le « honteux » traité de Troyes, vient de désigner le roi Henri V d’Angleterre comme son héritier présomptif ; et ce alors même que les défaites militaires s’enchaînent, que la reine de France Isabelle de Bavière a renié son propre fils.

Au faîte de ses malheurs, le « roi de Bourges » ira même jusqu’à vouloir quitter son royaume pour se réfugier en Ecosse. C’est dire si la situation semblait désespérée ! Désespérée pour tous peut-être, mais pas pour la reine de Sicile. Jamais. Son gendre a beau sombrer dans la mélancolie ou devenir le jouet des mauvais génies de sa cour, sa belle-mère n’aura de cesse de le rappeler à ses devoirs de roi. Comme l’écrira plus tard l’historien Philippe Erlanger au plus fort de la 2ème Guerre Mondiale, Yolande d’Aragon fut « l’âme, la foi, la volonté, la force profonde de la France. »

La protectrice de Jeanne d’Arc

Aussi quand en 1429, Yolande d’Aragon entendra dire que dans le Barrois, fief de sa famille maternelle, une bergère vêtue d’une robe rapiécée voulait mander au « Dauphin » qu’il eut à « bien se tenir et ne pas assigner bataille à ses ennemis puisque Messire lui enverrait un secours avant la Mi-Carême », qu’elle entendait quérir Charles VII et le mener à son sacre, la grande féodale comprit immédiatement le parti qui pourrait en être tiré.

Yolande en prière avec ses deux enfants,
Ms 691 Bibliothèque du Mans

Il n’est pas l’endroit ici de refaire toute l’histoire de Jeanne d’Arc. Remarquons simplement avec Philippe Erlanger, que dès avant que la jeune paysanne ait pris la route de Chinon, l’étonnante rumeur de ses prophéties s’était déjà répandue par tout le royaume, traversant les châteaux et les chaumières, bondissant de province en province, emplissant d’espoir tout le royaume de France.

La Pucelle accomplira la prouesse de parcourir 75 lieues en pays ennemi pour rejoindre le roi alors que des brigands guettaient en embuscade et avaient été chargés, dit-on, de l’enlever. Elle parviendra aussi à obtenir une audience auprès de Charles VII alors que de nombreux membres de son entourage y étaient opposés, puis à réunir une immense armée pour assiéger la ville d’Orléans. En réalité, rien de cela n’aurait été possible sans le soutien de Yolande d’Aragon. C’est la reine de Sicile qui se chargera d’examiner la prophétesse et de la certifier Vierge. C’est elle aussi qui, pour financer son armée, vendra bijoux et vaisselle.

Au service d’un destin supérieur

Bien que ses contemporains aient été nombreux à louer sa simplicité, sa proximité avec ses sujets, la chaleur de sa cour, Yolande d’Aragon demeure toutefois une femme politique, une femme d’Etat. Et quels que soient les sentiments de sympathie qu’elle ait pu éprouver pour sa protégée, elle n’hésitera pas à l’abandonner à son triste sort lorsque ses élans guerriers ne s’accorderont plus avec ses propres objectifs politiques : la négociation d’un retour d’alliance avec le duché de Bourgogne. La duchesse savait se montrer implacable et comme ses compagnons d’armes, comme l’Eglise, comme le roi lui-même, abandonnera la Pucelle aux Anglais ; à Cauchon, à son procès, au bûcher.

Dans les Rois maudits, Philippe Le Bel confiait à sa fille Isabelle : « Nous ne sommes points nés pour nous laisser aller à nos douleurs de personnes. Nous ne vivons point nos propres vies, mais celles de nos royaumes, et c’est par là seulement que nous pouvons trouver notre contentement… si nous convenons à notre destinée ». Voilà des mots, assurément, que Yolande aurait pu prononcer. Son petit-fils Louis XI, l’ « universel aragne », implacable souverain lui-même, la qualifiera de « tête d’homme sur un corps de femme ». Yolande d’Aragon fut donc bien une reine. Mais une reine de fer.

Reste son œuvre. Quand la reine de Sicile s’éteint en 1442, à l’âge de 62 ans, son gendre n’a pas entièrement libéré le pays, mais a déjà gagné la guerre. Et c’est bien là l’ironie, pour sa « bonne mère », que d’avoir si bien fait endosser ses décisions par le roi de France qu’elle en a elle-même été oubliée. De ce grand personnage de l’histoire de France, presque aucune image n’a subsisté. Mais telle était sans doute la volonté de Yolande d’Aragon. Au-delà des quelques biographies qui lui ont été consacrées, ne restait donc plus que le roman pour lui rendre hommage et la faire revivre, pour l’incarner. Raison pour laquelle nous avons décidé d’en faire l’un des personnages clefs de la saga des TROIS POUVOIRS.

Un article de Xavier Leloup. avocat, journaliste, auteur.
Auteur de la saga médiévale « Les Trois Pouvoirs »
Editions Librinova (2020-2021).
Découvrir son interview exclusif ici.

Voir également les autres articles du cycle Les grandes dames de la guerre de cent ans signés de cet auteur :   Isabelle de Bavière, une reine dans la tourmente – Christine de Pizanchampionne des damesLes illusions perdues de Valentine Visconti, duchesse d’Orléans.


