Archives par mot-clé : XVe siècle

Une Chanson de Mal mariée du Manuscrit de Bayeux

Sujet :  chanson, musique, médiévale, poésie médiévale,  manuscrit de Bayeux, mal mariée, humour, chanson d’amour.
Période  : Moyen Âge tardif (XVe), Renaissance.
Auteur :  anonyme.
Titre : Ne l’oserai-je dire
Interprète  :  Ensemble Obsidienne (2020).

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous repartons au Moyen Âge en musique et avec une nouvelle chanson du Manuscrit de Bayeux. Ce très beau manuscrit normand, joliment enluminé et daté des débuts de la Renaissance (XVIe siècle) contient un peu plus de cent chansons de la fin du XVe siècle.

Les pièces du Manuscrit de Bayeux sont assez variés. On y trouve des chansons d’amour et d’autres plus grivoises, politiques ou satiriques. Nous avons eu l’occasion d’en aborder déjà un certain nombre sur Moyenagepassion (voir référence en pied d’article).

Le Manuscrit de Bayeux est actuellement conservé à la BnF sous la référence Français  9346 et on peut le consulter librement sur Gallica. Vous pouvez également le retrouver avec ses notations musicales modernes et ses textes retranscrits en graphie actuelle dans l’ouvrage de Théodore Gérold : Le Manuscrit de Bayeux, texte et musique d’un recueil de chansons du XVe siècle, aux Editions Librairie Istra (1921).

Une chanson de mal mariée

Le Manuscrit de Bayeux, "Ne l'oserais-je dire" chanson et partition, chanson des XVe, XVIe siècles

Loin de l’amour courtois, la chanson du jour est une pièce qu’on rattache généralement aux chansons de mal mariée. Comme leur nom l’indique, ces compositions ont pour thème les mariages arrangés mais qui ne conviennent guère aux intéressées (voir également cette chanson de Moniot de Paris).

Sous des airs retenus, une belle se plaindra ici du peu d’ardeur de son partenaire, considérant même d’en changer pour un plus adapté à ses désirs. Sous le drame apparent de l’union arrangée, difficile de ne pas lire entre les lignes de cette pièce un humour dont le Manuscrit de Bayeux ne tarit pas, par ailleurs.

D’un point de vue musical, la pièce est une branle coupé. On peut retrouver cette danse « récréative » et joyeuse de la fin du Moyen Âge décrite dans l’Orchésographie de Thoinot Arbeau.

Une interprétation en duo de l’Ensemble Obsidienne

Pour découvrir cette chanson du Manuscrit de Bayeux en musique, nous vous proposons une version de l’Ensemble Obsidienne. On retrouve ici Hélène Moreau et Emmanuel Bonnardot en duo, formation plutôt inhabituelle pour cet ensemble de musiques anciennes.

Un mot de l’ensemble Obsidienne

Sous la direction d’Emmanuel Bonnardot, l’ensemble Obsidienne officie depuis 1993 sur un répertoire marqué par les musiques médiévales à renaissantes. Au sortir d’une longue carrière, la discographie de cette formation est ample et de qualité : Guillaume de Machaut, Guillaume Dufay, Josquin Desprez, les Cantigas de Santa Maria, Carmina Burana, etc… Ce sont plus de 20 albums en tout autour des musiques profanes ou sacrées du Moyen Âge.

Largement reconnu sur la scène médiévale, l’ensemble Obsidienne s’est vu gratifier de nombreux prix pour son travail de restitution et d’interprétation. On lui doit encore quelques escapades hors de sa période historique de prédilection. Ainsi, la formation s’ouvre aussi sur le thème « de la chanson du Moyen Age à nos jours ». Dans sa discographie, on trouvera également des contes musicaux et des albums à destination de la jeunesse. Pour les suivre de près, nous vous invitons à consulter leur site web officiel sur obsidienne.fr.

