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En juin, Retour du grand Tournoi de Chevalerie de Sainte-Croix-Grand- Tonne

Sujet : agenda, fêtes médiévales, animations,  tournoi, chevalerie, Moyen Âge festif.
Lieu : Château de Sainte-Croix-Grand-Tonne, Thue et Mue, Calvados, Normandie
Evénement : Tournoi de chevalerie de Sainte-Croix-Grand-Tonne
Dates : 26 et 27 juin et les 24 et 25 juillet 2021

Bonjour à tous,

l est difficile de vous dire à quel point il nous est plaisant d’annoncer, à nouveau, la tenue de beaux événements et fêtes célébrant le Moyen Âge, en terres de France. Cette fois, l’agenda nous mènera du côté du Calvados et de la Normandie. C’est là que se tiendra, en effet, les 26 et 27 juin, ainsi que les 24 et 25 juillet prochains l’habituel grand tournoi de chevalerie du château de Sainte-Croix-Grand-Tonne.

Nous avons déjà salué, à plusieurs reprises, la tenue de ce tournoi qui a pour cadre le XVe siècle (voir nos articles sur les éditions 2019 et 2018). Pour dire un mot de sa localisation, le château des chevaliers est situé à mi-distance au sud-est de Bayeux et au nord-ouest de Caen, sur la commune de Thue et Mue.

Programmation du premier week-end

Ceux qui auront la chance de s’y joindre à ce cru 2021 ne devraient pas être déçus. En plus d’y voir de talentueux chevaliers croiser le fer et se mesurer dans un grand nombre de disciplines, de nombreuses autres animations médiévales sont, en effet, prévues.

Le samedi 26 juin, dès l’ouverture du château et de sa taverne, sur le coup de midi, on pourra d’emblée festoyer autour de quelques collations. À partir de 13h30, l’après-midi du samedi et du dimanche enchaîneront riches épreuves avec force démonstrations de talents aux armes ou à l’adresse, avec ou sans montures : béhourd à pied et à cheval, duels, archerie montée, jeux de chasse et de guerre mais encore tournoi de joutes en armure du XVe siècle.

Les chevaliers et champions ayant le plus brillés au cours de la journée du samedi, seront annoncés en fin de journée, à 18 heures. Les prix officiels seront, quant à eux, remis au terme de l’ensemble des épreuves, soit le dimanche en fin d’après-midi.

Les autres animations médiévales

Tout au long de ces deux journées et de l’ouverture à la fermeture, les visiteurs auront l’occasion de profiter d’animations et d’activités médiévales prévues à leur intention. Ainsi on pourra s’initier à l’archerie ou encore, découvrir des jeux médiévaux gratuits pour petits et grands avec deux espaces prévus à cet effet. A tout moment, les amoureux de verdure auront aussi le loisir de partir à la découverte du beau parc à l’anglaise du château, avec sa rivière et son lac.

Côté tarif, l’événement affiche un prix de participation à 12 euros et une gratuité pour les enfants de moins de 5 ans). Pour en suivre l’actualité ou pour plus d’information, retrouvez les organisateurs sur la page Facebook officielle du tournoi.

Une très belle journée à vous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : sur la photo d’en-tête, on retrouve en premier plan, Xavier Fauvel, alias le chevalier de Gonneville, fier normand, propriétaire du château de Grand-Tonne et grand vainqueur du tournoi 2020 (crédits photo Claire Honorin). En arrière plan, l’enluminure est tirée du « Traité de la forme et devis comme on peut faire les tournois » de René d’Anjou (Français 2695). Elle représente le duc de Bretagne et le duc de Bourgogne tournoyant. Cet ouvrage médiéval, daté du XVe siècle est conservé au département des manuscrits de la BnF (à consulter ici).

