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Cantiga de Santa Maria 375, un miracle de guérison autour de Santa-Maria del Puerto

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, guérison, El Puerto de Santa Maria
Période  : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga  375 En todo nos faz merçee
Ensemble : Grupo de Música Antigua, dir Eduardo Paniagua
Album : Remedios Curativos (1997)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu côté du culte marial médiéval, voici une nouvelle Cantiga de Santa Maria tirée du corpus d’Alphonse X de Castille.  C’est un nouveau récit de miracle qui porte, cette fois, sur la guérison d’un cheval mourant sauvé par l’intervention de la Sainte. Il fait partie d’un groupe de chants dédiés a Santa Maria del Puerto.

Alphonse X et Santa Maria del Puerto

culte-marial-medieval-cantigas-santa-maria-alphonse-X-El-puerto-santa-maria-vierge-des-miraclesEn 1260, le souverain de Castille reprit le port et la cité d’Alcanatif (Alcanate) des mains des conquérants musulmans qui l’occupaient depuis les débuts du VIIIe siècle. Il rebaptisa alors le lieu Santa Maria del Puerto. Un château y fut bientôt édifié (le Castillo de San Marcos) sur le site de l’ancienne mosquée et une église dédiée à Sainte-Marie del Puerto fut fondée. L’Ordre de Santa María de España crée par Alphonse X y fut également établi.

Aujourd’hui, El puerto de Santa María est visitée pour ses attraits balnéaires mais on peut encore y croiser des pèlerins. Une procession y est aussi organisée, chaque année, en septembre, autour de la Sainte, également connue sous le nom de la vierge des Miracles.

Le Cancionero de Santa Maria de El Puerto

Les chants dédiés a Sainte-Marie du port sont au nombre de vingt-quatre dans l’ensemble du corpus des Cantigas d’Alphonse le Savant. Ils sont généralement regroupés sous le nom de Cancionero de Santa Maria de El Puerto ( Santa Maria do Porto).

Eduardo  Paniagua et les Remèdes curatifs
dans les Cantigas de Santa Maria

Nous vous avons déjà touché un mot ici de Eduardo Paniagua (Voir portrait détaillé ici). Ce passionné de musiques médiévales s’est forgé une grande réputation du côté de la péninsule ibérique. S’il ne s’est pas limité au répertoire des Cantigas d’Alphonse X, il leur a néanmoins dédié un nombre impressionnant d’albums, au moyen de divers regroupements thématiques. Il a même réussi à couvrir ainsi l’ensemble de ce corpus et, à ce jour, c’est une des seuls, cantigas_santa-maria_miracle_culte_marial_moyen-age_musique_chanson_medievale_eduardo_paniagua_alphonse-Xà notre connaissance, à l’avoir fait.

En 1997, entouré de sa formation le Grupo de Música Antigua, le grand directeur de musique espagnol proposait un album de onze Cantigas de Santa Maria sur le thème des remèdes curatifs (pour une autre pièce issue de cet album, voir aussi Cantiga 189 : dragon, poison et guérison miraculeuse pour un courageux pèlerin) Il est toujours disponible à la vente et voici un lien qui vous permettra de le découvrir ou de l’acquérir au format CD ou MP3 : Remedios Curativos – Cantigas de Santa Maria


La Cantigas de Santa Maria 375
et sa traduction en français moderne

Como Santa María do Porro guariú un cavalo dun escrivá del Rey que lle quería morrer.

Comment Sainte-Marie du Port guérit le cheval mourant d’un scribe du roi.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Elle nous est miséricordieuse (fait grâce)  en tout
La Dame qui voit tout

Merçee por humildade
nos faz, e por sa bondade
acorre con pïadade
a quen lle pede merçee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Elle nous fait miséricorde par humilité
et par sa grande  bonté
Et  secourt avec piété,
Qui lui demande sa grâce.

