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Un programme culturel historique et des lectures audios autour de Melin Saint-Gelais

melin_saint_gelais_poesie_cour_XVIe_siecle_epigrammes_dizain_renaissance_moyen-age_tardifSujet : dizain, poésies courtes,  rondeau, poésie de cour, renaissance. humour, poésie gaillarde,
Période : XVIe, renaissance, fin du moyen-âge
Auteur : Mellin Sainct-Gelays
ou Melin (de) Saint- Gelais (1491-1558)
Média : « les petits renaissants » programme culturel, chaîne nationale,1953. lectures audios, chaîne youtube Eclair Brut
Ouvrage : Oeuvres complètes de Mellin Sainct- Gelays, Prosper Blanchemain, 1873.

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionl’ambition littéraire, au sérieux et quelquefois, il faut bien le dire, une certaine pédanterie des certains auteurs de la pléiade, le XVIe siècle oppose aussi une poésie légère de divertissement, gaillarde même quelquefois, et un verbe mis au service de l’esprit et de l’amusement de cour. Même s’ils ont fait quelques émules, Clément Marot et Melin de Saint Gelais en sont sans doute les auteurs les plus représentatifs et assurément les plus talentueux.

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A travers les notes les plus humoristiques de cette poésie : pastourelles détournées, moines buveurs et chaud lapins et autres grivoiseries, les références aux fabliaux ne peuvent manquer de venir à l’esprit et, avec elles, l’ancrage dans une tradition satirique bien antérieure au XVIe siècle; finalement, le « sombre » moyen-âge est, sans doute ici, bien moins loin que les nouveaux auteurs de la Pléiade l’auraient souhaité.

Les « petits renaissants », programme culturel « historique » de la chaîne nationale

I_lettrine_moyen_age_passion copiassues d’un programme, devenu lui-même historique puisqu’il date de 1953, voici donc un peu plus de vingt minutes en compagnie de Melin Saint Gelays et de sa poésie renaissante.  Produite par l’acteur et homme de théâtre Marcel Lupovici, l’émission était alors présentée par le poète Pierre Emmanuel (Noël Mathieu). On reconnaîtra sans peine, les intonations et les voix d’époque, et à travers le court portrait de l’auteur du XVIe, on remarquera aussi la qualité du français : soigné, appliqué et très écrit.

melin_saint_gelais_dizain_poesie_ancienne_gallarde_grivoise_renaissance_XVIePassé l’introduction, les lectures audios qui sont données ici  des poésies de Melin Saint-Gelais sont un vrai régal.

Diffusé à une heure tardive, le programme autorisait aussi une certaine liberté de ton et, permettait d’aborder des poésies un peu plus « gaillardes ». Le dizain ci-contre en est un exemple, il est même à ce point grivois qu’on l’a prêté longtemps à Marot, dont c’était tout de même plus une des spécialités, Melin Saint-Gelais ayant, en général, habitué ses lecteurs à une poésie en général moins osée.

En vous souhaitant une belle journée  à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

épigrammes, dizain et poésie de cour avec Melin De Saint-Gelais

melin_saint_gelais_poesie_cour_XVIe_siecle_epigrammes_dizain_renaissance_moyen-age_tardifSujet : dizain, poésies courtes,  ouvrage ancien. poésie satirique, humour médiéval, épigrammes, grivoiseries, poésie de cour.
Période : moyen-âge tardif, renaissance, XVIe
Auteurs : Mellin de Sainct-Gelays  ou Melin Saint- Gelais (1491-1558)
Titre : Oeuvres poétique de Mellin S. Gelais, 1719 sur l’édition de  1574

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partons à nouveau à la découverte de la poésie de cour du XVIe, qui est encore considéré par nombre d’historiens comme le siècle de la transition vers la renaissance. A cette occasion, nous revenons sur le poète Melin Saint-Gelais en vous donnant sur lui des éléments de biographie mais en partageant aussi quelques unes de ses pièces entre humour et poésie courtes.

