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La Cantiga de Santa Maria 282, culte marial et miracle médiéval par le groupe néo-folk Triskilian

musique_medievale_cantigas_santa_maria_166_enluminures_moyen-ageSujet :  musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 282
Interprètes : Triskilian  
Album : Bell’amata (2015)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons, aujourd’hui, notre exploration du culte marial au Moyen Âge central, à la lumière des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, roi érudit qu’on surnomme encore  Alphonse le sage.

Comme toutes les autres Cantigas de Santa Maria de la cour d’Espagne du XIIIe siècle, celle du jour est en galaïco-portugais.  Il s’agit de la Cantiga 282 connue sous le titre de « Par Déus, muit’ á gran vertude » ou même encore  comme « Ai, Santa María, val!« .

Popularité des Cantigas de Santa Maria
sur la scène musicale médiévale

cantigas_santa_maria_culte_marial_alphonse_X_Castille_XIIIe_moyen-ageDe l’Allemagne à la Norvège, de la France à l’Italie, l’Angleterre, la Suisse, la Suède, le Portugal ou l’Espagne, le Moyen Âge est encore bien présent dans les esprits. Sous une forme historique ou plus onirique, l’Europe médiévale continue d’exister et de séduire de nombreux artistes et un large public.

Par la richesse  de son corpus mais également par les manuscrits médiévaux détaillés qui en nous sont parvenus, le répertoire des Cantigas de Santa Maria inspire tout particulièrement des ensembles musicaux venus d’horizons divers. Ce legs d’Alphonse X favorise ainsi des  incursions hors-frontières à la découverte d’interprétations ou de croisements culturels hauts en couleur.

Pour l’interprétation de la Cantiga de Santa Maria 282, nous partons donc en direction de l’Allemagne avec un jeune ensemble musical  passionné de musique et de Moyen Âge. Il a pour nom Triskilian et il nous propose une version très enlevée  de cette Cantiga avec deux superbes voix et un bel arrangement musical plus néo-folk que « classique ».

La Cantiga de Santa Maria 282 par le groupe néo-folk médiéval Triskilian

Triskilian, musiques médiévales et néo-folk

Fondé dans le courant de l’année 2000 par l’artiste  polyvalent – mime, trapéziste, conteur, musicien – Dirk Kilian et la chanteuse Julia Bauer, le groupe allemand Triskilian s’est donné comme champ d’exploration le Moyen Âge. Bientôt rejoint par  Christine Hübner (chant percussions, harpe) et  Philipp Greb (cistre, Bouzouki, guimbarde), la formation invite également d’autres artistes sur ses productions.

A l’image d’un certain nombre de groupes de « minnesingers » (ménestrels) allemands modernes,   les artistes de Triskilian ont Triskilian_neo-folk_medieval_musiques_inspiration_moyen-agedécidé d’ajouter à leur inspiration musicale médiéval, une bonne touche de néo-folk & de tradition celtique. C’est une caractéristique  commune  à un nombre important de groupes musicaux de la scène médiévale venus d’Europe du Nord (Faün, anwn, Omnia, Corvus Corax, etc…)

Nous sommes donc moins ici dans l’ethnomusicologie que dans le domaine du rock-folk d’inspiration médiévale. Triskilian nous propose un Moyen Âge reconstruit, qui tutoie même la World music de manière assumée. Voici des liens utiles pour suivre leur actualité et découvrir quelques uns de leurs autres titres : Site web (allemand) –  Chaîne Youtube

L’album Bell’amata de Triskilian

Depuis sa création, Triskilian a produit six albums. Bell’amata est le dernier en date. Sorti en 2015, le groupe se proposait d’y revisiter, de manière large, le répertoire des trouvères, troubadours mais aussi des pèlerins du Moyen Âge central. L’album proposait une sélection de quinze pièces en provenance des XIIe et XIIIe siècles et l’un de ses fils conducteurs était aussi de rendre hommage à la féminité et aux muses du Moyen Âge.