A la fin août, de grandes médiévales à Montfort-sur-Risle et leur lot d’animations et de reconstitution

ecu-armoirie-normandie-montfort-sur-risleSujet  : spectacle médiéval,    animations historiques, animations médiévales, reconstituteurs, château, compagnies médiévales
Evénement  : les Médiévales de Montfort sur Risle,    Eure, Normandie
Date :     Dimanche  30 août    2020

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passioni le  déconfinement a permis, depuis le mois de mai,  à certains établissements historiques ou culturels de rouvrir leurs portes, le programme des fêtes et manifestations médiévales 2020 est demeuré sévèrement altéré, affectant une grande  quantité d’artisans, artistes, compagnies et troupes spécialisés dans les animations historiques et la période du Moyen Âge.  Dès l’arrivée de la crise  sanitaire et face aux mesures annoncées, nombreux sont, en effet, les organisateurs et collectivités locales qui ont pris rapidement les devants, préférant simplement reporter à 2021 toute forme de festivités et de rassemblements.  Se  souvenant  du climat qui régnait alors et face à l’absence totale de visibilité, on comprend bien les raisons légitimes de ses désengagements. Rien que l’on puisse y faire, sauf prendre fait et cause, le secteur de l’animation historique avec celui de la culture et d’autres encore a jusque là été sinistré.

Pourtant, dans ce paysage sanitaire et culturel « post-apocalyptique », quelques  événements ont tout de même été maintenus. Sous réserve de décision de dernière minute par la préfecture ou les autorités locales, ce sera le cas des Médiévales du château normand de  Montfort sur Risle organisées, le dernier dimanche d’août, par l’Association    Montfort Culture et Patrimoine.

Au programme des Médiévales de Montfort

Médiévales-2020-fetes-compagnies-Montfort-sur-Risle-NormandieA première vue, le programme de ces réjouissances s’annonce plutôt riche. Du côté du contexte sanitaire, les organisateurs se sont engagés à mettre en place les dispositions nécessaires  afin de « garantir la protection et la sécurité du public sans altérer le confort de chacun(e)« . Pour  avoir le détail de ces mesures, merci de les contacter sur leur page FB indiquée  en bas de page.

Si tout demeure au beau fixe, la manifestation  devrait donc se dérouler durant toute la journée du dimanche 30 août 2020, du matin à la fin d’après-midi. Sur place de nombreuses compagnies médiévales et animations attendront les visiteurs : spectacles équestres,   tirs de trébuchet, démonstrations d’escrime ancienne et  d’archerie, musique d’époque, marionnettes historiques, mais encore de nombreux campements  de vie civile et militaire, comme au Moyen Âge. Un marché avec ses échoppes d’exposants est également prévu. Quant aux enfants et aux plus jeunes, ils devraient pouvoir aussi compter sur des activités spécialement conçues à leur intention : ateliers divers, promenades à dos d’ânes ou de poneys, etc…

La prise du Château de Montfort par l’angloys

Du point de vue des temps forts, on ajoutera encore une reconstitution de la prise du château de Montfort  basée sur celle qui eut lieu, au début du  XIIe siècle  par le roi Henri 1er d’Angleterre, duc de Normandie. L’événement se veut au plus près de la réalité historique et les troupes présentes s’évertueront  à faire revivre  la résistance et la déroute de   Hugues IV de Montfort face   à son    suzerain angloys,  dans toutes ses grandes largeurs.

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Compagnies médiévales attendues

Les Compagnons pour Hastings – Les Compaings d’Esculape – Le Clan Svaldifari – Les Chevaliers de Saint Michel – Association Montfort Culture et Patrimoine – Ensemble musical Pastourel – La Troupe de Mortemer

A l’approche de l’événement ou même dès maintenant, nous vous conseillons de consulter  le Facebook officielle de l’Association   pour avoir confirmation du programme et des animations.

Télécharger le programme  – Voir le FB officiel de ces médiévales

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB :    à    toutes fins utiles, nous en profitons pour vous rappeler ici  que nous n’organisons pas nous-mêmes  les fêtes médiévales. Nous ne faisons que les relayer.

