Archives de catégorie : Conférences Moyen Âge

Des conférences sur le moyen-âge et autour de la période médiévale par les plus grands érudits et experts de ces questions (historiens médiévistes, romanistes, etc…)

Conférences : découvrir L’invention Du Moyen Âge Et Du Médiévalisme

Sujet : monde médiéval, histoire médiévale, histoire des représentations, médiévalisme.
Période : Moyen Âge, XVIIIe s au XXIe s
Conférences : l’Invention du Moyen Âge : du marquis de Paulmy à « Game of Thrones »
Organisateur : BnF, Bibliothèque de l’Arsenal, 1, rue de Sully – 75004 Paris
Dates : 18 décembre 2023, 15 janvier 2024, 5 février 2024
Intervenants : Fanny Maillet, Isabelle Durand, Vincent Ferré.

Bonjour à tous,

rands amateurs et amis du Moyen Âge sous toutes ses formes y compris les plus modernes, c’est au tour de la prestigieuse BnF de se pencher très sérieusement sur le sujet du médiévalisme. L’institution vous propose, en effet, tout prochainement, un détour par la Bibliothèque de l’Arsenal pour un cycle de conférences gratuites, animées par d’éminents médiévistes.

Du Moyen Âge au médiévalisme

Comment le Moyen Âge s’invite-t-il dans notre monde moderne et sous quelles formes ? Livres, fictions, jeux vidéo, jeux de rôles ou de plateaux, films et séries… Au XXIe siècle, les temps médiévaux continuent d’habiter nos productions culturelles modernes et, avec elles, un peu de notre quotidien. L’affaire n’est pas nouvelle. Le Moyen Âge, sa résurgence ou même sa réinvention sous les formes les plus diverses n’a guère tardé pour échapper à la courte éclipse dans laquelle avait voulu le plonger les auteurs renaissants ; même avec le plus grand des talents de plume, on ne tire pas impunément un trait sur mille ans d’histoire.

Voilà donc que le XVIIIe siècle voyait déjà renaître le Moyen Âge. Oui, mais lequel ? Sur ce nouveau terreau, notre bel objet historique se cherchait déjà de nouvelles racines et représentations sous l’impulsion du marquis de Paulmy. A quelque temps de là, suivraient bientôt les élans magnifiques des romantiques avec leur flamboyant, inquiétant et glorieux Moyen Âge. Plus tard, viendraient encore se greffer de nouvelles charges symboliques, de nouveaux territoires oniriques ou politiques, des espaces de luttes idéologiques et culturelles, de nouveaux horizons perdus ou à perdre, bref autant de nouveaux Moyen Âge(s).

La chose est actée. Depuis ses retrouvailles au XVIIème siècle (a-t-il jamais vraiment été perdu ?), le Moyen Âge projeté, revisité ou reconstruit n’a jamais cessé d’évoluer, de changer de visage. Et c’est justement cette longue et passionnante évolution, des premiers re- découvreurs des siècles passées jusqu’au Trône de Fer de G.R.R Martin, que la BnF vous propose de parcourir, à partir du 18 décembre prochain.

Le cycle de trois conférences prévu a pour titre : L’Invention du Moyen Âge : du marquis de Paulmy à « Game of Thrones ». En plus de ces interventions de qualité, les visiteurs auront la joie de découvrir quelques précieux manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal pour illustrer tous ces propos.

Trois conférences pour mieux comprendre le Moyen Âge et le Médiévalisme

Ces trois conférences seront données à l’Arsenal même. L’entrée en sera gratuite mais il est recommandé de réserver et, à défaut de se présenter suffisamment à l’avance. Voici le programme de cet événement qui devrait donner des clés utiles de compréhension sur le Moyen Âge, ses représentations historiques et modernes, comme sur le médiévalisme.


Le Moyen Âge des Lumières.
Le marquis de Paulmy entre érudition et littérature

Date : le lundi 18 décembre 2023, à l’Arsenal.
Horaires : 18 h 30 – 20 h.

C’est la médiéviste Fanny Maillet, enseignante en littérature médiévale à l’université de Zurich qui l’aura en charge. Il sera ici question de se pencher sur le rôle et l’influence du marquis de Paulmy. Dans le courant du XVIIIe siècle, cet homme de culture, diplomate et homme d’Etat français a, en effet, contribué à la diffusion d’un certain Moyen Âge, notamment au travers de sa collection médiévale.

Qui était le marquis de Paulmy ?

Portrait d'Antoine-René de Voyer, marquis de Paulmy

Grand collectionneur et bibliophile du XVIIe siècle, Antoine-René de Voyer, marquis de Paulmy (1722-1787) fut à l’initiative de la transformation de l’Arsenal de Paris en ce qui deviendra plus tard la prestigieuse Bibliothèque de l’Arsenal.

Amis des livres et des anciens manuscrits, revoyez vos critères sur la définition de « belle » bibliothèque et sortez vos mouchoirs ! Celle du marquis de Paulmy contenait près de cent mille ouvrages. Autrement dit, de quoi donner le vertige ou même plutôt des envies de s’enfermer des milliers d’heures pour explorer tous ces trésors. Ils sont, aujourd’hui, sous la bonne garde du conservateur des lieux et de ses archivistes.

