Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, loyal amant, trecento, compositeur florentin, virelai. Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Francesco Landini (1325-1397) Titre : Adiu, adiu, dous dame jolie Interprètes : Alla Francesca. Album : Landini and Italian Ars Nova (1992)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous invitons à bord du vaisseau Moyenagepassion, pour un voyage en direction du trecento italien. Nous sommes, donc au début de la Renaissance italienne, dans un XIVe siècle qui correspond encore au Moyen-Âge tardif français et nous y découvrirons une nouvelle pièce de Francesco Landini.
La douleur du partir de l’amant courtois
La chanson du jour est un virelai. Elle appartient au registre de l’amour courtois, à l’image des autres compositions qui nous sont parvenues du maître de musique florentin. Cette pièce se distingue, toutefois, de celles que nous avons étudiées précédemment par sa langue ; elle est, en effet, en français ancien et non en italien, comme le reste de l’œuvre de Landini.
Sur le fond, le compositeur et poète nous contera la douleur de l’amant courtois, au moment de se séparer d’avec sa dame. Cette dernière est, ici, désignée par l’auteur comme sa « douce dame jolie » et on ne pourra s’empêcher de voir là, une claire évocation à la célèbre chanson de Guillaume de Machaut portant le même titre. Contemporain de Landini, le maitre de l’Ars Nova Français le précède d’une petite vingtaine d’années. On sait aussi que l’Ars nova français a notablement influencé la musique italienne de cette période, même si l’Ars nova qui s’est développé sur la péninsule italienne s’en démarque par son style et ses particularités.
Aux sources anciennes de cette chanson
Une « Douce dame Jolie » » à la façon de Francesco Landini
Du point de vue des sources anciennes, on pourra retrouver cette chanson de Francesco Landini, avec sa partition dans le célèbre codex Squarcialupi (le Med Palat 87). Daté du XV siècle, ce manuscrit richement enluminé est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. En cherchant un peu, on peut également le trouver en ligne, sous une forme digitalisée.
L’hommage à Landini et à l’Ars Nova, de l’ensemble ‘Alla Francesca
Pour la version en musique de ce chant polyphonique, nous vous proposons l’interprétation qu’en avait fait la célèbre formation médiévale française Alla Francesca, il y a déjà quelque temps déjà.
En 1991, soit l’année suivant sa création, l’ensemble de musiques anciennes et médiévales Alla Francesca partait, donc, à la découverte de Francesco Landini et de l’Ars Nova italien. Ce thème leur a même fourni l’occasion de leur toute première production. En terme de discographie, Alla Francesca en est, désormais à son vingtième album pour plus de trente ans de carrière. C’est dire le chemin parcouru par cette excellente formation depuis ses premiers pas.
Cet album, sorti en 1992 sous le titre « Landini and Italian Ars Nova » propose un total généreux de 17 pièces, pour 55 minutes d’écoute. La formation attachée au Centre de musique médiévale de Paris signait là un vibrant hommage à l’Ars Nova florentin. Et si l’œuvre de Francesco Landini y trouve une place de choix, elle y côtoie aussi des pièces de Jacopo da Bologna, Ghirardello et Lorenzo da Firenze, et encore quelques autres compositeurs italien de cette période, dont des anonymes.
Plus de trois décennies après sa sortie, ce bel album peut encore se trouver à la vente au format CD, chez votre disquaire habituel ou encore en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Landini and Italian Ars Nova, Alla Francesca (1992).
Musiciens ayant participé à cet Album
Catherine Joussellin (voix, vièle, percussion), Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion), Emmanuel Bonnardot (voix, vièle, rebec), Pierre Hamon (instruments à vents, cornemuses, flûtes, percussion)
Adiu, adiu, dous dame jolie, dans la langue d’oïl de Landini
Adiu, adiu, douce dame jolie, kar da vous si depart lo corps plorans Mes a vous las l’esprit et larme mie.
