n ce début d’année 2025, nous vous adressons, ainsi qu’à vos proches, tous nos vœux de réussite et de santé pour les temps qui viennent.
Pour la carte de vœux de cette année, nous avons décidé de rendre un nouvel hommage au best-seller médiéval que fut le Roman de la Rose de Jean de Meung et Guillaume de Lorris. Entre tous les manuscrits qui nous sont parvenus de cette période, nous avons l’embarras du choix en terme d’illustration.
L’enluminure que nous avons choisi pour cette année est issue du manuscrit Harley MS 4425. Daté de la fin du Moyen âge (vers 1490-1500), ce bel ouvrage est actuellement conservé à la prestigieuse British Library. L’enluminure représente le jardin dans lequel l’auteur sera invité à danser. Depuis la cyber attaque dont elle a été victime, l’an passé, la bibliothèque nationale anglaise n’a pas encore pu remettre à la consultation tous les ouvrages digitalisés. Elle tient cependant une liste à jour et nous espérons que le Harley 4425 y figurera bientôt (voir la liste des manuscrits médiévaux de la British Library en ligne)
Un Bref Retour sur l’Année 2024
D’un point de vue global, 2024 a été une nouvelle année sombre. Les conflits armés et les guerres ont continué d’agiter le monde et d’ouvrir des plaies durables, au Proche-Orient comme à l’Est de l’Europe. Dans un climat de tension palpable et sur nos territoires, la démocratie ne semble plus que l’ombre d’elle-même. La peur, les pressions politiques, la propagande et les manipulations sont devenues plus que jamais les instruments privilégiés du pouvoir. Si peu de représentations et si peu de dignité face aux suffrages. La France en est devenu un exemple édifiant cette dernière année. Bien peu de place est laissée aux détresses réelles des peuples, à leurs aspirations, à leurs désirs.
Dans ce contexte, nous formons le vœu (qui pourra peut-être sembler un peu naïf à certains mais peu nous chaut) que le monde et les peuples subissant injustement le feu des armes puissent retrouver la paix. Puissent les graines de fraternité et de tolérance continuées d’être semées entre les hommes. Puissions nous aussi avoir la sagesse de maîtriser les développements technologiques les plus récents pour les mettre véritablement au service de l’ensemble de l’humanité et pas seulement du sacro-saint marché. Finalement, puisse cette année 2025 être placée sous le signe de la paix et la venue de jours plus radieux. C’est notre vœu le plus cher.
Tout cela étant dit, gardons espoir. Nous vous souhaitons encore une belle année 2025.
Frederic EFFE A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ces formes.
n ce 24 Décembre, nous tenions à vous souhaiter un Joyeux Noël & de très belles fêtes de fin d’année 2024, avec une pensée particulière pour ceux qui les passeront dans la solitude, le travail ou des circonstances peu favorables.
Nous voulons aussi en profiter pour remercier tous nos lecteurs de leur fidélité et de leur présence, à nos côtés, au fil de nos articles et partages. Lancées en 2016, nos pérégrinations médiévales ont fêté, en septembre dernier, leur huitième année, avec plus de 1800 articles publiés. C’est peu à l’échelle de l’Histoire et même du Moyen Âge, mais à l’échelle du web, ce n’est déjà pas si mal.
A défaut d’être un Lagarde et Michard (1) et toutes proportions gardées, MoyenAgePassion est plus proche d’un petit palais idéal médiéval, à la façon du facteur Cheval (2). Initié par des flâneries dans les campagnes de ces 1000 ans d’Histoire pour y glaner quelques pierres, il a fini par former un modeste édifice.
En dehors de son agenda, l’exploration et traduction de plus de 500 textes et chansons en langues anciennes médiévales demeurent, à ce jour, la partie la plus consultée du site. Elle est fréquentée par des gens de tous horizons, bien au delà des frontières françaises et nous continuons de la nourrir de nos recherches régulières. Alors merci encore à tous nos lecteurs de leur fidélité.
Sur notre carte de vœux 2024, comme sur l’image d’en-tête, vous trouverez un détail d’enluminure médiévale. On doit cette nativité à Don Simone Camaldolese (1378-1405). Elle est tirée d’un ouvrage liturgique : le Codice Cor.39, de la Bibliothèque Medicea-Laurenziana de Florence.
