Normannia 2019 : le Salon Médiéval Fantastique est de retour à Rouen

agenda_salon_animations_medieval_fantastique_normannia_rouen_normandieSujet : agenda, salon médiéval, animations, médiéval-fantastique, reconstituteurs, marché historique, tournoi médiéval, combat viking
Nom : Normannia 2019
Lieu :   Parc expo Rouen,
Seine-maritime, Normandie, 
Dates :
les  9  et  10 février 2019

Bonjour à tous,

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaort du grand succès de ses deux éditions précédentes, le salon Normannia se réinvite, cette année, avec un peu d’avance, au Parc des Expositions de Rouen. Avec une fréquentation doublée en 2018 par rapport à sa première année et plus de 10 000 visiteurs reçus, la Fédération Française Médiévale qui l’organise est bien partie pour réitérer et même dépasser ce chiffre.

L’édition 2019 sous la bannière des pirates

normannia_2019_salon_heroic-fantasy_viking_steampunk_animations_medievales_normandieNormannia propose une large palette d’animations qui déborde le monde viking médiéval réaliste, pour aller jusqu’au médiéval-fantastique et l’Heroic Fantasy.  Du point de vue thématique, cette édition 2019 mettra l’accent sur le monde de la mer et les pirates, mais on y trouvera  aussi une grande variété d’activités et de divertissements.

Animations continues & compagnies présentes

Une première liste d’animations a déjà été dévoilée, Elle compte les compagnies suivantes entre spectacles, contes, musiques & danses.

Armutan – Merwenn Nordic Quartet – Les tisseurs de brûme – Picro Sparro – Vernolia Esperanza – Compagnie Celestiaes – Lutartatin – Fanch – Ker Boucan – Barbar’o’Rhum – Normandie Behourd – Gweltaz le File – Récréations pour tous –

Le site de l’événement étant actualisé régulièrement, nous vous conseillons de vous y reporter pour plus d’information (voir pied d’article). Côté temps forts, l’événement verra encore s’organiser des concours de costumes sous divers thèmes :  pirates, steampunk, mondes fantastiques. Les enfants n’y seront pas oubliés.

NB. comme l’année dernière et pour le plaisir, nous nous sommes prêtés au jeu de l’affiche. Il faut avouer que les thèmes abordés par Normannia sont toujours une belle source d’inspiration. (vous trouverez le visuel officiel plus haut dans cet article).

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Grand marché : 200 exposants attendus

En plus des nombreuses animations en continue, l’événement accueillera, dans son vaste espace d’exposition, près de 200 artisans d’inspiration médiévale, historique ou plus fantastique.

Tournoi : combat viking et ligue HREDA

Ceux qui avait déjà suivi notre article au sujet de l’édition 2018 se souvienne du lancement officiel, à cette occasion et par les organisateurs, d’une ligue dédiée au combat viking, sous le nom de HREDA League. Cette année encore, un nouveau tournoi sera organisé autour de cette jeune discipline qui se distingue des règles du Béhourd dont nous vous avons souvent parlé ici.

tournoi_medieval_combats_viking_art-martial_inspiration-moyen-agePlus particulièrement axé sur la culture nordique et viking, ce nouvel art martial médiéval a, en effet, vocation à occuper un espace différent dans le paysage de la reconstitution et de l’escrime ancienne. Entre autres particularités, on notera notamment que le décompte des points se fait à la touche (dans l’esprit de l’escrime), contre les coups portés ou même la mise à terre dans le Behourd.

Lieu d’exposition  –  Site de l’organisateur –  FB de l’événement 

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Kaamelott au cinéma : début de tournage imminent pour le premier volet de la trilogie

kaamelott_integrale_dvd_serie_televisee_coffret_humour_legendes_arthuriennes_GraalSujet : Kaamelott, humour, série télévisée,  trilogie, cinéma, tournage, légendes arthuriennes,  quête du Graal, Heroic Fantasy, médiéval-fantastique, comédie.
Période : haut moyen-âge à  moyen-âge central,
Auteur : Alexandre Astier

Bonjour à tous,

O_lettrine_moyen_age_passionn sentait bien, depuis quelque temps, que le tournage du premier opus très attendu de Kaamelott au cinéma se précisait.  A l’occasion de divers programmes et d’interviews récents,  Alexandre Astier l’auteur de la célèbre série télévisée avait, en effet, laissé échapper quelques allusions confirmant que le projet  allait s’engager bientôt.

