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La vérité historique en images : Le message de paix du roi des tartares à Saint louis

LA VERITE HISTORIQUE EN IMAGES :
Le message de paix du roi des tartares a Saint louis

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P_lettrine_moyen_age_passion copiaour ceux qui sont passés à côté, autant que pour les besoins de l’indexation, je reposte ici l’illustration que la lettre de l’empereur de Chine et roi tartare Kubilai Khan au roi de France Louix IX nous avait inspirée. Cette lettre ayant été retranscrite par Jean de Joinville, chroniqueur de Saint-Louis, dans le courant du XIIIe siècle, il était normal qu’il trouve aussi sa place, ici.

Catégorie : humour médiéval.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle

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La lettre de Kubilai Khan à Saint Louis ou méfions-nous des citations!

kubalai_khan_roi_tartare_lettre_roi_saint_louis_moyen-age_passion«C’est une bonne chose que la paix ; car en terre de paix ceux qui vont à quatre pieds mangent l’herbe paisiblement ; et ceux qui vont à deux, labourent la terre [dont les biens viennent] paisiblement.»
Kubilai Khan (1215-1294), roi des Tartares, Grand Khan des Mongols, Lettre à Louis IX (vers 1260)

Attention citation médiévale piégée!

Bonjour à tous!

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà encore un petit article léger pour se détendre et appeler au sens critique; une autre façon de dire, finalement, méfions-nous des citations et de l’information toute mâchée.

Il y a quelque temps, au hasard de mes errances sur le web, je trouvais, en effet, cette citation que je reprends volontairement, en tête d’article. Je me disais: quel beau témoignage de paix fait par ce roi tartare et mongol, petit-fils de Ghengis Khan, dans cette missive à Saint Louis, en plein coeur du moyen-âge. La phrase était tirée de l’ouvrage « Œuvre de Jean, sire de Joinville » de 1867 de Natalis dejehan_de_joinville_chroniqueur_poete_ecrivain_historien_moyen-age_passion Wailly, traduction de textes du XIIIe siècle du célèbre chroniqueur, historien, poète, écrivain et Sénéchal de Champagne, Jehan de Joinville (1225-1317). Le journaliste ou l’historien qui la mentionnait ajoutait: « Les deux rois s’entendent pour manifester le même amour de la paix. Et c’est chose rare, à l’époque. » Bref, tout cela valait bien une recherche un peu plus poussée, en vue, peut-être, d’un article. (peinture ci-contre, Jehan de Joinville par  Blondel  Merry Joseph, XIXe siècle, salle des croisades, château de Versailles).

Insatiable curieux de nature, je décidais, avant toute chose, d’en savoir un peu plus et me mettais donc en quête d’information sur la question. Qui était ce roi mongol si pacifique? Quelle était donc cette lettre? La lecture de Joinville pouvait certainement m’en apprendre plus. Je finis ainsi par trouver le texte original de l’ouvrage cité et, pour être honnête, à l’heure où j’écris ces lignes, je suis encore en train d’en rire.

En effet, en fait de missive de paix, la belle citation de Kubilai Khan ressemble plutôt à une belle introduction avant racket, façon Soprano ou Corleone. Je vous laisse en juger par vous-même en découvrant ce que nous apprend la lecture complète de cette missive du roi tartare (mongol) au roi de France, Saint Louis, en réponse aux présents et messages que ce dernier lui avaient adressés. L’ombre du Attila de Kaamelott n’est pas très loin.