Album : Chansons traditionnelles de France, Manuscrit de Bayeux

L'album, Chansons traditionnelles de France, Manuscrit de Bayeux de l'Ensemble Obsidienne

L’Ensemble Obsidienne a particulièrement bien mis en valeur les chansons du Manuscrit de Bayeux dans cet album sorti en 2021. Vous y retrouverez 24 titres dont une bonne partie est extraite de l’ouvrage renaissant. Cet album qui privilégie une approche polyphonique a fait l’objet d’une collaboration entre l’Ensemble Obsidienne et l’Ensemble Vocal Ligérianes dirigé par Jean-Charles Dunand.

Si vous souhaitez vous la procurer, cette production devrait être toujours à la vente chez votre disquaire habituel. A défaut, vous pourrez également la trouver à la vente en ligne (voir lien ). Hors du format CD, et pour les fans de musique dématérialisée, on trouve également cet album au format MP3 sur certaines plateformes de streaming légales.


Ne l’oserai-je dire si j’aime par amour

Ne l’oserai-je dire si j’aime par amour
Ne l’oserai-je dire.
Mon père m’y maria,
Un petit devant le jour;
A un vilain m’y donna
Qui ne sait bien ni honnour.
Ne l’oserai-je dire.

Ne l’oserai-je dire si j’aime par amour
Ne l’oserai-je dire.
La première nuitée
Que je fus couchée o lui,
Guère ne m’a prisée,
Au lit s’est endormi.
Ne l’oserai-je dire.

Ne l’oserai-je dire si j’aime par amour
Ne l’oserai-je dire.
Je suis délibérée
De faire un autre ami,
De qui serai aimée
Mieux que ne suis de lui !
Ne l’oserai-je dire.


Découvrir d’autres chansons du manuscrit de Bayeux :
Hélàs, mon coeurUng espervier venant du vert boucaigeTriste plaisir et douloureuse joie Par droit, je puis bien complaindre et gemirLe Roi anglaisHellas Ollivier BasselinLa belle se sied au pied de la tourbon jour, bon mois.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Henri Baude, Plaidoyer pour la Paix et Contre les Va-t-en-guerre

Sujet : poésie morale, poète satirique,  poésie politique, Paix, va-t-en-guerre, moyen français, traité d’Arras.
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle.
Auteur :  Henri Baude (1430-1490)
Ouvrage  :  Les vers de Maître Henri Baude,  poète du XVe siècle,  M. Jules Quicherat (1856),

Bonjour à tous,

ous revenons, aujourd’hui, au Moyen Âge tardif, avec une poésie du sieur Henri Baude. Au XVe siècle, ce petit fonctionnaire royal attaché au trésor s’exerçait, en dehors de ses offices, à une poésie satirique et caustique. Sa verve lui valut d’ailleurs quelques déboires, du temps de Louis XI. Il connut même la prison à deux reprises, dont une pour avoir moqué les manœuvres de cour autour du souverain (voir sa biographie). Son destin houleux et sa plume caustique le firent rapprocher, quelquefois, de François Villon dont il fut contemporain .

Une poésie satirique pour la Paix et contre les faiseurs de guerre

La poésie pour la Paix d'Henri Baude accompagnée d'une enluminure médiévale : Bataille de Grandson, chronique bernoise de Diebold Schilling l’Ancien, Manuscrit Mss.h.h.l.3, Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne.

Nous retrouvons, ici, Henri Baude dans une poésie en forme d’hommage à la paix. Il en profitera pour vilipender les ennemis de cette dernière. Exécrée des pervers et des va-t-en-guerre, la paix dépossède aussi les pillards de leur butin et tient les méchants en laisse. Le poète médiéval fustigera, au passage, les lâches cachés à l’ombre des cours et y menant une vie dissolue, tandis qu’ils encouragent les conflits meurtriers, en espérant en retirer quelques glorioles.

Si elle n’a guère vieilli d’un point de vue moral, cette pièce a eu pour contexte le traité d’Arras de 1482 qui mit fin à la guerre de Succession de Bourgogne. C’est, en tout cas, l’avis d’un des biographes de Baude Jules Quicherat, dans son ouvrage Les vers de maître Henri Baude, poète du XVe siècle, daté de 1856. L’historien et archéologue chartiste y souligne également que cette poésie de Baude fut sans doute lue dans l’enceinte du Palais de Justice de Paris comme le suggère la dernière strophe.


