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De Martial à Marot : une vie heureuse, épigramme à soi-même

portrait_clement_marot_poesie_medievaleSujet :  poésie, littérature renaissante, poète, épigramme, poésies courtes, antiquité
Période : début renaissance, XVIe siècle
Auteur :  Clément MAROT (1496-1544) Martial (41-104) Titre : « A soi-même »
Ouvrage : Oeuvre de Clément Marot, Valet de chambre du Roy (T2), 1781

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons, aujourd’hui, une nouvelle épigramme de Clément Marot faite en « imitation » du poète latin Martial du premier siècle de notre ère. Cette fois-ci, le texte nous parle des conditions à accomplir pour avoir une « vie heureuse ». De l’antiquité de Martial à l’aube renaissante de Marot, ces dernières n’ont, semble-t-il pas tellement variées puisque le poète normand de Cahors juge bon de les reprendre à son compte.

Au passage, on verra d’ailleurs que, dans les critères, un bel héritage est considéré comme largement préférable à une fortune acquise avec peine, soit par le travail. Rêve de tout un chacun ou réalité de classes ? Sans doute plus cette dernière idée. En dehors peut-être de la noblesse, même petite dont les deux hommes sont issus, cette condition est, il faut l’espérer, loin d’être sine qua non pour atteindre la félicité sans quoi nombre de leurs contemporains seraient restés à sa porte.

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« Marot voicy si tu veux le savoir
Qui fait à l’homme heureuse vie avoir;
Successions, non biens acquis à peine,
Feu en tout temps, maison plaisante et saine,
Jamais proces, les membres bien dispos,
Et au dedans un esprit à repos;
Contraire à nul, n’avoit aucuns contraires
Peu se mesler des publiques affaires,
Sage simplesse*, amis à soy pareilz,
Table ordinaire, & sans grans appareilz;
Facilement avec toutes gens vivre,
Nuict sans nul soing, n’estre pas pourtant yvre,
Femme joyeuse, & chaste néantmoins,
Dormir qui fait que la nuict dure moins,
Plus hault qu’on n’est ne vouloir point attaindre,
Ne desirer la mort, ny ne la craindre.
Voila Marot, si tu le veux savoir,
Qui fait à l’homme heureuse vie avoir. »
Clément Marot – Epigramme – A soi-même

* Simplesse, simplece : simplicité, franchise, loyauté

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Comme la fois précédente, nous vous livrons ici la version originale latine de Marcus Valerius Martialis ainsi que sa traduction par  Edouard-Thomas Simon, (tirée de son ouvrage Epigrammes de M. Val. Martial, T2,1819). Vous pourrez ainsi apprécier et mesurer l’art de l’imitation des auteurs antiques et classiques que la renaissance établit pratiquement comme un standard de l’exercice littéraire.

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« Ad se ipsum » de Martial

« Vitam quae faciunt beatiorem ;
Jucundissime Martialis, haec sunt :
Res non parta labore , sed relicta ;
Non ingratus ager ; focus perennis ;
Lis nunquàm ; toga rara ; mens quieta ; .
Vires ingenuae ; salubre corpus ;
Prudens simplicitas ; pares amici ;
Convictus facilis ; sine arte mensa ;
Nox non ebria , sed soluta curis ;
Nontristis torus, attamen pudicus;
Somnus qui faciat breves tenebras ;
Quod sis , esse velis , nihilque malis :
Summum nec metuas diem, nec opes. »

« A lui-même »
traduction par  Edouard-Thomas Simon

Voila , mon tendre ami Martial,
Ce qui rend la vie heureuse :
Une fortune acquise sans peine et par héritage ,
Des champs d’un rapport sûr, une maison pérenne
Point de procès, très-peu de représentation, la tranquillité de l’esprit
De la vigueur naturelle,  un corps sain , 

Prudence et franchise , des amis qui soient nos égaux ,
Une conversation aisée , une table sans trop d’apprêts ,
Une nuit sans ivresse et libre d’inquiétudes ,
Un lit où le plaisir ait des attraits , mais que la pudeur embellisse ;
Un sommeil capable d’abréger les ténèbres ;
Vouloir n’être rien de plus que ce que l’on est , Ne porter envie à personne ,
Attendre le dernier instant sans le craindre ni le désirer.

.En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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De Martial à Marot, épigramme à Antoine

portrait_clement_marot_poesie_medievaleSujet :  poésie, littérature renaissante, poète, épigramme, poésies courtes.
Période : début renaissance, XVIe siècle
Auteur :  Clément MAROT (1496-1544), Martial (41-104)
Titre : « Epigramme  à Antoine »
Ouvrage : Oeuvre de Clément Marot, Valet de chambre du Roy (T2), 1781

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« Si tu es povre, Antoine, tu es bien
En grand danger d’estre povre sans cesse,
Car aujourd’huy on ne donne plus rien
Sinon à ceux qui ont force richesse. »
Clément Marot, Epigramme à Antoine

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Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passioni l’on nourrissait encore quelques doutes sur l’influence qu’aurait pu avoir Martial, poète du 1er siècle de notre ère et grand maître de l’épigramme latine,  sur les poésies courtes de Clément Marot, voici de quoi les dissiper. Les quatre vers que nous partageons aujourd’hui sont, en effet, tirés des « Epigrammes faictz à l’imitation de Martial » que Marot composa vraisemblablement entre 1537 et 1542.

Ces épigrammes de Marot pourraient paraître quelquefois plus proches de ce que nous appellerions, aujourd’hui, des « adaptations » que de véritables créations « d’auteur » (au sens où nous l’entendons, de nos jours, également) mais il faut se replacer dans le contexte littéraire du XVIe siècle pour comprendre à quel exercice le poète de Cahors se livrait ici. De fait, dans une renaissance qui développera un véritable culte pour les auteurs antiques et anciens, « l’imitation » sera vivement encouragée et deviendra même un passage obligé de l’exercice littéraire. Bien sûr, il ne s’agira jamais de plagier et il conviendra toujours d’apporter sa propre touche. C’est d’ailleurs ce que fait ici le poète normand en ajoutant aux idées de Martial, la grâce  habituelle de sa plume et son bon français « renaissant ».

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Ad Aemilianum, par le poète latin Martial (Marcus Valerius Martialis) dans le texte original :

« Semper eris pauper, si pauper es, Aemiliane, dantur opes nulli nune,nisi divitibus »

Adapté par Edouard-Thomas SimonEpigrammes de M. Val. Martial, (T2), 1819:

« Tu seras toujours pauvre, Emilien , si tu vis dans la misère. Aujourd’hui la richesse ne se donne qu’à ceux qui sont dans l’abondance. »

Le temps a emporté dans son sillage cet Antoine que visait l’épigramme de Marot, et il ne nous reste de ces quelques vers que le goût du vieil adage : « On ne prête qu’aux riches ».  A l’évidence, de Martial à Marot et jusqu’à nous, il s’entête à se vérifier. Tout cela aurait donc commencé, il y a bien longtemps déjà.

.En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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