Refrain

Sequer enas bestias mudas
nos mostra muitas aiudas
grandes e mui conosçudas
a Senor que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Au moins pour les bêtes muettes,
Elle nous montre ses nombreuses aides
Grandes et très célèbres 
La Dame qui voit tout.

Refrain

E de tal razon fremoso
miragre maravilloso
a Madre do Glor’ioso
fezo , comprida merçee,

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Et sur ce beau sujet,
La Mère du Glorieux  fit

Un miracle merveilleux
(démontrant sa) parfaite Miséricorde.

Refrain

Na çibdade de Sevilla,
que é grand’ a maravilla,
mostrou a Madr’ e a Filia
de Deus que nos sepre vee,

En todo nos foz merr¡ee
a Sennor que todo vee.

Dans la cité de Séville,
Qui est grande par ses merveilles
Elle a montré la mère et fille 
De Dieu qui toujours nous voit

Refrain

A Bonamic, que avía
seu cavall’ e lle morría.
Porend’ a Santa María
do Porto pidiu merçee

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

A Bonamic (1), qui avait
Son cheval qui se mourait
Et pour cela, avait demandé grâce
à Sainte-Marie 
du Port.

Refrain

Que, se ll’o cavalo désse
vivo, porende possesse
un de cera que sevesse
ant’ ela que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Que, si elle sauvait la vie du cheval,
Il ferait don 
d’un de cire qu’il possédait,
Devant celle qui voit tout (en son sanctuaire).

Refrain

Est’escrivan del Rey era,
que do cavalo presera
mui gran coita e soubera
que morría; e merçee

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

 Et celui-là qui était scribe du roi,
Etait pris pour ce cheval, 
De grande douleur, sachant
Qu’il allait mourir: et miséricorde.

Refrain

Pidiú aa Glorfosa
que é Sennor pïadosa,
que de ll’o dar poderosa
é, ca nossas coitas vee.

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

Il a demandé à la Glorieuse
Qui est dame de piété
Qu’elle accorde de son pouvoir
Car elle voit toujours nos ennuis.

Refrain

E ú iazía tendudo
ia come mort’ e perdudo,
fez-ll’o a que noss’escudo
é viver por sa merçee.

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

Et à celui qui était étendu 
Comme mort et déjà perdu,
Celle qui est notre bouclier le fit,
Vivre par sa miséricorde.

Refrain

E tan toste deu levada
e comeu muita çevada.
E porem foi mui loada
a Senor que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Et aussitôt que la bête fut levée;
Elle mangea de grandes quantités d’orge
Et La dame qui voit tout
fut, de tous, grandement  louée.

.

Refrain

(1) Bonamic Zavila, clerc et scribe du roi établi à Murcia, qui, selon l’universitaire Jesús Montoya Martínez ( Cancionero de Santa María de El Puerto) a également accompagné le souverain Alphonse X durant un voyage qu’il effectua à Beaucaire  pour visiter le pape.


Retrouvez l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites et commentées par nos soins, et présentées par les plus grands ensembles de musique médiévale,

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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La Cantiga de Santa Maria 159, avec l’ensemble suisse Freiburger Spielleyt

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, pèlerinage médiéval, Rocamadour.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 159 Non sofre Santa María
Ensemble : Freiburger Spielleyt
Album : Cantigas de Santa Maria, Tales of Miracles  (1994)

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion-copial y a quelque temps, nous vous avions présenté, dans le détail, la Cantiga de Santa Maria 159 d’Alphonse X de Castille. Ce chant médiéval, dévot au culte marial, nous rapportait l’histoire d’infortunés pèlerins de Rocamadour auxquels une tranche de viande avait été dérobée. Avec l’aide miraculeuse de la sainte, le récit nous contait comment ils avaient finalement retrouvé l’objet du larcin, tambourinant et sautillant dans un coffre.