« Début de tournage dans quelques jours »

Comme il aime souvent à le faire, c’est par l’intermédiaire des réseaux sociaux qu’il vient donc d’annoncer, hier, la bonne nouvelle aux fans des Légendes Arthuriennes à la française. A en juger par les nombreux commentaires, retweets et partages qui ont suivi, sur Facebook et Twitter, tous s’en montrent déjà ravis.

Avec près de 10 ans d’attente, les difficultés juridiques des origines, suivies par quelques faux départs de communication, finissaient par donner, un  peu, au projet des allures de légende. Force est de constater pourtant que si quelques « mécréants » finissaient par se décourager, la fan base, dans son ensemble,  continuait de tenir bon, en répondant présente à chaque appel de l’auteur. On se souvient notamment des longues files d’attente devant la Fnac de Lyon, à l’occasion d’une séance de dédicace qu’Alexandre Astier avait donné en décembre dernier, pour la sortie du coffret de l’Intégrale de la série ou même encore de son passage très remarqué au Festival d’Angoulême, début 2018, pour le lancement du Tome 8 de la BD Kaamelott : « L’Antre du Basilic« . La presse avait même parlé, à cette occasion, de « Marée humaine » !

Bref, pour y revenir, la nouvelle de ce départ de tournage est de taille et risque de valoir à l’auteur de Kaamelott une nouvelle avalanche de questions de la part de toute la presse. Y répondra-t-il ?  Rien n’est moins sûr. Connaissant son goût de la surprise et cette salutaire tendance qu’il cultive à n’être jamais là où on l’attend, il pourrait bien être enclin à n’en dire guère plus jusqu’à nouvel ordre, et choisir de se réfugier, à nouveau, dans le silence.

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Si le démarrage du tournage est donc bien confirmé pour ce début 2019, à en juger par les « Htags » utilisés, la sortie du film semble, pour l’instant, prévue pour 2020. Au vue de la mer de dunes postée par l’auteur avec l’annonce, les grands espaces seront au rendez-vous. Va-t-il tirer quelques passages de cette nouvelle aventure Kaamelottesque du côté des références moyen-orientales ? Mystère. On ne sait pas non plus s’il a retouché les scenarii qu’il a déclaré avoir écrits depuis quelques années déjà, ni si le ton qu’il adoptera sera plus proche des premiers opus non-sensiques de la série, ou plutôt voisin des derniers livrets qui n’étaient pas exempts d’une certaine gravité. Quoiqu’il en soit, sachons nous contenter de cette heureuse nouvelle et souhaitons-lui bonne chance pour ce nouveau défi de réalisation !

Asterix au box office

Rappelons également qu’en 2018, Alexandre Astier s’est vu confier la réalisation d’un nouvel Asterix, au scénario cette-fois totalement original et écrit de sa plume :  « Le Secret de la potion Magique ». Le film d’animation faisait suite à « Asterix et le domaine des Dieux » sorti en 2014 et qui avait connu un franc succès. Très bien accueilli par le public, ce deuxième film, réalisé une nouvelle fois, avec la complicité de Louis Clichy a déjà dépassé depuis sa sortie, début décembre,  les 13 millions d’entrées au box office et il est toujours à l’affiche.

Retrouvez tous nos articles sur la série Kaamelott au lien suivant.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« Se la belle n’a le voloir », un rondeau courtois de Gilles Binchois

gilles_binchois_chants-polyphoniques_musique-ancienneSujet : chanson, poésie médiévale, Amour Courtois, musique médiévale, lyrique courtoise, rondeau, chants polyphoniques, moyen-français
Auteur-Compositeur : Gilles de Binche, Gilles Binchois (1400-1460)
Titre : Se la belle n’a le voloir
Période :  XVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprètes : Ensemble  Gilles Binchois
AlbumMon souverain désir, Virgin Classics 1998

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionigne représentant de l’Ecole Bourguignonne de la toute fin du Moyen Âge, Gilles Binchois nous a laissé une musique religieuse et profane, marquée par un goût de la polyphonie, qui allait inspirer, à la même époque l’Ecole Franco-Flamande. Rappelons qu’il est d’ailleurs lui-même originaire de Mons.

Dans ce XVe déjà tourné vers la renaissance, l’art musical n’est plus celui des troubadours et des trouvères mais, du point de vue de leurs vers, les compositions profanes continuent très fréquemment de s’inscrire dans l’héritage de la lyrique courtoise des siècles précédents. C’est encore le cas ici avec cette chanson du jour. Dans ce  rondeau, le poète, en parfait fine amant, est suspendu à la décision de la belle qu’il convoite et il se mourrait presque « d’amourette »,  par anticipation, de crainte qu’elle ne se refuse à lui.