Traduction de Jean de Joinville par Natalis de Wailly (1867)

natalis_de_Wailly_jean_de_joinville_historien_medieval_moyen-age_passion« Avec les meffagers vinrent les leurs; & ils apportèrent au roi de France des lettres de leur grand roi* (*le roi tartare donc) qui étaient ainfi conçues : « 
C’eft une bonne chofe que la paix ; car en terre de paix, ceux qui vont à quatre pieds mangent l’herbe paifiblement; et ceux qui vont à deux labourent la terre (dont les biens viennent) paifiblement. Et nous te mandons cette chofe pour t’avertir : car tu ne peux avoir la paix fi tu ne l’as avec nous. Ca prêtre Jean fe leva contre nous, & tel roi & tel (& ils en nommaient beaucoup), & tous nous les avons paffés au fil de l’épée. Ainsi, nous te mandons que chaque année tu nous envoies affez de ton or & de ton argent pour que tu nous retiennes comme ami. & fi tu ne le fais, nous te détruirons toi & tes gens, ainfi que nous avons fait de ceux que nous avons ci-devant nommé. »
Et fachez que le faint roi fe repentirt fort d’y avoir envoyé. »

Source historique de la lettre de Saint Louis

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L’original de Jean de Joinville pour le plaisir de la langue

jehan_de_joinville_chroniqueur_poete_ecrivain_historien_medievale« Avec les meffages, le roy vindrent li leur & aportèrent lettres de leur grant roy* (*le roi tartare donc) au roy de France qui difoient ainfi : « Bonne chofe eft de pez, quar en terre de pez manguent cil vont à quatre piez, l’erbe pefiblement. Cil qui vont à deus labourent la terre dont les biens viennent paifiblement. Et cefte chofe te mandons-nous pour toy avifer; car tu ne peus avoir pez fe tu ne l’as à nous. Car preftre Jehan fe leva encontre nous, & tel roy & tel (& moult en nommoient), & tous les avons mis à l’efpée. Si te mandons que tu nous envoies tant de ton or et de ton argent chafcun an, que tu nous retieignes à amis. & fe tu ne le fais, nous deftruirons toy & ta gens auffi comme nous avons fait ceulz que nous avons devant nommez. » Et fachiez qu’il fe repenti fort quand yl y envoia. »

Toute la Vérité Historique en Images

Du coup, rétablir l’Histoire véritable de la lettre du grand roi tartare Kubilai Khan à Saint Louis valait bien une illustration et nous nous en sommes fendus sans plus attendre.

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Aller du coeur des textes vers les citations

En quelques lignes pour conclure, il semble bien que le monde lise de moins en moins et cite de plus en plus. De mon côté, je me méfie toujours des citations, même si je m’y adonne, parce qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi, à n’importe qui, quand on saucissonne un texte.

En général, en sciences humaines, qu’il s’agisse d’Histoire, d’Anthropologie ou de Sociologie, comme on devrait le faire aussi en journalisme, on lit d’abord l’ouvrage entier avant de lui faire référence et, quand on le cite, on extrait des passages significatifs de la pensée de l’auteur et qui abondent dans son sens. Il y a, bien sûr, toujours des historiens porteurs d’idéologies fortes qui vous feraient entrer n’importe quel auteur dans n’importe quel concept à coup de copier-coller douteux, mais c’est un procédé réputé malhonnête et qui ne tient jamais la distance. Je parle donc ici du chercheur honnête ou même de l’amateur éclairé qui conduit sa recherche de la vérité avec une certaine honnêteté.

Dans le cas présent et pour la source que nous aurons l’élégance de ne pas citer, je pense qu’il s’agissait surement plus d’une petite négligence à creuser, mais il faut avouer que le commentaire n’en est que plus désopilant, une fois qu’on connait l’ensemble de cette lettre à Saint Louis. A l’ère d’une certaine superficialité, on trouve aussi dans le genre, de nombreux repiquages faciles de contenus non vérifiés sur le web par des webmasters en mal de contenus ou d’imagination et qui ne cherchent que l’audience. Dans un autre registre, enfin, depuis que les réseaux sociaux existent, on n’a jamais autant prêté à des personnages célèbres comme Albert Einstein ou Bouddha des tas de choses qu’ils n’ont, en réalité, jamais dites ou écrites. 

D’une certaine manière, tombé, par hasard, sur cette citation, il y a quelques temps, aura été une illustration éclatante de ce propos. Il n’y a pas à en douter, c’est toujours un saint réflexe que d’aller chercher l’information au coeur des textes avant d’en utiliser des parties extraites sans les connaître.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com

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