Touchant la paix, un pourpenser singulier
d’Henri Baude et en moyen français


J’ay veu, en dormant l’oeil ouvert,
Une perle, soubz mon chef mise
Dans ung moyen pot descouvert
Et nouvellement tainct en vert,
Que chacun si désire et prise,
De toute nation requise :
Et estoit escript sur le pot
En quatre lectres ung seul mot.

Ma quinziesme fut la première,
La première au second rang mys
La neufviesme au tiers plus legière.
Pour la quatriesme, la dernière
Laquelle fait en nombre dix.
(1)
Si pry à Dieu qu’en paradis
Soyent les ames colloquées
Qui ont ces lectres assemblées.

C’est ung trésor confortatif
Envelopé de doulx repoz,
Ung don de Dieu caritatif,
Ung remède consolatif
Contre gens de maulvais propoz,
Le soulaigement des suppostz.
La félicité des humains
Et la gloire de souverains.

C’est la vipère des pervers,
Le deschassement
(la dépossession) des pillars.
Le frain et bride des divers
(les mauvais, les inconstants)
Qui veullent aller de travers,
La destruction des paillars,
Le silence de babillars
(bavards, verbeux),
La confusion des vanteurs,
La correction des manteur.

Qu’en dites-vous, lasches courages,
Sans vertuz, sardanapalez,
(2)
Qui cuidez par voz grans oultrages
Acquerir loz et vasselaiges,
Sans honneur, tous effeminez ?
Vous perdez temps et vous mynez :
L’honneur demeure aux trespassez
Et à vous, si vous l’amassez.

A nostre perle retournons
Que devons aymer et chérir,
Et pensons que nous en ferons
Et comment nous la garderons
Saine et entière, sans périr.
On dit que pour l’entretenir
En ce Palais, pour sa nourrice,
Luy fault (ou la perdrons) justice.

Notes :

(1) Les 5 premiers vers de cette strophe sont une énigme et un jeu de lettres comme Baude les affectionne (il compte parmi les grands rhétoriqueurs). Il y fait allusion aux lettres de l’alphabet :

Ma quinziesme fut la première : P
La première au second rang mys : A
La neufviesme au tiers plus legière : I
Pour la quatriesme, la dernière laquelle fait en nombre dix. X

(2) Sardanapalez ; vivre comme un homme dissolu, personnage riche qui mène une vie de débauche, en référence au souverain grec mythique du même nom Sardanapale ou Sardanapalos.


NB : sur notre illustration, comme sur l’image en-tête d’article, vous retrouverez des enluminures issues de la Chronique bernoise de Diebold Schilling l’Ancien. Ce manuscrit médiéval, daté de la fin du XVe siècle et conservé à la Bibliothèque Bourgeoise de Berne (Burgerbibliothek), narre avec force illustrations la violence des guerres bourguignonnes. Ces dernières ont précédé la guerre de succession de Bourgogne qui s’est finalement conclue par le traité d’Arras de 1482. Vous pouvez consulter ce manuscrit en ligne ici.

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
pour moyenagepassion.com
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Joyeux Noël et joyeuses fêtes 2023

Bonjour à tous,

l’approche de Noël, nous tenions à vous souhaiter d’heureuses fêtes de fin d’année, si vous les célébrez. Nos pensées particulières vont à ceux qui seront d’astreinte et les passeront au service mais aussi à tous ceux qui les passeront dans la solitude et le besoin.

Pour cette carte 2023, nous avons choisi une œuvre du XVe siècle italien. Plus renaissante que médiévale, il s’agit d’une représentation de la nativité du peintre Fra Filippo Lippi (1406-1469). Cette peinture tardive de l’artiste florentin du quattrocento a pour titre « adorazione del bambino » : adoration de l’enfant. Elle est actuellement conservée au Musée du Palazzo Pretorio à Prato en Italie.