Après l’interprétation du Clemencic Consort que nous vous avions alors proposé, nous vous présentons, ici, dans un registre plus lyrique, celle du  Freiburger Spielleyt . Elle nous fournira l’occasion de vous toucher un mot de ce bel ensemble suisse qui a fait des musiques médiévales et anciennes un de ses terrains d’élection.

La Cantiga de Santa Maria 159  par le Freiburger Spielleyt

Le Freiburger Spielleyt : à bonne école

ensemble-medieval_musique_ancienne-moyen-Age_Freiburger-SpielleytFondé dans le courant de l’année 1990, le Freiburger Spielleyt est composé d’artistes qui se sont rencontrés durant leurs études à l’Université de Musicologie de Fribourg mais aussi, dans le cadre de la célèbre Schola Cantorum Basiliensis de Bâle. Quand on s’intéresse de près à la scène musicale médiévale européenne, on peut difficilement passer à côté de cette prestigieuse école suisse, devenue une référence dans le domaine de l’enseignement des musiques anciennes ; elle a vu naître un nombre considérable de formations prestigieuses (Hespérion, Sequentia, Hirundi Maris, Project Ars Project, … ) et elle a aussi vu passer les professeurs les plus talentueux (voir notamment l’autobiographie intellectuelle de Jordi Savall)

Les membres du  Freiburger Spielleyt

Regina Kabis, (soprano), Murat Coskun (percussions), Maria Ferré (luth, guitares anciennes), Bernd Maier (cornemuse, vielle à roue), Jutta Haaf (harpe), Albrecht Haaf (flûtes, organetto, vièle à archet).

Répertoire et productions

Si le Freiburger Spielleyt a affirmé très tôt sa prédilection pour les musiques anciennes et le répertoire médiéval, l’ensemble n’a pas hésité, depuis, à explorer des époques plus tardives (renaissance, période baroque ou encore XVIIIe et IXe siècle). Du point de vue musical et expérimental, il s’est aussi aventuré sur des terrains plus contemporains, à la fusion des sonorités modernes et anciennes, en collaboration avec d’autres formations dont notamment l’ensemble de Jazz oriental FisFüz.

Depuis ses débuts de carrière, le Freiburger Spielleyt a produit un total de douze albums au nombre desquels on pourra trouver, pour ne citer que quelques références, des cantigas de Santa Maria, des cantigas de Amigo, des chants de pèlerins, des chants de Noel, ou même encore chant de fortune et d’infortunes du Moyen-âge. Le tout a donné lieu à des programmes et concerts qui sont proposés sur l’ensemble de la scène européenne et même au delà.

Voir le site web du Freiburger Spielleyt (allemand)

Cantigas de Santa Maria. Tales of Miracles

musiques_medievales_culte-marial-cantigas-de-santa-maria-album--ensemble-Spielleyt-moyen-age-centralEn 1994, la formation partait à la découverte de l’Espagne médiévale et les « récits de Miracles » des Cantigas de Santa Maria. L’album présentait ainsi une sélection de onze pièces auxquelles la soprano Regina Kabis prêtait sa talentueuse voix. Là encore, dans une approche fusion, l’ensemble suisse faisait le choix d’ajouter à leurs instruments anciens, une touche de  sonorités plus électroniques et modernes.

Retrouvez les paroles, l’analyse et la traduction de la Cantiga 159

Voir l’index des Cantigas de Santa Maria, présentées, analysées et traduites par nos soins.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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La Cantiga de Santa Maria 159 : le miracle de la viande dérobée aux pèlerins de Rocamadour

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, pèlerinage médiéval, Rocamadour.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 159 Non sofre Santa María
Ensemble : Clemencic Consort
Album : Troubadours, Cantigas de Santa Maria (1981)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous repartons pour l’Espagne médiévale et la cour d’Alphonse X de Castille avec l’étude d’une nouvelle Cantiga de Santa Maria. Si ces chants dévots à la vierge témoignent de la force du culte marial au Moyen-âge central, la péninsule ibérique est loin d’être la seule à s’y adonner. Des nombreux pèlerinages aux cathédrales que l’on édifie en son nom, dans ce même XIIIe siècle, on le retrouvera sur de nombreuses terres de l’Europe médiévale. Il sera aussi largement présent dans la littérature, et chez de nombreux auteurs, trouvères et troubadours, cet amour de la vierge qui prendra même, par endroit, des formes clairement empruntées à la lyrique courtoise.

