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Une citation de Jules Michelet sur les croisades et quelques mots sur le lyrisme en Histoire

citation-moyen-age-histoire-france-medievale-jules-micheletSujet : citation, monde médiéval, croisades, historien,  Godefroy de Bouillon, France médiévale, lyrisme,   littérature, roman national
Période :  Moyen Âge central, XIIe siècle, modernité
Auteur : Jules Michelet
Ouvrage : Histoire de France – 1833


“Il appartient à Dieu de se réjouir sur son œuvre et de dire : Ceci est bon. Il n’en est pas ainsi de l’homme. Quand il a fait la sienne, quand il a bien travaillé, qu’il a bien couru et sué, quand il a vaincu, et qu’il le tient enfin, l’objet adoré, il ne le reconnaît plus, le laisse tomber des mains, le prend en dégoût, et soi-même. Alors ce n’est plus pour lui la peine de vivre ; il n’a réussi, avec tant d’efforts, qu’à s’ôter son Dieu. Ainsi Alexandre mourut de tristesse quand il eut conquis l’Asie, et Alaric, quand il eut pris Rome. Godefroi de Bouillon n’eut pas plutôt la terre sainte qu’il s’assit découragé sur cette terre, et languit de reposer dans son sein. Petits et grands, nous sommes tous en ceci Alexandre et Godefroi. L’historien comme le héros.”

Jules MicheletHistoire de France T2 – Suite de la croisade (1833)

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Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passionil convient de prendre soin, en relisant Jules Michelet  (comme d’autres historiens du passé, du reste) de le resituer dans son temps, il demeure difficile de rester insensible à l’érudition et aux qualités de cet historien du XIXe siècle, haut en couleur et au caractère trempé. Encore aujourd’hui, sa monumentale   Histoire de France     impressionne par son contenu et son ambition.  Pourtant, au delà de ce vaste récit national  revisité à l’aulne de Michelet, ce qui frappe sans doute le plus, de prime abord, en feuilletant ses volumes, ce sont les talents stylistiques de ce dernier et l’intensité qu’il met  à  nous transmettre sa passion pour la France comme pour l’histoire.

Nous ne sommes pas les premiers à chanter les louanges littéraires de Jules Michelet.  Face à ses   parutions et notamment celle-ci, même ses nombreux détracteurs n’ont  eu d’autres choix que de s’incliner sur  ces aspects.  De fait, qui est sensible à la langue française et aux qualités de plume ne pourra que tomber sous le charme. Nous sommes face à un grand auteur. On a même souligné ce talent chez lui au risque d’éclipser, parfois son érudition au sujet de l’Histoire elle-même. « L’auteur de l’Histoire de France écrirait-il trop bien pour être honnête ? » se demandait le journaliste Jérôme Gautheret dans un article du   Monde de 2008, en saluant au passage la réédition de cette oeuvre de Michelet (l’Histoire de France de Michelet enfin réédité). La formule est triviale, mais elle résume assez bien l’idée.

 Un Roman national :
l’Histoire à l’aulne de Michelet

michelet-histoire-de-france-livre-historien-auteurSur le fond,   c’est un fait,  Jules Michelet est un homme de conviction. Il porte des valeurs fortes et entend les transmettre.  Certaines demeurent de son temps, d’autres nous semblent, aujourd’hui,   venir au secours de notre modernité et vouloir l’éclairer. Par dessus tout, notre homme aime la république, comme il aime la nation  et ce qui l’a forgée. Il sait aussi la France cimentée par sa langue sous les apports des peuples multiples qui l’ont formée. Sa continuité est ailleurs.

Plus qu’avoir simplement écrit une histoire de France, Michelet l’a forgé  sur son enclume comme un artisan. Avec son cœur, sa fougue et le feu de ses convictions, il y a fait entrer ses vérités,  La patine qui en résulte n’a pas été et n’est toujours pas du goût de tous. Elle a toujours fait polémique. Revisitée à la lumière de l’histoire actuelle, elle emporte aussi quelques inexactitudes. Bien sûr, son objectivité et ses prises de positions fortes ont été largement questionnées. On ira même jusqu’à le traiter d’imposteur. Entre toutes les critiques qui suivront,  on finira par lui reprocher, de manière presque consensuelle, d’avoir été à l’origine d’une Histoire de la France romancée et même romanesque et idéalisée : un « roman national » que les temps suivants se chargeraient bientôt de mettre copieusement à bas.