Un joyeux Noël et de belles fêtes fin d’année 2023 à vous tous.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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Jeunesse, écarts de conduite et retours de bâton avec Meschinot

Sujet : poésie morale, poésie médiévale, poète breton, ballade médiévale, ballade satirique, auteur médiéval, Bretagne médiévale, grands rhétoriqueurs.
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle
Auteur : Jean (Jehan) Meschinot (1420 – 1491)
Titre : Le baston dont il est bastu
Manuscrit médiéval : MS français 24314 BnF
Ouvrage :  poésies et œuvres de Jean MESCHINOT, éditions 1493 et 1522.

Bonjour à tous,

ous repartons, aujourd’hui, pour les rives du Moyen Âge tardif pour y découvrir une nouvelle ballade morale de Jean Meschinot. Ce poète du XVe siècle occupa diverses fonctions à la cour de Bretagne. Il y fut notamment écuyer et hommes d’armes sous quatre ducs et fut aussi maître d’hôtel de Anne de Bretagne.

L’œuvre et le legs de Jean Meschinot

Son œuvre principale « Les Lunettes des Princes » valut longtemps à Meschinot une popularité posthume qu’atteste le grand nombre d’éditions produites après sa mort. Ce legs fut bientôt éclipsé par la renaissance. On le connaît aussi pour ses 25 ballades contre Louis XI dans lesquelles il emprunta les envois au Prince de Georges Chastellain. Il composa encore d’autres poésies, ballades et rondeaux dont même quelques pièces religieuses.

La poésie grave & vertueuse du banni de liesse

Jean Meschinot se distingue par une poésie morale et satirique qui ne s’épanche guère dans la farce et l’amusement. Quand ses préoccupations ne portent pas sur ses propres misères et déboires, elles vont aux devoirs de la noblesse et à la dénonciation des déviances et du manque de valeurs morales chrétiennes de son temps (abus politiques, cupidité, perfidie, etc…).

Cette œuvre dense et engagée a même valu à Meschinot un surnom qu’il reprend volontiers à son compte : « le banni de liesse ». Il se désigne notamment ainsi, à maintes reprises dans une pièce intitulée « la supplication que fist ledit Meschinot au duc de Bretaigne, son souverain seigneur« . Plus qu’un exercice littéraire, il s’agit d’une requête officielle qu’il déposa auprès de François II de Bretagne suite à un différent l’opposant à un autre noble du nom de Jean de BoisBrassu (1).

La postérité littéraire de Jean Meschinot

Cette gravité et cette mélancolie n’empêcheront pas Clément Marot de rendre un hommage posthume au poète breton dans ses vers, même si la postérité de ce dernier restera finalement de courte durée, à l’échelle de la littérature médiévale française. Après que ses Lunettes des Princes furent éditées dans le courant du XVIe siècle et sa première moitié, l’œuvre de Jean Meschinot fut peu reprise aux temps suivants. Le Moyen Âge entrait dans son hiver littéraire.

Pour ne rien ôter à Meschinot de sa  renommée, ni du prestige de son œuvre, précisons que de 1492 à 1539, on compte 25 éditions de ses Lunettes des Princes, ce qui en fait un vrai best seller, médiéval ou renaissant suivant les préférences de chacun en matière de chronologies.

Bien plus tard, à la fin du XIXe siècle, l’historien et chartiste Arthur de La Borderie fit paraître une belle biographie qui contribua à rediffuser l’œuvre du banni de liesse, en lui donnant un souffle nouveau (op cité). Reste que Meschinot n’a pas, pour autant, la reconnaissance d’un Rutebeuf, d’un Chartier ou d’un Villon pour une œuvre qui garde pourtant de l’intérêt.

Une poésie morale de Jean Meschino sur les écarts de conduite et les retours de bâton

Ballade morale du bâton pour se faire battre

Nous voilà donc rendu à la ballade du jour. En fait de refrain, Meschinot se sert d’un proverbe alors déjà connu depuis plusieurs siècles : « Tel garde et tient en sa maison Le baston dont il est bastu » nous dit il.