Sources historiques : les Codices de Trente

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Le MS 1374, Tr 87, manuscrit de musiques notées du XVe siècle, trentino.cultura.it

Bien que l’œuvre abondante du maître de musique soit assez dispersée en terme de manuscrits, on peut en retrouver une partie importante dans les Codices de Trente. Ces  sept volumineux traités de musiques notées datant du XVe siècle sont considérés comme des documents majeurs pour la musique de l’Europe médiévale de ce siècle. La majeure partie de ces précieux ouvrages est encore conservée, à ce jour, au Musée Provincial d’Art de Castello del Buonconsiglio, à Trente, en Italie.

Le Tr87 ou MS 1374 où l’on peut croiser la chanson du jour et sa notation (cf image ci-dessus), aux côtés d’un peu moins d’une vingtaine de compositions de Gilles Binchois, était jusque là consultable en ligne au lien suivant www.cultura.trentino.it, mais nous venons de vérifier (juin 2022) et il semble que le site ne soit plus accessible pour l’instant.

Se la belle n’a le voloir, par l’Ensemble Gilles Binchois

« Le Souverain désir » de Gilles Binchois
Sous la direction de Dominique Vellard

Mené par Dominique Vellard, l’Ensemble du même nom que le compositeur est sans nul doute celui qui a le plus contribué à nous faire redécouvrir les chants et les pièces tout en subtilité de Gilles Binchois. Dans un album datant de 1997-98 , ayant pour titre Mon Souverain Desir, la formation de musiques anciennes proposait ainsi 17 pièces, tirées du répertoire profane du compositeur, sur le thème du sentiment amoureux et de la fine amor.

gilles_binchois_ensemble_amour_courtois_chants_polyphoniques_musique_medievale_moyen-ageCe bel album, qui démontrait une fois de plus les grands talents de son directeur, a été accueilli avec tous les honneurs sur la scène musicale. Extrêmement bien noté par la presse spécialisée, il a également reçu, en son temps, un Diapason d’Or. Il est toujours édité et disponible à la vente dans toute bonne boutique de musique ou même en ligne. Voici un lien utile pour l’acquérir : Mon souverain désir de l’Ensemble Gilles Binchois.

L’Ensemble Gilles Binchois, une longue et belle carrière  pour  plus de 45 albums

Fondé en 1979, cette grande formation dont nous avons déjà parlé abondamment ici, ne s’est pas cantonnée au répertoire du grand compositeur. Avec plus de 40 années de présence sur la scène des musiques anciennes, l’Ensemble Gilles Binchois a déjà légué à la postérité près de 45 albums et propose encore, de nos jours, les programmes les plus variés des temps médiévaux à l’après-renaissance. Vous pouvez retrouver leur discographie complète ainsi que l’agenda de leurs concerts sur leur site web officiel : gillesbinchois.com

Nous vous invitons également à consulter tous nos articles à leur sujet ici : l’Ensemble Gilles Binchois sur Moyenagepassion.


Se la belle n’a le voloir, rondeau
les paroles de la chanson de Gilles Binchois

Se la belle n’a le voloir
D’alegier mon piteux martire
Il ne m’est nul besoin de rire
Pour le mal qui me fait doloir

Car je n’ay cuer, corps ne pouvoir
Qui puist a tel dolour souffrire
Se la belle n’a le voloir
D’alegier mon piteux martire,

Et pour la verité savoir
A toute heure mon mal empire
Dont je m’en vois de droite tire
Ma mort prochaine recevoir.

Se la belle n’a le voloir
D’alegier mon piteux martire
Il ne m’est nul besoin de rire
Pour le mal qui me fait doloir.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Edito 2019, une belle aventure médiévale

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionvec la nouvelle année, vient le temps des résolutions et c’est aussi le bon moment de faire un édito de rentrée pour présenter un peu mieux ce qui se cache derrière Moyenagepassion.

Avant toute chose, une petit bilan : après plus de 3  ans de posts réguliers, sous-tendus par des milliers d’heures de recherche, nous aurons bientôt publié 1000 articles exclusifs sur le moyen-âge, incluant des centaines de traductions originales de textes médiévaux, chansons, poésies, citations, en langues modernes (italien, espagnol, catalan, anglais) mais aussi et surtout en langues anciennes (vieux-français d’oïl, moyen-français, langue d’oc, galaïco-portugais).