Encore merci à tous et de très belles fêtes de fin d’année 2024.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
(1) Manuel scolaire de littérature incontournable durant les années lycées des 80’s. Je ne sais s’il reste encore prescrit aux étudiants actuels. (2) Œuvre et sculpture originale, réalisée par un seul homme, le facteur Cheval à Hauterives (Drôme). Si vous n’avez pas vu le film, nous vous conseillons le site officiel.
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, trouvère, bible, moine, moyen-âge chrétien, poésie politique, nostalgie médiévale, langue d’Oïl Période : Moyen Âge central, XIIe, XIIIe siècle Auteur : Guiot de Provins (Provens) (1150 – 12..) Manuscrit ancien : MS français 25405 BnF Ouvrage : La Bible, les Oeuvres de Guiot de Provins, poète lyrique et satirique, John Orr (1915)
Bonjour à tous
ous vous proposons, aujourd’hui, d’avancer sur la poésie satirique médiévale à travers un nouvel extrait de la Bible du trouvère Guiot de Provins. Dans le courant des XIIe et XIIIe siècles, cet ouvrage sans concession ouvre sur un siècle (autrement dit des temps) décrit, par son auteur, comme « puant et horrible ».
D’après ses propres écrits, Guiot a beaucoup voyagé de cour en cour en tant que trouvère dans la France médiévale et au delà même, jusqu’aux croisades. Dans cette première partie de sa vie, il aurait côtoyé de nombreux seigneurs avant de se faire moine. Les conditions et le faste des cours avaient alors changé, peut-être d’ailleurs, sous la pression des croisades successives et de leur impact sur la noblesse. Quoi qu’il en soit, dans sa bible satirique, au long de quelques 2700 vers, Guiot de Provins n’épargna guère ses contemporains, religieux ou civils. Dans les extraits du jour, nous nous intéressons notamment à sa critique des princes et des puissants.
Princes tyrans et puissants dévoyés dans la poésie satirique médiévale
Le Moyen Âge a beaucoup chanté ses princes et ses rois. Dans les cours, on les loue et on les flatte. On leur rédige même quelquefois des chroniques historiques sur mesure. Sur le plan politique, on écrit aussi à leur intention des guides de bonne conduite et des « Miroirs des princes ». On trouvera de tels ouvrages au Moyen-Orient chez des auteurs comme Saadi (voir le Gulistan ou le Boustan) mais ils se répandent aussi en Occident et deviennent très appréciés comme le Livre des Secrets du Pseudo Aristote.
Pendant de cette tendance, les mauvais princes reçoivent aussi leur lot de critiques et la poésie satirique médiévale n’hésitera pas à les égratigner. On pense au Prince de Châtelain, à certaines ballades d’Eustache Deschamps ou encore à des diatribes de Jean Meschinot, entre ses ballades contre Louis IX et ses lunettes des Princes. On pourrait encore ajouter à cette liste, le tyran et sa misérable vie de Pierre d’Ailly et un nombre incomptable d’écrits d’autres auteurs médiévaux.
Dans la veine de ses satires et précédant même certaines d’entre elles, la Bible de Guiot de Provins contient de nombreux vers à l’adresse des mauvais princes. Nous en avions déjà cité quelques-uns dans un article précédent sur sa bible. En voici quelques autres :
Que sont les princes devenus ? extraits de la bible de Guiot de Provins
NB : la langue d’oïl de Guiot de Provins n’est pas toujours simple à déchiffrer. A l’habitude, nous vous fournissons des clefs de vocabulaire pour mieux la transposer en français actuel.
(V 156) Trop est nostre loz au desoz (Trop est notre gloire abaissée): Qui bien nos vorroit jugier toz, Si con (comme) je sais et con je croi, Ja (jamais) n’en eschapperoient troi Que ne fussent dampnei (damner)sens fin, Ou sont li saige, ou sont li prou (les preux) ? S’ils estoient tuit (tous)en un fou (feu), Ja des princes, si con je cuit (cuidier : croire, penser); Mais se li fellon i estoient, Sil qui Dieu voirement ne croient (ceux qui ne croient vraiment en Dieu), Et li villain et li eschars (les avares), molt i aroit des princes ars (de ardoir : brulés); Onques si loaus fous ne fui Qu’il valdroient muez (mieux) cuit que crui (cru de croire, jeu de mot « cru »). A grant tort les appelle on princes : Des estapes (pièges) et des crevices (écrevisse) Font mais empereors et rois. Les Alemans et les Inglois Voi bien des princes esgareiz (égarés), Si voi je les autres aisseiz : Tuit sont esbahi per lou mont (le monceau, la quantité) Des mavais princes qui il ont.