Des pommiers, des vignes et de la joie avec Jean le Houx

chansons-a-boire-normande-humour-moyen-age-renaissanceSujet : vaux de vire, chansons à boire, poésies satiriques,  humour, vaudevire, Vire, Normandie.
Période : Moyen Âge tardif, Renaissance
Auteur : Jean le Houx (1550-1616), Ollivier Basselin (vers   1400-1450 ?)
Sources    : Vaux-de-Vire d’Olivier Basselin et Jean Le Houx, PL Jacob  (1858).

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous restons dans la légèreté en faisant suite à notre premier article sur Ollivier Basselin.  Ce personnage, qu’on trouve mentionné dans quelques rares sources médiévales, aurait été un poète normand et un joyeux buveur contemporain du Moyen Âge tardif et du XVe siècle. En dehors des quelques manuscrits qui y font allusion,   un auteur renaissant  du nom de Jean le Houx lui rendit  hommage, un siècle plus tard, en s’inspirant d’une certaine tradition locale et orale.

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Chansons à boire et Vaudevire

Le genre dont il est question   est à classer dans les chansons à boire. Il porte le nom de Vaudevire ou Vaux de Vire du nom de la ville de Vire, dans le Calvados,  dont les deux hommes sont originaires.

deco-chansons-a-boire-normandes-humour-medieval-renaissanceComme on ne peut attribuer   d’originaux à Basselin – ce dernier n’a, en effet, laissé aucun legs direct dans les manuscrits connus à ce jour – , il faut ranger cette chanson à boire plutôt du côté du médiévalisme que du côté de la littérature médiévale. Nous l’avons dit, dans les faits, il ne s’agit pas d’une production du Moyen Âge, mais d’un « tribut », un hommage, fait un siècle après la vie supposée de Basselin. Du reste, sa langue, elle non plus, n’a rien de médiévale. Elle est tout à fait proche du français renaissant. Pour être clair, si on avait d’abord supposé que toutes ces chansons à boire avaient pu être collectées, retranscrites et modernisées par  Le Houx, à partir d’une certaine forme de tradition orale, rien ne permet, en réalité, de l’établir. De nombreux experts s’accordent même aujourd’hui sur le fait que ces vaudevires d’abord attribués à Basselin sont des  chansons écrites ex nihilo par  Jean le Houx.

Une longue tradition

Culture de tavernes et ode aux plaisirs de la boisson.  Le thème n’est pas nouveau et on pourrait aisément trouver,   entre les lignes  de  ce vaudevire, une  résonance certaine avec les poésies  des goliards, ces clercs marginaux et polissons du Moyen Âge central qui chantaient la perdition et la débauche bacchusienne de taverne en taverne. On pense à des chansons contemporaines du XIIe siècle comme l’Estuans Intrinsecus  de l’Archipoète de Cologne, ou comme le In Taberna  des Carmina Burana de Carl Orff. Plus proche encore de Basselin ou de Le Houx, on ne peut s’empêcher de penser aux facéties de François Villon autour de la boisson et du monde des tavernes.  On évoquera, pour ne citer qu’elles,   son Oraison à l’âme du
bon maître Jehan Cotard
  ou encore sa ballade de bonne doctrine.

deco-chansons-a-boire-normandes-humour-medieval-renaissanceComme souvent dans les chansons à boire, on trouvera aussi dans ce texte, une forme de satire légère, en creux.    C’est assez coutumier du genre. Si la chanson à boire encense  les joies du partage entre amis et un certain plaisir social, elle est aussi souvent, de manière gentillette, humoristique et autorisée : transgressive, anti-conformiste, anti-sociale, dans le sens de « anti-productiviste », (éloge de l’oisiveté, …) quelquefois même anti-militariste.  Dans le texte du jour, cette dimension satirique reste toutefois très légère. Elle passe simplement par la promotion d’une certaine philosophie du détachement et l’auteur y fera un pied de nez à la recherche d’avoirs et à l’accumulation de richesses.