Avec une audience qui s’est constituée progressivement (voir courbe  graphique dans l’illustration ci dessous), Moyenagepassion a vu passer, depuis  sa création, plus de 380 000 utilisateurs, pour près de 800 000 pages vues. Plus de la moitié de ces chiffres est représentée par l’année 2018, à quoi il faut ajouter de nombreux partages sur nos réseaux sociaux (lancés plus tardivement). De son côté, notre chaîne Youtube est un peu demeurée en retrait, faute de temps, mais totalise tout de même près de 250 000 vues.

Tous ces chiffres ne font qu’augmenter, aussi, pour introduire cet édito 2019, permettez-nous, une fois encore, de vous remercier chaleureusement de votre présence, de votre suivi et de vos partages.

Qu’est-ce que le Moyen-âge ?

« Le Moyen-âge est à la mode et je m’en félicite » disait Jacques le Goff. Depuis que le célèbre historien médiéviste a prononcé ces mots, il y a plus de quarante ans, cette tendance n’a fait que se confirmer : littérature, romans, films, séries télévisées ou jeux vidéos, (souvent plus inspirés de l’Heroic fantasy que de l’Histoire réaliste), auxquels il faut encore ajouter les centaines de municipalités, châteaux et autres monuments de notre patrimoine classé qui, chaque année, donnent des fêtes et proposent des animations toujours plus nombreuses, en l’honneur des temps médiévaux.

C’est un fait, la soif et l’intérêt de notre monde moderne pour cette longue période ne s’est toujours pas tarie. Sans comparer sa durée à celles de certaines périodes présentes dans la préhistoire ou de la protohistoire, il faut dire que le Moyen-âge « triche » un peu avec ces 1000 ans généreux (quelquefois plus), dont les historiens lui ont fait cadeau à la suite des lettrés renaissants, 1000 ans qui couvrent, dans les faits, des réalités multiples propices à bien des séductions. Entre le haut Moyen-âge de Charles le Chauve et celui qui s’éteint déjà sous le règne d’un François 1er, que de chemin parcouru, en effet, que d’évolutions, de révolutions, presque ; dans les techniques de production et de construction, dans les mouvements architecturaux, dans les phénomènes d’urbanisation, dans la naissance, la vie et la lente agonie de la féodalité, dans l’émergence edito_2019-_moyen-age_monde_medieval_definitions_symboleset la propagation des grandes universités, dans l’évolution de la musique et de ses codes, dans la transformation des langues de l’Europe occidentale, dans les changements radicaux de l’art de la guerre, dans le redécoupage des territoires et la fixation progressive des frontières de nos nations actuelles, dans les changements de mœurs aussi.

Bien qu’on l’ait énormément étudié depuis le XIXe siècle et même s’il continue de l’être assidûment par nombre d’universitaires tombé eux-même, sans s’en voiler, dans sa fascination, les pointillés et les zones d’ombre entre les certitudes, mais plus encore, sans doute, quelques visées idéologiques passées ou actuelles, ont laissé s’installer, voire s’enraciner, nombre d’idées toutes faites sur le monde médiéval, au point qu’il semble parfois qu’il s’en niche une sous chaque pierre. Par dessus ce Moyen-âge occidental dont les grands médiévistes nous expliquent que tout y était symbole, nous avons ainsi souvent empilé nos propres projections et, finalement aussi, notre propre univers de référence et nos propres « symboles ».

Projections, représentations & symboles
Moyen-âge des légendes, moyen-âge des peurs

Du côté d’un certain « Moyen-âge des légendes », littérature et faits se mêlent souvent joyeusement dans nos représentations : lyrique courtoise et féodalité, chevaliers, valeurs chevaleresques et princesses captives, châteaux merveilleux et batailles épiques et tant de choses encore. Cette période que nous sentons si proche, alors que nous l’étudions finalement si peu dans nos cycles scolaires, peut encore évoquer une époque rêvée qui nous renvoie la tenue de grandes fêtes champêtres, sorties tout droit d’un tableau de Bruegel : du rires, des joies et des ripailles, un certain sens de la distance et de la dérision et peut-être encore l’image de myriades de petites communautés à échelle humaine soudées autour des veillées, tandis que les brigands et les loups rodent au dehors. C’est un fait pourtant, bien que sans commune mesure avec les exodes rurales de l’après révolution industrielle, le moyen-âge central et tardif voit aussi un nombre d’hommes croissant, s’émanciper de la nature, pour venir grossir les nouveaux eldorado(s) urbains et leurs promesses.