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Un charlatan disait en plein marché
Qu’il montrerait le diable à tout le monde ;
Si n’y eût nul, tant fût-il empêché,
Qui ne courût pour voir l’esprit immonde.
Lors une bourse assez large et profonde
Il leur déploie, et leur dit : Gens de bien,
Ouvrez vos yeux ! Voyez ! Y a-t-il rien ?
– Non, dit quelqu’un des plus près regardants.
– Et c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien ?
Ouvrir sa bourse et ne voir rien dedans.

Folie, Melin Saint-Gelais (1574)

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N_lettrine_moyen_age_passionatif d’Angoulème, issu de famille noble, fils peut-être ou même neveu, pense-t-on, sans en avoir la certitude du rhétoriqueur Octavien de Saint-Gelais, évêque d’Angoulême, Melin Saint-Gelais a bénéficié dans sa jeunesse, d’une solide éducation littéraire acquise, semble-t-il, à Potiers mais aussi à Bologne et à Padoue, au coeur de l’Italie renaissante. C’est d’ailleurs là où il put acquérir la maîtrise de la langue italienne. Plus tard, aumônier du dauphin, puis bibliothécaire du roi François Ier, il fut un des favoris à la cour. Encore plus loin dans le temps et suivant sa carrière religieuse, il se fit abbé et fut aussi clerc du diocèse d’Angoulême. A sa mort, en 1558, à Paris, il était encore dans les ordres.

Joueur de Luth, chanteur et poète de cour, contemporain et peut-être même un peu rival tout en étant ami de Clément Marot, l’histoire littéraire n’a pourtant pas retenu Melin Saint-Gelais autant qu’elle le fit de son illustre homologue, même si on s’entend bien, en général, sur le fait que sa renommée auprès de ses contemporains, n’avait rien à envier à celle de Marot, au moins de son vivant.

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Tu te plains, ami, grandement ,
Qu’en mes vers j’ay loüé Clement,
Et que je n’ay rien dit de toy.
Comment veux tu que je m’amuse
A louer ny toy, ny ta muse ?
Tu le fais cent fois mieux que moy.

A un importum, Melin Saint-Gelais (1574)

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Q_lettrine_moyen_age_passionuelques furent les détours pris par l’Histoire ou la postérité, pour juger de sa poésie, Melin Saint-Gelais fut, s’il faut le comparer à Clément Marot, pratiquement oublié et il ne resta bientôt plus, pour se souvenir de lui que la querelle qui l’opposa à Ronsard et à la Pléiade.

A une période où la poésie était perçue comme un enjeu de survie à la cour puisque les places s’y trouvaient comptées, les rivalités ne se voilaient qu’à peine. Les auteurs de la pléiade naissante ne cachaient alors pas leur ambition de faire table rase du passé médiéval, mais aussi du plus immédiat et, avec lui, d’une certaine poésie de cour légère, telle que la pratiquait justement Clément Marot ou Saint-Gelais. Il était question de renouer avec l’Antiquité et de porter le français plus haut dans des envolées qui, dans l’ensemble, semblaient peu souffrir l’usage que certains faisaient alors de l’humour, de la légèreté et même de la satire; en bref, la poésie et son usage devaient être une affaire hautement sérieuse.

Dans ce contexte, pas totalement exempt de rivalités et d’enjeux, Saint-Gelais s’était gaussé à la cour des écrits de Ronsard, en lisant des passages de ce dernier à voix haute et sur un ton pompeux, faisant même rire le roi avec ses facéties. Bien que le conflit fut atermoyé avec l’intéressé, plus tard, les auteurs de la Pléiade poursuivirent Saint-Gelais encore de leur diatribe, et cet épisode aura finalement plus survécu au temps que l’oeuvre poétique du poète d’Angoulême.

