L’éloge médiévale de la « médiocrité » par Eustache Deschamps

poesie_medievaleSujet : poésie médiévale, morale,  réaliste, ballade, médiocrité dorée, vieux français
Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre : « pour ce fait bon l’estat moien mener»
Ouvrage ;
œuvres complètes d’Eustache Deschamps Vol II, Marquis de Queux de Saint-Hilaire

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici une autre ballade d’Eustache Deschamps sur un des thèmes qu’il affectionne particulièrement et dont nous avons déjà parlé dans un article précédent : « Aurea médiocritas » ou  la « médiocrité dorée », autrement dit, au sens médiéval et en référence au poète Horace, du 1er siècle avant Jésus-Christ :  l’éloge de la « voie moyenne ».

Pour le poète du moyen-âge tardif, tout en se gardant bien de l’extrême pauvreté, il est donc ici question de se défier de vouloir crouler sous les richesses et les possessions avec leurs lots de souci et même de vices (avarice, envie, etc…). Corollaire de cette vie simple, sécurité, indépendance et tranquillité d’esprit, bref autant de valeurs venant récompenser qui saura s’en contenter et aura la sagesse de « tenir ou mener le moyen ».

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Faut-il, une fois de plus, voir dans cette ballade (comme on a si souvent tendance à le faire avec la poésie d’Eustache Deschamps) la marque « psychologique » d’un auteur désabusé, un peu sur le retour et qui a fait le tour de toutes les ambitions ? Il n’est pas certain que cela épuise le sujet. Dans son Automne du Moyen-âge, Johan Huizinga y lira plutôt, justement contre l’avis de Gaston Raynaud, un des grands éditeurs de Deschamps au XIXe siècle, le signe d’un déclin des temps, et même une certaine usure ou lassitude du moyen-âge tardif, face aux deco_frise_medevial_eustache_deschampsvaleurs de la noblesse, aux valeurs courtoises et à la vie curiale. Comme il le rappellera, Eustache Deschamps n’est d’ailleurs pas le seul auteur à promouvoir cette idée. Avant lui, on trouve une forme d’éloge du retour à une vie simple, loin des fastes de la cour, au point de prendre même un tour pastoral, chez Philippe de Vitry, musicien, poète et évêque de Meaux, dans son Dit de Franc Gontier. Autour de 1400, cette idée de « mépris de la vie curiale » sera aussi promue dans le cercle des pré-humanistes français, et on la retrouvera, encore un peu plus tard,  chez Jean Meschinot pour ne citer que lui.

Quoiqu’il en soit, pour revenir à des considérations plus contemporaines, cette ballade qui semble consacrer le plafonnement des ambitions pécuniaires et sociales (un certain statut social atteint tout de même),  pourrait presque prendre des dehors de contre-pied pour nos esprits modernes, tant nos sociétés post-industrielles se sont si souvent complu à encenser la réussite financière à tout crin. De fait, le « moyen » y tutoie bien souvent le « passable » et la médiocrité n’y a plus grand chose de dorée, même s’il faut tout de même constater que ces valeurs ont aussi fini par trouver de sérieux détracteurs.

Pour ce fait bon l’estat moien mener
dans le moyen-français d’Eustache Deschamps

Je ne requier a Dieu fors qu’il me doint
En ce monde lui servir et loer,
Vivre pour moy, cote entière ou pourpoint,
Aucun cheval pour mon labour porter,
Et que je puisse mon estat gouverner
Moiennement, en grace, sanz envie,
Sanz trop avoir et sanz pain demander,
Car au jour d’ui est la plus seure vie.

Cilz qui trop a n’est toudis en un point,
Tousjours doubte du sien perdre et gaster,
Cuisançon l’art, Avarice le point, (le souci le brûle, l’avarice le pique)
Et Envie lui fait le sien oster ;
Qui sires* (grand seigneur) est, il a moult a penser
Pour son estat et pour sa grant maisgnie* (maison) ;
Pour ce fait bon l’estat moien mener,
Car au jour d’ui est la plus seure vie.

Qui povres est, chascun vers lui se faint ;
Grant doleur a de son pain truander* (mendier),
Honte le suist. Indigence le vaint ;
Impaciens veult son Dieu acuser ;
Les drois civilz le veulent reprouver
Que creus ne soit : ainsis povres mendie ;
Dieux nous vueille vivre et robe donner.
Car au jour d’ui c’est la plus seure vie.