Si cette idée est encore en usage en français, sous une forme un peu différente (tendre le bâton pour se faire battre), on la retrouvait déjà dans un vieux poème occitan du milieu du XIIe siècle : « molt i fai grant foldat Cil qui nurrist lo basto ab que·s bat » autrement dit : « Il fait grande folie celui qui porte le bâton avec lequel on le bat”, Aigar et Maurin, chanson de geste provençale (vers 1152). Cet adage continuera, semble-t-il, de circuler en langue française aux siècles suivants et jusqu’au Moyen Âge tardif de l’auteur breton.

Pour Meschinot, cette ballade sera une nouvelle façon d’adresser les valeurs morales chrétiennes. Dans la fougue de la jeunesse, on peut se distraire mais attention à ne pas perdre de vue, son honneur, ni à s’égarer sur les sentiers de l’orgueil ou de la mécréance, au risque d’en payer le prix en retour. Entre plaisir, orgueil et folie, la vertu l’emporte toujours chez l’auteur breton. L’histoire ne dit pas si cette ballade s’adressait à un fils ou une fille de puissant dont il aurait pu avoir l’éducation en charge ? Mais peut-être ne fait-il que nourrir ici le même propos que ses lunettes de princes, en offrant un miroir pour éduquer les puissants.

Exercice de style et réthorique

Au delà du fond, Meschinot étale, dans cette poésie, son goût des pirouettes et des jeux de mots virtuoses : « le fol lye« , « se aise on« , « esbat eu« ,…). Avec le recul du temps, d’aucuns trouveront que le parti-pris alourdit un peu le propos et peut même nuire à la compréhension. D’autres en goûteront la saveur un peu désuète. Dans tous les cas, ces exercices de style sont assez caractéristiques des grands rhétoriqueurs dont Meschinot fut un des représentants reconnus au XVe siècle, avec Henri Baude, Olivier de la Marche, Georges Chastellain et quelques autres.

Aux sources anciennes de la ballade du jour

La ballade médiévale de Jean Meschinot dans le français 24314 de la BnF

Cette pièce fait partie d’une série de poésies qui fait immédiatement suite aux ballades adressées à Louis XI dans les éditions complètes des œuvres de Meschinot.

Du point de vue des sources, vous pourrez la retrouver dans le très coloré manuscrit médiéval Français 24314 de la BnF (à consulter sur Gallica). Pour la transcription en français moderne, nous nous sommes appuyés sur les éditions imprimées de 1493 et 1522.


Ballade morale du retour de bâton
dans le moyen français de Jean Meschinot

Jeunesse mère de folie
Partie adverse de raison
Par plusieurs façons le fol lye
(lie)
Pour le mener a desraison
Commettre luy fait maulx foison
Mais en fin tout bien debatu
Tel garde et tient en sa maison
Le baston dont il est bastu.

La maniere n’est pas jolie
De foloyer
(s’égarer, faire le fou) toute saison
Bien pour chacer mélencolie
En folie honneste se aise on
Mais pour dieu jamais ne faison
Que notre honneur soit rabatu
Car le maulvais a de moeson
(moisson)
Le baston dont il est bastu.

Un orgueilleux a chere lye
(à la mine joyeuse)
Prent peine sans comparaison
Plus que celluy qui s’humilie
En aymant dieu et oraison
Se bien nostre corps or aison
(aisier,satisfaire, mettre à l’aise)
Quand le foul est bien esbatu
(diverti, agité,… )
Son vice est sans aultre achoison
(prétexte, motif)
Le baston dont il est bastu.¨

Prince du jeune nous taison
Ayt mal plaisir ou esbat eu
Il doit hayr plus que poyson
Le baston dont il est bastu.


 En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Notes

(1) voir « Jean Meschinot, sa vie et ses œuvres, ses satires contre Louis XI », Arthur de la Borderie 1895, Bibliothèque de l’École des chartes.