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O Luth, plus estimé present
Que chose que j’aye à present,
Luth de l’honneste lieu venu
Où mon coeur est pris & tenu :
Luth qui respons à mes pensées
Si tost qu’elles sont commencées :
Luth que j’ay faićt assez de nuits
Juge & tesmoin de mes ennuis,
Ne pouvant voir au près de moy
Celle qui t’eust au près de soy.
Je te suppli’ fay moy entendre
Comme touchant à la main tendre
Ton bois s’est garenti du feu* ,
Qui si bien esprendre ma seu :
Et s’il se pourroit bien esteindre
Par souvent chanter, & me plaindre:
Que pleust à dieu, Luth, que ta voix
Peust aller où de-coeur je vois,
Tant que mon torment bien oui
En peust rapporter un ouy :
Lors tu me serois plus de grace ,
Qu’onc n’en fist la harpe de Thraces
Qui faisoit les montaignes suyvre :
Car tu ferois un mort revivre.

D’un Luth, Melin Saint-Gelais

* Ton bois qui s’est préservé du feu

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our le reste, Melin de Saint-Gelais se situe bien souvent dans cette poésie légère de cour qui, dans les débuts de la renaissance et dans le courant de ce XVIe siècle,  pratique, dans sa recherche du bon mot et de la bonne chute, une satire et un humour qui s’épanchent quelquefois sans complexe du côté des grivoiseries.

Et s’il ne serait sans doute pas justice de ne retenir du poète renaissant que l’humour incisif et les épigrammes ou dizains « badins » ou grivois, il faut avouer que ce sont des pièces dans lesquelles il excelle. On en retrouvera certaines dans la Fleur de Poésie Françoyse mais pour mieux découvrir l’ensemble de son legs, on pourra encore valablement consulter la réédition de ses oeuvres poétiques datant de 1719 sur une édition originale datant de 1574. Tout n’y est pas parfaitement lisible et la digitalisation souffre de quelques imperfections mais c’est, en tout cas, l’ouvrage dont nous avons extrait les poésies présentes au fil de cet article.

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Un jour que Madame dormoit
Monsieur bransloit sa chambriere
Et elle qui la danse aymoit
Remuoit bien fort le derriere :
Enfin la garce toute fierre,
Luy dist Monsieur par votre foy
Qui le fait mieux, Madame, ou moy ?
C’est toy ( dist-il) sans contredit.
– Sainct Jean (dit-elle), je le croy,
Car tout le monde me le dit.

Dixain, Melin Saint-Gelais (1574)

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Ajoutons avant d’en conclure sur Melin Saint-Gelais, qu’au titre de son héritage plus sérieux, on lui prête encore d’avoir importé à la cour française l’art du sonnet italien dont François Pétrarque s’était fait quelques siècles auparavant, un illustre représentant.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com

« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C.

Un songe de Clément Marot en forme de dizain.

poesie_medievale_clement_marotSujet : poésie médiévale, auteur, poète, dizain, amour, romantisme, passion amoureuse
Période : fin du moyen-âge, début renaissance
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Titre : « D’un songe »
Tiré de : Récréation et passe temps des tristes, (1595)

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passione talent de Clément Marot pour les pièces de poésies courtes n’est plus à démontrer tant il excelle dans ce genre, qu’il s’agisse d’épigrammes, de dizains ou même encore d’épitaphes. Le dizain que nous vous proposons aujourd’hui est dédié à sa belle dont les charmes irrésistibles ont, dans le verbe du poète, conquis  jusqu’à Apollon, Dieu de poète des Arts, de la musique et de la connaissance.

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Même s’il reste chaste, Marot ose ici la nudité et s’avance sur le terrain d’une sensualité qu’on retrouve peu dans les traits de l’amour courtois des siècles précédents; la plupart du temps, ce dernier ne s’approche, en effet, pas aussi près. Dans les formes poétiques de ce dizain et dans cet objet convoité que même un Dieu veut dérober à l’emprise de son auteur, on lit , sans doute plus, le désir intarissable de l’amant, que celui inassouvi du prétendant.

Et à travers cette pièce, Marot nous montre encore que son don pour les mots et leur musique ne s’arrête pas aux traits d’esprit, à la satire ou aux grivoiseries légères, mais a aussi le pouvoir de donner au sentiment amoureux ses plus belles lettres.