L »ENVOY

Princes, qui veult son temps vivre et durer
Moiennement doit son fait ordonner,
Sanz trop vouloir avoir grant seignourie,
Ne richesce, ne soufraicte porter:
Le moien doit vouloir et désirer,
Car au jour d’ui c’est la plus seure vie.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Miracle médiéval : traduction de la Cantiga Santa Maria 166 et une version en musique

musique_medievale_cantigas_santa_maria_166_enluminures_moyen-ageSujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, Espagne médiévale, miracle, culte marial.
Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central
« Auteur » : Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284)
Titre : Cantiga  Santa Maria 166 
Interprète : Oni Wytars,
concert de musique médiévale, Ravenne  (2010)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons  aujourd’hui à l’Espagne médiévale  du XIIIe siècle et avec elle, aux célèbres Cantigas Santa Maria, chansons monophoniques attribuées, pour le parrainage sinon pour l’écriture, à Alphonse X de Castille, connu encore sous le nom d’Alphonse le Sage, roi, érudit et poète, curieux de toutes les cultures et qui marqua également de son empreinte la langue espagnole (voir portrait).

Guérison miracle d’un paralytique,
pèlerinage et grâce rendue à la vierge

La Cantiga 166 est un chant ayant pour titre « Como poden per sas culpas os omes seer contreitos ». Elle conte l’histoire d’une guérison miracle, celle d’un homme estropié qui, pour ses pêchers et ses fautes, s’était retrouvé, durant de longues années, paralysé des membres et perclus de douleurs. Ayant fait la promesse de se rendre musique_medievale_cantigas_santa_maria_166_oni_wytars_moyen-age_centralen Pèlerinage à Salas, ville asturienne sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, et d’y faire don d’une livre entière de cire si sa maladie disparaissait, il vit son voeu exaucé. Il s’en fut donc, sans plus attendre à Salas, comme nous l’explique la chanson qui rend encore grâce à la vierge pour le miracle accompli.

Nous avions déjà présenté, il y a quelque temps, une version instrumentale très « Free Jazz » de cette Cantiga par le groupe suédois Vox Vulgaris et c’est maintenant la version vocale (sans doute plus conventionnelle) de la formation italo-allemande Oni Wytars que nous partageons ici.  L’extrait provient d’un concert que l’ensemble médiéval donna au Théâtre Rasi de la ville italienne de Ravenne en 2010.

Como poden per sas culpas os omes seer contreitos
la Cantiga de Santa Maria 166 & sa traduction

Comme pour les autres chants des Cantigas Santa Maria, les paroles de la cantiga 166 sont en galaïco-portugais, langue de prédilection du genre littéraire des Cantigas, affectionnée à la cour d’Alphonse de Castille et, bien au delà, sur la péninsule ibérique et portugaise du moyen-âge central .

C’est au XIIIe et XIVe siècle que le galaïco-portugais connut ses plus belles heures. Ecrite, chantée et prisée par les troubadours et poètes de l’Espagne chrétienne d’alors, elle fut la langue par excellence du lyrisme poétique et rayonna hors de la péninsule jusqu’en Provence et au nord de l’Italie. Elle donnera plus tard naissance au Galicien et au Portugais moderne.

Como poden per sas culpas os omes seer contreitos,
assi poden pela Virgen depois seer sãos feitos.

De même que les hommes peuvent être estropiés par leurs propres fautes,
De même par la vierge il peuvent retrouver la santé.

Ond’ avo a un ome, por pecados que fezera,
que foi tolleito dos nenbros da door que ouvera,
e durou assi cinc’ anos que mover-se non podera,
assi avia os nenbros todos do corpo maltreitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…

Cela survint à un homme, à cause des péchés qu’il commettait,
Et dont les membres furent paralysés par une douleur qu’il avait.
Et ainsi durant cinq ans, il ne pouvait se mouvoir
Tellement il avait tous les membres de son corps paralysé.
De même que les hommes peuvent être estropiés par leurs propres fautes …


Con esta enfermidade atan grande que avia
prometeu que, se guarisse, a Salas logo irya
e ha livra de cera cad’ ano ll’ ofereria;
e atan toste foi são, que non ouv’ y outros preitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…