En grand lettré, le marquis de Paulmy fut aussi à l’initiative de nombreuses publications et de sélections à partir de sa vaste collection. En plus de rendre tribut à son influence sur une première relecture du Moyen Âge, c’est un double hommage que rendra ici la Bibliothèque de l’Arsenal à son lointain aïeul et fondateur.


L’invention du Moyen Âge par les écrivains romantiques

Date : le lundi 15 janvier 2024 à l’Arsenal.
Horaires : 18 h 30 – 20 h.

La professeure de littérature générale et comparée Isabelle Durand (université de Bretagne Sud) aura en charge cette deuxième conférence plus particulièrement ciblée sur les romantiques et leur nouveau souffle pour un Moyen Âge perdu et à reconquérir.

Portrait de Victor Hugo, féru de Moyen Âge au temps des romantiques.

La période couvrira le XVIIIe siècle de Jean-Charles-Emmanuel Nodier pour s’étendre au XIXe siècle de Victor Hugo. Comme dans toute analyse médiévaliste sérieuse, les préoccupations et projections immédiates des romantiques, dans leur entreprise de réinvention d’un Moyen Âge onirique et sublime, seront mises en exergue.


Le médiévalisme fait des vagues (XVIe-XXIe siècle)

Date : le lundi 5 février 2024 à l’Arsenal.
Horaires : 18 h 30 – 20 h.

Avec cette dernière conférence, on se rapprochera plus particulièrement du médiévalisme moderne. L’universitaire Vincent Ferré, professeur de littérature générale et comparée à l’université Paris 3-Sorbonne Nouvelle sera en charge de la conduire.

Prince Vaillant, affiche de cinéma, Moyen Âge et médiévalisme

Entre « réception savante » et Moyen Âge récréatif, l’intervenant se penchera ici sur les origines du médiévalisme. La conférence abordera particulièrement les questions soulevées par cette jeune discipline complexe qui tente de démêler les soutènements de tous ces Moyen Âge(s) de fiction, de pellicule, de costumes ou de papier. L’engouement pour ce monde médiéval qui n’en finit pas d’être à la mode et qui, par là, interpelle d’autant plus le médiévalisme, sera également examiné.


Voilà donc un programme de prestige à ne pas manquer si vous êtes en région parisienne à ces dates. N’oubliez pas de réserver le cas échéant. A cette fin, reportez-vous aux pages officielles de la BnF dédié à l’événement. Pour ceux qui se tiendront trop loin de la capitale et de l’Arsenal, on espère que la technique permettra d’assurer l’enregistrement et la rediffusion en ligne de ces conférences d’intérêt.

Sur le sujet du médiévalisme voir aussi:

 En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

NB : le portrait du Marquis de Paulmy sur l’image d’en-tête est tirée d’un portrait daté du 18e, conservé au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. En arrière plan vous aurez reconnu le Dragon tiré du Trône de Fer de G.R.R. Martin.

Ségurant : à la découverte d’un chevalier arthurien inconnu avec Emanuele Arioli

Emanuelle Arioli, brillant médiéviste découvreur de Ségurant, le chevalier au dragon

Sujet : roman arthurien, légendes arthuriennes, chevaliers de la table ronde, manuscrits anciens, littérature médiévale, Ségurant, découverte médiévale.
Période : Moyen Âge central à tardif, XIIIe au XVe siècle
Titre : Ségurant ou le chevalier au dragon
Auteur : Emanuele Arioli
Média : Conférence à la Fondation Martin Bodmer, (juillet 2023) et ouvrages de l’auteur.

Bonjour à tous,

u cours des dernières semaines, ceux qui s’intéressent aux légendes arthuriennes n’ont pu manquer le grand bruit fait par les découvertes d’un archiviste- paléographe et universitaire du nom d’Emanuele Arioli. Après une décennie de recherches, ce dernier a, en effet, mis au jour l’existence littéraire et les faits d’un chevalier de la table ronde jusque lors tombé dans l’oubli : Ségurant le Brun.

Dans cet article, nous revenons dans le détail sur cette découverte inattendue. Nous vous présentons également une conférence de l’auteur ainsi qu’un récapitulatif des nombreux ouvrages qu’il a fait paraître sur le sujet.

Un chevalier oublié et quel chevalier !

La révélation de l’histoire de Ségurant est d’autant plus étonnante qu’on nous présente d’emblée ce chevalier comme l’un des plus brillants de l’épopée arthurienne.
Alerte divulgâchage mais pas trop ! L’histoire raconte qu’il est si fort qu’il éclipsa les autres chevaliers durant les tournois organisés à la cour du roi breton.

L’apparition de ce héros médiéval dans le corpus arthurien est postérieure à celle de Lancelot ou Tristan. Pourtant, ces derniers auraient peut-être eu leur blason moins doré à Camelot sans l’intervention de la perfide fée Morgane. A l’occasion d’un tournoi, la terrible demi-sœur d’Arthur invoquera, en effet, le diable pour écarter ce chevalier décidemment trop talentueux. Le Malin s’étant changé en dragon, Ségurant se lancera à ses trousses. Emporté par son courage, il se laissera entraîner loin du lieu dans une poursuite effrénée de la bête. Entre-temps, la fourbe et fallacieuse fée aura convaincu Arthur que le vainqueur du tournoi, comme le dragon, n’étaient qu’une illusion.