Le miracle  de la Cantiga 159
Sainte-Marie et la protection des pèlerins

cantiga-159_culte-marial-Moyen-age-chretienLa Cantiga 159 dont il est question aujourd’hui est un nouveau récit de miracle.  A l’image d’un grand nombre de pièces de ce corpus, il touche les pèlerins et leur protection. Si les interventions miraculeuses de la Sainte telles qu’on les rapporte au Moyen-âge, sont de toutes sortes, jusqu’aux plus impressionnantes  : guérison, résurrection, etc… Dans le cas de cette Cantiga, le miracle prendra une forme presque plus anodine ou moins spectaculaire, pourrait-on dire, puisqu’il s’exercera sur une pièce de viande destinée à nourrir des pèlerins et qu’on leur avait dérobée.

Au niveau symbolique, on ne peut s’empêcher de mettre ici en regard la relative « insignifiance » du morceau de nourriture contre le signifié de sa retrouvaille et de sa mise en mouvement miraculeuses. Si la Sainte peut animer des objets qui ne le sont normalement plus, le récit est surtout clair sur le fait qu’elle n’accepte pas qu’on spolie, de quelque manière, les pèlerins qui viennent l’honorer. Cette protection à l’égard de ses ouailles est si grande qu’elle s’exerce jusque dans les moindres détails et elle répare ainsi toute déconvenue qui peut leur survenir, fut-elle minime. Comme le scandera le refrain  : « Non sofre Santa María de seeren perdidosos, os que as sas romarías, son de fazer desejosos. » , Sainte-Marie ne souffre pas que soient « perdants », ceux qui sont désireux de faire ses pèlerinages.

Pèlerinage médiéval à Rocamadour,
vierge noire et livre des miracles

vierge-noire_miracle_culte-marial_Moyen-age-chretien_cantigas-santa-mariaDe nombreux pèlerinages sont attestés dès le XIIe siècle à Rocamadour. On y vient des quatre coins de France et même d’Europe pour y honorer les reliques de Saint-Amadour, mais aussi pour y prier la vierge noire. L’histoire fait également remonter l’origine de cette madone de bois sculptée à ce même Amadour, ermite local qui, selon la légende, aurait été l’ancien disciple du Christ, connu sous le nom de Zachée et qui, à une époque reculée, serait venu en Gaule, pour y répandre le culte.

En 1166, on découvrit le corps du saint sur le site ce qui renforça grandement la réputation du lieu. Peu après, en 1172, les miracles survenus à Rocamadour donneront le jour à la rédaction d’un Manuscrit en latin qui a été depuis traduit en français moderne (voir Les Miracles de Notre-Dame de Roc-Amadour de Edmond ALBE, Honoré Champion, 1907).  Au nombre de 126, ces récits miraculeux, courts et rédigés très simplement, sont là encore de tous ordres – guérison, rémission miraculeuse, protection, fertilité, etc… – et ce manuscrit médiéval contribua, sans doute, à son tour, au succès de l’endroit auprès des pèlerins.

miracle_notre-dame-Rocamadour_Moyen-age-chretien_Miracles-vierge-Sainte-Marie_culte-marial

La traduction de Elmond Albe
réédité en 2018
: Les Miracles de Notre-Dame de Roc-Amadour au Xiie Siècle 