Et chevalier sont esperdu (éperdus, déconcertés) : Sil ont auques (quelque peu) lor tens perdu ; A(r)belestrier, et meneour (mineurs) Et perrier (artilleurs de perrières), et engeneor Seront de or avant plus chier (plus estimés, plus précieux). Encuseor (délateurs) et losangier(beaux parleurs, faux), Sil ont passei (survécu). Et que feront Sil qui lou siecle vëu ont Si vallant con il a estei ? (1) Deus ! con estoient honorei Li saige, li boin vavassour ! (les bons vassaux) Sil furent li consoilloour Qui savoient qu’estoit raison ; Sil consilloient les barons, Sil faisoient les dons doneir Et les riches cors assembler.
(…) Que sont li prince devenu ? Deus ! Que vi je et que voi gié ! (Qu’ai-je vu et que vois-je (à présent)) Mout mallament (lamentablement) some changié : Li siecles fu ja (jadis) biaus et grans Or est de garçons et d’enfans. Li siècles, sachiez voirement (vraiment), Fadrait per amenuisement ; Per amenuisement faudra Et tant per apeticera (rapetisser, diminuer), Qu’uit (huit) homes batront en un for (four) A flaels lou bleif toute jor, (2) Et dui home, voire bien quatre, Se poront en un pout (pot) combatre. Iteils li siecles devenra (tels les temps deviendront), Sachier de voir ceu avenra : As princes le poez veoir, Et k’on ne doit prisier avoir Don l’on ne fait honor ne bien.
Tout est mais perdeu, ne vaut rien : Trop est li sicles vis et oirs (trop sont les temps vils et ignobles). Certes, je voldroie estre mors Quant me membre (me souviens) des boins barons, Et de lors fais et de lor nons, Et des haus princes honoreiz Qui tuit sont mort. Or esgardez Quels eschainges nos en avons (ce qui nous avons en retour), Que argens est devenus plons ! Trop belle oevre fait on d’argent ; Aï ! Bieu sire Deus, coment Seme prodon (homme honorable honnête) mavais grainne ? – Molt est l’aventure vilainne (triste, affligeante).
(1) Et que feront Sil qui lou siecle vëu ont Si vallant con il a estei : et qu »adviendra-t-il de ceux qui ont été témoin des temps de grande valeur du passé. (2)Qu’uit homes batront en un for a flaels lou bleif toute jor : qu’il faudra à huit hommes en un four toute une journée pour battre le blé au fléau.
Aux Sources manuscrites de la Bible de Guiot de Provins
On peut trouver la bible de Guiot de Provins dans un certain nombre de manuscrit médiévaux dont le MS Français 25405 de la BnF (voir sur Gallica). Ce manuscrit, daté du XIIIe siècle, contient le texte satirique du trouvère dans son entier. De nombreux autres manuscrits du Moyen Âge n’en propose qu’un partie. C’est notamment le cas du manuscrit médiéval enluminé Ms-5201 de la bibliothèque de l’Arsenal (image ci-dessous).
Nostalgie médiévale et héros du passé
Avec quelques réserves sur les définitions, une forme de nostalgie traverse la littérature médiévale, sous la plume de ses esprits les plus lettrés. Le Moyen Âge a bien eu ses héros antiques ou plus contemporains, mais à peine reconnus et salués, il semble à peu près tous lui avoir filé entre les doigts pour ne laisser place qu’à un grand vide : Alexandre le Grand, Charlemagne et Roland ou encore Arthur de Bretagne et, avec lui, les glorieuses heures de la chevalerie de Chrétien de Troyes font partie des figures souvent évoquées. Tous ces noms ont largement inspiré les plus grands auteurs et poètes des Moyen Âge central à tardif, mais souvent comme les spectres regrettés d’un temps à jamais enfui et dont on déplorait la perte.
Les célèbres Neiges d’Antan de Villon sont un autre signe de cette nostalgie, comme sa ballade un peu moins connue sur les seigneurs du temps jadis : « Mais où est le preux Charlemagne? ». Toutefois, François de Montcorbier est loin d’être le seul à avoir évoqué les illustres personnages du passé et cette idée d’une grandeur révolue. Les poésies lyriques et satiriques médiévales sont pétries de références de cette sorte.