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On y trouve ainsi une sélection de pièces en provenance de l’Europe médiévale  au sens large puisque les Cantigas de Santa Maria y côtoient les Cantigas de amigo de Martin Codax, mais encore des pièces de la trobairitz Beatriz de Dia, du trouvère Adam de la Halle, et d’autres titres encore signés ou anonymes en provenance de l’Italie,  de l’Angleterre et de l’Allemagne médiévales.

La  Cantiga de Santa Maria 282,
histoire d’un miracle et culte marial

Il est question à nouveau, dans cette Cantiga de Santa Maria, du récit d’un miracle accompli par la Vierge. L’ouvrage en contient de nombreux (voir notamment Cantiga 139, Cantiga 23, Cantiga 49, Cantiga 166).

L’histoire provient, cette fois, de la ville de  Ségovie dans la province de  Castille et León, au nord de Madrid. Elle conte la chute d’un enfant (fils chéri d’un dénommé Diego Sánchez), du toit d’une haute musiques_medievales_partitions_alphonse_X_cantigas_santa_maria_282_culte-marial_moyen-agemaison. Paniqués, ses parents et sa nurse accoururent en s’attendant au pire, mais ils le trouvèrent fort heureusement sain et sauf, jouant et riant même. Il leur expliqua qu’il avait, pendant sa chute, demandé à la Vierge de le sauver et que cette dernière l’avait, à l’évidence, exaucé.  

Quand ils entendirent le récit, les parents heureux et soulagés, s’empressèrent de porter l’enfant jusqu’à la cathédrale et y firent offrande de nombreux cierges à la Sainte pour la remercier du miracle.


Les paroles de la Cantiga de Santa Maria 282

Como Santa María acorreu a un moço de Segóbia que caeu dun sobrado mui alto, e non se feriu porque disse: “Santa María, val-me.”

Comment Sainte-Marie secourut un jeune homme de Ségovie qui était tombé du toit d’une maison très haute, et qui ne fut pas blessé  parce qu’il avait dit : « Sainte-Marie, sauve-moi. »

Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal
u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”

Par Dieu, elle a de grandes vertus la prière commune* (*populaire)
que tous disent, dans la peine (disgrâce) : ah! Sainte Marie, sauvez-moi! »

Ca muito é gran vertude e pïadad’ e mercee
d’acorrer sól por un vérvo a quen en ela ben cree;
ca estando con séu Fillo, todo sab’ e todo vee,
pero quena aquí chama sa mercee non lle fal.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

E daquest’ un séu miragre mui fremoso contarei
que mostrou grand’ en Segóvi’ a, com’ éu en verdad’ achei,
un fillo de Dïag’ Sánchez, un cavaleiro que sei
que na cidade morava e éra ên natural.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

Est’ avía un séu fillo que amava mais ca si;
e un día trebellando andava, com’ aprendí,
encima dũu sobrado muit’ alt’, e caeu dalí
de cóstas, cabeça juso, e foi caer ena cal.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

A ama que o crïava foi corrend’ a aquel son
do meninno que caera, e o padre lógu’ entôn;
e outrossí fez a madre, que o mui de coraçôn
amava mais d’ outra cousa como séu fillo carnal,
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

Coidando que mórto éra, e foron polo fillar.
E quando pararon mentes, vírono en pé estar
trebellando e riíndo, e fôrono preguntar
se éra ja que ferido ou se se sentía mal.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

Diss’ el: “Non, ca en saendo chamei a Madre de Déus,
que me fillou atán tóste lógo enos braços séus;
ca se aquesto non fosse, juro-vos, par San Matéus,
que todo fora desfeito quando caí, come sal.”
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…

Quand’ est’ oiü o padre e a madre, gran loor
déron a Santa María, Madre de Nóstro Sennor;
e lóg’ o moço levaron aa eigreja maior
con muitas candeas outras e con un séu estadal.

Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal.
u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”


Retrouvez l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites en français actuel et commentées, avec version en musique,

En vous souhaitant une belle  journée.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
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