A peine apparu à la cour, Ségurant se trouvera donc condamné à l’oubli. La malédiction de Morgane a-t-elle traversé le papier pour s’exercer sur la postérité du preux chevalier dans le monde réel ? De fait, pour étonnant que cela paraisse, les faits de Ségurant restaient jusque là oubliés du roman arthurien.

Voir la conférence présentation d’Emanuele Arioli à la Fondation Martin Bodmer

Une aventure dans l’aventure

Dans les faits, les recherches d’Emanuele Arioli sur Ségurant débutent aux archives et dans une bibliothèque. Ce jour là, le jeune médiéviste trouve dans un manuscrit médiéval une partie de l’histoire de Ségurant passée jusque là inaperçue. Le manuscrit en question est le Ms 5229 de la Bibliothèque de l’Arsenal. L’ouvrage contient les Prophéties de Merlin. Il est, aujourd’hui, consultable en ligne sur Gallica.

Trouvant le récit interrompu au milieu d’une phrase, Emanuele Arioli décide de ne point s’en ternir là. Il se lance alors dans des recherches qui le mèneront dans les plus grandes bibliothèques d’Europe en quête d’autres manuscrits. Epluchant des centaines de codex, il s’attachera à débusquer le moindre fragment de parchemin, en quête du chevalier arthurien perdu.

Une longue quête dans les manuscrits médiévaux

Obnubilé par la poursuite de son dragon, Ségurant ne recherche pas le Graal mais l’apprenti docteur semble avoir trouvé le sien. Dix ans plus tard, il aura pisté le héros chevaleresque dans 28 manuscrits, mettant à jour une trame principale, mais aussi des variantes. Les ouvrages s’étalent sur une période qui débute en 1272-1273 pour les sources les plus anciennes et s’achève au Moyen Âge tardif. Les épisodes étaient disséminés dans diverses bibliothéques en France, en Belgique, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis.

Les manuscrits sont principalement d’origine française, flamande et Italienne mais demeurent en langue française. On y trouve de tout : codex entiers, fragments, parties de manuscrits brûlés ayant miraculeusement survécu à des incendies, … Selon le chercheur médiéviste, l’association du chevalier au dragon aux Prophéties de Merlin peut expliquer, en partie, son invisibilisation. L’ouvrage sera, en effet, interdit à la parution par l’Eglise romaine, dès le milieu du XVIe siècle. Vient sans doute s’ajouter l’apparition tardive de Ségurant dans le corpus arthurien et la baisse d’intérêt pour ce dernier à la Renaissance.

Quelques traits marquants de Ségurant

Dans son entreprise, Emanuele Arioli a établi des rapprochements entre Ségurant et Sigfried, autre héros des épopées germaniques. Il a également trouvé des correspondances manifestes entre ce dernier et Sigurd, son homologue chasseur de dragons né du côté des mondes scandinaves. Suivant l’auteur, il est fort probable qu’il se soit trouvé intégré, après coup, dans les récits arthuriens, comme se fut le cas pour Tristan.

Pourfendeur de lions, vainqueur aux tournois, Ségurant se distingue encore dans les légendes arthuriennes par d’autres traits. Destiné à un public peut-être plus aristocratique que bourgeois, son récit tardif semble bien entériner la fin de la courtoisie. Un auteur médiéval tardif s’efforcera de lui dégotter une princesse mirobolante. Cela relève toutefois de l’exception. Victime du sortilège de Morgane, le chevalier au dragon échappe aux choses de l’amour.

Par son humour et certains autres traits, l’histoire de Ségurant à la poursuite de son dragon illusoire pourrait encore annoncer la fin de la chevalerie. Cet idée n’est pas rare, cela dit, au Moyen Âge central et surtout tardif. En lisant certains auteurs médiévaux des XIIIe, XVe, on a souvent l’impression que la chevalerie reste un ailleurs insaisissable qui ne cesse d’agoniser. Un peu plus tard, Cervantes enfoncera le clou avec Don Quichotte et Emanuele Arioli établit certaines parentés entre l’auteur castillan et l’histoire de Ségurant.

Des recherches aux publications

Après un long travail de terrain, d’analyse et de classification, Emanuele Arioli a présenté sa thèse en 2017 devant la Sorbonne et le Collège de France. Mené sous la direction de Sylvie Lefèvre et de Michel Zink, ce travail lui a valu une mention très honorable. En dehors de la reconnaissance de ses pairs et comme à peu près toutes les thèses, elle passera à peu près inaperçue du grand public. Rien d’étonnant. C’est un peu la loi du genre.

Profitons en pour ajouter ici que les parutions de ce brillant médiéviste n’ont cessé d’être saluées par diverses académies depuis. Ses premiers travaux thèse présentés en 2013 devant l’Ecole des Chartes lui avaient déjà valu deux prix prestigieux et d’autres sont venus s’y ajouter.

« Ségurant ou le chevalier au dragon : étude d’un roman arthurien retrouvé », chez Honoré Champion

Quelques années plus tard, en 2019, l’auteur fera publier une première version remaniée de cette thèse chez Honoré Champion. Présenté en 2 tomes, l’ouvrage reste alors relativement confidentiel. On y trouve les versions en vieux Français et des notes propices à intéresser le public averti de la grande maison d’édition.