La Probité et la joie

On plante des pommiers ès bords
Des cimetières, près des morts   (1),
Pour nous mettre en la mémoire
Que ceux dont  là gisent les corps
Ont aimé comme nous à boire.

Si donc de nos prédécesseurs
Il nous faut ensuivre les mœurs,
Ne souffrons que la soif nous tue :
Beuvons des pommiers les liqueurs
Ou bien de la plante tortue* (la vigne).

Pommiers croissans ès environs
Des tombeaux des bons biberons
Qui ont aimé vostre beuvrage,
Puissions-nous, tandis que vivrons,
Vous voir chargez de bon fruitage !

Ne songeons plus aux trespassez:
Soyons gens de bien : c’est assez.
Au surplus, il faut vivre en joye.
Que servent les biens amassez
Au besoin qui ne les employe ?

(1)  D’après   PL  Jacob (op  cité), coutume  de certains villages normands près de Caen.


En vous souhaitant une  belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Les Vaux de Vire d’Olivier Basselin : joyeux poète normand entre mythe et réalité

chansons-a-boire-normande-humour-moyen-age-renaissanceSujet : vaux de vire, chansons à boire, poésies satiriques,  humour, vaudevire, Vire, Normandie.
Période : Moyen Âge tardif, Renaissance
Auteur : Jean le Houx (1550-1616), Ollivier Basselin (vers   1400-1450 ?)
Sources    : Vaux-de-Vire d’Olivier Basselin et Jean Le Houx, PL Jacob  (1858). Les Vaudevires Olivier Basselin, Jean le Houx… et Vire,   Yvon Davy,    Association La Loure – Musiques et Traditions Orales de Normandie,  2017 (consulter en ligne  – Lien alternatif téléchargement).

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans le courant du XVe siècle, en Normandie et plus précisément dans le Calvados, aurait vécu, en la cité de Vire, un poète du nom d’Olivier Basselin. Peu soucieux de chanter l’amour, l’homme aurait laissé, derrière lui, un legs fait d’odes à Bacchus et de chansons à boire, au point même d’avoir donné naissance et  des  lettres de noblesse à un genre local   : le Vaux de Vire ou Vaudevire. Bien sûr, la Normandie ne l’avait pas attendu pour entonner ses premières chansons à boire même si certains auteurs du passé, en plus d’avoir fait de Basselin le créateur des premiers vaudevires, ont, quelquefois généralisé en cherchant à en faire le père des chansons à boire normandes.

Faits  ou légendes

deco-chansons-a-boire-normandes-humour-medieval-renaissanceA  partir de ce là, le médiéviste rigoureux, comme l’amateur d’histoire médiévale, s’efforceront de tout mettre au conditionnel. Dans les manuscrits du XVe siècle, contemporains de Basselin, on ne connait,  en effet, aucune sources écrites de ses chansons. Ces dernières ne nous sont « parvenues » que par l’intermédiaire de  Jean le Houx. Cet auteur,  poète et avocat de Vire les fit éditer, près d’un siècle après  la disparition supposée de Basselin. supposément après les avoir transcrites depuis la tradition orale. C’est, en tout cas, ce que l’on a pris pour argent comptant jusqu’au XVIIIe siècle et même un peu plus tard encore.

On en est revenu depuis pour plusieurs raisons que nous exposerons. L’une des premières tombe sous le sens. Plus de 65 chansons ayant traversé le temps, durant un siècle, pour survivre dans la tradition orale ?  Même si l’on a admis d’emblée que Jean le Houx avait pu les arranger à sa sauce et les moderniser en terme langagier, cela parait  tout de même beaucoup.  Sur un tel corpus, il demeure tout de même étonnant qu’aucune pièce n’ait pu être retrouvées dans des manuscrits plus contemporains du XVe.  Le Moyen Âge tardif n’est pas le XIIe siècle  et un nombre conséquent de manuscrits de ce siècle nous sont parvenus.  En dehors de cette absence d’écrits, d’autres raisons viennent encore s’ajouter. Nous les aborderons un peu plus loin mais intéressons-nous d’abord aux sources sur l’auteur lui-même, à défaut d’en trouver sur son oeuvre.