Bien sûr, le Moyen Âge a su aussi rendre hommage et louer ses héros en leur temps, les Duguesclin, les Bayard ou les Jeanne d’Arc. Pourtant, cette nostalgie des grands disparus chantée par tant d’auteurs et, avec elle, le constat de valeurs en perdition, ne peut que frapper celui qui s’aventure dans les méandres de la littérature médiévale, et notamment celle des XIIIe au XVe siècles.
Idéal de perfection morale et valeurs en sursis
Pour être des siècles reconnus généralement comme ceux de l’épanouissement du Moyen Âge chrétien et du catholicisme, il demeure étonnant de voir combien l’actualisation des valeurs morales chrétiennes fait justement problème pour de nombreux auteurs moraux ou satiriques médiévaux. On pourrait d’ailleurs y ajouter les fabliaux et leur moquerie de la gente religieuse.
Dans ce constat d’un temps glorieux révolu, les petits hommes et leur mesquinerie ont supplanté les « preudons », même chez les puissants. Convoitise, avidité, soif de pouvoir et de possession ont gâté les valeurs d’antan et la morale chrétienne des origines. On invoque alors souvent la mémoire des grands du passé pour mieux souligner les bassesses des hommes du présent et leur peu de hauteur morale. Chez Guiot de Provins, les temps rapetissent et les hommes deviennent des enfants.
Nostalgie des valeurs en fuite, constat de princes qui n’en sont plus tout à fait et de valeurs chevaleresques à jamais enfuies. Tout se passe comme si un certain Moyen Âge n’aura cessé de courir après son ombre dans une quête nostalgique de perfection (chevaleresque, chrétienne et peut-être même christique) condamnée à n’être plus jamais atteinte. Bien sûr, c’est sûrement parce que ces valeurs là (et leur idéal) étaient si actuelles dans les mentalités médiévales qu’elles ont servi d’étalon pour juger d’un présent qui, sous la plume des auteurs satiriques ou les poètes, se montre assez rarement à la hauteur des exigences philosophiques et morales de la société d’alors. Mais le constat est là, le Moyen Âge porte déjà en lui et à travers ses auteurs, une forme de nostalgie de ses propres origines.
Pour conclure, précisons que dans le cas de Guiot de Provins, les références ne sont pas toujours si lointaines et abstraites. Le trouvère parle, en effet, de mémoire et sa bible étale aussi de longue litanie de nobles et princes médiévaux dont certains qu’il a pu côtoyer. Il est d’ailleurs d’autant déçu par ses contemporains qu’il dit avoir connu ou entendu parler de tels grands hommes :
Les rois et les empereors Et ceaus dont j’ai oï parler Ne vuel je pas tous ci nomer ; Mais ces princes ai je vëus, Por ceu sui je si esperdus Et abahis, ce n’est pas gais. (…) La mort nos coite et esperonne ; Trop m’ait tolut de mes amis.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, amour courtois, chanson, Ars Nova, trouvère, compositeur médiéval, manuscrit français 146. Période : Moyen Âge, fin XIIIe, début XIVe s Titre : « Comment que, pour l’éloignance« Auteur : Jehannot de Lescurel ou Jehan) de Lescurel Ensemble : Syntagma et Alexandre Danilevsky Album :Lescurel : Songé .i. songe (2015)
Bonjour à tous,
otre voyage médiéval du jour nous conduit à la fin du Moyen Âge central, pour y découvrir une nouvelle chanson du trouvère Jehan de Lescurel ou Jehannot de Lescurel.
La vie de ce poète et compositeur de la fin du XIIIe et des débuts du XIVe siècle nous est assez peu connue mais il nous a légué une belle œuvre musicale et poétique, trempée d’amour courtois. Elle se compose d’un peu plus de trente pièces annotées musicalement. On les trouve notamment regroupées dans le manuscrit médiéval Français 146 de la BnF, aux côtés d’autres œuvres datées de la fin du XIIIe et de cette période.
L’amour de Loin de Jehan de Lescurel
La chanson médiévale que nous vous proposons de découvrir est dans la lignée du répertoire de Jehan de Lescurel. Elle appartient donc, pleinement, au registre de la lyrique courtoise.