Avec cette infirmité si grande qu’il avait,
Il promit qu’il se se guérissait, il irait ensuite à Salas
Et que chaque année, il y déposerait en offrande une livre de cire ;
Et ainsi, il fut vite guéri et ne connut plus d’autres soucis.
De même que les hommes peuvent être estropiés par leurs propres fautes …

E foi-sse logo a Salas, que sol non tardou niente,
e levou sigo a livra da cera de bõa mente;
e ya muy ledo, como quen sse sen niun mal sente,
pero tan gran tenp’ ouvera os pes d’ andar desafeitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…

Et après cela il s’en fut,  sans tarder, à Salas en pèlerinage,
Et y emporta, bonne grâce, la livre de cire.
Et il allait plein de joie, comme celui qui ne ressent plus aucune douleur;
Bien que ses pieds n’avaient plus marché depuis si longtemps.
De même que les hommes peuvent être estropiés par leurs propres fautes …

Daquest’ a Santa Maria deron graças e loores,
porque livra os doentes de maes e de doores
e demais está rogando senpre por nos pecadores;
e poren devemos todos sempre seer seus sogeitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…

Pour cela, ils rendirent grâce à Sainte Marie et lui firent louanges
Pour qu’elle délivrent ceux qui souffrent de leurs maux et leurs douleurs,
Et parce qu’elle prie toujours pour nous, (pauvres) pécheurs,
Nous devons toujours être ses bons sujets (serviteurs).
De même que les hommes peuvent être estropiés par leurs propres fautes …

En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau: du Vert empoisonné au Vert salvateur

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_vert_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Livre : « Vert, Histoire d’une Couleur » (2013)
Auteur : Michel Pastoureau
Média : émission radio, livre, « conférence »
Titre : « Des goûts et des couleurs : le vert»
Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous reprenons aujourd’hui le fil du cycle d’entretiens proposés par France-Culture et Laure Adler, autour de Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. Après le bleu, le rouge et le noir, c’est donc au tour du vert d’être passé au crible par l’Historien, couleur dont il confesse, par ailleurs, qu’elle est depuis toujours sa préférée. Là encore et à son habitude, l’historien dépassera de loin la dimension sensorielle et perceptive de son objet d’étude – Le vert -pour le mieux cerner dans sa dimension historique et l’approcher de manière culturelle, symbolique et anthropologique.

« La couleur n’est pas seulement un phénomène physique et perceptif ; c’est aussi une construction culturelle complexe, rebelle à toute histoire_couleur_vert_michel_pastoureau_historien_medieviste_conference_programme_radio_interviewgénéralisation, sinon à toute analyse. Elle met en jeu des problèmes nombreux et difficiles. (…) La couleur est d’abord un fait de société. Il n’y a pas de vérité transculturelle de la couleur, comme voudraient le faire croire certains livres appuyés sur un savoir neurobiologique mal digéré ou – pire – versant dans une psychologie ésotérisante de pacotille. »
Michel Pastoureau, Communication 2005, Académie des Beaux-Arts

Stigmates : d’une instabilité chimique
à une ambivalence symbolique

Couleur emblématique et sacrée de l’Islam, il semble que le vert ait connu un destin plus houleux et moins consensuel du côté de l’occident antique et médiéval. Est-ce la présence dans le colorant dont on use pour la produire d’un poison, le vert de gris, qui histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videosl’explique ou même  les difficultés en teinture, une fois le vert obtenu, de le maintenir et de le faire durer? Sans doute cela a-t-il pu y contribuer.

Même si le fait n’épuise pas, à lui seul, l’Histoire symbolique de cette couleur à travers les âges et les réserves qu’on a pu émettre sur son usage, notamment dans le champ du textile et du vêtement, il demeure fascinant de penser que la difficulté de le fixer chimiquement ait pu en faire une couleur dont on s’est souvent défié et qui semble, du même coup, résister à se laisser figer, une fois pour toute, dans des symboles clairs. Selon Michel Pastoureau, elle reste en effet, à travers l’Histoire la couleur de l’instabilité, de l’ambivalence, du changement et les premiers tâtonnements chimiques pour la maîtriser, autant que sa nature « empoisonnée » l’ont chargés, pour longtemps, de superstitions tenaces.