D’un songe

La nuict passée en mon lict je songeoye
Qu’entre mes bras vous tenoy nue à nu,
Mais au resveil, se rabaissa ma joye
De mon désir en dormant advenu,
Àdonc je suis vers Apollo venu, 
Luy demander qu’aviendroit de mon songe,
Lors luy jaloux de toy, longuement songe,
Puis me respond : tel bien ne peulx avoir.
Helas! m’amour fais luy dire mensonge,
Si confondras d’Apollo le scavoir.
Clément Marot (1496-1544)

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Le dizain à Villon de Théodore de Banville: un bel hommage du XIXe siècle à François Villon

poesie_monde_medieval_ballade_formes_poetique_moyen-age_theodore_de_banville_vergers_roi_louisSujet : poésie, résonance médiévale, François Villon, Dizain, hommage, réhabilitation.
Paroles : Théodore de Banville (1823-1891)
Titre : Dizain à Villon
Période : XIXe siècle

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionomme promis, il y a quelques temps, nous partageons une autre poésie de Théodore de Banville dédiée à Maistre François Villon. La dernière fois nous avions publié le verger du roi Louis ou Ballade des Pendus, hommage allégorique qu’avait rendu l’auteur du XIXe siècle aux formes poétiques de Villon tout autant qu’au contenu de son épitaphe. Cette fois-ci, la référence au poète médiéval est encore plus directe et plus qu’un hommage, ce Dizain prend même la forme d’une réhabilitation sublime de Villon lui-même et de son oeuvre.

Théodore de Banville nous offre l’image d’un Villon, rendu  à jamais éternel comme Prométhée, le titan supplicié de la mythologie grecque qui s’en était allé dérober les arts du feu aux Dieux, pour les offrir aux hommes. Ce Villon à « la prunelle encore épouvantée » par son propre larcin qu’il nous dépeint, échappe définitivement à ses juges de mauvaise conscience pour devenir, rien moins que le porteur de la lumière, au service de tous les hommes. On rejoint presque ici, sur le plan de la mystique, la hauteur de vision que Michel de Meaulnes nous partageait de Villon dans un article précédent.


Le dizain à Villon de Théodore du Banville

« Sage Villon, dont la mémoire fut
Navrée, hélas! comme une Iphigénie,
Tant de menteurs s’étant mis à l’affût,
Dans ta légende absurde, moi je nie
Tout, grand aïeul, hors ton libre génie.
O vagabond dormant sous le ciel bleu,
Qui vins un jour nous apporter le feu
Dans ta prunelle encore épouvantée,
Ce vol hardi, tu ne l’as fait qu’à Dieu:
Tu fus larron, mais comme Prométhée. »
Théodore de Banville (1823-1891) Dizain à Villon


De nombreux auteurs ont déclamé leur admiration et même leur fascination pour la poésie de Villon, mais je ne sache pas qu’on est, jusqu’à ce jour, écrit éloge plus élevé et plus lyrique sur lui que ce dizain de Théodore de Banville.

Ce texte sera rien moins que la clôture de son ouvrage intitulé « 36 ballades joyeuses pour passer le temps » où le poète du XIXe renouait avec la forme poétique médiévale de la ballade, en la remettant au gout du jour, près de cinq siècles après qu’on l’eut presque entièrement délaissée. L’ombre de Villon passe, du reste sur l’ensemble de l’ouvrage, et on le trouve présent dès le premier dizain qui ouvre sur ces trente-six ballades joyeuses et que voici:

Dizain au lecteur

« Ami lecteur, donne-moi l’accolade,
Car j’ai pour toi besogné, Dieu merci.
Comme Villon qui polit sa Ballade
Au temps jadis, pour charmer ton souci
J’ai façonné la mienne, & la voici.
Je ne dis pas que les deux font la paire.
Et contenter tout le monde & son père
Est malaisé, chacun garde son rang!
Mais voire! avec ces rimes, je l’espère,
Tu peux aussi te faire du bon sang. »
Juin 1873.
Théodore de Banville

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
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