Jusque là, nous n’avons pas trouvé dans cet ouvrage, trace du récit exact de la Cantiga 159 mais il semble qu’il n’ait consigné qu’un nombre restreint des miracles qu’on prêtait alors à Rocamadour et qui devaient circuler dans la tradition orale. Près d’un siècle plus tard, ils étaient, à l’évidence suffisamment vivaces pour traverser les frontières et s’étendre jusqu’à la cour d’Alphonse le Sage. Dans l’esprit de la Cantiga du jour et sans la reprendre mot pour mot. on en retrouve quelques-uns, dans le manuscrit, qui détaillent le sort fait aux brigands et voleurs qui s’en prennent aux pèlerins : rendus aveugles ou muets, paralysés, frappés de folie et d’autres disgrâces, à Rocamadour comme ailleurs, les récits de miracles médiévaux semblent bien s’accorder sur le fait qu’il ne fait pas bon s’en prendre aux pèlerins qui ont abrité leur foi en la vierge.

L’interprétation de la Cantiga 159 par le Clémencic Consort

Troubadours, Cantigas de Santa Maria,
un quadruple album de choix du Clemencic Consort

On trouve cette Cantiga 159 reprise par de nombreux ensembles de musique médiévale. Loin des multiples interprétations lyriques qui peuvent avoir leur charme, nous avons choisi, aujourd’hui, la version largement plus « terrienne » ou « terrestre » du Clemencic Consort. En plus d’un orchestration enthousiaste et festive, la voix de René Zosso n’a pas son pareil pour ramener les musiques médiévales dans une certaine « vision » de leur ferment d’origine. Il nous propose encore ici quelque chose de rugueux et d’enlevé à la fois qui se livre généreusement et sans sophistication et finit par créer une vraie relation de proximité.  La magie opère. Nous voilà presque revenu au cœur d’une cité médiévale, face à un troubadour ou devant un groupe de pèlerins festifs du Moyen-âge et l’on se plait à imaginer qu’en cantigas-de-santa-maria_clemencic-consort_alphonse-X-de-Castille_culte-marial_Moyen-age-centraldehors des cours royales et princières, les Cantigas de Santa Maria ont pu aussi être cela : des chants proches du peuple et qu’on pouvait entendre dans les rues.

Enregistrée à la toute fin des années 70, chez Harmonia Mundi, on peut retrouver cette interprétation de la Cantiga 159 dans un superbe album d’anthologie du Clémencic Consort qui réunit pas moins de 4 CDs : les deux premiers présentent vingt-deux pièces choisies parmi les plus prestigieux troubadours du moyen-âge central. Les deux autres sont entièrement dédiés aux Cantigas d’Alphonse le Sage et proposent 27 d’entre elles. On peut encore trouver à la vente cette production, qui fait honneur à cette grande formation médiévale. Voici un lien utile pour plus d’informations : Troubadours / Cantigas De Santa Maria. 

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Paroles et traduction de
La Cantiga de Santa Maria 159

Como Santa María fez descubrir ũa pósta de carne que furtaran a ũus roméus na vila de Rocamador.

Voilà comment Sainte Marie fit retrouver une tranche de viande qu’on avait dérobé à des pèlerins en route pour Rocamadour.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos
os que as sas romarías | son de fazer desejosos.

Sainte Marie ne souffre pas que soient perdants
ceux qui sont désireux de faire ses pèlerinages.