« Cette œuvre  mémorable, d’environ quarante ans, fut conçue d’un moment, de l’éclair de Juillet. Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et j’aperçus la France. »

Jules Michelet  –   Histoire de France – préface de 1869


Le souffle lyrique de Michelet

Quoiqu’il en soit,  si l’idéologie n’est évidemment pas absente  des ouvrages de Michelet et si son roman national  a essuyé, depuis, de sérieux contre pieds,  il demeure évident que personne ne pourra priver l’homme de son talent.  A  près de 200 ans des  premiers tomes  de son Histoire de France,  un puissant souffle lyrique traverse encore  cette oeuvre de part en part. Toute proportion gardée, c’est un peu comme si une certaine culture antique et médiévale de la chronique historique venait prendre le pas, par endroits, sur un style plus neutre et encyclopédique qu’on pourrait attendre, de nos jours, d’un projet de cette ambition. Nous sommes face, ici, à une Histoire qui se raconte avec élan et qui résonne comme autant d’histoires imbriquées. L’historien y assume pleinement la place de  véritable auteur et, se faisant, il se double aussi d’un « (hi)story teller »,   un conteur.

Une tradition lyrique en histoire

Nous ne ferons pas ici l’historiographie d’une certaine tradition lyrique et littéraire  en Histoire. Elle ne débute pas avec Michelet.  Elle ne s’arrêtera pas avec lui. Une fois les éléments bien posés d’une méthodologie historique, elle se poursuivra même, jusqu’à nous, dans une proportion  variable (et un attachement inégal), en fonction de la sensibilité de chaque historien. Sous le poids de l’académie ou d’une certaine épistémologie, s’il fallait poser la question : « l’Histoire devrait-elle ennuyeuse pour être sérieuse ? » La réponse serait, à coup sûr, non. Au risque de quelquefois diluer la vérité dans ses effets (à quoi vigilance commande) la discipline subit aussi les exigences (pédagogiques  ou passionnées) de sa propre transmission.

Entre passion et transmission

michelet-histoire-de-france-livre-historien-auteur_002Qu’on nous passe le jeux de mots, mais si l’histoire est faite de la chair de ses chercheurs et de ses hommes, elle a aussi  ses chaires, ses têtes blondes et ses auditoires. Certes, elle est liée inextricablement et historiquement à la littérature, mais elle est aussi entrée dans le monde de l’éducation par la grande porte. Nous l’avons déjà dit, c’est à la fois un science de l’homme et une matière scolaire. A ce  titre, elle reste une discipline de la passation et il faut bien qu’elle en assume pleinement les contingences :  intelligibilité, nécessité et volonté de partage, mais encore passion de ses hommes et conscience aigüe, pour la plupart d’entre eux, de l’importance de la perpétuation d’une conscience historique pour une juste  compréhension du présent et une meilleure préparation de l’avenir.  Bien des historiens modernes pourraient tomber d’accord sur cette dernière dimension. Au milieu du XXe, souvenons-nous d’un  Lucien Febvre  qui s’enflammait tout entier pour un combat pour l’Histoire. Il aurait, lui aussi, de nombreux héritiers.

Pour apporter de l’eau au moulin de cette histoire attachée au style  qui entend  s’ouvrir à l’autre, en soignant sa plume et ses effets, on pourra encore évoquer, plus proche de nous,  certaines pages de  Georges Duby  ou  de manière plus parlante encore, certains extraits de son « Temps des Cathédrales » (papier ou télévisuel). Chez lui comme chez Michelet ou bien d’autres, on retrouvera,  dans  ce souffle lyrique d’une histoire qui s’enflamme, une volonté d’entraîner dans ses plus belles envolées, l’intérêt pour le passé autant que la passion pour l’histoire.  De son côté, le lecteur ou l’auditeur ne pourra que s’en délecter, même s’il ne devra pas, pour autant, désarmer son sens critique. Peut-être même devra-t-il,  l’exercer plus encore  ; la beauté d’un effet de style ou la plus belle des anecdotes ne devraient jamais faire perdre de vue totalement la complexité des faits et toutes  leurs nuances.   

