Une enluminure de Gilles de Binche et le directeur de l'ensemble médiéval Gilles Binchois

Gilles de Binche, rondeau courtois & une esquisse de biographie

Sujet : chanson, poésie médiévale, Amour Courtois, musique médiévale, lyrique courtoise, rondeau, moyen-français.
Auteur-Compositeur : Gilles de Binche, Gilles Binchois (1400-1460)
Titre : De plus en plus se renouvelle
Période :  XVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprètes : Ensemble  Gilles Binchois
Album :  Mon souverain désir, Virgin Classics 1998

Bonjour à tous,

ontemporain de la première moitié du XVe siècle, Gilles Binchois (Gilles de Binche ou encore Gilles de Bins) nous a légué une œuvre musicale d’importance composée de chants polyphoniques représentatifs de l’Ecole Bourguignonne.

Du point de vue thématique, ce compositeur d’origine flamande s’est essayé à des pièces liturgiques comme profanes mais ces dernières demeurent celles qui ont plus connu les faveurs de la postérité. On y dénombre un peu plus d’une cinquantaine de chansons courtoises d’une grande sensibilité dont certaines empruntent leurs textes à des poètes célèbres du temps de Binchois (Charles d’Orléans, Alain Chartier, …). Aujourd’hui, nous vous entraînerons à la découverte d’un nouveau rondeau d’amour de ce compositeur du Moyen Âge tardif, mais avant disons un mot de sa biographie.

Esquisse de biographie

Gilles de Binche est vraisemblablement issu d’une famille bourgeoise originaire de Binche, près de Mons, dans l’actuelle province de Hainaut, en Belgique. Avant d’être le compositeur qui marqua ses contemporains, ce fut, semble-t-il, un homme d’armes. Nous sommes dans le contexte de la guerre de cent ans avec encore une forte présence anglaise en France et des jeux d’alliances changeantes de la part des différentes provinces qui composent le royaume.

Quelques repères scandent la biographie de Gilles Binchois. Ainsi, on le trouve à Paris en 1424, attaché au service de William de la Pole (Guillaume de La Pole), comte, puis marquis et finalement duc de Suffolk et capitaine de la guerre de cent ans, du côté des angloys. Gilles Binchois sert alors encore sous les armes (peut-être comme corps d’archer (1)) mais il est déjà reconnu pour ses talents musicaux et ses compositions. Il compose même un rondeau pour le comte et militaire anglais de Suffolk. S’il vit à Paris, son cœur ne semble jamais très éloigné du duché de Bourgogne. Une anecdote le dépeindra, en effet, aux côtés du comte de Suffolk, en route pour le Hainaut et prenant verbalement la défense de Philippe le Bon.

A la cour de Bourgogne

Autour de 1430, Gilles de Binche a, du reste, rejoint la puissante et riche cour bourguignonne. Entré dans les ordres, entre-temps, il est alors attaché à la chapelle de Philippe III le Bon. Il y demeurera pour le reste de sa vie, occupant les fonctions de second chapelain, puis de chantre. Plus tard, en 1437, il sera aussi ordonné chanoine de Mons, Soignies et Cassel.

Le nom de Gilles Binchois demeure indissociable de celui de Guillaume Dufay dont il est contemporain. Les deux hommes se sont même connus et côtoyés à la cour de Bourgogne. Martin Franc, religieux et poète de ce même XVe siècle en a témoigné dans son ouvrage de 1440 : Le Champion des Dames. Il en est d’ailleurs ressorti une enluminure célèbre que nous ne nous privons pas d’utiliser en tête de cet article ( aux côtés de Dominique Vellard de l’ensemble Gilles Binchois). Elle est tirée du superbe manuscrit médiéval Français 12476 de la BnF ( consultable ici). Aux dires de Martin Franc, Dufay et Binchois ont été clairement influencés par le compositeur anglais John Dunstable (1390-1453) même s’ils ont su enrichir leurs inspirations de leur propre style et talent.

De plus en plus se renouvelle
Un rondeau sur l’amour de loin

La pièce de Gilles de Binche que nous vous proposons aujourd’hui, de découvrir compte parmi les chansons les plus célèbres du compositeur. C’est un rondeau empreint de courtoisie dans lequel le poète partage à la fois sa tristesse et son sentiment amoureux. On y retrouvera un peu du thème courtois classique de l’amour de loin cher au troubadour Jaufré Rudel, trois siècles auparavant. L’ombre de la querelle et de la séparation y plane aussi. La dame est-elle momentanément froissée à l’égard du poète ? A-t-elle décidé de prendre quelques distances ou ne fait-il que l’anticiper et le redouter ? Quoiqu’il en soit, en bon loyal amant, il en saisit l’occasion pour lui renouveler, son engagement et sa fidélité de cœur.

De plus en plus se renouvelle, par l’ensemble médiéval Gilles Binchois

Gilles Binchois : Mon souverain désir,
par l’ensemble Gilles Binchois

Dans cette belle version, on retrouve encore, ici, l’Ensemble Gilles Binchois dirigé par Dominique Vellard. Il faut dire que la formation médiévale a su se rendre incontournable sur la scène des musiques anciennes, au moment d’aborder l’œuvre du compositeur du moyen-âge tardif.

Sur l’album Gilles Binchois : Mon souverain désir, sorti en 1998, Dominique Vellard et ses complices nous proposaient pas moins de 17 pièces profanes du compositeur, pour une durée de 60 minutes. Ce ne sera pas la seule production que l’ensemble dédiera à Gilles de Binche et aux musiques de la cour de Bourgogne. D’autres albums viendront s’y joindre sur le même thème sans pour autant étancher la soif d’exploration de la formation talentueuse. Durant sa longue carrière, l’ensemble Gilles Binchois aura, en effet, l’occasion d’élargir son répertoire à bien d’autres aspects de la musique liturgique et profane du Moyen Âge (voir portrait de l’ensemble Gilles de Binchois). A date, elle a produit pas moins de 51 albums.

En ce qui concerne celui du jour, ce très bel album n’a pas pris une seule ride et on peut toujours le trouver à la vente chez tout bon disquaire ou même en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations.

Musiciens présents sur cet album

Anne-Marie Lablaude (voix soprano), Lena-Susanne Norin (mezzo-soprano), Akira Tachikawa (countretenor), Dominique Vellard (tenor, luth), Emmanuel Bonnardot (bariton, vièle), Pierre Hamon (flûte,  instruments à vent, tambourin), Randall Cook (vièle, rebec), Jan Walters (harpe), Miriam Anderson (harpe)


De plus en plus se renouvelle,
dans le moyen français de Gilles de Binche

NB : le moyen français de Gilles Binchois ne devrait guère vous poser de difficultés. Aussi, nous vous le livrons dans sa pureté à une note près.

De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.
Ce me fait le tres grant desir
Que j’ay de vous ouir nouvelle.

Ne cuidiés pas que je recelle
(2)
Comme a tous jours vous estes celle
Que je vueil de tout obeir.
De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.

Helas, se vous m’estes cruelle
J’auroie au cuer angoisse telle
Que je voudroie bien morir
Mais ce seroit sans desservir
En soustenant vostre querelle.

De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.
Ce me fait le tres grant desir
Que j’ay de vous ouir nouvelle.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Notes
(1) Archives de Arts, Sciences et lettres, document inédits publiés et annotés par Alexandre Pinchard (Tome 3), 1881
(2) Ne croyez pas que je cache, que je tiens secret.

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