Dans cette période de notre histoire qui nous apparaît comme très « horizontale », socialement, avec de fortes lignes de démarcation entre son petit peuple et ses élites seigneuriales, princières ou épiscopales se dessine aussi une étrange solidarité et interdépendance qui perdure, nonobstant quelques coups de canifs donnés au contrat, sous l’égide du schéma triangulaire des trois ordres : Laboratores « je te nourris, je confectionne tes armes et tes vêtements, je bâtis tes châteaux », Bellatores « je te protège », Oratores « je prie pour sauver ton âme ». Bien sûr, au sein de ces 1000 ans multiformes, le paysage social évoluera aussi considérablement et des classes intermédiaires nouvelles tireront leur épingle du jeu : certains artisans, mais surtout les marchands, et avec eux, les prêteurs, les lombards, dans un Moyen-âge central qui peut nous apparaître encore comme celui de l’opulence, des richesses et du commerce, celui des nombreuses foires et de l’ouverture de nouvelles routes vers l’ailleurs.

monde_medieval_ecologie_nature_enluminureDans ce monde, sans vapeur, machine ou pesticide, on pourra encore quelquefois voir projetée la vision rétrospective d’une forme de simplicité retrouvée et même, plus loin, celle d’une écologie réconciliée qu’un cher professeur d’Oxford, caché derrière sa pipe et sa plume, était venu renforcer, dans le courant du XXe. Et pris dans les filets de ce Moyen-âge de vélin, empreint d’écologie et de magie, qui succédait peut-être avec JRR Tolkien au moyen-âge romantique et gothique revisité à la façon du XIXe, on pourra être tenté d’y laisser croître quelques racines celtes ou quelques vieilles légendes nordiques d’avant la christianisation, en oubliant un peu que cette dernière avait couru depuis déjà bien longtemps chez les peuples d’Europe.

Dans sa vaste majorité, l’homme médiéval occidental, celui que l’on connait, qui nous est parvenu, à travers les textes, ne semble, en effet, déjà plus tellement enclin à quelques nostalgies païennes. Si son univers est demeuré holistique et n’est pas encore matérialiste, mécanique et tout à fait froid, la « magie » naturaliste a reculé, au fil de ses siècles, pour se couler dans le moule chrétien et monothéiste. Certes, quelques fées demeurent ci ou là et, jusque dans le courant du XIVe, l’ombre de Mélusine vient planer sous les frondaisons de Brocéliande, mais les premières traces factuelles et documentaires qui subsistent, jusqu’aux premiers écrits arthuriens nous montrent déjà le roi des Bretons portant la croix pendant les batailles. Les miracles du moyen-âge sont aux Saints, à la Vierge, au Christ ou à Dieu et jusqu’au bout de ses espoirs et de ses plus grandes peurs, l’homme de l’Europe médiévale demeure un chrétien, occupé de salut. Sur les traces de l’Empire romain finissant, jamais avant cela, le christianisme et son universalisme n’avaient connu si vaste laboratoire et si longue expérience.

Bien sûr, on ne se défait pas non plus des représentations les plus sombres à l’égard des temps médiévaux. Elles font encore les choux gras de bien des plaisanteries, quand médiéval et moyenâgeux viennent se confondre jusque dans nos coquilles de vocabulaire. Sous le trait d’une barbarie définitivement reléguée aux oubliettes par notre modernité, si douce et de si bon ton qu’elle n’en finit plus de se mentir sur ses propres exactions, ces projections prennent alors souvent les traits, de la caricature. Dans leur grand faim d’émotions et d’images fortes, leurs appétits vont au manichéisme, et elles n’ont souvent, elles aussi, de vérités que celles des cavernes platoniciennes : obscurantisme, peste, saleté, injustice, arbitraire du pouvoir, tortures, clergé gros, gras et cruel, elles recréent alors devant nous le visage d’un monde médiéval fait de cris, de peurs, de violence, de mort et d’ignorance crasse. C’est dans ce même monde que, par exemple, l’inquisition espagnole de la fin du XVe ou même encore les chasses aux sorcières du XVIIe n’en finiront pas de se réinviter, avec quelques siècles d’avance, sur toutes les terres d’Europe quand ce n’est pas, dans les esprits, sur toute la durée du moyen-âge. Et sous la pression de vieux préjugés, regonflés de nouvelles idéologies, on continuera d’instrumentaliser alors, sans le savoir, un moyen-âge devenu repoussoir à la façon dont la renaissance et plus tard les lumières l’avaient instrumentalisé. Faut-il que notre passé soit drapé à ce point de couleurs sombres, pour que notre présent en sorte plus lumineux ?