Bibliographie & Références

Charles VII et son mystère, Philippe Erlanger, Editions Gallimard.
Yolande d’Aragon, la reine qui a gagné la guerre de Cent Ans, Gérard de Senneville, Editions Perrin.
Yolande d’Aragon ou l’unité de France, Arnaud des Roches de Chassay, Editions Charles Hérissey.
Les rois maudits, volume 1, le roi de fer, Maurice Druon, Editions Plon (réédition).

Note Moyenagepassion : l’image d’en-tête est une composition sur la base du film Jeanne d’Arc de Luc Besson (The Messenger, 1999). C’est l’actrice Faye Dunaway qui y incarnait, de manière impressionnante, le rôle de Yolande d’Aragon. Le fond de l’image est une miniature tirée du Ms 691 (Juratoire de la chapelle royale du Gué de Maulny)de la Bibliothèque municipale du Mans (médiathèque Louis Aragon). Elle représente Yolande d’Aragon, accompagnée de ses deux enfants Louis III et Marie, en prière devant la vierge (manuscrit à consulter ici).

Jacques le Goff : l’occident chrétien médiéval entre magie noire et magie blanche

moyen-age-chrétien-citations-jacques-le-goff-satan-dieu-mentalités-medievalesSujet  : citations, Moyen Âge chrétien, diable, Satan, mentalités médiévales, historien, magie noire, magie blanche,  occident médiéval.
Période :  Moyen Âge central, XIe siècle  & suivants.
Auteur : Jacques le Goff
Livre  :  La civilisation de l’Occident Médiéval    (1964)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous retrouvons, ici, une nouvelle citation de l’historien   Jacques le Goff.   Tirée de son ouvrage La civilisation de l’Occident Médiéval , elle aborde le  thème omniprésent au Moyen Âge du bien et du mal, personnifié  par  la lutte  entre Dieu et Satan.

L’homme médiéval  entre  Dieu  et Satan

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histoire_monde_medieval_jacques_le_goff_citations_moyen-âge« Les hommes du Moyen Age sont donc constamment partagés entre Dieu et Satan. Celui-ci n’est pas moins réel que celui-là, il est même moins avare d’incarnations et d’apparitions. Certes, l’iconographie peut le figurer sous une forme symbolique : il est le serpent du péché originel, il se montre entre Adam et Ève, il est le Péché, péché de la chair ou de l’esprit séparés ou unis, symbole de l’appétit intellectuel ou de l’appétit sexuel. Mais surtout il apparaît sous divers aspects plus ou moins anthropomorphiques. A chaque instant il risque pour chaque homme du Moyen Age de se manifester. Il est le contenu de cette terrible angoisse qui les étreint presque à chaque instant : le voir apparaître ! Chacun se sait constamment guetté par  » l’antique ennemi du genre humain ».

(…) Ce dont ne doutent pas les hommes du Moyen Age, c’est que non seulement le Diable peut, comme Dieu, avec sa   permission sans doute, mais cela ne change rien à l’effet produit sur l’homme, accomplir des miracles ; cette faculté   est aussi associée à des mortels, en bien ou en mal. C’est toute la dualité équivoque de la magie noire et de la magie   blanche dont les produits sont en général indécelables par le vulgaire. C’est le couple antithétique de Simon le Magicien et de Salomon le Sage. D’un côté la gent maléfique des sorciers, de l’autre la troupe bénie des saints. »

Jacques le Goff  – La civilisation de l’Occident Médiéval  (1964)


Sorcellerie  &  danse du bien et  du mal
sur toile de fond médiévale

Pour ceux que ces thèmes  intéressent, vous pourrez  les retrouver  au cœur  de   notre roman   Frères devant Dieu ou la tentation de l’Alchimiste.

roman-historique-magie-noire-sorcellerie-moyen-age-aventure-frederic-effeAu Moyen Âge, le chemin des hommes  est étroit  entre  foi et raison, lumière et obscurité,  et les frontières y sont ténues entre science et surnaturel.  Magie noire, sorcellerie,  superstitions  ou tours du malin, quand la vanité s’en mêle, la menace de la chute  n’est jamais loin. Se pourrait-il que ces questions existentielles résonnent encore jusqu’à nous, en projetant un éclairage nouveau sur nos propres choix  ?

Sur fond de Moyen Âge réaliste et historique, Frères devant Dieu ou la tentation de l’alchimiste propose une exploration des mentalités médiévales, au cœur de cette opposition entre Dieu et  Satan, Bien et Mal. Son histoire conte les aventures de deux frères, un savant, l’autre troubadour, ayant vécu à la cour d’un seigneur de Provence à la fin du XIIIe siècle.

Disponibilité

Ce roman est disponible au format papier dans toutes les librairies françaises du réseau Hachette-Dilicom   mais également, à la commande, sur certains sites. Vous pouvez également le trouver au format ebook dans toutes les  grandes e-librairies en ligne.

icone_livre Format papier en ligne   :      Amazon  –  Thebookedition

icone_epubFormat  Ebook    à  3,99 €uros   :    Amazon  –  Librinova  –   Cultura    –  Decitre  –   Kobo –   Bayard –  Paris Librairies –    Forum du Livre

Retours de lecteurs

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En vous souhaitant une bonne journée.

Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com
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