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Le dizain à Villon de Théodore de Banville: un bel hommage du XIXe siècle à François Villon

poesie_monde_medieval_ballade_formes_poetique_moyen-age_theodore_de_banville_vergers_roi_louisSujet : poésie, résonance médiévale, François Villon, Dizain, hommage, réhabilitation.
Paroles : Théodore de Banville (1823-1891)
Titre : Dizain à Villon
Période : XIXe siècle

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionomme promis, il y a quelques temps, nous partageons une autre poésie de Théodore de Banville dédiée à Maistre François Villon. La dernière fois nous avions publié le verger du roi Louis ou Ballade des Pendus, hommage allégorique qu’avait rendu l’auteur du XIXe siècle aux formes poétiques de Villon tout autant qu’au contenu de son épitaphe. Cette fois-ci, la référence au poète médiéval est encore plus directe et plus qu’un hommage, ce Dizain prend même la forme d’une réhabilitation sublime de Villon lui-même et de son oeuvre.

Théodore de Banville nous offre l’image d’un Villon, rendu  à jamais éternel comme Prométhée, le titan supplicié de la mythologie grecque qui s’en était allé dérober les arts du feu aux Dieux, pour les offrir aux hommes. Ce Villon à « la prunelle encore épouvantée » par son propre larcin qu’il nous dépeint, échappe définitivement à ses juges de mauvaise conscience pour devenir, rien moins que le porteur de la lumière, au service de tous les hommes. On rejoint presque ici, sur le plan de la mystique, la hauteur de vision que Michel de Meaulnes nous partageait de Villon dans un article précédent.


Le dizain à Villon de Théodore du Banville

« Sage Villon, dont la mémoire fut
Navrée, hélas! comme une Iphigénie,
Tant de menteurs s’étant mis à l’affût,
Dans ta légende absurde, moi je nie
Tout, grand aïeul, hors ton libre génie.
O vagabond dormant sous le ciel bleu,
Qui vins un jour nous apporter le feu
Dans ta prunelle encore épouvantée,
Ce vol hardi, tu ne l’as fait qu’à Dieu:
Tu fus larron, mais comme Prométhée. »
Théodore de Banville (1823-1891) Dizain à Villon


De nombreux auteurs ont déclamé leur admiration et même leur fascination pour la poésie de Villon, mais je ne sache pas qu’on est, jusqu’à ce jour, écrit éloge plus élevé et plus lyrique sur lui que ce dizain de Théodore de Banville.

Ce texte sera rien moins que la clôture de son ouvrage intitulé « 36 ballades joyeuses pour passer le temps » où le poète du XIXe renouait avec la forme poétique médiévale de la ballade, en la remettant au gout du jour, près de cinq siècles après qu’on l’eut presque entièrement délaissée. L’ombre de Villon passe, du reste sur l’ensemble de l’ouvrage, et on le trouve présent dès le premier dizain qui ouvre sur ces trente-six ballades joyeuses et que voici:

Dizain au lecteur

« Ami lecteur, donne-moi l’accolade,
Car j’ai pour toi besogné, Dieu merci.
Comme Villon qui polit sa Ballade
Au temps jadis, pour charmer ton souci
J’ai façonné la mienne, & la voici.
Je ne dis pas que les deux font la paire.
Et contenter tout le monde & son père
Est malaisé, chacun garde son rang!
Mais voire! avec ces rimes, je l’espère,
Tu peux aussi te faire du bon sang. »
Juin 1873.
Théodore de Banville

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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De la glace,du feu et le dizain de neige d’un Clément Marot amoureux

clement_marot_portrait_presume_poesie_medievale_auteurSujet : poésie médiévale, poète, épigrammes, dizain. portrait de Marot, Anne d’Alençon
Auteur : Clément Marot de Cahors (1496-1544)
Période : moyen-âge tardif, début de renaissance.
Titre :  le Dizain de neige ou d’Anne, qui luy jecta de la Neige, Epigrammes.