Couverture du livre sur Ségurant paru chez Honoré Champion en deux volumes

Le tome 1 présente le corpus central des écrits médiévaux attachés à Ségurant. On a là la version la plus fournie et la plus datée. Le tome 2 expose, quant à lui, les versions ultérieures et variantes retrouvées et réunies par l’auteur. Une réédition des deux ouvrages, datée de mars 2023, avancera encore dans la diffusion de Ségurant auprès du même public. On peut la trouver au lien suivant : Ségurant ou le chevalier au dragon, version cardinale, deuxième édition, Editions Honoré Champion.

Un troisième livre est également paru chez le même éditeur « Ségurant ou le chevalier au dragon (XIIIe, XIVe siècle : étude d’un roman arthurien retrouvé« . Il expose le patient travail de codicologie et de philologie ayant permis d’aboutir à la restauration de l’histoire du chevalier oublié.

Malgré cela, il faudra attendre sept mois pour voir la presse et les médias commencer à tendre plus sérieusement l’oreille. Ils le feront, au point d’élever Ségurant, au rang de véritable buzz médiatique automnal dans le monde du livre. Il faut dire qu’en plus du patient travail d’Honoré Champion, le jeune médiéviste, désormais professeur des universités, aura déployé de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens pour faire connaître son chevalier arthurien au plus grand nombre.

Des livres tous publics pour découvrir Ségurant

Dans sa volonté de diffusion et comme on pourra le relever dans la conférence ci-dessus, Emanuele Arioli a eu à cœur de partager l’aventure de son héros médiéval oublié, autant que de mettre en scène sa propre course au trésor médiéval. Les amateurs de légendes arthuriennes se retrouvent donc gâtés à l’approche de Noël avec trois productions, en plus de celle susmentionnée.

Ségurant, le chevalier au dragon, Les belles lettres

Ségurant, le livre et la version en français moderne

Cet ouvrage présente une version plus compacte et plus orientée grand public de l’épopée de Ségurant que celle sortie chez Honoré Champion.

Pas de vieux français ici. Sur 240 pages, le livre présente en français moderne le roman disparu ainsi que des enluminures issues des manuscrits originaux. Il est disponible en format broché ou Kindle à un prix plutôt abordable et rencontre déjà un franc succès.

Ségurant, le chevalier au dragon, Seuil Jeunesse

Ségurant, un livre au seuil jeunesse sur l'aventure du médiéviste et ses recherches

Le parti-pris de cet ouvrage est de faire découvrir, de manière illustrée, la quête entreprise par le chercheur et les méthodes utilisées pour mettre au jour le chevalier arthurien oublié.

Mettre à la portée des jeunes publics son métier de paléographe archiviste et ses recherches dans les manuscrits, reste un moyen original de partager ses péripéties, tout en suscitant des vocations. C’est plutôt une bonne idée dans laquelle transparaît le pédagogue et professeur qu’est aussi Emanuele Arioli.

Le Chevalier au Dragon, la BD chez Dargaud

Ségurant, le chevalier au Dragon, sorti en BD chez Dargaud

Avec ce dernier format sous le mode pure BD, l’auteur-chercheur se propose de faire découvrir Ségurant d’une autre manière encore. Pour les besoins du scénario et du format, il se permet ici quelques incursions un peu plus fictionnelles. Elles permettent notamment de combler quelques vides laissés par les aventures reconstituées du chevalier arthurien.

Tous les produits sus-décrits sont à la vente chez tout bon libraire. Aussi, n’hésitez pas à les visiter pour leur commander. Pour ceux qui sont dans des zones privées de librairies ou même hors de France, vous pourrez, bien entendu, retrouver tous ces ouvrages dans les librairies en ligne. Voici un lien utile à cet effet.

Des productions complémentaires

Pour une histoire sortie d’un labo de recherches, l’idée d’une sortie rapprochée sur tous ces supports est assez novatrice. En fait de redondances, il faut plutôt y voir une heureuse complémentarité. En plus de toucher divers publics, ces différentes productions papier se renvoient, en effet, la balle de manière plutôt heureuse.

A l’heure où il est si difficile de s’arracher aux écrans pour se plonger dans de saines lectures, la BD est un bon moyen d’entrer dans l’histoire pour les aficionados du format illustré et pour les plus jeunes. Elle peut, par la suite, susciter l’envie d’aller chercher aux racines du texte médiéval dans le ou les livres disponibles. Aurait-on trouvé une nouvelle façon d’envisager le retour à la lecture par l’image papier et la BD ? Le sujet s’y prête mais l’originalité de cette triple sortie reste à saluer.

Documentaires et conférences

Dans la foulée de toutes ses sorties, l’auteur a également travaillé, de concert, avec la chaîne de télévision Arte sur un documentaire qui vient tout juste de sortir (le 25 novembre). La réalisatrice et l’auteur ont fait le choix d’y présenter, en parallèle, les aventures filmées de l’archiviste-paléographe et celle du chevalier Ségurant en format animation.

