Citations

Une belle éloge du sens critique et de l’exploration , par Roger Bacon

roger_bacon_savant_alchimie_medecine_medieval_moyen-age_passion« Ne lisez pas pour contredire ou pour réfuter, ni pour croire et pour accepter sans approfondir, mais pour peser et pour réfléchir. »
Roger Bacon (1214-1294), « Docteur admirable », philosophe, savant, médecin, linguiste, astrologue et alchimiste.

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà une belle éloge du sens critique de la part d’un des grands savants du moyen-âge central. Elle n’a pas pris une ride et même peut-être n’a-t’elle jamais été aussi pertinente en ces temps d’inflation et de surabondance de l’information où nous sommes rendus.

D’une certaine manière, cette citation médiévale pleine de sagesse recoupe une phrase que je lisais l’autre jour et qui faisait remarquer qu’à l’ère de l’information, chacun peut trouver les ouvrages, ressources, articles, sites, etc, sur à peu près tous les sujets. Me concernant, je n’en finis pas  d’être confondu par la masse des ouvrages et des sources qui ont été numérisés et qui sont désormais disponibles par le simple canal du web. Il y a encore à peine vingt ans, il aurait fallu écumer bien plus d’une seule alchimie_mystique_science_medievale_roger_baconbibliothèque pour accéder à une telle richesse livresque et documentaire. Même si j’aime les livres papiers, je dois admettre que cette petite révolution moderne est largement bienvenue.

Au fond, disait encore l’auteur de la phrase, « dans ce contexte, il y a, en quelque sorte, de moins en moins d’excuses à l’ignorance » et il encourageait les gens à fouiller, à chercher par eux-mêmes. Je sais que cela n’est pas du goût de tout le monde. C’est un choix, il faut se garder de juger, on peut avoir des difficultés à trouver l’énergie pour creuser ou s’informer, ou simplement ne pas en avoir l’envie, ni la curiosité.  D’une certaine manière, nos sociétés s’arrangent toujours pour nous faire courir après l’argent, le travail et finalement le temps, jusqu’au moment où il ne nous en reste plus. C’est un piège dans lequel nous tombons souvent et qui s’accompagne presque toujours du sentiment que nous manquons de temps pour tout quand, au final, nous en prenons aussi pour d’autres choses. Tout est vraiment question de choix, en définitive, mais, en tout cas, concernant l’information, tout est là, à disposition et aujourd’hui, comme au XIIIe siècle, il faut, avec Roger Bacon, approfondir pour trier et peser!  

En vous souhaitant une belle journée!
Fred
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C

L’expérience du Un avec Maître Eckhart

moyen-age_chretien_mystique_chrétienne_maitre_eckhart« La connaissance, c’est l’expérience que fait l’homme de l’unité qui unit tous les hommes. »
Citation médiévale, mystique chrétienne

Maître Eckhart (1260-1328), théologien, philosophe et grand mystique chrétien et dominicain du moyen-âge.

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà encore une belle citation de maître Eckhart, l’un des mystiques les plus profonds que les dominicains et le monde médiéval nous aient légué. Au delà des formules ou des mots, cette connaissance que l’on peut toucher et de laquelle il parle, se fond chez lui avec le concept de Un taoïste. Le Un de l’unité du monde. Rien n’est séparé, pas même un être, pas même une mouche. Cette connaissance est une expérience directe, non livresque, et comme toujours, elle repose et se niche dans la méditation silencieuse plus que dans la glose. Les mots de Maître Eckhart se lisent toujours à travers sa pratique, avec l’âme ou le coeur, plutôt qu’avec la tête.

Pourquoi le moyen-âge? la réponse de Jacques de Goff

histoire_monde_medieval_jacques_le_goff_citations_moyen-âge“Le Moyen-Âge ne m’a retenu que parce qu’il avait le pouvoir quasi magique de me dépayser, de m’arracher aux troubles et aux médiocrités du présent et en même temps de me le rendre plus brûlant et plus clair.”

Citation de Jacques Le Goff, historien médiéviste (1924-2014),  « A la recherche du Moyen Âge ».