Sur l’existence factuelle d’un Ollivier Basselin ?

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Une chanson dédiée à Olivier Basselin dans le Manuscrit de Bayeux ( Français 9346 ) BnF, département des manuscrits

D’un point de vue factuel, il semble tout à plausible qu’un dénommé Ollivier Basselin, originaire de Vire, ait existé dans le courant du XVe siècle. La mort d’une personnage portant son nom est même évoquée dans une chanson du Manuscrit de Bayeux (fr 9346) daté de la fin de ce même siècle (consulter sur Gallica), ainsi que dans d’autres sources de la même période. Cette chanson du Ms fr 9346 apporte du crédit au fait qu’un homme du nom d’Ollivier Basselin aurait été un joyeux buveur, doté   d’une certaine notoriété locale.  D’après ce texte toujours l’infortuné serait tombé de la  main des anglais.

Hellas Ollivier Basselin
N’orron point de vos nouvelles
Vous ont les Engloys mys à fin.

Vous soulliés gayement chanter
Et demener joyeuse vye
Et les bons compaignons hanter
Par le pays de Normendye.

Jusqu’à Sainct Lo, en Cotentin,
En une compaignye moult belle
Oncques ne vy tel pellerin.

Les Engloys ont faict desraison
Aux compaignons du Vau de Vire,
Vous n’orrez plus dire chanson
A ceulx qui les soulloient bien dire.

Nous priron Dieu de bon cueur fin,
Et la doulce Vierge Marie,
Qu’il doint aux Engloys malle fin.
Dieu le Père fi les mauldye

Quelques autres sources viendront renforcer cette réputation de joyeux drille de Basselin et son goût pour la boisson. Le personnage semble même s’être taillé une telle réputation dans la tradition qu’il en est devenu  un « personnage » haut en couleurs et l’archétype local du buveur. C’est en tout cas ainsi qu’on le retrouve cité  dans d’autres chansons de la fin du XVe et du XVIe siècle.

deco-chansons-a-boire-normandes-humour-medieval-renaissancePour le reste, quelques sources supplémentaires sérieuses mentionnent un Ollivier Basselin en 1405 taxé d’une amende et encore un autre, à 55 ans de là, en 1459. Au vue des dates, ce dernier qui était Maître des œuvres du Roi n’était certainement pas le même que le premier. Quant à d’autres sources sur ce patronyme, il a effectivement existé un Moulin Basselin ou Beusselin à Vire, même si son existence n’est attestée, dans les sources, qu’au milieu du XVIe siècle.

Pour d’autres auteurs plus tardifs, Basselin aurait aussi incarné une forme de résistance normande contre les anglais, dans la période troublée de la guerre de cent ans. Selon cette hypothèse, la compagnie entourant le personnage n’aurait donc pas été  qu’une compagnie de buveurs.   Alors, boit- sans-soef ou héros résistant  ?   L’histoire locale hésitera. Pourtant, là encore, si  la chanson ci-dessus clame que les anglais ont mis fin à la vie de Basselin, ce qui pourrait peut-être établir une forme d’action résistante, il n’y a pas matière, dans ces quelques vers, sauf à verser dans le lyrisme, à en faire un chef de file et un meneur. Entre flou et certitude,   voilà, en tout cas, le peu d’éléments   que les faits  nous apportent.