On espère que ce format participera de la dynamique de distribution des produits et ne l’éteindra pas comme c’est trop souvent le cas. On connait hélas trop l’effet « j’ai vu le film, pas besoin de lire le livre » (l’écran, encore lui). Quoi qu’il en soit, l’auteur, comme les publics ayant déjà vu ce documentaire, ont l’air de s’en déclarer largement satisfaits.

En dehors de cela, on peut trouver quelques conférences d’Emanuele Arioli en ligne comme celle partagée un peu plus haut dans l’article. Vous pourrez également le retrouver au lien suivant dans une conférence sur le site de l’Ecole des Chartes parue tout récemment. Etant lui-même chartiste, il revient en quelque sorte à la source de ses enseignements, pour sa découverte et son approche, en compagnie de son éditeur des Belles lettres.

Bon pour les chercheurs et pour le Moyen Âge

Pour conclure, il faut se féliciter de cet enthousiasme médiatique mérité autour de Ségurant. La découverte et l’opiniâtreté du chercheur auront payé même si, redisons-le, la mise au jour d’une telle nouveauté sur un corpus si largement étudié reste aussi rare qu’exceptionnelle.

De fait, bien des archivistes ou médiévistes peuvent lui envier cette trouvaille mais aussi s’en trouver d’autant plus motivés dans leur travail. La chasse au trésor est encore possible et l’on peut avec un peu de ténacité se changer tout soudain en une sorte d’Indiana Jones des temps modernes, toute mesure gardée. Au delà, tout cet écho dont bénéficie aujourd’hui Emanuele Arioli est bon pour la recherche en Histoire, pour les légendes arthuriennes, autant que pour la connaissance du Moyen-Âge et de sa littérature. On peut donc l’en féliciter doublement.

Des labos aux échos médiatiques

Ses mésaventures permettent aussi de mesurer le fossé existant entre le monde de la recherche et celui des médias, même quand les sujets s’y prêtent. Sans les supports appropriés en terme de ciblage, de marketing et de communication, il aura fallu près de 6 ans pour que la découverte d’un chevalier oublié de la cour d’Arthur passe des bancs de l’Université aux médias plus grand public. Entre l’univers Kamelott d’Alexandre Astier mais encore les séries et autres productions hollywoodiennes diverses, le roman arthurien n’a pourtant cessé de démontrer sa popularité actuelle. Il y a là peut-être un leçon à tirer.

Pour les amateurs de toutes ces déclinaisons filmées autour du roi des bretons, reste à savoir si Ségurant fera bientôt une apparition, fugace ou plus consistante, sur les grands écrans. L’auteur en rêve certainement mais ne soyons pas trop pressés et donnons au public le temps de lire un peu, puisqu’il semble en reprendre le goût grâce à ce chevalier oublié.

Sur le roman arthurien, voir également :

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

MUSÉE ANNE DE BEAUJEU : une Grande exposition & un colloque autour d’Anne de France

Musée Anne de Beaujeu

Sujet : Anne de France, exposition, colloque, peintures, arts, sculptures, manuscrits anciens, ducs de Bourbon, Bourbonnais.
Expositions & colloques : Anne de France, Femme de pouvoir, Princesse des Arts
Dates : jusqu’au 18 septembre 2022
Lieu : Musée Anne-de-Beaujeu, 5 Pl. du Colonel Laussedat, 03000 Moulins, Auvergne-Rhône-Alpes

Bonjour à tous,

l y a plus d’un siècle, on inaugurait à Moulins, dans l’Allier, le Musée départemental Anne de Beaujeu (mab). Situé dans un pavillon attenant au prestigieux Château des ducs de Bourbon, l’institution accueille encore, de nos jours, de nombreux visiteurs. Elle leur propose la découverte de collections variées qui lui ont, quelquefois, valu le surnom mérité de « petit Louvre ». L’institution, qui suscite un grand enthousiasme auprès du public, est référencée dans de nombreux guides et elle est même entrée, en 2016, au classement des musées étoilés du guide vert Michelin.

Un petit Louvre au cœur de l’Allier

Collections du Musée Anne de Beaujeu

En terme de périodes historiques et de pièces exposées, les visiteurs trouveront au mab un parcours aussi vaste que riche. Si le Moyen Âge y est représenté, il est loin d’être le seul. Du côté des expositions permanentes, les collections du mab vont de l’égyptologie et de l’archéologie régionale jusqu’à l’art décoratif local et encore de grandes toiles et sculptures du XIXe siècle. Entre le temps des pharaons et le XIXe siècle, le musée présente également l’histoire des Bourbons et des sculptures bourbonnaises allant du Moyen Âge à la renaissance, mais aussi des peintures et sculptures des XVe et XVIe siècles, en provenance d’Allemagne et des Pays Bas.

Les collections de l’institution ne s’arrêtent pas là. Le beau musée Anne de Beaujeu a, en effet, en charge la conservation de près de 20 000 objets et œuvres d’art qu’il dévoile, aux yeux du public, au fil d’expositions plus temporaires. On peut alors y découvrir des pièces d’exception dans des domaines aussi variés que les arts, les arts décoratifs, ou même l’histoire naturelle et la numismatique. Au delà de ses expositions permanentes et temporaires, le musée répond également présent à l’occasion d’événements spéciaux comme les journées nationales du patrimoine ou la nuit des musées. Enfin, dans la veine de ses activités de conservation et de promotion de ses collections, il édite également divers guides, de beaux livres d’art ou des catalogues d’exposition.

