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Cantiga de Santa Maria 384 : le Paradis pour un Miracle en forme d’écriture

cantigas_santa_maria_vierge_marie_sainte_culte_mariale_medievale_amour_lyrique_courtoise_moyen-ageSujet :  musique  médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle
Période :   XIIIe siècle, Moyen Âge central
 Auteur  :  Alphonse X de Castille (1221-1284)
Interprète :  Esther Lamandier
Titre :  Cantiga  Santa Maria 384,    « A que por gran fremosura é chamada Fror das frores » 
Album :    Alfonso el Sabio.   Cantigas de Santa Maria    (1981)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passione qui nous suivent de près le savent, nous avons entrepris, depuis quelques années déjà, l’étude et la traduction en français des Cantigas de Santa Maria du roi  Alphonse X de Castille. Aujourd’hui, nous vous proposons découvrir la Cantigas de Santa Maria 384 dans le détail et en musique.

Routes des miracles & culte marial médiéval

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Récits de miracles autour de Marie,  témoignages de pèlerins, ou encore chants de louanges, avant d’être retranscrites et reformulées au XIIIe siècle, en langue galaïco-portugaise par le souverain espagnol, nombre de ces histoires circulait déjà sous diverses formes dans l’Europe médiévale. Souvent attachées à des lieux de culte marial reconnus, on les contait  ou les chantait aussi sur les routes des nombreux pèlerinages  du monde médiéval.

Même s’il on en connait des traces dans les siècles précédents, à partir du XIIe siècle, le Moyen Âge central s’est enflammé pour le culte marial. Dans la littérature médiévale, on trouve ainsi de nombreux Ave Maria en hommage à la sainte, chez quantité d’auteurs médiévaux, trouvères, poètes, clercs ou même religieux.

De Rutebeuf à Villon, la vierge Marie est perçue comme cette mère pleine de compassion et de piété, qui peut entendre et écouter. La sainte chrétienne est aussi celle qui, par l’oreille qu’il lui prête, pourra intercéder en faveur du pêcheur ou du dévot auprès de son fils,  le Christ, le Tout Puissant Dieu mort en croix.

Le Salut pour un moine  dévot à la vierge

La Cantiga de Santa maria 384 est un des nombreux miracles que nous propose les chants à Marie d’Alphonse X. Le poète nous contera qu’entre les manières de louer la Sainte, entre imagerie (iconographie, prières,  louanges,… ), celle qui consiste à louer son nom demeure l’une des plus appréciées.

cantigas-santa-maria-esther-lamandier-musiques-medievales-moyen-ageIci, c’est un moine qui s’adonnant à la calligraphie écrira même, ce nom, avec de belles couleurs. Comme récompense de sa dévotion, le dévot religieux se verra offrir les portes du salut, pouvoir déjà acquis à la sainte dans de nombreux autres Cantigas d’Alphonse X.

Dans la foi chrétienne, la mort n’est rien si, au bout du chemin de vie, se trouve un nouveau commencement pour l’éternité. L’important est dans l’exemplarité et le salut. Dans cette cantiga de Santa Maria 384, comme  dans le miracle de la jeune fille malade de la cantiga 188, le corps du  protagoniste périra. Sa vie prendra fin et seule son âme sera sauvée. Pas question de transhumanisme ici et de défi lancé à la longévité dans le monde matériel, au Moyen Âge, les désirs d’éternité ne sont pas pour le monde d’ici-bas, mais pour le suivant.

La cantiga  de Santa Maria 384 par Esther  Lamanthier


Esther Lamandier  & les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse le Sage

En 1980, la talentueuse chanteuse soprano, harpiste et instrumentiste, Esther Lamandier  décida de faire une incursion du côté de l’Espagne médiévale et du répertoire d’Alfonso el Sabio.

cantigas-santa-maria-384-album-chansone-medieval-culte-marial-alphonse-X-Esther-Lamandier-moyen-ageDédiée aux Cantigas de Santa Maria, l’album fut enregistré à l’Abbaye de  l’Épau, dans la Sarthe. A sa sortie, en 1981, il propose 20 pièces interprétées par l’artiste, accompagnée de son seul talent  vocal et instrumental.

La cantiga de Santa Maria384 ouvre ce très bel album que l’on peut encore trouver à la vente en ligne. notamment au format mp3. Voici un lien utile pour plus d’informations : Les Cantigas de Santa Maria par Esther  Lamandier.

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La Cantiga de Santa Maria 384
Du galaïco-portugais au français moderne

Como Santa Maria levou a alma dun frade
que pintou o seu nome de tres coores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Comment Sainte Marie emmena au paradis l’âme d’un frère qui avait peint son nom de trois couleurs.

Celle qui, pour sa beauté, on nomme la Fleur des fleurs,
Plus que tout autre louange, préfère de loin quand on loue son nom.

Desto direi un miragre, segundo me foi contado,
que aveo a un monge bõo e ben ordinado
e que as oras desta Virgen dizia de mui bon grado,
e mayor sabor avia desto que d’outras sabores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

A ce propos, je vous dirai d’un miracle, selon qu’il me fut conté,
Qui arriva à un bon moine bien ordonné,
Qui disait les heures de la Vierge avec grande joie
Et prenait en cela un plaisir plus grand que tout autre plaisir.

