Régine Pernoud contre les idées reçues à l'encontre du Moyen Âge

Contre le Moyen Âge, l’éternel retour du moyenâgeux

Sujet  :   citations, Moyen Âge,  historien, médiéviste , livres, préjugés, idées reçues, pouvoir politique
Auteur : Régine Pernoud (1909-1998)
Ouvrage : Pour en finir avec le Moyen Age, Seuil (1977)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous sommes heureux de partager un extrait de « Pour en Finir avec le Moyen Âge« , un des plus célèbres ouvrages de Régine Pernoud. Elle le rédigea plus de 30 ans après son premier ouvrage « Lumière du Moyen Âge » daté de 1946. De l’un à l’autre, le combat restait pourtant le même : lever le voile sur le Moyen Âge historique et le remettre à sa place, au milieu d’un océan de préjugés et de vents contraires.


« C’est assez dire que le Français moyen, aujourd’hui, n’accepte plus qu’on qualifie de « gauches et maladroites » les sculptures d’un portail roman, ou de « criardes » les couleurs des vitraux de Chartres. Son sens artistique est suffisamment éveillé pour que des jugements qu’on n’aurait même pas discutés il y a trente ans, lui paraissent, à lui, définitivement périmés. Cependant il reste un certain décalage, qui, peut-être, vient surtout d’habitudes d’esprit ou de vocabulaire, entre le Moyen Age qu’il admire toutes les fois qu’il en a l’occasion, et ce que recouvre pour lui ce terme de Moyen Age. (…) Moyen Age signifie toujours : époque d’ignorance, d’abrutissement, de sous-développement généralisé, même si ce fut la seule époque de sous-développement pendant laquelle on ait bâti des cathédrales ! Cela parce que les recherches d’érudition faites depuis cent cinquante ans et davantage n’ont pas encore, dans l’ensemble, atteint le grand public. »

Régine PERNOUD – Pour en Finir avec le Moyen Âge (1977)

Une citation de Régine Pernoud sur le Moyen Âge en Image

L’actualité du combat de Régine Pernoud
pour le Moyen Âge

Dans la citation du jour, la médiéviste faisait remonter à 150 ans avant elle, et au début du XIXe siècle, les premières déconstructions sérieuses du Moyen Âge à l’égard des visions caricaturales qui les avaient précédées. Et pourtant… Aujourd’hui, de nombreux spécialistes de cette période historique continueraient sans doute de s’accorder avec elle quand elle écrivait, dans ce même livre de 1977 : « …Or le médiéviste, s’il s’est mis en tête de composer un sottisier sur le sujet, se trouve comblé par la vie quotidienne. Pas de jour où il n’entende quelque réflexion dans le genre : « Nous ne sommes plus au Moyen Age », ou « C’est un retour au Moyen Age », ou « C’est une mentalité médiévale ».

Pour en finir avec le Moyen Âge, essai de Régine Pernoud

Force est de constater, en effet, que l’actualité des petites phrases ou d’articles vus ici ou là, comme certaines énormités issues de productions cinématographiques récentes, ne cessent de lui donner raison. A presque 200 ans de son point de référence, certains préjugés perdurent à l’encontre des temps médiévaux et c’est au point qu’on a du mal à croire qu’il puisse s’agir d’un simple phénomène passif ou d’ignorance communément partagée. Même si le chemin peut, quelquefois, être long du savoir académique et des laboratoires au grand public, le fait que les relais se soient aussi peu effectués en deux siècles semble aller un peu au-delà d’un simple défaut circonstanciel du système éducatif ou d’une « négligence » des programmes. Il faut bien qu’il y ait, tout de même, quelques volontés à l’œuvre pour expliquer tout cela (voir Moyen Âge, idées reçues et Révolution des machines). Et si, on peut, tout de même, espérer que les choses se soient un peu améliorées grâce à l’œuvre de la médiéviste du XXème siècle et de quelques autres vulgarisateurs après elle, un phénomène complexe de cristallisation semble être à l’œuvre ici qui condamne le public à ne jamais pouvoir entrer, tout à fait, en contact avec le Moyen Âge historique, comme certaines de ses valeurs et richesses. Pour en dire un mot, ce phénomène nous semble à la fois historique, langagier et idéologique. Si vous voulez vous frottez à quelques réflexions le concernant, nous vous invitons à télécharger cet article « Contre le Moyen Âge, l’éternel retour du Moyenâgeux« .

Hors de l’historiquement correct

Si Régine Pernoud a été souvent décriée par certains de ses confrères — en partie pour ses convictions et sa marginalité académique, mais peut-être aussi pour ses efforts de vulgarisation couronnés de succès auprès du public — on peut constater que ses détracteurs n’ont pas toujours réussi à remettre à l’heure les pendules du Moyen Âge, pas d’avantage qu’à soulever les mêmes montagnes qu’elle (1). De fait, en 1977, l’historienne constatait déjà les prémices d’un regain d’intérêt pour la période médiévale et ses monuments, soutenus entre autre par la télévision et ses programmes éducatifs (où sont-ils ? ). Pourtant, elle n’a pas fait qu’observer ce mouvement. Par son œuvre impressionnante — pas moins de 60 ouvrages d’une grande accessibilité — elle y aura aussi contribué. En touchant un très large public, les ouvrages de Régine Pernoud ont participé de cet engouement pour le Moyen Âge que n’ont pu que constater (comme elle ou après elle) des Jacques le Goff (qui parlait de « mode du Moyen Âge ») et d’autres médiévistes. Cet intérêt pour le monde médiéval perdure encore, même s’il a pris entre-temps d’autres formes et que sont venues s’y greffer d’autres influences exogènes et d’autres représentations.

Quoi qu’il en soit, même si elle ne s’est guère préoccupée de verser dans « l’historiquement correct » et n’en déplaise à ces opposants, on lit encore Régine Pernoud aujourd’hui, et on l’apprécie toujours plus de 20 ans après sa disparition. Jugez-en simplement par les commentaires élogieux sur ses ouvrages qui constellent le web. Et si on peut admettre que les années ont un peu passé sur certains d’entre eux, leurs vérités ont loin d’avoir été emportées par le flot du temps. Les sujets traités sont riches, son œuvre exhaustive. Durant sa longue carrière, Régine Pernoud n’a pas fait que réconcilier le Moyen Âge avec les femmes et le pouvoir féminin même si elle y a grandement contribué. Elle a éclairé toute cette période de sa sagacité, avec une volonté sincère de la faire partager au plus grand nombre et de transmettre. Avec un sens véritable de la pédagogie, nul ne pourrait dire, aujourd’hui, qu’elle n’y est pas parvenu.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous  toutes ses formes

(1) Au sujet des détracteurs de Régine Pernoud, tout autant que de son legs, lire le riche article « Défendre le Moyen Âge, les combats de Régine Pernoud » de Jean-Louis Benoît, issu de l’ouvrage collectif Le Savant dans les lettres, paru en 2014, aux Presses universitaires de Rennes.

NB : sur l’image d’en-tête, en arrière plan de la photo de Régine Pernoud, l’enluminure et ses bâtisseurs de cathédrales sont tirés du manuscrit de la BnF Latin 4915 : le Mare historiarum ou la Chronique universelle de la Création à 1250 du Frère dominicain et chroniqueur italien Giovanni Colonna.

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