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Les regrets de la belle heaulmière, une lecture de François Villon par Brassens et une oeuvre magistrale de Rodin

poesie_medievale_francois_villon_la_requeste_poesie_satiriqueSujet : poésie réaliste, poésie satirique, poèsie médiévale
Auteur : François Villon
Titre : les regrets de la belle heaulmière
Période : moyen-âge tardif
Interprète : Georges Brassens, 1967
Média : lecture audio, film d’animation. Ina

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Trois maîtres réunis autour d’une belle heaulmière en peine

Bonjour à tous,

J_lettrine_moyen_age_passion‘espère que ce petit billet de blog médiéval, vous trouve en joie. Nous continuons de chercher autour de Georges Brassens et de Villon et aujourd’hui, nous vous proposons  une pièce de choix. C’est une lecture audio pas une chanson, mais du même coup, peut-être y gagne-t’on encore en proximité avec le texte, et c’est aussi un peu comme si l’influence du grand Villon sur le non moins grand Brassens se faisait ici plus intime. C’est, cette fois-ci, « les regrets de la belle heaulmière », une poésie profonde sur le passage du temps sur le françois_villon_rodin_brassens_poesie_medievale_les_regrets_heaulmiere_lecture_audiocorps que Brassens nous proposait et comme c’est lui qui en faisait la lecture, le ton est juste et intelligent. Tout est à sa place et le texte est là, sans fausse émotion et dans toute sa vérité. Merci Brassens et merci l’INA!

En écho à l’art poétique et réaliste de  François Villon,  Auguste Rodin fera jaillir de ses mains, en 1887, cette belle courtisane, ayant pris de l’âge et souffrant des meurtrissures du temps et nous ne pouvions résister à partager ici une photographie de l’oeuvre de cet autre immense artiste et cette sculpture « celle qui fût la belle heaulmière » qui répondait à Villon plus de quatre siècles plus tard.

Les regrets de la belle heaulmière,
poésie de François Villon

Advis m’est que j’oy regretter
La belle qui fut heaulmière,
Soy jeune fille souhaitter
Et parler en ceste manière :

« Ha ! vieillesse felonne et fière,
Pourquoy m’as si tost abatue ?
Qui me tient que je ne me fière,
Et qu’à ce coup je ne me tue ?

« Tollu m’as ma haulte franchise
Que beauté m’avoit ordonné
Sur clercz, marchans et gens d’Eglise :
Car alors n’estoit homme né
Qui tout le sien ne m’eust donné,
Quoy qu’il en fust des repentailles,
Mais que luy eusse abandonné
Ce que reffusent truandailles.

« A maint homme l’ay reffusé,
Qui n’estoit à moy grand saigesse,
Pour l’amour d’ung garson rusé,
Auquel j’en feiz grande largesse.
A qui que je feisse finesse,
Par m’ame, je l’amoye bien !
Or ne me faisoit que rudesse,
Et ne m’amoyt que pour le mien.

« Jà ne me sceut tant detrayner,
Fouller au piedz, que ne l’aymasse,
Et m’eust-il faict les rains trayner,
S’il m’eust dit que je le baisasse
Et que tous mes maux oubliasse ;
Le glouton, de mal entaché,
M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse !
Que m’en reste-il ? Honte et peché.

« Or il est mort, passé trente ans,
Et je remains vieille et chenue.
Quand je pense, lasse ! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue ;
Quand me regarde toute nue,
Et je me voy si très-changée,
Pauvre, seiche, maigre, menue,
Je suis presque toute enragée.

« Qu’est devenu ce front poly,
Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz,
Grand entr’œil, le regard joly,
Dont prenoye les plus subtilz ;
Ce beau nez droit, grand ne petiz ;
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictis,
Et ces belles lèvres vermeilles ?

« Ces gentes espaules menues,
Ces bras longs et ces mains tretisses ;
Petitz tetins, hanches charnues,
Eslevées, propres, faictisses
A tenir amoureuses lysses ;
Ces larges reins, ce sadinet,
Assis sur grosses fermes cuysses,
Dedans son joly jardinet ?

« Le front ridé, les cheveulx gris,
Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz,
Qui faisoient regars et ris,
Dont maintz marchans furent attaincts ;
Nez courbé, de beaulté loingtains ;
Oreilles pendans et moussues ;
Le vis pally, mort et destaincts ;
Menton foncé, lèvres peaussues :

« C’est d’humaine beauté l’yssues !
Les bras courts et les mains contraictes,
Les espaulles toutes bossues ;
Mammelles, quoy ! toutes retraictes ;
Telles les hanches que les tettes.
Du sadinet, fy ! Quant des cuysses,
Cuysses ne sont plus, mais cuyssettes
Grivelées comme saulcisses.

« Ainsi le bon temps regretons
Entre nous, pauvres vieilles sottes,
Assises bas, à croppetons,
Tout en ung tas comme pelottes,
A petit feu de chenevottes,
Tost allumées, tost estainctes ;
Et jadis fusmes si mignottes !…
Ainsi en prend à maintz et maintes. »

La mignonne et sa rose de Ronsard viennent  encore à l’esprit en réécoutant ou relisant  ce texte de Villon, même si la puissance réaliste et évocatrice de la poésie de ce dernier ne trouve guère d’égal. Réjouissons-nous tout de même contre cette vieille Heaulmière  que la beauté ne soit pas que dans les atours de la chair.

Une bonne journée à tous!
Fred
pour moyenagepassion.com
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