Lontan da vous, aylas, vivra dolent. Byen che loyal sera’n tout ma vie.
Poyrtant. ay! clere stelle. vos prie Com lermes e sospirs tres dous mante Che loyaute haies pour vestre amye.
Les paroles en français actuel
Adieu, adieu, douce dame jolie, Car de vous je me sépare le corps en pleurs, Mais je laisse près de vous mon esprit et mon âme.
Loin de vous, hélas, je vivrai dans la peine, Bien que je vous demeurerai loyal toute ma vie.
Voilà pourquoi, hélas, claire étoile, je vous prie Avec larmes et très doux soupirs et vous enjoins De garder votre loyauté pour votre amant.
En vous souhaitant une excellente journée. Fred pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras, chant polyphonique, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre : Bonne amourete me tient gai Interprète : Ensemble Sequentia Album: Trouvères, chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil (1987)
Bonjour à tous,
ous repartons, aujourd’hui, au XIIIe siècle et dans le nord de France, pour y découvrir un nouveau rondeau courtois d’Adam de la Halle. Ce célèbre trouvère qu’on trouve aussi référencé dans les manuscrits comme le bossu d’Arras, est considéré comme un des derniers trouvères. Il préfigure, en effet, par son œuvre à la fois monodique et polyphonique, les premiers compositeurs du Moyen Âge central et nous a laissé des pièces variées qui sont encore jouées, de nos jours, par les meilleurs ensembles médiévaux.
Un rondeau courtois plein de légèreté
La chanson du jour est un nouveau rondeau polyphonique courtois. On y trouvera le poète tout en joie d’être en amour et d’avoir trouvé une compagne. La pièce est courte, rondeau oblige, et bien qu’elle soit dans la vieille langue d’Oïl d’Adam de la Halle quelquefois un peu ardue, sa compréhension ne pose guère de difficultés.
Pour ce qui est des sources manuscrites, nous avons choisi de vous présenter ce rondeau courtois tel qu’on le trouve dans le manuscrit médiéval Français 25566 de la BnF, connu également sous le nom de chansonnier français W. Sur plus de 280 feuillets, cet ouvrage originaire d’Arras et daté du XIVe siècle contient un grand nombre de pièces, entre chansons notées et pièces littéraires d’auteurs divers. Vous pouvez le consulter, à tout moment, sur le site Gallica.fr.
Les grands trouvères des XIIIe et XIVe siècles par l’ensemble Sequentia
Bonne Amourette d’Adam de la Halle, par l’ensemble Sequentia
Une fois de plus, nous avons choisi, pour l’interprétation musicale de ce rondeau, l’incontournable double-album « Trouvères,Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (Trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) de l’Ensemble médiéval Sequentia, sous la houlette de Benjamin Bagby et de Barbara Thornton.
Enregistré en 1982 et sorti au format CD en 1987, ce double opus et ses 43 pièces continuent de faire référence en matière de musique médiévale des XIIIe et XIVe siècles. Comme nous lui avions déjà dédié un long article, nous vous invitons à vous y reporter pour en savoir plus sur cette anthologie musicale.
Bien qu’il ait été réédité chez Sony en 2009, ce double-album peut s’avérer un peu difficile à trouver. Pour le débusquer, quelques recherches seront donc à prévoir chez votre disquaire préféré. En ligne, il est disponible sur un certain nombre de plateformes, au format MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations.
Musiciens & artistes ayant participé à cet album
Barbara Thornton (voix, chifonie), Benjamin Bagby (voix, harpe, organetto), Margriet Tindemans (violon, psaltérion), Jill Feldman (voix), Guillemette Laurens (voix), Candace Smith (voix), Josep Benet (voix), Wendy Gillespie (violon, luth).
Bonne amourete me tient gai dans le vieux français d’Adam de la Halle
Bonne amourete Me tient gai ; Ma compaignete* ; Bonne amourete, Ma cançonnete Vous dirai. Bonne amourete Me tient gai.
