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L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau: rouge sang, rouge feu, rouge passion

conference_monde_medieval_couleurs_symbolique_moyen-age_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Média : émission radio, livre, « conférence »
Auteur : Michel Pastoureau
Titre : « Des goûts et des couleurs : le rouge»
Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler

« On ignore encore tout de l’usage que les hommes préhistoriques faisaient de l’ocre et autres colorants, mais on peut aller jusqu’à imaginer, sur la foi des documents ultérieurs, que, comme à partir de 35000 les Aurignaciens, ils créaient des formes, symbolisaient le sang et la vie avec le rouge, disposaient des différentes teintes pour leur décoration corporelle »
Emmanuel Leroi-Gourhan

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions aujourd’hui la deuxième vidéo du cycle de France Culture dédié à Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. L’entretien, mené par Laure Adler, traite cette fois-ci du rouge et fait suite à l’histoire du bleu.

histoire_couleur_rouge_moyen-age_conference_monde_medieval_michel_pastoureauLe rouge est parmi les premières des couleurs que l’homme a su fixer et teindre. On la retrouve  déjà  à la préhistoire avec les empreintes de main dans des centaines de cavernes et de grottes de par le monde et elle est alors obtenue à partir d’ocre mêlé d’oxydes de fer.

(ci-contre portrait de Michel Pastoureau, historien médiéviste)

La symbolique du rouge à travers les âges

« Contrairement à ce timoré de bleu, le rouge, lui, est une couleur orgueilleuse, pétrie d’ambition et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir et qui est bien décidée à en imposer à toutes les autres. Méfiez-vous de lui : cette couleur-là cache sa duplicité. Elle est fascinante, et brûlante comme les flammes de Satan. »
Michel Pastoureau – Couleurs, le grand livre

D_lettrine_moyen_age_passionepuis la protohistoire et à l’image du bleu, le rouge en occident a connu une histoire changeante au niveau symbolique. Couleur politique du XXe où quand aimer le rouge était l’expression d’une conviction politique et plus seulement un goût personnel, on apprend encore que, pendant une longue période et jusqu’au XIIIe siècle, qui consacrera le mariage chrétien et l’importance d’afficher sa virginité, la mariée, n’était ni en blanc, ni en noir, mais en rouge. Rouge de tous les possibles, cette couleur fut encore à travers les âges le réceptacle de bien d’autres symboles: danger, guerre, fête, amour passion, sexualité transgressive, couleur du sang, du mal ou du bien, couleur du feu purificateur de l’esprit sain ou du feu destructeur des enfers, la beauté, la colère…rouge_danger_humour_histoire_pprehistoire_couleur_michel_pastoureau Combien de sens changeants pour ce rouge, dont la charge puissante ne se démentira pas et qui, à travers les époques, passera encore sans complexe de l’homme guerrier à la femme fatale?

(ci contre main préhistorique de la grotte du Pech Merle, Lot, -25000 ans légèrement détournée par nos soins, pardon pas pu résister. En même temps rouge danger donc bon…)

Avec cette couleur  à la grande élasticité symbolique et dont l’émotionnel semble parfois rester la seule constante (on en rougirait presque), se trouve posé bien clairement l’impossibilité de chercher des sens figés associés aux couleurs sans les mettre en perspective historique, (ça on l’avait déjà compris) mais encore les difficultés qui subsistent, au delà même de l’analyse historique, à les enfermer dans des définitions symboliques étriquées et simplistes. Et ce n’est peut-être pas par hasard si ce rouge qui coule jusque dans nos veines est aujourd’hui encore chargée de connotations complexes comme si elle contenait en elle un potentiel tout à la fois sacré et interdit, prêt à exploser à chaque instant.


Lien vers le même podcast sur le site de France Culture

Rubia tinctorum. La garance des teinturiers

Les lois font les bagnes, les moeurs font les lupanars. La lumière crée le peuple, la nuit enfante la plèbe. La veste rouge du forçat est taillée dans la robe rouge du juge.”                                                                      Victor Hugo

C_lettrine_moyen_age_passiononnu depuis l’antiquité, on utilisait déjà les racines et les rizhomes de la garance en Egypte, 1500 ans avant notre ère et elle était aussi connue des grecs et des romains. En France, elle fut cultivée de manière intensive jusqu’à l’extraction au rubia_tinctorum_garance_teinture_medievale_histoire_couleurs_michel_pastoureau_moyen-agedébut du XIXe siècle et en 1835 de son composé chimique: l’alizarine, qui en supplanta l’utilisation, progressivement.

Au moyen-âge, pour obtenir le rouge, on connaissait aussi l’usage en teinture de la cochenille et  du Kermes vermilio, insecte que l’on récoltait et que l’on faisait sécher avant de le réduire en poudre. Cette culture se faisait dans le sud de la France, en Languedoc et en Provence, et fit entre autre la célébrité de la ville de Montpellier pour ses rouges écarlates, dans le courant du XIVe siècle. Ces tons vifs ayant un coût de production toutefois bien supérieur à la garance, cette dernière était d’usage bien plus commun.

garance_teinture_medievale_histoire_couleurs_michel_pastoureau_moyen-age_rubia_tinctorum
Nuance de rouge obtenu avec l’utilisation de garance

Sur ce, je vous laisse, j’ai eu ma dose de rouge pour aujourd’hui et je vais me mettre un peu au vert.

En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.