
Auteur : Jean de Meung, Jean Clopinel (1250-1305)
Titre : le testament
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Bonjour à tous,

“Quand ta parole est blanche et ta pensée est fauve*,
Tu voles en tenebres comme une soris chauve;
Tiex* prieres ne valent une fueille de Mauve,
Car du cuer doit issir ce qui te dampne ou sauve.”
Jean de Meung, Le testament (extrait)
Poète médiéval co-auteur du nom de la Rose.
* Fauve : hypocrite, fausse
* Tiex : telles
* Issir: sortir, venir.
4 – 2 = 3
Le quatrain en forme de citation que nous avons extrait du texte original et que nous publions aujourd’hui est tiré d’un chapitre ayant pour titre : de la vertu de prière qui conjoint homme a Diex, et oste du cuer toute mauvestié. Jean de Meung l’adresse donc, en réalité, à la forme correcte de prier.
Ah, beauté de la citation! Sortis de leur contexte, ces quatre pieds de vers auraient presque tendance à prendre des allures de généralités, ce qui n’est pas totalement pour nous déplaire, même si l’honnêteté intellectuelle nous commandait, bien sûr, de les resituer dans toute leur vérité. Vous rencontrez, d’ailleurs, ce quatrain, ici ou là, encore raccourci de ses deux derniers vers et, le cas échéant, son sens s’élargira encore d’autant : “Quand ta parole est blanche et ta pensée est fauve*, Tu voles en tenebres comme une soris chauve. », ce qui semble indéniablement prouver que la sémantique a ceci de commun avec l’homéopathie que retrancher ou diviser n’est pas forcément soustraire; ce n’est pas surement pas Paracelse qui viendra me chercher des poux dans la tête là-dessus, et c’est tant mieux, remarquez bien, parce que la vue d’un spectre de plus de cinq cents ans, fut-il Paracelse en personne, pourrait me faire flancher, si elle ne me fait battre le record olympique du 100 mètres, départ arrêté.
De la répartie en toutes circonstances
Quoiqu’il en soit, si d’aventure ce moment se présentait où un outrecuidant, le sourire en coin et fier de son effet, vous cite, l’air pompeux, ces deux alexandrins, vous aurez, j’en suis sûr, une pensée attendrie pour votre serviteur et vous pourrez alors, de toute votre superbe, jeter au front du cuistre : « Sais-tu, ma petite Martine, d’où vient exactement cette phrase ? Et qu’en plus même que fauve n’est pas qu’une couleur ? » Alors, attention, je le précise quand même, si la personne vous faisant face ne s’appelle pas Martine, il vous sera bien sûr toujours possible de remplacer le prénom dans la phrase sus-citée. Je donne un exemple pour que tout soit bien clair : mon p’tit Eusèbe, ma p’tite Marie-Catherine. 
Note du traditore
Même si le sens global de l’extrait est compréhensible, à l’habitude et pour vous donner un petit coup de pouce, nous avons, vous l’aurez noté, ajouté quelques aides de traduction pour certains mots de vieux français, Pour le verbe issir, tiré du vers « Car du cuer doit issir ce qui te dampne ou sauve », vous auriez, toutefois,pu en deviner le sens sans notre aide et avec un simple brin de logique. Ne dit-on pas, en effet: « l’issi d’sicours » ou même encore « par issi la sortie »? Bon, d’accord, d’accord, vous avez gagné! Cette fois encore, c’est moi qui sort. Mais ne pensez pas que vous vous en tirez à si bon compte, un jour nous aurons tout de même à parler plus longuement de Jean de Meung!
Une belle journée à tous !
Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. »
Publilius Syrus Ier s. av. J.-C