*compaignete : petite compagne
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : agenda médiéval, festival de musiques anciennes, musiques médiévales, patrimoine, églises romanes, chants polyphoniques, églises médiévales, art roman, guerre et paix. Période : Moyen Âge (XIIe au XVe s) Evénement : le 30èmeFestival Voix et Route Romane, « Guerres et germes de paix » Dates : du 26 août au 11 sept 2022 Lieu : Alsace, Grand Est, itinérant (route romane)
Bonjour à tous,
eux semaines nous séparent du lancement de l’édition 2022 du Festival Voix et Route Romane et il est donc grand temps de vous le présenter en détail. Si vous vous trouvez dans la région Grand Est, entre la dernière semaine d’août et la mi-septembre, ce bel événement que nous ne manquons pas de relayer chaque année, vous donnera l’occasion de découvrir, en musique, le patrimoine roman alsacien.
Une 30e édition sous le signe de la paix, de la tolérance et du respect
Le Festival voix et route romane fêtera, cette année, ses 30 ans, 30 ans de succès avec un public qui est au rendez-vous tous les ans. La recette est simple, une programmation de haute tenue. L’édition 2022 n’y dérogera pas puisqu’on retrouvera, pour ce nouveau cru, des formations qui comptent parmi les plus reconnues de la scène des musiques anciennes et médiévales françaises et européennes.
Durant les 3 week-ends couverts par le festival, 9 concerts s’enchaîneront dans les plus beaux monuments romans d’Alsace. L’affiche 2022 présente un thème qui croise de très près l’actualité. Elle titre « Guerres et germes de paix« . Si les organisateurs ne peuvent que faire le constat de conflits qui ont émaillé le monde médiéval comme l’histoire humaine, le 30e Festival voix et route romane espère semer en chacun, un message et une nouvelle espérance de Paix.
Itinéraire patrimoniale et musical
A l’habitude, ce festival restera itinérant et il entraînera ses visiteurs à la découverte des plus beaux édifices religieux de l’Alsace médiévale. Ainsi, du 26 août au 11 septembre, et au long des 9 dates, l’invitation au voyage ira de Saint-Jean-Saverne à Feldbach, en croisant des destinations clés du patrimoine roman alsacien. Comme on le verra dans le programme détaillé ci-dessous, cette année, une 10eme date vient s’ajouter aux autres dans le programme. Elle se situe, cette fois, du côté de la frontière allemande, avec un concert de l’ensemble médiéval russe Labyrinthus, un beau symbole pour couronner le thème de cette 30eme édition.
Les concerts de musique médiévale du festival
La Fonte Musica – Le Ray au Soleyl
Vendredi 26 août, à 20 h Eglise Sainte-Foy, Sélestat.
Sous la direction de Michele Pasotti L’ensemble la Fonte Musica qui a fait du trecento italien et de la renaissance son répertoire privilégié partira sur les traces du compositeur Johannes Ciconia (1370-1412).
Canticum Novum – Afsaneh, la légende de Zyriab
Samedi 27 août, à 18 h Abbatiale Saint-Jean-Baptiste, Saint-Jean-Saverne.
De l’Europe médiévale au bassin méditerranéen, l’ensemble Canticum Novum, dirigé par Emmanuel Bardon proposera un concert au carrefour des cultures proche-orientales où le oud et sa tradition seront mise à la fête.
De Caelis – Priez pour Paix
Dimanche 28 août, à 17h Eglise Saints-Pierre-et-Paul, Sigolsheim.
Pour ce programme, le quintet vocal féminin De Caelis, rejoint par la chanteuse tunisienne Alia Sellami, nous promet un concert où chants orientaux coptes et maronites et chants chrétiens et polyphonies médiévales occidental se rejoindront et entreront en dialogue.
La Peregrina – Veni de Libano
Vendredi 2 septembre, à 20h Eglise Saint-Trophime, Eschau.