Un étrange « air de famille »

vaux-de-vire-chansons-a-boire-normande-jean-le-houx-renaissance-XVIe-sieclePlus d’un siècle après la vie supposée de Basselin, un autre auteur et poète du nom de Jean le Houx (1551-1616) éditait donc des « vaux de vire » du légendaire buveur. Il aurait consigné par écrit de larges restes de tradition orale qui auraient permis de faire parvenir jusqu’à lui les pièces de Basselin. Encore une fois, aucune trace écrite ne subsiste au XVe de chansons ou de poésies attribuées à Basselin ;  quand Le Houx édite son ouvrage,  nous sommes autour de 1576. Pour comble, l’histoire joue de malchance puisque les traces de son édition originale seront égarés dans un premier temps. Il faudra même attendre  près d’un siècle de plus (1660-1670), pour qu’un nouvel éditeur de vire  Jean de Cesne  ne republie, à son tour, les vaudevires de Jean le Houx, accompagnés de ceux prêtés à Basselin.

Comme de nombreux auteurs du Moyen Âge, c’est dans le courant du XIXe siècle que le nom de Basselin resurgira pour donner lieu à de multiples publications. Auguste Asselin, politique et homme de lettres local,  sera parmi les premiers à redonner aux vaux de vire et à l’auteur, de nouvelles lettres de noblesse en publiant  en 1811,  un grand recueil sur le sujet. Reprenant l’ouvrage de Jean de Cesne, il  prendra acte, sans véritablement avoir le moyen de l’établir, ni de le vérifier, du fait que le Houx était bien l’éditeur de l’oeuvre de Basselin. Dans manuscrit-de-caen-vaudevire-jean-le-houxun XIXe siècle, qui s’enflamme pour l’histoire de ses régions, autant que pour leurs racines médiévales, de nombreux auteurs voudront croire en cette origine ancienne du Vaudevire, et en l’authenticité des pièces attribuées à Basselin.

Pourtant, dans ce même siècle friand de débats autant que de méthodologie, certains médiévistes viendront bientôt contester la paternité réelle de ces textes. Faits maigres, sources inexistantes, on fait aussi remarquer de troublantes similitudes de style entre les vaux de vire attribués à Basselin et ceux attribués à Jean Le Houx. Dans ces contradicteurs, on retrouvera notamment Eugène de Beaurepaire, historien chartiste et normand du XIXe siècle (voir Mémoire de la société des antiquaires de Normandie), ainsi vaux-de-vire-jean-le-houx-manuscrit-ancien-renaissanceque Armand Gasté,   historien et homme de lettres, originaire de Vire (1875).  A partir du Manuscrit de Caen Ms 0207  (photo ci-dessus et ci-contre), les deux auteurs s’évertueront à démontrer que l’ouvrage est, en réalité, le manuscrit original de Jean le Houx. Pour eux, certaines ratures ne trompent pas, il s’agit bien  de l’oeuvre tâtonnante d’un auteur qui cherche son style et non point d’un copiste qui retranscrit.

Jean le Houx n’a-t-il fait que moderniser les chansons à boire de Basselin comme on l’admettait déjà depuis plusieurs siècles ? A l’évidence, son langage  est proche du français moderne et n’est déjà plus le moyen français du Moyen Âge tardif. A-t-il pu les créer ex nihilo, inspiré, peut-être, par un faisceau de tradition ou une rumeur plutôt que par de véritables sources orales ?  Il les a, en tout cas, modelé à ce point à sa main qu’il y a même introduit des éléments autobiographiques.


chansons-a-boire-normande-vaux-de-vire-Olivier-Basselin-poesie-medievale-humour-XVe-renaissanceOn trouve encore édité ces vaux-de-vire d’Olivier Basselin et Jean le Houx chez Forgotten Books : Vaux-De-Vire d’Olivier Basselin Et de Jean Le Houx: Suivis d’Un Choix d’Anciens Vaux-De-Vire Et Chansons Normandes tirés Des Manuscrits. On notera que l’éditeur a choisi de maintenir  Olivier Basselin comme auteur de l’ouvrage.