E dest’ oíd’ un miragre | de que vos quéro falar,
que mostrou Santa María, | per com’ éu oí contar,
a ũus roméus que foron | a Rocamador orar
como mui bõos crischãos, | simplement’ e omildosos.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Et à ce propos, j’ai entendu un miracle, dont je veux vous parler,
Que fit Sainte Maria, comme je l’entendis conter
Pour des pèlerins qui étaient partis prier à Rocamadour
Comme de très bons chrétiens, avec simplicité et humilité.

refrain

E pois entraron no burgo, | foron pousada fillar
e mandaron comprar carne | e pan pera séu jantar
e vinno; e entre tanto | foron aa Virgen rogar
que a séu Fillo rogasse | dos séus rógos pïadosos

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Et quand ils entrèrent dans le bourg, ils y cherchèrent un refuge
Et s’en furent acheter de la viande et du pain pour leur dîner
Ainsi que du vin : Et entre temps, ils s’en allèrent prier la vierge
Pour qu’elle intercède auprès de son fils de ses pieuses prières

refrain

Por eles e non catasse | de como foran errar,
mais que del perdôn ouvéssen | de quanto foran pecar.
E pois est’ ouvéron feito, | tornaron non de vagar
u o séu jantar tiínnan, | ond’ éran cobiiçosos.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Afin qu’il ne tienne pas compte de leurs errances passés
Mais qu’il leur accorde son pardon pour tous leurs péchés.
Et une fois cela fait, ils revinrent sans s’attarder
Sur les lieux de leur dîner, dont ils se faisaient d’avance une joie.

refrain

E mandaran nóve póstas | meter, asse Déus m’ampar,
na ola, ca tantos éran; | mais poi-las foron tirar,
acharon end’ ũa menos, | que a serventa furtar
lles fora, e foron todos | porên ja quanto queixosos.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Et ils décidèrent de mettre neuf tranches de viande, que Dieu me garde 
Dans la marmite, car c’était leur nombre, Mais quand ils allèrent les chercher
Ils virent qu’il en y avait une en moins, que la servante leur avait dérobé
Et pour cette raison, ils se plaignirent grandement (ils furent très contrariés)

refrain

E buscaron pela casa | pola poderen achar,
chamando Santa María | que lla quisésse mostrar;
e oíron en un’ arca | a pósta feridas dar,
e d’ ir alá mui correndo | non vos foron vagarosos.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Et ils cherchèrent dans toute la maison, pour pouvoir la retrouver
Appelant Sainte-Marie pour qu’elle veuille bien leur montrer,
Et ils entendirent alors dans un coffre, la tranche qui donnait des coups,
Et alors ils se précipitèrent dans cette direction, sans faire de détour.

refrain

E fezéron lóg’ a arca | abrir e dentro catar
foron, e viron sa pósta | dacá e dalá saltar;
e saíron aa rúa | muitas das gentes chamar,
que viron aquel miragre, | que foi dos maravillosos

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Et, ensuite, ils firent ouvrir le coffre et à l’intérieur
ils regardèrent et virent le morceau de viande qui sautait de tous côtés
Et ils sortirent dans la rue, pour appeler grande quantité de gens
Qui assistèrent à ce miracle, qui fut parmi les merveilles

refrain

Que a Virgen grorïosa | fezéss’ en aquel logar.
Des i fillaron a pósta | e fôrona pendorar
per ũa córda de seda | ant’ o séu santo altar,
loando Santa María, | que faz miragres fremosos.

Non sofre Santa María | de seeren perdidosos…

Que la vierge glorieuse accomplit en ce lieu.
A partir de là, ils prirent la pièce de viande et la suspendirent
A un cordon de soie, devant l’autel de Sainte-Marie
En louant cette dernière pour ses merveilleux miracles.

Sainte Marie ne souffre pas que soient perdants
ceux qui sont désireux de faire ses pèlerinages.


Retrouvez notre index des Cantigas de Santa Maria traduites et commentées, et leur interprétation par les plus grands ensembles de musique médiévale.