Lien vers ce même podcast sur le site officiel de France-Culture

D_lettrine_verte_moyen_age_passionurant des siècles, on a également cru que le vert portait malheur, car, pour le fabriquer, on a utilisé des produits extrêmement dangereux. (…) Autrefois, comme on avait du mal à teindre les tissus en vert, on portait des vêtements peints avec du vert-de-gris et selon une tradition qui n’a pas été vérifiée, Molière aurait rendu l’âme un jour où il était habillé de vert, les vapeurs de vert-de-gris pouvant entraîner la mort.  Michel Pastoureau, Vert : Histoire d’une couleur.

Molière ? Peut-être même Napoléon, emporté par le vert et l’arsenic contenu dans les murs qu’il avait fait repeindre de la couleur qui lui était si chère? Vert empoisonné, vert turbulent et rebelle, vert de la fortune comme des « revers » du sort, elle sera encore, au moyen-âge tardif, la histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videoscouleur des démons et des diables tapis dans l’ombre, peut-être encore celle des forêts profondes et mystérieuses et des êtres magiques qui s’y nichent.

Du vert considéré comme la couleur du « barbare » chez les romains, elle connaîtra tout de même quelques succès dans la chevalerie et la littérature courtoise au moyen-âge central, pour perdre à nouveau quelques galons du XIVe au XVIe en devant la couleur attitrée du Diable. On se souvient encore qu’elle sera le symbole de l’inconstance et de la femme facile, comme nous en avions parlé à l’occasion de l’article sur la célèbre chanson anglaise GreenSleeves. Elle aura tout de même, entre temps, conquis les fonds marins et le monde aquatique dans les représentations picturales et graphiques, avant de reprendre, à travers le temps, sa marche symbolique hasardeuse, faite de dénigrement et de « tièdes » promotions.

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Du dénigrement à la promotion :
Le Vert pour sauver le monde

« On lui a donné le feu vert, et même confié une mission de taille : sauver la planète ! C’est devenu une idéologie : l’écologie  »
Michel Pastoureau, Entretien, Telerama, Propos recueillis par Juliette Cerf

C_lettrine_moyen_age_passionomme il demeure étonnant de penser, en suivant les pas de Michel Pastoureau, que la nature ait pu attendre le XVIIIe siècle pour devenir « verte », démontrant bien, là encore, la dimension culturelle et symbolique des couleurs. Aujourd’hui couleur hygiéniste et sanitaire – le vert de la nature, le vert de la propreté – elle est aussi pratiquement confisquée politiquement, comme le rouge le fut (et l’est peut-être encore sûrement d’ailleurs), dans les esprits. Il souffle aussi sur le vert un vent de liberté reconquise, mais peut-être là encore, contient-il ce vent là, une touche d »anticonformisme, une liberté en forme de retour à la nature, hors histoire_couleurs_vert_michel_pastoureau_livres_conferences_videosdu social et hors des villes. La belle couleur indomptable essaierait-elle encore d’échapper par ce biais aux sociétés et aux cultures qui prétendent la saisir et l’instrumentaliser, en gardant son double tranchant?

Au final, on suivra là encore avec intérêt et fascination le projet entrepris par Michel Pastoureau pour faire des couleurs un véritable objet d’étude historique. Peut-être fallait-il qu’il compte dans sa famille trois oncles peintres, un père passionné d’art qui le mène tout jeune au musée, et qu’il se soit lui-même essayé quelques temps aux toiles et aux pinceaux. pour devenir, pour notre plus grand plaisir, d’un historien passionné, un chasseur de couleurs ?

Le vert : plus qu’un beau livre d’Histoire,
un beau livre d’Art

Au delà du programme radio et de l’article que nous présentons ici, il faut vraiment souligner la grande qualité des ouvrages de Michel Pastoureau sur les couleurs, dans leur  édition originale ( au Seuil ). Au delà de sa nature informative et académique, cette histoire de la couleur verte est un superbe objet qui se situe, à mi chemin entre le livre d’Histoire et le livre d’art. Vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessous pour en avoir un aperçu.