L’actualité du Musée Anne de Beaujeu

Côté actualité, un triple événement vous attend, en 2022, au Musée Anne de Beaujeu. Débuté depuis mars dernier, il se poursuivra jusqu’au 18 septembre de cette année et on y célèbre l’anniversaire de la disparition des 500 ans d’Anne de France (1461-1522).

Exposition événement : Anne de France,
Femme de pouvoir, Princesse des Arts

Affiche Exposition colloque sur Anne de France

Le Ministère de la Culture et la région se sont associés au mab pour faire de cette exposition sur Anne de France un événement exceptionnel. Le musée s’est également allié à d’autres établissements de renom et des pièces de haut vol sont venues enrichir momentanément le patrimoine du musée. Elles proviennent d’institutions aussi prestigieuses que Le Louvre, Versailles, Ecouen, la National Gallery et la Wallace Collection.

Comme on le verra, la grande princesse de la fin du Moyen Âge, épouse de Pierre de Bourbon et fille ainée de Louis XI et de Charlotte de Savoie, n’a pas fait que régner sur le duché du Bourbonnais et donner, plus tard, son nom au Musée Anne de Beaujeu. Cette exposition est là pour témoigner de la grandeur d’Anne de France sur les terrains étatiques, comme artistiques. En juin, l’événement se doublera même d’un colloque visant à explorer, de manière plus large encore, l’influence de cette grande dame des XVe et XVIe siècles, sur les arts, comme sur la politique et la société de son temps.

Deux ouvrages pour accompagner l’exposition

Livre bibliographie Anne de France

Pour tout ceux désireux de mieux connaître la personnalité et les faits d’Anne de France, Aubrée David Chapy, docteure et professeure agrégée d’histoire, co-commissaire de l’exposition vient également de faire paraître, aux éditions Passés-composés l’ouvrage « Anne de France, Gouverner au féminin à la Renaissance ». Il s’agit d’une biographie-essai sur la princesse et femme d’Etat de la fin du Moyen Âge. L’historienne qui a fait de la construction du pouvoir au féminin au Moyen âge tardif et à la Renaissance, un de ses sujets de prédilection est aussi une grande spécialiste d’Anne de France. Elle y avait, en effet, déjà consacrée une partie de sa thèse de doctorat, brillamment reçue, en 2014.

A noter également que les deux commissaire de l’exposition, Aubrée David Chapy donc, et Giulia Longo, conservatrice du musée ont également fait paraître le catalogue de l’exposition, sous le titre Anne de France (1522-2022): Femme de pouvoir, princesse des arts. Il est, lui aussi disponible depuis courant mai (voir en ligne).

Un grand colloque sur Anne de France

Comme indiqué plus haut, d’ici quelques semaines, un colloque viendra s’ajouter à l’exposition pour honorer Anne de France et son leg. Il aura lieu les vendredi 17 et samedi 18 juin 2022, au théâtre de Moulins et aura pour titre : « Autour d’Anne de France. Enjeux politiques et artistiques dans l’Europe des années 1500.« 

Colloque autour d'Anne de France et pouvoir féminin médiéval

Du point de vue du programme, la qualité des invités est à la mesure des ambitions de l’événement. Ils seront, en effet, près de 20 universitaires, conservateurs et spécialistes venus des plus prestigieuses universités et institutions françaises ou étrangères pour parler d’Anne de France, de livres et des arts bourbonnais contemporains de la Princesse. Un journée entière de ce colloque sera également dédié au pouvoir conjugué au féminin durant ces même siècles, du Moyen âge tardif et à la Renaissance.

Pour nous qui nous nous sommes déjà avancé en partie sur ces thématiques de l’empreinte des femmes dans l’histoire de France (voir le cycle sur les grandes dames de la guerre de cent ans), ce programme s’annonce d’excellente faction. On y trouvera du savoir de qualité librement dispensé puisque l’entrée est libre et sans réservation.

Voir le programme détaillé de ce colloque

De prestigieux manuscrits de la BnF

Exposition manuscrits anciens BnF - Collection ducs de Bourgogne

Pour ajouter à ces deux événements, une seconde exposition débutera le 18 juin et se poursuivra, elle aussi, jusqu’au 18 septembre 2022. Le public aura l’opportunité d’y découvrir de prestigieux manuscrits de la BnF sur le thème « Trésors enluminés des ducs et duchesses de Bourbon ». Nous restons donc dans le thème.

D’autres conférences et visites guidées autour de ces expositions animeront la vie du musée durant les mois à venir. Pour le détail de ses programmes et des horaires, voir le site officiel du Musée Anne de Beaujeu.


Ajoutons, pour conclure, que ceux qui ne s’y sont jamais rendus au musée Anne de Beaujeu de Moulin pourront profiter de leur présence sur place, pour effectuer une visité guidée du château des ducs de Bourbon.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : le portrait d’Anne de France sur l’image d’en-tête est extraite du superbe Triptyque du Maître de Moulins de la cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation de Moulins . Il a vraisemblablement été réalisé par le peintre Jean Hey entre la toute fin du XVe et le début du XVIe siècle. Les autres photos de l’article proviennent du Musée Anne de Beaujeu.