Et Moyenagepassion dans tout ça ?

A_lettrine_moyen_age_passionlors, au milieu de tout cet enchevêtrement d’archétypes, de projections, de guerres d’idées et de symboles, entre réalités et faits, rêves et fantasmagories, notre projet éditorial, celui de Moyenagepassion est certes un peu fou. En manière de clin d’œil, il pourrait sembler inspiré des visées encyclopédiques que portaient quelquefois sur leurs frêles épaules, d’ambitieux chroniqueurs médiévaux, mais il n’en a pourtant pas la nature systématique. A petit pas, jour après jour, notre projet d’archives se signe sous les dehors de l’aventure et de la musardise même si, dans cette entreprise forcément démesurée, nous ne voulons rien négliger de toutes les facettes du moyen-âge : de sa part certaine, historique et factuelle, de sa merveilleuse littérature qui nous demeure encore, par endroits, si obscure, de ses peurs, de ses joies, de ses forces, de ses croyances profondes, de ses guerres, de ses misères, jusqu’à sa part réinventée : ces temps médiévaux devenus ceux du médiévalisme à l’aulne de nos a priori, comme ceux revisités à la lumière de l’imagination ou des passions fertiles de nos contemporains entre reconstruction onirique assumée ou volonté plus rigoureuse de les faire renaître au plus près, dans de vibrantes reconstitutions historiques.

monde-medieval_moyen-age_enluminures_chevalierDans cette approche, nous n’en sommes pourtant pas aux conclusions et nous voulons toujours garder un peu de cette fraîcheur et de cet étonnement face à toutes ces « réalités ». Au bout du compte, il appartiendra à chacun de faire le tri. A force de moudre et à force de sens critique, nous fondons toutefois l’espoir de lever quelques coins de voile et de favoriser l’émergence de quelques vues plus nuancées.

Sous l’archive, bien sûr, une autre question de fond demeure. Sous le charme piquant et savoureux de l’évocation ou de l’invocation, quelles qu’en soient les formes, cet étrange « objet médiéval », support et réceptacle de tant de projections, serait-il devenu une forme d’échappatoire salutaire contre la grisaille de notre oppressante modernité ? Cette dernière a-t-elle encore des visions, des ambitions ou des valeurs à nous offrir en échange, pour faire le contrepoids ? Au delà de la légèreté et du peu de substance du concept de « Mode », c’est bien de nous, de nos aspirations et de nos rêves dont la fascination pour le moyen-âge nous parle, de nos véritables racines aussi, de celles qui ont façonné notre monde et qui lui ont donné du sens et peut-être encore de cette volonté que nous avons de nous inscrire dans une histoire qui fait sens.

Alors, approchez, approchez bonne gens ! Entrez avec nous dans ce Moyen-âge de tous les visages. Chacun pourra reconnaître le sien, celui qui se niche au plus profond de nous comme une réminiscence, quelque chose que l’on savait être mais que l’on avait oublié, celui qui court entre les lignes de nos plus beaux auteurs médiévaux et de leurs legs, celui qu’on trouvera au détour d’une rue animée, colorée et criarde, le temps d’une fête ou celui, encore, que les Historiens nous montrent du doigt.

Approchez, approchez ! Choisissez votre personnage pour le temps du voyage : serez-vous ce moine rieur à la franche descente et au joyeux coup de fourchette ou ce frère miséreux qui a tourné le dos au monde des illusions pour s’en aller prier pour un monde meilleur et le salut des âmes ? Serez-vous prince, seigneur, chevalier ou princesse ? Ce paysan goguenard qui moque le clerc venu quémander à sa porte ? Cette reine stratège qui impose à tous ses décisions et sa puissance ? Cette bergère qui se refuse au chevalier et à ses promesses de richesse, par amour pour son promis ? Soyez tout ce qu’il vous plaira et qui puisse vous rendre heureux le temps d’une incursion à nos côtés, au cœur du moyen-âge.

Une belle année 2019 à tous sur Moyenagepassion.com et encore merci de votre présence.

Frédéric F