Formé à la fin des années 90 par la chanteuse soprano et musicologue Agnieszka Budzińska Bennett, l’ensemble La Peregrina s’est donné pour objectif d’explorer les musiques sacrées et profanes de l’Europe de la fin du haut moyen-âge au XIVe siècle. La formation proposera ici une voyage et une revisite originale du Cantique des cantiques.
Musica Nova – Messe de Barcelone
Samedi 3 septembre, à 20h Eglise Saint-Pierre-le-Jeune, Strasbourg.
Féru d’Ars Nova et de reconstitution musicale au plus près des manuscrits d’époque, l’ensemble Musica Nova et son directeur Lucien Kandel n’en sont pas à leur premier Festival Voix et route Romane. A l’occasion de cette nouvelle édition, la formation lyonnaise proposera sa version de la Messe de Barcelone (1360), véritable fleuron de la musique liturgique polyphonique du milieu du XIVe siècle.
Céladon – Deo Gratias Anglia
Dimanche 4 septembre, à 16h30 Eglise Saints-Pierre-et-Paul, Ottmarsheim.
Autre formation lyonnaise au programme du festival, l’ensemble Céladon dirigé par le talentueux Paulin Bündgen explorera, ici, les musiques et les chants de l’Angleterre de la fin du XIIIe siècle. A l’intersection d’influences à la fois locales, françaises et italiennes, l’audience pourra juger de la modernité de ce répertoire qui permettra aussi de relativiser la netteté des frontières entre sacré et profane, à cette période.
La Reverdie – Il paradiso di Francesco
Vendredi 9 septembre, à 20h Eglise Saints-Pierre-et-Paul, Rosheim.
Autre formation de la scène médiévale qu’on ne présente plus, l’ensemble italien La Reverdie sera présent au festival, à l’occasion de cette 30eme édition. Entourés de leurs complices, Claudia Caffagni et Livia Caffagni, les deux sœurs à l’origine de La Reverdie, transporteront le public, au cœur de l’année 1389, à Florence, à la découverte d’une galerie de portraits inspirée du « Paradiso degli Alberti » de Giovanni Gherardi et dans laquelle l’idéal courtois prendra largement sa place.
Le Miroir de Musique – Machaut & visages de la mort
Samedi 10 septembre, à 18h Eglise Saint-Jacques, Feldbach.
Sous la direction de Baptiste Romain, l’ensemble Miroir de Musique se dédie depuis sa fondation, à un répertoire qui va de l’âge d’or des troubadours jusqu’à la renaissance et au XVI e siècle. Basés en Suisse, ses membres sont issus de la prestigieuse Schola Cantorum Basiliensis. Avec ce concert, ils mettront à l’honneur Guillaume de Machaut et les différentes formes prises par la mort dans l’œuvre de ce dernier, dont bien sûr, la « mort d’amour » qui n’a de cesse d’accompagner et tourmenter le loyal amant courtois.
Diabolus in Musica – Les Chansonniers du Val-de-Loire
Dimanche 11 septembre, à 18h Eglise Saint-Léger, Guebwiller.
L’ensemble Diabolus in Musica est, lui aussi, bien connu de ceux qui s’intéressent de près à la musique médiévale et ancienne. La formation s’y consacre depuis sa fondation en 1992. Désormais sous la houlette de Nicolas Sansarlat qui a succédé à Antoine Guerber, l’ensemble proposera au festival un programme rare élaboré à partir de Chansonniers du Moyen Âge tardif, en provenance particulièrement du Tourangeau et du Val de Loire. On y côtoiera de près la lyrique courtoise de cette période.
Labyrinthus – Chypre médiéval
Vendredi 16 septembre, à 19h30 St. Fabianstift, Hornbach.