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L’ouvrage est toujours disponible à la vente en ligne, dans son édition originale; en voici le lien : Vert. Histoire d’une couleur (relié). Pour les bourses plus modestes, il est aussi paru dans un format poche, chez Points :Vert – Histoire d’une couleur.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Le château bourguignon des Bordes fête ses médiévales en grand

agenda_fetes_compagnies_medievales_sorties_historique_chateau_des_bordes_bourgogneSujet :  fêtes, animations, médiévales, mesnies et compagnies médiévales, marché médiéval, joute, tournoi de chevaliers, escrime ancienne, archerie.
Lieu : Château des Bordes, Urzy, Nièvre, Bourgogne-Franche-Comté
Evénement : Les médiévales du château des Bordes
Dates : samedi 23 & dimanche 24 septembre 2017

Bonjour à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionuand une historienne de l’art, attachée au Musée du Louvre et un architecte du patrimoine, nécessairement férus d’Histoire, se piquent de passion pour les vieilles pierres d’un château et décident de le restaurer, quand, en plus, pour accompagner cet ambitieux projet, débuté en 2014, le couple décide d’organiser des événements à thème de haute qualité, alors nous ne pouvons que leur rendre deux fois grâce fetes_animations_medievales_chateau_des_bordes_bourgogne_nievreet vous inviter, du même coup, à vous pencher de plus près sur leur programme d’activités et notamment sur celle qu’ils ont concoctée pour cette fin de semaine.

Situé dans la Nièvre, à quelques lieues au nord de Nevers et à quelques encablures à l’est de Bourges,  le château des Bordes, car c’est de lui qu’il s’agit, vous propose donc ce week-end une belle fête médiévale de deux jours pleins. Il s’agit d’une première mais ne vous y trompez pas, les choses ont été faites en grand et cet événement s’annonce déjà comme un de ceux sur lesquels il faudra désormais compter en Bourgogne-Franche-Comté.

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Un programme d’exception

N_lettrine_moyen_age_passionombre de campements à la découverte de la vie au moyen-âge et à la rencontre des passionnés d’histoire vivante venus se joindre à la fête, marché artisanal et médiéval avec près de quarante cinq échoppes,  il y aura encore, ce week end, au château des Bordes, un village d’artisanat ancien spécialement reconstitué pour l’occasion, avec force démonstrations de savoir-faire, en provenance du moyen-âge :  calligraphie, enluminure, ferronnerie, taille de pierre, poterie, tourneur sur bois et de nombreux autres encore.  On comptera également, dans ce village médiéval, sur la présence d’une authentique ferme d’époque qui saura, à coup sûr, ravir les enfants !

De nombreuses compagnies médiévales, artistes et mesnies pour animer la fête 

Du point de vue des spectacles et des animations, rien ne manque et la liste est même replète :  championnat national de joutes à pied, tournoi d’archerie, tournoi de chevalerie, tournoi et combats à la façon viking, spectacles de fauconnerie, bateleurs, jongleurs, saltimbanques, ménestrels, danseurs et agenda_fetes_compagnies_medievales_spectacle_feu_fokus_chateau_des_bordes_bourgogneconteurs, il y aura même des jeux en provenance d’Ecosse et du lancer de troncs !

La Seigneurie de Lisle – la Mesnie du lion et de l’hermine – la Mesnie du Gruchet – Saor Alba – la Mesnie du Renard – les Rôdeurs de l’Odan – l’Amici d’Orbais – Steamedvik – Bernard Legris – le Village en torchis – Noël Vernois – la Cie de Saint-Ouen – la Milice marchande du Bugey – le Chardon écossais – la Horde des Mondes oubliés – Cie Fokus – Les R’montemps, –  La Cie du Rohan –  les Archers de Saint-Martin – Managarm Vikingar – Armoria et le Hérisson à plumes – Dagobert –  Thomas Fradin  vieilliste – Olivier Stojmirovic

Temps fort de ces médiévales, un grand banquet animé sera donné le samedi soir, suivi d’un spectacle pyrotechnique et équestre.

Ripailles et  fête de la Gastronomie 2017

Ajoutons encore que du côté des ripailles, Les Médiévales du château des Bordes comptent parmi les célébrations retenues au titre de la fête de la Gastronomie 2017, lancée à l’initiative du Ministère de la Culture. Entre le banquet du samedi soir, le pain cuit à l’ancienne au four (récemment restauré) du château et les près de dix échoppes du marché qui vous proposeront des recettes aux saveurs médiévales, il y aura, à l’évidence, sur place, largement de quoi vous régaler en quantité mais aussi en qualité!