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

Pour moyenagepassion.com
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Idées week-end: deux jours de festivités médiévales autour d’un marché de Noël à Estrées-Lès-Crécy

crecy_en_ponthieu_bataille_medievale_blason_heraldique_marche_medieval_noelSujet : événement moyen-âge, compagnies médiévales. idée sorties, marché Noël médiéval, festivités
Evénement : « Manifestation médiévale de Noël»
Lieu : Estrées-Lés-Crécy , Picardie (Hauts de France)
Date : les 10 et 11 décembre 2016

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passionaison oblige, nous faisons encore une petite note, aujourd’hui, sur une manifestation autour d’un marché de Noël et du moyen-âge qui a aussi l’intérêt de se tenir à Estrées-Lés-Crécy en Picardie, non loin du théâtre d’une bataille qui fit date dans l’Histoire médiévale : la bataille de Crécy, premier grand affrontement de la guerre de cent ans qui vit la déroute des Armées du roi d’Angleterre devant celles de les armées du Roi de France.

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Le programme de la manifestation médiévale d’Estrées-Lés-Crécy

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S_lettrine_moyen_age_passioni l’événement gravite autour d’un marché de Noël où sont attendus plus de cinquante exposants en costume du moyen-âge,  les organisateurs nous ont gratifié d’animations en plus aux couleurs du saltimbanques_fetes_marche_noel_medievale_evenement_picardie_idee_sortie_moyen-agemoyen-âge. Durant ces deux journées, des compagnies seront donc là pour égayer la fête et lui donner un tour médiéval supplémentaire: danse médiévale et de la renaissance avec la Guilde du Lys d’or et les croissants d’or, parade et spectacle déambulatoire avec la Compagnie Trancrede Artois, théâtre de rue avec les Etoiles Bleues, combats de chevaliers avec la Confrérie du Cerbère, cracheurs de feu et autres saltimbanques par la Compagnie de Ur.

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Pour cette 21e édition du marché médiéval de Noël d’Estrées-lès-Crecy, il y aura même, le samedi à 23 heures, du théâtre en nocturne en langue régionale picarde avec la compagnie locale les merlettes. A savoir toutefois, concernant cette dernière activité, le sujet de la pièce présentée n’a pas de relation avec le moyen-âge.

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Pour le programme et plus d’informations, vous pouvez consulter la page Facebook de l’événement ici.

Un mot de la bataille de Crécy

Le roi d’Angleterre alors dit à ses gens : — « Prenons place ici, car je n’irai pas plus avant que je n’aie vu nos ennemis ; et il y a bien raison que je les attende, car je suis sur le vrai héritage de madame ma mère et qui lui fut donné en mariage ; aussi je le  veux défendre et revendiquer contre mon adversaire Philippe de Valois. »
Jean Froissart (1337 -1405) – Les Chroniques

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P_lettrine_moyen_age_passion copiaour dire un mot de la célèbre bataille médiévale de Crécy, elle tint place dans le lieu que l’on appelle aujourd’hui la vallée de Clercs, entre Crécy-en-Ponthieu et Estrées-Lès-Crécy. Les pertes furent immenses pour l’ost de Philippe VI de Valois qui découvrit alors les avantages stratégiques que confère pour le défenseur le choix de son terrain, en l’occurrence un camp retranché sur une légère élévation, autant qu’il pu mesurer les ravages que pouvait faire l’arc long contre la chevalerie, autant que l’infanterie.

bataille_medievale_crecy_histoire_guerre_de_cent_ansLes chiffres avancés ont été longtemps voisins de dix contre un en faveur des français. Ils ont permis de forger une véritable mythe du côté des anglais sur cette bataille de Crécy qui perdure jusqu’à ce jour, mais ils ont été depuis, quelque peu revisités à la baisse, pour être ramenés à un ratio plus raisonnable de 1 contre 2, voir 1 contre 2,5, en défaveur du camp anglais.