Ce concert qui prolongera tout spécialement le festival, cette année, aura lieu de l’autre côté de la frontière, en l’Allemagne. Il accueillera l’Ensemble russe Labyrinthus sous la direction de Danil Ryabchikov, musicien et auteur très actif sur la scène des musiques anciennes et médiévales. Depuis sa fondation en 2010, l’ensemble Labyrinthus s’est spécialisé dans la musique du Moyen Âge central à tardif. A l’occasion de ce programme, c’est Chypre et sa cour aux temps médiévaux, et plus particulièrement au XVe siècle, que la formation mettra à l’honneur. Le public y aura l’occasion de découvrir des chants polyphoniques sacrés et profanes inspirés de l’Ars Subtilior.
Pour information, ce concert donné par Labyrinthus fait partie d’un autre festival qui se déroulera du 3 au 23 septembre. Baptisé le Via Médiaeval 2022, cet événement proposera un concept assez similaire au Festival voix et musique romane, du côté de la Rhénanie-Palatinat, en Allemagne.
Veuillez noter qu’à côté de tous ces concerts de musique médiévale, le Festival Voix et route romane élargira sa vocation à l’occasion de cette nouvelle édition, en proposant également diverses expositions, ateliers et événements connexes, toujours dans l’idée de prolonger la découverte du patrimoine médiéval Alsacien mais aussi de permettre à ses festivaliers de multiplier leurs aventures et leurs échanges. Le Château du Hohlandsbourg de Wintzenheim sera notamment de la fête.
En vous souhaitant une belle journée. Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
NB : sur la photo d’en-tête vous trouverez, en arrière plan, une partition extraite de la Messe de Barcelone du manuscrit Ms 971 de la Bibliothèque de Catalogne (à Barcelone), daté du XIVe siècle (à consulter en ligne ici). Cette messe, qui compte parmi les premières messes polyphoniques de la période médiévale, sera jouée par l’ensemble Musica Nova, à l’occasion du Festival voix et route romane. Concernant la statue en premier plan de l’image, il s’agit d’une statue de Sainte-Barbe daté du XVe siècle et que l’on peut actuellement l’observer dans l’Église St Trophime à Eschau, église qui se trouve sur l’itinéraire du Festival.
Sujet : musique médiévale, chanson médiévale, maître de musique, chanson, amour courtois, chant polyphonique, ballade. Titre : De fortune me doi plaindre et loer Auteur : Guillaume de Machaut (1300-1377) Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif Interprètes : Ensemble Musica Nova Album : Guillaume de Machaut (c. 1300-1377): Ballades, edition AEon (2009)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons de repartir en balade, pour découvrir (justement) une ballade polyphonique du compositeur et maître de musique médiévale Guillaume de Machaut. A l’habitude, nous étudierons cette pièce par le menu avec de son contenu, ses sources manuscrites notées musicalement à sa traduction en français actuel avec, en bonus, une belle version en musique : cette dernière nous fournira le plaisir de vous présenter, en détail, l’ensemble de musiques anciennes Musica Nova. Mais, pour l’instant, revenons à cette chanson médiévale et son contenu.
Ballade courtoise d’une belle à son amant
Une fois n’est pas coutume, dans cette pièce musicale, le compositeur du XIVe siècle nous entraine vers un chant d’amour et une ballade courtoise dont la protagoniste principale est une femme. La dame éprise y fera une véritable louange à son amant et ami. En passant, et c’est même un autre des propos de cette poésie et même son destinataire principal, elle y louera « Fortune » (le sort et le destin) de l’avoir mis dans de si bonnes dispositions amoureuses tout autant qu’elle s’en plaindra par avance et par défiance. Pourquoi cette contradiction ?
Fortune et sa roue : louée et redoutée
Au Moyen Âge, Fortune et sa roue peuvent se mettre en mouvement à tout instant. Nul ne peut en contrôler les caprices et même quand le destin paraît sourire à la femme ou l’homme médiéval, on se garde de s’y fier, car rien n’est jamais figé en ce monde : tôt ou tard, la roue du sort sera inéluctablement amenée à tourner dans un mouvement sans fin, jetant au plus bas celui, au plus haut, que se pensait à l’abri de tout, et élevant, en contrepartie, celui qui, sis au fond du gouffre, espérait que la roue tourne pour mettre sa destinée sous des auspices plus clémentes, fut-ce temporairement.