La terre n’était pas plate au moyen âge mais elle est en train de le redevenir

podcast médiéval

Sujet : terre plate, terre ronde, science, histoire médiévale, idées reçues, préjugés, actualité.
Période : Moyen Âge.
Média  : podcast décembre 2021
Titre : La terre était-elle plate au Moyen âge ?
Intervenants : Christophe Dickès, Violaine Giacomotto-Charra, Sylvie Nony.

Bonjour à tous,

ous avions été contacté, il y a quelques années, par un auteur illustrateur. Assez sympathique, il nous avait dit faire des petits cahiers ludiques pour les enfants et pour une petite maison d’édition. L’un deux, déjà paru, portait sur le Moyen Âge. Il espérait que nous soyons intéressés et puissions en parler dans nos pages. Très honnêtement, l’idée nous a ravi. Hélas, en consultant le document, assez bien illustré, nous avons trouvé de nombreuses idées fausses sur le monde médiéval entre lesquelles la suivante, énoncée laconiquement : « Au Moyen Âge, l’Eglise et les gens pensaient que la terre était plate « . La messe était dite…

Actualité de la terre plate

Aujourd’hui encore, ce préjugé est, sans doute, celui qui résume le mieux les idées reçues sur le monde médiéval et ses mentalités. Il fait encore sourire, voir pouffer, d’un air entendu. « La Terre était considérée comme plate au Moyen Âge« . Si les médiévistes ne pouffent pas, de nouveaux publics se joignent, désormais, à eux pour des raisons différentes. À l’heure d’internet, tout devient possible et depuis quelque temps, les affirmations autour de la terre plate reviennent, en effet, au goût du jour. Cela fait lever les yeux au ciel à tous les astronomes, scientifiques, physiciens, astronomes amateurs, de la terre entière et même quelques milliards d’autres personnes. Pourtant, en janvier 2018, un sondage de l’IFOP établissait que près de 9% des français pensaient cette théorie possible : 2% en étaient totalement convaincus, 7% la jugeaient probables. C’est un peu plus qu’une sorte de « pourquoi pas ? » face à l’idée. Beaucoup de regards se sont alors tournés vers l’éducation et certains ont pu avoir une pensée émue pour la crédibilité accordée aux enseignements scolaires, autant que pour l’éducation scientifique.

À date, une brève requête faite sur google en langue française vous fera apparaître près de 46 200 000 résultats sur « terre plate ». Si vous la tentez en anglais (« flat earth »), le nombre vertigineux de 1 230 000 000 résultats s’affichera. Sur youtube, les vidéos sur le sujet sont également innombrables même si (rappelons-le) pour y poster, il ne faut pas nécessairement un doctorat en physique, ni même des études poussées en Astronomie ; une webcam et un soft de montage vidéo suffisent. En dehors de quelques pédagogues qui s’escriment à réhabiliter le bon vieux globe terrestre, si le courage vous en dit (personnellement, j’ai un peu passé mon tour), vous assisterez aux échafaudages les plus hardis visant à démontrer la platitude de notre bonne vieille « Plan-ète » .

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La plupart ne tiendrait sans doute pas 5 minutes face à un Hubert Reeves. Ils n’auraient pas, non plus, été approuvés par un regretté Haroun Tazieff ni un Albert Einstein et même votre prof de physique de collège pourrait les démonter, mais qui sont tous ces prétendus experts après tout ? Quelle légitimité réelle pourraient-ils bien avoir face à des millions d’opinions et de bouches grandes ouvertes en ligne ? Deux ou trois voix de plus dans l’arène, d’où qu’elles viennent, ne font pas une vérité, pas vrai ? Je plaisante à demi. La nouvelle barbarie dont Alessandro Baricco nous avait dit un mot est dans la place. À chacun sa vérité et sa panoplie d’experts. Le plus étonnant reste, sans doute, le niveau d’élaboration de certains de ces contenus et les efforts qui peuvent y être portés. Au final, tout ça viendra allégrement alimenter la définition de la complosphère et jeter le discrédit sur tout ce qu’on peut trouver en ligne. Les vrais lanceurs d’alerte noyés dans une mer où surnagent toutes les vérités et leur exact contraire. Pas terrible…

Points de vue et motivations

Illustration d'une théorie de la terre plate

Pour revenir à la terre plate, nous aurait-on menti ? Vivons-nous, sans le savoir sur un plan, un monde plus plat que la Belgique de la chanson de Brel ? Une sorte de théâtre à la Trueman show ? Certains se posent la question, d’autres s’en laissent convaincre. Nous n’allons pas passer en revue ici toutes les théories qui mettent du baume au cœur des « platistes », ni même nous aventurer à juger ces derniers. Pourtant, il est permis de se demander comment des allégations venues contredire des siècles, et même des millénaires de cosmologie, peuvent parvenir à se propager au XXIe siècle ? (même si cela reste très relativement, n’exagérons rien). À l’heure des stations spatiales, des satellites, de Hubble, des exoplanètes, de l’exploration martienne, comment le niveau de connaissances que nous avons atteint sur l’univers peut-il laisser la place à de telles affirmations ?

