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Fable médiévale : le chameau et la Puce de Marie de France

poesie_fable_litterature_monde_medieval_moyen-ageSujet : poésie médiévale, fable médiévale, langue d’Oil, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, Phèdre, ysopets, poète médiéval.
Période : XIIe siècle,moyen-âge central.
Titre : Dou Chamel è del Puche. Le chameau & la puce.
Auteur : Marie de France (1160-1210)
Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour changer un peu des fables d’Eustache Deschamps en voici une de la poétesse des XIIe, XIIIe siècles Marie De France.  Bien que vivant en Angleterre, cette dernière écrivit dans une langue d’Oil teintée de formes dialectales anglo-normandes et elle est, de ce fait, considérée comme une des premières auteur(e)s françaises. D’autres femmes l’ont précédé sur le terrain de l’écriture, comme Héloise, mais  elles s’y étaient exercées en latin.

Au titre de son legs littéraire, Marie de France a laissé trois grandes oeuvres :

  • fable_litterature_medievale_ysopet_marie_de_france_poete_moyen-age_central_vieux_francais_oilUn recueil de lais adaptés de légendes ou de contes bretons et celtiques. Elle apportera ainsi sa contribution à la matière   de Bretagne en mêlant courtoisie  et  créatures fantastiques, ou merveilleuses.
  • Une traduction du Purgatoire de Saint-Patrice, le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii du moine cistercien Henry de Saltrey; c’est un récit qui relate le voyage au purgatoire d’un chevalier Irlandais pour expier ses péchés.
  • Et enfin un recueil de fables adaptées d’Esope et de Phèdre qui est également le premier ysopet connu historiquement en langue française. C’est de ce dernier ouvrage de la poétesse que provient le texte du jour.

Dou Chamel è del puche
dans la langue d’Oil de Marie de France

C_lettrine_moyen_age_passionette fable est tirée de l’oeuvre de Phèdre (15-50 av JC): Pulex et Camelux.  Ce dernier a repris en grande partie les fables d’Esope dans ses écrits, mais celle-ci compte, semble-t-il, au nombre de ses créations originales. Elle traite de la vanité de ceux qui, dans l’ombre des puissants, finissent par se penser plus importants aux yeux de ces derniers, qu’ils ne le sont en réalité. Quatre siècles après Marie de France, Jean de la Fontaine en tirera, quant à lui, dans un tout autre style et déroulement, le rat et l’éléphant.

Cette fois-ci et pour changer, nous faisons suivre après la version originale, une adaptation libre, plutôt qu’une traduction littérale.

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Une Puce, ce dit, munta
Sor un Chameul, sel chevalcha
Deci à une autre cuntrée ;
Dunc s’est la Puche purpencée
Si a mercié le Camoil,
Ki si soef dedens sun poil
L’aveit ensenble od li portée
Jamès sans li ne fuit alée.
Par sun travoil le servereit
Mult volentiers s’ele poveit.
Li Cameus li ad respundu
K’unques de li carkiez ne fu:
Ne ne sout qu’ele fut sor lui
Ne qu’ele li feist nul anui.

Ainsi vet de la puvre gent
Se as Rikes unt aproichement,
Forment les cuident currecier
Damaige faire et mult charger.

Du chameau et de la puce
Adaptation français moderne

Une puce, un jour, monta
Sur un chameau et chevaucha
Vers de nouvelles contrées ;
Leur long voyage achevé
La puce se piqua bientôt
De remercier le chameau
Qui, bien gentiment, dans sa laine
l’avait porté en terre lointaine,
« Sans vous je n’aurais  pu le faire.
Comment puis-je vous satisfaire ?
Je vous servirais volontiers
Par tout travail, si je pouvais »
Étonné de la trouver là,
Le chameau répondit, narquois
Qu’il n’avait pas senti son poids
ou même noté sa présence,
ni le signe de son existence.

Ainsi va-t’il des petites gens
Quand ils s’approchent des puissants
Leur prétention va cheminant.
Bien vite, ils se croient importants
Pensant pouvoir leur faire ombrage
Ou leur causer quelques dommages.

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En vous souhaitant une excellente  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.