Pour le reste, on appréciera la douceur de cette ballade polyphonique et sa promesse de loyauté courtoise, cette fois-ci, inversée. La roue de fortune peut menacer de tourner, sous la plume de Guillaume de Machaut, la dame s’engage à rester fidèle à son doux amant.
Aux sources manuscrites de cette ballade
De fortune me doi plaindre et loer dans le Ms Français 1586 de la Bnf (gallica.fr)
Ci-dessus, nous vous proposons cette ballade notée, telle qu’elle apparaît dans le manuscrit ancien Ms Français 1586. Comme nous l’avions déjà vu, cet ouvrage médiéval, daté du XIVe siècle, est un des plus anciens manuscrits illustrés connus de l’œuvre de Guillaume de Machaut. Il est actuellement conservé à la BnF et consultable au format numérique sur gallica.fr. Pour ne citer que deux autres sources manuscrites de la même période, vous pourrez également retrouver ce chant polyphonique dans le Français 1584 de la BnF ou encore dans le Codex Chantilly 0564 de la bibliothèque du château de Chantilly (image en-tête d’article).
Pour la transcription de cette ballade en graphie moderne, nous nous sommes appuyé sur le Tome 1 de l’ouvrage Guillaume de Machaut poésies lyriques – édition en deux parties de Vladimir Chichmaref (Editions Honoré Champion, 1909).
De fortune me doi pleindre, la version de l’ensemble Musica Nova
L’ensemble Musica Nova et la passion des musiques anciennes
Nous avons déjà mentionné l’Ensemble Musica Nova lors d’articles passés au sujet du XIIe Festival des Musiques et histoire de Fontfroide mais aussi à l’occasion d’une des dernières éditions du Festival Voix et Route Romane. Toutefois, c’est la première fois qu’il nous est donné de vous le présenter plus en détail et ce sera un plaisir.
Formé à Lyon, par Lucien Kandel, au début des années 2000, cet ensemble de musique ancienne a acquis, depuis, ses lettres de noblesse sur la scène médiévale, avec de nombreuses reconnaissances de ses pairs. Très fortement orientée sur des prestations vocales, la formation s’entoure aussi, au besoin, d’instrumentistes. Elle a, jusque là, présenté un répertoire polyphonique qui va du Moyen Âge au baroque, mais qui peut aussi s’étendre à d’autres périodes et d’autres horizons.
Discographie de Musica Nova
Du point de vue discographie, Musica Nova a, à ce jour, fait paraître 8 albums qui se distinguent tous par leur qualité. Pour ce qui est de l’œuvre de Guillaume de Machaut, l’ensemble lui a particulièrement fait honneur. On pourra, en effet, retrouver dans ses productions, un album consacré à la Messe notre dame, un double album portant sur tous les motets du maître de musique, et enfin Ballades, l’album du jour, qui explore les ballades polyphoniques du maître de musique. Le reste de la discographie de Musica Nova propose des incursions du côté de l’œuvre de compositeurs célèbres comme Johannes Ockeghem, Josquin Despres, ou encore Guillaume Dufay. S’y ajoute également un album autour du compositeur du Moyen Âge tardif Jacob Handl.
Autres activités de l’ensemble
En plus de ses programmes et albums, l’intérêt de l’ensemble Musica Nova pour la restitution historique, l’ethnomusicologie et le partage l’a conduit à élargir certaines de ses prestations à des aspects plus pédagogiques orientés sur la transmission. Ces interventions s’adressent à des publics profanes ou amateurs comme à des publics plus avertis, en fonction des objectifs visés : ateliers de sensibilisation, stages, master-classes, concerts-conférences, milieu scolaire, etc… Pour plus d’informations sur ces aspects, ainsi que sur l’agenda de la formation ou ses albums, nous vous invitons à consulter son site web très complet.