Jehan de Lescurel nous conte sa douleur de l’éloignement mais plus encore l’amour entier et les beaux sentiments que lui inspire sa belle. Bien que physiquement loin d’elle, sa seule évocation suffit à le conforter et à confirmer son amour.
Si la peine est évoquée dans cette jolie pièce courtoise, l’ensemble reste léger et le compositeur médiéval y mêle adroitement tristesse et joie.
Sources manuscrites médiévales
Comme mentionné plus haut, l’œuvre de Jehannot de Lescurel peut être retrouvée dans le manuscrit médiéval Français 146. Cet ouvrage enluminé contient également le Roman de Fauvel de Gervais du Bus, ainsi que la Chronique métrique de Geoffroy de Paris. Ce manuscrit, daté des débuts du XIVe siècle, se trouve actuellement conservé au département des manuscrits de la BnF. Il peut également être consulté en ligne sur gallica.fr.
Pour la transcription de la chanson du jour en graphie moderne, nous avons repris celle de l’ouvrage « Chansons ballades et rondeaux de Jehannot de Lescurel » (Librairie P. Jannet, Paris, 1855), du chartiste et historien de l’art Anatole de Montaiglon.
L’Ensemble Syntagma & Jehan de Lescurel
Les chansons de Jehan de Lescurel ont été reprises par plusieurs formations de la scène musicale médiévale. Pour la version du jour, nous avons choisi de revenir à la version de l’Ensemble Syntagma. Elle est extraite du livre album « Lescurel : Songé .i. songe – Chansons & Dit enté, Gracieux temps » dont nous vous avons déjà touché un mot (voir article).
Une belle version en musique signée de l’Ensemble Syntagma
Lescurel : Songé .i. songe, le livre album
En plus de l’interprétation talentueuse de Syntagma sous la direction d’Alexandre Danilevsky, ce bel enregistrement de 64 minutes propose un livret très complet pour accompagner le CD. On trouvera aussi sur cette production le Dit Enté de Jehan de Lescurel. C’est assez rare et exclusif pour être souligné.
Pour débusquer cet album, tentez votre chance chez votre disquaire préféré. En ligne, il semble, pour l’instant, épuiser et en attente de réédition. On peut également retrouver certaines pièces de cette production sur la chaîne Youtube de l’ensemble Syntagma.
« Lescurel : Songé .I. Songe », le livre album de Syntagma sous la direction de Alexandre Danilevski
Comment que, pour l’éloignance de Jehan de Lescurel en langue d’Oïl
Comment que, pour l’éloignance, Du très dous pays, où maint Celle qu’aim sanz decevance, Ai souffert meschief maint, L’espoir qu’ai, qu’encore m’aint La doucette simple et coie, Fait que mon cuer li remaint Et que mon cors vit en joie.
Par ramembrer sa semblance Me sens d’amer si ataint Que mon cuer d’autre plaisance N’a, ne de grief se plaint. Le desir que me remaint, — Dex, si qu’à lesir la voie — Fait que mon cuer li remaint Et que mon cors vit en joie.
Souvent sens grief et pesance Que mon cuer que liés soit faint, Par ce c’on ait connoissance De quel mal le vis ai taint, Ne qui la belle est, qui craint, Pour qui Amours, où que soie, Fait que mon cuer li remaint Et que mon cors vit en joie.
Traduction en français actuel
Bien que par l’éloignement Du très doux pays où se trouve Celle que j’aime sans détour (tromperie) J’ai souffert maints déboires (infortune) L’espoir que j’ai qu’elle m’aime encore, La douce simple et tranquille, Fait que mon cœur lui est acquis Et que mon corps vit en joie.
En me souvenant de son visage, Je me sens si profondément amoureux Que mon cœur ne cherche d’autres plaisirs, Et ne se plaint de rien. Le désir que j’en conserve (qu’il m’en reste) — Dieu, de sorte que s’il m’est permis de la voir — Fait que mon cœur lui demeure Et que mon corps vit en joie.
Je ressens souvent peine et accablement Quand mon cœur feint d’être en joie Car personne ne sait vraiment Quel est ce mal qui assombrit (teint) mon visage Ni qui est la belle qui m’inspire tant de crainte, Et pour qui, Amours, où que je me trouve Fait que mon cœur lui demeure Et que mon corps vit en joie.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.