Le Château des Bordes, du château-fort médiéval au palais renaissant du XVIIe

« Dans la riante vallée de la Nièvre, et sur le sommet d’un coteau, qui domine à l’est le paisible village d’Urzy, situé à deux lieues de Nevers, s’élève l’ancien château des Bordes, l’un des plus beaux du Nivernais. Ses tours aux créneaux et aux mâchicoulis sans nombre, aux toits d’ardoises orgueilleusement jetés dans l’espace, ses tourelles et sa coquette vigie, en un mot l’ensemble et l’aspect de ses constructions offrent un spectacle imposant pour une imagination, lorsque venant de Nevers, soit par le Pont-Saint-Ours, soit par les bois d’Urzy, il se découvre grandiose et majestueux aux yeux étonnés du voyageur. »
Le château de Bordes et ses seigneurs, Adrien Bonvallet, 1869

C_lettrine_moyen_age_passionomment servir une meilleure introduction à ce beau monument historique classé depuis 1946 que ces quelques lignes que l’historien et archéologue Adrien Bonvallet lui dédiait au XIXe siècle ? A l’aube du moyen-âge central, le site qui domine depuis ses hauteurs la plaine de la Nièvre et garde un oeil sur la route de Bourgogne, est occupé par une famille alors puissante, les Bordes. Un premier château-fort y sera érigé, prés du milieu du  XIe siècle (en 1041) par Jehan de Bordes, chambellan de France. L’édifice restera aux mains de cette maison jusqu’au XVe siècle.

heraldique_blason_armoirie_Bourdillon_de_la_Platiere_chateau_bordesDétruit en grande partie durant la guerre de cent ans, il ne subsistera guère de la première forteresse que la tour Jeanne d’Arc et le château fera l’objet d’une reconstruction à la fin du XVe, sur ordonnance de Charles VIII. On y édifiera alors tours et donjon, pont-levis, fossés et poterne en lui conservant, à l’évidence, sa dimension défensive. Au milieu du XVIe, de nouveaux travaux y seront entrepris donnant cette fois au bâtiment, de fières allures de palais renaissant. Le site sera alors passé par les jeux de dots et d’héritages aux mains de la puissante famille des La Platière (voir armoiries ci-dessus), proches à la fois de la couronne de France et du Duc d’Orléans.

Un siècle plus tard,  Louis II d’Ancienville, conseiller royal, ayant à son tour hérité du château par son père et par le jeu des lignages et des épousailles, apportera sa touche personnelle à l’édifice  avec  de nombreux aménagements parmi lesquels on pourra compter, entre autres, de grands Marie_Casimire_Sobieski_reine_de_polognevergers et potagers, quelques édifices et dépendances supplémentaires et, encore, de grandes écuries. Il dotera également les plus belles pièces du château de somptueuses décorations entre cheminées monumentales, peintures murales et belles faïences.  C’est dans le courant de ce même siècle que la petite fille de ce dernier, Marie de La Grange d’Arquian, ajoutera au château une galerie de portraits de souverains polonais, et agrandira aussi les écuries, en leur donnant leur dimension royale, pour y accueillir l’équipage de sa soeur, devenue reine de Pologne, Marie-Casimire Sobieski (portrait ci-contre de Jean Tricius, 1676)

Aux siècles suivants, l’édifice, comme tant d’autres dans le courant des XVIIIe et XIXe, changera plusieurs fois de propriétaires sans que son entretien soit vraiment assuré. Il faudra attendre le milieu du XXe pour qu’il soit classé et notamment, les propriétaires actuels, Monsieur et Madame Matthieu Joulie pour que des sérieuses campagnes de restauration y soient engagées, Vous pouvez valablement consulter cette page pour en savoir plus sur les travaux qu’ils y  ont engagés : campagne actuelle de restauration du château des Bordes.

Il va de soi qu’en vous rendant à ces belles médiévales, qui encore une fois, s’annoncent comme une fête de taille et de qualité, vous ferez en quelque sorte coup double, en partageant un peu de leur passion et en les soutenant dans ce grand projet qu’ils ont décidé d’entreprendre.

Avant de vous laisser, j’ajoute que sur place, vous pourrez visiter l’exposition des superbes maquettes médiévales de Pascale Lainé.

En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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