Guillaume de Machaut (c. 1300-1377) : Ballades
L’album du jour est, donc, tout entier dédié aux Ballades de Guillaume de Machaut. Il a été proposé au public en 2009. Sur 78 minutes de durée, il propose 12 pièces polyphoniques et ballades du compositeur du Moyen Âge tardif, ainsi qu’une treizième pièce non signée et demeurée anonyme. La ballade du jour ouvre le bal, en laissant d’emblée présager de la qualité du reste. On peut retrouver cet album de musique médiévale à la vente sur le site de l’ensemble Musica nova (voir lien vers le site ci-dessus).
Artistes et instrumentistes présents sur cet album
Christel Boiron (cantus), Marie-Claude Vallin (cantus), Thierry Peteau (tenor), Marc Busnel (bassus), Lucien Kandel (tenor et direction), Pau Marcos (violon), Birgit Goris (violon), Julien Martin (flûtes), Marie Bournisien (harpe).
De Fortune me doy pleindre et loer ballade à 4 voix de Guillaume de Machaut
De Fortune me doy pleindre et loer Ce m’est avis, plus qu’autre creature Car quant premiers encommancay l’amer Mon cuer, m’amour, ma pensee, ma cure Mist si bien à mon plaisir Qu’a souhaidier peüsse je faillir N’en ce monde ne fust mie trouvee Dame qui fust si tres bien assenée.
Du sort (destin) je dois (à la fois) me plaindre et me féliciter, me semble-t-il, plus que toute autre créature Car quand, pour la première fois, je commençais à l’aimer Il (le sort) mit mon cœur, mon amour, ma pensée, mes attentions (soins) si parfaitement au service de mon plaisir Que je n’aurais pu échouer à désirer Ni en ce monde il n’aurait jamais pu setrouver Dame qui fut si bien pourvue (ss entendu que moi) (1).
Car je ne puis penser n’imaginer Ne dedens moy trouver c’onques Nature De quanqu’on puet bel et bon appeller Peust faire plus parfaite figure De celui, ou mi desir (comme est cils, où mi désir) Sont et seront a tous jours sans partir; Et pour ce croy qu’onques mais ne fu née Dame qui fust si tres bien assenée.
Car je ne puis penser ou imaginer Ni, au dedans de moi, trouver comment la Nature De tout ce qu’on pourrait nommer bon et juste Pourrait jamais trouver une forme si parfaite Que celui, dans lequel mes désirs Sont et seront, pour toujours et sans fin ; Et pour cela je crois que jamais auparavant ne fut née Dame qui fut si bien pourvue.
Lasse! or ne puis en ce point demourer Car Fortune qui onques n’est seûre Sa roe vuet encontre moy tourner Pour mon las cuer mettre a desconfiture Mais en foy, jusqu’au morir Mon dous ami weil amer et chierir. C’onques ne dut avoir fausse pensee Dame qui fust si tres bien assenée.
Hélas! pourtant je ne puis demeurer en ce point, A cause de Fortune (destin, sort) qui jamais n’est sûre Elle veut tourner sa roue contre moi Pour plonger mon malheureux cœur dans la détresse. Mais, dans la fidélité (foi, honneur) jusqu’à ce que je meure Je veux aimer et chérir mon doux ami (amour), Car jamais ne devrait avoir de fausse pensée Dame qui fut si bien pourvue.
(1)« bien placée »fig :choyée par le sort, en l’occurrence nantie en amour.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
NB : sur l’image en-tête d’article, derrière le portrait de Lucien Kandel au premier plan (crédits photos et copyright hesge.ch), vous pourrez retrouver cette même ballade de Guillaume de Machaut dans le Codex 0564. Daté du XVe siècle, ce recueil médiéval de ballades et chansons, avec musique annotée est conservée au Musée Condé et à la Bibliothèque du château de Chantilly, dans les Hauts-de-France.