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passioni Clément Marot  a exercé son talent poétique dans bien des genres, la forme courte de l’épigramme est restée une de celle dans laquelle son esprit et sa plume affûté semblent avoir le mieux excellés. De fait, c’est un petit poème d’une dizaine de vers – soit comme son nom l’indique, un dizain – très joliment tourné et écrit de sa main, que nous vous proposons de découvrir ou, même plus sûrement de redécouvrir aujourd’hui. Il est dédié à celle qui, autour de l’année 1527, avait séduit le coeur du poète: Anne d’Alençon, nièce de sa protectrice Marguerite d’’Alençon, elle-même soeur de François 1er. Clément Marot voua à la dame un amour versifié et platonique, tout en élégance et en finesse, qui dura plus de dix ans. Cette pièce « d’Anne qui luy Jecta de la neige » ou ce Dizain de neige n’est  qu’une des poésies écrites pour elle.

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Facéties graphiques et portrait présumé : une dame authentique pour  un Marot allégorique

Pour la petite histoire, le portrait d’Anne d’Alençon que nous avons utilisé dans la version illustrée de ce dizain de neige, ci-dessus est d’époque. Il a été réalisé par le peintre italien Gian Giacomo de Alladio, plus connu sous le pseudonyme de Macrino D’Alba (1460-1520). Concernant le portrait de Marot, il est tiré, quant à lui, de l’oeuvre de Giovanni Battista Moroni, autre peintre italien de la même période  mais un peu plus tardif (1520-1578). On a longtemps présumé que cette peinture était une représentation du poète médiéval mais, en réalité, rien n’est moins sûr, pour ne pas dire qu’on est même pratiquement certain qu’il ne s’agit pas de Marot. Au moment du passage en Italie du poète de poesie_medievale_clement_marot_epigrammes_dizaine_portraitCahors, le peintre Giovanni Battista Moroni était, en effet, encore un peu vert et n’avait qu’une quinzaine d’années; l’homme sur la toile, serait en fait, bien plus sûrement, un médecin contemporain du portraitiste de talent. On a pourtant présumé si fort et si souvent que ce « portrait of a man » représentait Marot, qu’il a fini par le faire dans bien des circonstances et continue d’ailleurs de le faire.

Pardonnez-nous donc de prolonger une vieille imposture dont nous ne sommes pas les auteurs, mais ne voyez là que les facéties graphiques de votre serviteur. A ma décharge, je dois avouer que l’expression de ce regard, dans lequel on sent tout à la fois de l’esprit et un brin d’impertinence, me semble incarner, à merveille, une certaine idée de  ce grand poète français. Mais que l’on ne s’y trompe point, donc, sur notre visuel la dame est authentique et le Marot allégorique. D’ailleurs, pour mieux enfoncer le clou de cette vérité rétablie et pour le même prix, voici une autre de nos âneries.

auto_portrait_presume_clement_marot_Giovanni_Battista_Moroni

Ces digressions n’enlèvent rien,  bien sûr,   à la qualité de    cette poésie de Marot dont voici le texte original.

Les paroles du dizain de neige
dans la belle langue de Marot

« Anne (par jeu) me jecta de la Neige,
Que je cuidoys(*) froide certainement:
Mais c’estoit feu: l’experience en ay je,
Car embrasé je fuz soubdainement.
Puis que le feu loge secrettement
Dedans la Neige, où trouveray je place
Pour n’ardre point? Anne, ta seulle grâce
Estaindre peult le feu que je sens bien,
Non point par eau, par neige, ne par glace,
Mais par sentir un feu pareil au mien. »
Clément Marot – Epigrammes

* Dont je pensais qu’elle était froide 

La version musicale et lyrique
de Maurice Ravel

Pour les amateurs de musique classique et lyrique, nous postons également, ici, la version de ce poème de Marot par Maurice Ravel (1875-1937) en 1896. Le célèbre compositeur mettra, en effet, en musique deux épigrammes de Marot dédiées à cette même Anne dont le poète s’était épris.

En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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