S’il y a de quoi se frotter les mains pour ceux qui voient un complotiste derrière chaque arbre, on se demande sur quel terrain ces croyances peuvent bien faire leur nid. Au delà des certitudes qu’a pu nous laisser (ou non, la preuve !) l’éducation scientifique, faut-il simplement y voir un besoin de poésie, d’excitation, de rêve ? Le philosophe physicien Etienne Klein bondirait peut-être sur sa chaise en lisant ces lignes, lui qui prêche « le goût du vrai » et ne cache pas ses inquiétudes sur le peu de place fait à la science dans l’information. Si vous avez eu l’occasion de voir certaines de ses conférences sur youtube (justement), notamment celle sur la définition d’ultracrépidarianisme, vous savez déjà qu’il plaide pour un retour des véritables experts scientifiques dans le champ médiatique. Quant au goût du rêve, les amoureux de science ne sont pas souvent pas obtus, ni même scientistes. Certains d’entre eux vous affirmeront que l’univers et le cosmos tels que la science actuelle conservent, même ainsi, leur charge de mystère et de poésie.

Croire, ne pas croire ? Débattre ou non ? Dans un autre registre, interrogé, il y a quelques années, sur un complot possible au sujet de l’alunissage des américains en 1969, Alexandre Astier auteur du spectacle l’Exoconférence (2014) répondait simplement : « je n’ai pas besoin de ça« . En un mot, s’il faisait le constat que ce type de choses parlait à certains et pouvait même, peut-être, correspondre à un certain besoin pour eux, il n’entrait simplement pas dans le débat. « Je n’ai pas besoin de ça ». Pas de jugement, juste un constat pour lui-même. C’est sans doute la meilleure attitude. On ne peut pas être en croisade sur tous les sujets et laisser justement cela aux experts et enseignants des domaines concernés. Connaissant la goût de l’auteur de Kaamelott pour l’astronomie, il serait, toutefois, intéressant de connaître sa position au sujet de cette théorie de la terre plate qui demeure, quand de même, d’un autre niveau que l’alunissage américain.

Tout cela étant dit, la question des causes et des motivations reste ouverte. Nous n’avons pas, ici, la prétention de la trancher. Au moment de ces lignes et en regardant de près ce résultat google, une chose demeure troublante, pourtant. Certains défenseurs de cette théorie de la terre plate sont en train d’acheter de la publicité sur le moteur de recherche pour la propager. La publicité redirige sur un site qui parle uniquement de ce sujet. On y plaide même la renaissance d’une certaine foi « contre les mensonges de la laïcité ». Plutôt étonnant comme croisade. On se demande franchement à qui elle profite et qui peut investir ses deniers pour la mener.

L’homme médiéval face à la terre plate

Ces quelques réflexions posées sur cette étrange théorie de la terre plate au XXIe siècle, revenons sur la croyance supposée que cette idée était commune et admise durant le Moyen Âge. Précisons que nous avions déjà abordé ce sujet, il y a quelques années, avec le support d’une conférence de Jean-Marc Mandosio, enseignant à l’École pratique des hautes études (EPHE). Ce dernier établissait clairement que ce préjugé de terre plane aux temps médiévaux avait été faussement colporté durant des siècles.

un podcast de Storia Voce

Livre : La terre plate par une scientifique et une médiéviste

Preuve que ce thème est encore d’actualité, tout récemment encore, deux éminentes chercheuses et enseignantes universitaires, l’une historienne, Violaine Giacomotto-Charra, l’autre physicienne Sylvie Nony se sont penchées, elles-aussi, sur le sujet. Leur collaboration a donné lieu à l’ouvrage « La terre plate, généalogie d’une idée fausse » paru aux Belles Lettres en 2021.

À cette occasion, les deux auteurs ont été également les invitées d’un podcast de StoriaVoce. Cela va nous fournir enfin l’opportunité de vous dire un mot de cette excellente radio web. Très orientée sur l’histoire et son enseignement, ce média est présenté et animé par l’historien et journaliste Christophe Dickès. Depuis sa création en 2016, il y passe en revue de nombreux sujets historiques entourés de nombreux et prestigieux invités. Les programmes de Storia Voce couvrent toutes les périodes et sont d’un niveau soutenu. Ils sont aussi très variés avec une fréquence de 6 à 8 podcasts mensuels depuis 5 ans,

Comme on le verra dans ce très complet programme audio, non seulement le Moyen Âge ne croyait pas en la terre plate mais la science et les grecs avaient affirmé, bien longtemps avant lui, que la terre était ronde. On la pensait immobile et statique, au centre de l’univers, mais elle était déjà considérée comme un globe. On y découvrira encore qu’après Voltaire, elle a même continué d’être propagée dans certains manuels scolaires jusqu’après le milieu du XXe siècle ! C’est dire toute la considération des éditeurs de manuel d’histoire pour le Moyen Âge et toute la rigueur de certains rédacteurs d’alors.

En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.
Fred F
Pour moyenagepassion.com
À la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : sur l’image d’en-tête, il s’agit d’une gravure publiée en 1888 par Camille Flammarion. Cette illustration du XIXe siècle représente un homme regardant par delà le bord du ciel ou l’atmosphère pour essayer d’y découvrir l’espace profond. Ouvrage de référence : L’atmosphère: météorologie populaire.