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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La Quinte Estampie Royale dans un album de Anne Azema, dédié au culte marial et ses miracles

chanson_musique_danse_medievale_manuscriit_ancien_français_844_chansonnier_du_roi_moyen-ageSujet :  danse, musique médiévale,   estampie,  manuscrit ancien, chansonnier du Roy, trouvères, troubadours, Miracle, Vierge Marie, Culte marial,  Français 844, chansonnier du Roy.
Période :  moyen-âge,  XIIIe siècle.
Auteur :  anonyme
Titre    : La quinte estampie royale
Interprètes    :   Anne Azema – Shira Kammen
Album : Etoile du nord – Le Miracle Médiéval (2003)

Bonjour  à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn 2003, la directrice d’orchestre, musicienne et chanteuse soprano Anne Azema sortait un album dédié aux poésies et chansons médiévales sur le thème des miracles de la Vierge, ayant pour titre: Gauthier de Coincy. Etoile du Nord, le Miracle médiéval.

De Coincy. Etoile du nord, le miracle marial
par Anne Azema

Avec onze pièces datant du moyen-âge central, Anne Azema faisait le choix, dans cet album, d’une formation réduite à minima, en s’accompagnant uniquement de la talentueuse vielliste et instrumentiste américaine Shira Kammen. Du reste, les deux artistes n’en étaient pas à leur première collaboration puisqu’elles avaient déjà eu l’occasion d’exercer leur talent mutuel et leur complicité, bien avant cela, et notamment dès le début des années 90, dans le cadre de la Boston Camerata et de la  Camerata Mediterranea.

culte-marial-medieval_miracle_vierge-marie_album_musique-poesie_moyen-age_Anne-Azema

Du point de vue des pièces présentées, l’idée directrice de  Anne Azema était la mise en miroir des miracles chantés ou narrés par les trouvères du Nord de la France avec ceux de l’Espagne médiévale. A ce titre,, l’oeuvre majeure compilée par Alphonse X le Sage de Castille dont nous sommes familiers ici (voir index des Cantigas de Santa Maria) y tenait une bonne place.

Contenu de l’album

On peut ainsi  trouver, dans cette Etoile du Nord, des compositions de trouvères célèbres de la fin du XIIe et même plutôt du XIIIe, siècle florissant du culte marial : une chanson de Rogeret de Cambrai, une de Thibaut de Champagne, trois Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse le Sage et encore quatre pièces de Gauthier de Coincy, qui occupe un place particulière dans cet album puisque ce dernier lui est dédié. On peut encore y écouter deux pièces demeurées anonymes dont la Quinte Estampie Royale du manuscrit médiéval Français 844 ou Chansonnier du roy que nous vous présentons ici. En terme de contenu, ce n’est, certes, pas la plus représentative de l’album et elle pourrait même sembler y faire un peu office d’interlude, mais comme elle est, à l’image du reste des pièces, très réussie, nous avons jugé intéressant de vous la faire connaître.

Du point de vue distribution, l’album est encore édité à ce jour et toujours disponible à la vente en ligne. On peut le trouver au format  CD, mais aussi au format digitalisé, ce qui offre l’avantage de pouvoir en pré-écouter les différentes titres pour s’en faire une meilleure idée ; L’album Etoile du Nord: le miracle médiéval, de Anne Azema

La quinte estampie royale sous la vielle de Shira Kammen

Gauthier de Coincy (1177-1236)

Disons un mot ici de Gauthier de Coincy (Gautier) avant que l’occasion nous soit donnée, d’en faire un portrait plus complet. On doit à ce moine trouvère de la fin du XIIe et des débuts du XIIIe siècle nombre de chansons et récits de Miracles au sujet de la vierge ( Les Miracles de notre Dame). Certains inspireront même d’autres auteurs médiévaux et notamment certaines Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille.

Dans cet album, on notera parmi les pièces présentées du trouvère, de courts récits de miracles mais aussi de beaux échantillons de son talent courtois. Sa chanson « Ja pour yver, pour noif ne pour gelee »  notamment, est une véritable ode à la vierge et à son amour sur le modèle de la lyrique courtoise des troubadours. Nous aurons assurément l’opportunité de vous la présenter plus tard dans le temps.

Ecouter une autre version de la Quinte estampie par le Early Music Consort of London.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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