Face à tant de brouillard  et malgré  le   peu de sources d’époque venues plaider en faveur de l’authenticité des pièces,   il fallut bien pourtant que les avis demeurent partagés. La polémique continua même, jusque dans le courant du XXe siècle, selon que l’on désirait vouloir insuffler la vie à cet auteur médiéval dans l’ouvrage de Jean le Houx ou lui ôter.   Entre tradition orale, sources présentes mais  imprécises, bon vivant et « héros » supposé d’une résistance locale contre l’angloys,  la légende, était, il faut le dire, séduisante pour qui se cherchait un passé grandiloquent ou truculent. Sous l’égide d’une histoire partiellement éprise de ses traditions locales, on pourrait presque retrouver là, un peu de l’attachement de la Provence aux grandes envolées littéraires des vitas de ces troubadours. Les faits deco-chansons-a-boire-normandes-humour-medieval-renaissancepourtant ou leur absence ne pardonnent guerre en histoire, et dans les vides qu’ils laissent, les plus sceptiques l’emportent souvent sur les rêveurs .   Croire ou ne pas croire, la question se pose quelquefois, même en Histoire.  On notera du reste que, dans des sources comme wikipédia  ou même pour certains éditeurs, la vie d’Olivier Basselin et son oeuvre continuent d’être présentés comme des faits actés.

De  Basselin à Le Houx, dans  une complicité mêlée de cousinage local qui s’est nouée d’un siècle à l’autre, on verra sans doute plus l’hommage rendu que le fait littéraire historique authentique. Il en demeure, en tout cas, un genre, qu’on nomme  le Vaudevire et qui s’épanche du côté de la satire   légère, de l’humour de taverne et de la chanson à boire (à consommer, pour la substance, avec modération). Il en demeure quelques pièces drôles, plus renaissantes que médiévales dans leur langage  et que nous partagerons ici, de temps à autre. En voici une première  , dont on notera, au passage qu’elle sonne bien  plus comme un chant antimilitariste que comme un chant résistant.


La guerre et le vin

Hardy comme un Cesar, je suis à ceste guerre
Où l’on combat armé d’un grand pot et d’un verre.
Plus tost un coup de vin me perce et m’entre au corps,
Qu’un boulet qui cruel rend les gens si tost morts.

Le cliquetis que j’aime est celui des bouteilles,
Les pipes, les bereaux (broc, tonneaux ?), pleins de liqueurs vermeilles,
Ce sont mes gros canons qui battent sans failler
La soif, qui est le fort que je veux assaillir.

Je trouve, quant à moy, que les gens sont bien bestes
Qui ne se font plus tost au vin rompre les testes,
Qu’aux coups de coutelas en cherchant du renom :
Que leur chaut (de chaloir), estant morts, si l’on en parle ou non ?

De trop boire frappée, une teste en reschappe ;
Sent bien un peu de mal, lorsque le vent la happe,
Mais, quand  on a dormy, le mal s’en va soudain
A ces grands coups de Mars (Dieu de la guerre), tout remède y est vain.

Il vaut bien mieux cacher  son nez dans un grand verre ;
Il est mieux asseuré qu’en un casque de guerre.
Pour cornette ou guidon, suivre plus tost on doit,
Les branches d’hiere ou d’if qui monstrent où l’on boit (1).

Il vaut mieux, près beau feu, boire la muscadelle (cidre),
Qu’aller sur un rempart faire la sentinelle.
J’aime mieux n’estre point en taverne en defaut
Que suivre un capitaine à la bresche, à l’assaut.

Neanmoins, tout excez je n’aime et ne procure   ;
Je suis beuveur de nom et non pas de nature.
Bon vin qui nous fais rire et hanter nos amis,
Je te tiendray tousjours ce que je t’ay promis.

(1) Selon PL Jacob cela pourrait être   en allusion au Buis   (burus, bouchon) qui aurait désigné les   tavernes ou cabarets de village


En vous souhaitant une  belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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