Les enseignements mystiques de maître eckhart et l’éloge du vide par un grand mystique du Moyen Âge

moyen-age_chretien_mystique_chrétienne_maitre_eckhart« Seule la main qui efface peut écrire la vérité. »

Maître Eckhart (1260-1328), Théologien, philosophe et grand mystique chrétien et dominicain du Moyen Âge ( XIIIe siècle – Moyen Âge central).
Citation médiévale, mystique chrétienne

L’histoire du sage qui montre la lune

I_lettrine_moyen_age_passion copial n’y a rien qui vienne à Maître Eckhart qui ne viennent de ses profonds recueillements et de ses méditations silencieuses. Tant de lignes ont été écrites sur lui pour percer ses intentions, son positionnement, et finalement  le sens de son verbe comme de ses silences ; tant de rhétorique et de concepts, tant d’échafaudages théoriques sur le vide omniprésent qui sous-tend ses mots. Comprendre, « Cumprendere », « prendre avec » : peut-être au fond n’a-t-il jamais voulu lui-même que ceux à qui il destinait ses prêches ne fassent l’effort mental et conceptuel de retraduire,  d’interpréter ou  de reformuler ses paroles. Peut-être a-t-il seulement voulu qu’elles soient embrassées ou, mieux, redécouvertes directement par la pratique ? C’est un peu l’histoire du sage zen qui montre la lune avec son doigt pour apprendre au disciple à mieux las regarder. C’est encore le coup d’épée de l’empereur dans l’eau sur le reflet de la lune, provoqué par Dogen. A peine agitée à sa surface par le tranchant de la lame, l’eau  redevient calme à nouveau. La lune est là brillante et inchangée. Et Dogen, grand maître zen japonais du Moyen Âge central et du XIIIe siècle, de demander à l’empereur : « Avez-vous pu trancher la lune ? »

Invitation à la contemplation

Le mystique du Moyen Âge, comme tout autre mystique à travers les âges et les frontières émane le plus souvent d’être en état permanent de  contemplation profonde. C’est un être en recherche. Un être qui se dédie totalement à sa pratique et qui cherche à cultiver son lien religieux à chaque instant, dans chacun de ses actes et dans le silence. Le mystique est insatiable dans sa quête de transcendance. Ses paroles, ses sermons ou ses enseignements, suivant le nom que l’on veut leur donner, naissent bien plus souvent de ces silences, que de ces réflexions intellectuelles et conceptuelles.

Cela semble un clé pour approcher au long de son œuvre, de ses actes et de ses sermons, certaines affirmations de Maître Eckhart. En réalité, il ne cherchait pas forcément à s’inscrire dans un corpus dogmatique, mais il ne faisait que tenter de transmettre une expérience du lien direct et transcendantal qu’il a cultivé et nourri de sa pratique. C’est souvent un des grands malentendus laissés par les mystiques ou ceux qui les interprètent. Le doigt et la lune.

Retourner l’attention vers l’intérieur

Maître Eckhart dit : « c’est aussi là dedans au centre de ton être, tu en es fait, mais la réponse est dans le vide et le silence, pas dans le plein de ton esprit et ses concepts ». Effacer. Rechercher le néant sans intention autre que l’embrasser. Se défaire de tout intéressement. A sept siècles de son œuvre, la mystique de maître Eckhart semble raisonner comme une forme d’éloge du vide qui n’est pas sans évoquer les racines de la pratique zen et de son non-agir.

A travers ses sermons, il y a finalement  et bien souvent une invitation à retourner son regard vers l’intérieur, vers le cœur plutôt que la raison et le raisonnement discursif. Apprendre à écouter. Mais le propos boucle ici sur sa propre vacuité. S’il existe des ponts entre les maîtres zen, maître Eckhart et le doigt qui montre la lune, il ne sert pas à grand chose de gloser sur ses lignes, sauf à s’y perdre. Si ces mots viennent du silence de ses méditations, c’est peut-être bien dans ce même lieu que se trouvent toutes les réponses.

Longue vie !
Fred
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus  Ier s. av. J.-C