Quoiqu’il en soit, le résultat fut cuisant et les pertes terribles. Sur le champ de bataille, on parle de près de 30 000 morts du côté français, dont plus de 1000 nobles et chevaliers. Galvanisé par cette victoire, Edouard III d’Angleterre poursuivra sur sa lancée à la conquête de Calais. Après un long siège, la ville tombera d’ailleurs entre ses mains, pour devenir durant l’ensemble du conflit, une tête de pont stratégique des armées anglaises en France. Elle sera d’ailleurs un des derniers bastions anglais à tomber, à la fin de la guerre de cent ans.

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La bataille de Crécy, enluminure des Chroniques de Froissart (1475) BnF, Manuscrits, Fr. 2643.

Q_lettrine_moyen_age_passionuelques siècles après la bataille de Crécy, l’Historien et écrivain Jules Michelet remettra en perspective ses conséquences dans le contexte du monde médiéval et des valeurs de la chevalerie, en écrivant ces lignes :

jules_michelet_auteur_ecrivain_historien_XIXe_siecle_monde_medieval« La bataille de Crécy n’est pas seulement une bataille, la prise de Calais n’est pas une simple prise de ville; ces deux événements contiennent une grande révolution sociale. La chevalerie tout entière du peuple le plus chevalier avait été exterminée par une petite bande de fantassins. »
(…) A Crécy, toute la chevalerie était là réunie, toute bannière flottait au vent, ces ners blasons, lions, aigles, tours, besans des croisades, tout l’orgueilleux symbolisme des armoiries. En face, sauf trois mille hommes d’armes, c’étaient les va-nu-pieds des communes anglaises, les rudes montagnards de Galles, les porchers de l’Irlande’; races aveugles et sauvages, qui ne savaient ni français, ni anglais, ni chevalerie. »
Jules Michelet – Histoire de France Tome IV

Le style est, bien sûr, à l’image de Michelet. Aussi racialiste que lyrique et emporté, il n’appartient qu’à lui, même si, par certains aspects, il sonne aussi très XIXe siècle. Reste que l’on s’entend, en général, sur le fait que les armées d’Angleterre n’étaient pas faites alors que de professionnels, loin de là, mais de paysans ou petite gens dont la discipline militaire était pourtant irréprochable. Le corps des archers longs anglais qui fit la différence, ici comme à Azincourt, procédait,  bataille_medievale_crecy_histoire_guerre_de_cent_ans_camp_retranche_anglais_edouard_IIIlui aussi,  de la même discipline que ces forces d’infanterie issus des classes populaires.

Face à la chevalerie française, ces mêmes archers, par leur puissance et l’utilisation stratégique qui en sera faite durant les batailles, seront un atout majeur du camp anglais, et ce pendant de longues années. Il faut dire que les systèmes de valeur et la vision de la guerre diffèrent sensiblement d’un camp à l’autre. Du côté de l’approche de la bataille, on a, en effet, souvent relevé la nature très pragmatique des anglais pour lesquels les valeurs du combat au corps à corps ne priment pas sur le résultat à atteindre. Dans ce cadre, la victoire à distance ne représente pas un obstacle, mais un moyen. Cet argument ne peut pourtant tout expliquer et concernant la déroute de Crécy, les notions de conseil militaire et de discipline doivent certainement être prises en compte pour comprendre la mauvaise tournure que prit cette bataille du côté français.

Pour quelques éléments supplémentaires sur Crécy et sur la guerre de cent ans, vous pouvez vous reporter utilement à l’article suivant: vidéo-documentaire: la guerre de 100 ans en 30 m. chrono.

En vous souhaitant une belle journée et un excellent week-end!

Fred.
Pour moyenagepassion.com
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