Celle qui, pour sa beauté, on nomme la Fleur des fleurs,
Plus que tout autre louange, préfère de loin quand on loue son nom.

Este mui bon clerigo era e mui de grado liia
nas Vidas dos Santos Padres e ar mui ben escrivia;
may[s] u quer que el achava nome de Santa Maria
fazia-o mui fremoso escrito con tres colores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

C’était un bon prêtre qui, avec enthousiasme, lisait
Les vies des Saints Pères et qui écrivait aussi très bien ;
Et, à chaque fois, qu’il arrivait au nom de Sainte Marie,
Il l’écrivait de très belle manière et de trois couleurs.

Celle qui, pour sa beauté…

A primeyra era ouro, coor rica e fremosa
a semellante da Virgen nobre e mui preçiosa;
e a outra d’azur era, coor mui maravillosa
que ao çeo semella quand’ é con sas [e]splandores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

La première était d’or, couleur riche et belle
Semblable à la Vierge noble et très précieuse ;
L’autre était d’azur, couleur très merveilleuse
Qui ressemble au ciel quand il se montre dans toute sa splendeur.

Celle qui, pour sa beauté…

A terçeyra chamam rosa, porque é coor vermella;
onde cada a destas coores mui ben semella
aa Virgen que é rica, mui santa, e que parella
nunca ouv’ en fremosura, ar é mellor das mellores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

La troisième, est appelée  rose, car c’est une couleur vermeille ;
Et chacune de ces couleurs ressemble donc en tout point
à la Vierge qui est splendide et très sainte, et qui jamais
n’eut d’égale en beauté, et demeure la meilleure entre toutes.

Celle qui, pour sa beauté…

Ond’ aqueste nome santo o monge tragia sigo
da Virgen Santa Maria, de que era muit’ amigo,
beyjando-o ameude por vençer o emigo
diabo que sempre punna de nos meter en errores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Ainsi, ce moine portait toujours avec lui ce nom saint
de la vierge Sainte Marie, à laquelle il était fermement dévoué,
L’embrassant souvent pour vaincre le diable ennemi
Qui s’acharne toujours pour nous faire tomber dans l’erreur.

Celle qui, pour sa beauté…

Onde foi a vegada que jazia mui doente
da grand’ enfermidade, de que era en possente;
e pero assi jazia, viinna-lle sempre a mente
de seer da Virgen santa un dos seus mais loadores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Mais vint un temps  où  il tomba gravement souffrant
D’une grande maladie, qu’il avait contracté.
Et bien qu’il gisait ainsi, il lui venait toujours à l’esprit
De rester un des plus grands faiseurs de louanges de la vierge Sainte.

Celle qui, pour sa beauté…

O abade e os monges todos veer-o veron,
e poi-lo viron maltreito, un frade con el poseron
que lle tevesse companna; e pois ali esteveron
un pouco, foron-se logo. Mais a Sennor das sennores

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

L’abbé et les moines vinrent tous le voir,
Et en le voyant en si piteux état, ils assignèrent un frère
Pour lui tenir compagnie; puis ils restèrent
un moment, avant de s’en aller. Cependant, la reine des reines

Celle qui, pour sa beauté…

Apareçeu ao frade que o guardav’, en dormindo,
e viu que ao leyto se chegava passo yndo,
e dizia-lle: «Non temas, ca te farey ir sobindo
mig’ ora a parayso, u veerás os mayores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Apparut en rêve au frère qui gardait le moine,
Et il vit qu’elle s’approchait du lit,
Et disait au moine alité : « n’aies crainte, car je te ferai monter
Avec moi au paradis où tu verras tous ceux qui s’y trouvent déjà (les anciens).

Celle qui, pour sa beauté…

Ca por quanto tu pintavas meu nome de tres pinturas,
levar-t-ey suso ao çéo, u verás as aposturas,
e eno Livro da Vida escrit’ ontr’ as escrituras
serás ontr’ os que non morren, nen an coitas nen doores».

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Puisque, en effet, tu as peint mon nom de trois couleurs,
Je t’emmènerai au ciel et tu verras ce qui est droit et juste
Et dans le livre de la vie, tu seras inscrit entre les écritures
entre ceux qui ne meurent pas, et qui n’ont ni peine ni douleur.

Celle qui, pour sa beauté…

Enton levou del a alma sigo a Santa Reynna.
E o frade espertou logo e foy ao leyt’ agynna;
e pois que o achou morto, fez sõar a campaynna
segund’ estableçud’ era polos seus santos doctores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Puis, la sainte reine prit l’âme du moine avec elle,
Et le frère s’éveilla et s’approcha de son chevet,
Et comme il le trouva mort, il fit sonner la cloche
Ainsi qu’il a été établi par les Saints Docteurs de l’Eglise.

Celle qui, pour sa beauté…

Mantenente o abade chegou y cono convento,
que eram y de companna ben oyteenta ou çento;
e aquel monge lles disse: «Sennores, por cousimento
o que vi vos direy todo, se m’ en fordes oydores».

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

L’abbé s’en vint rapidement avec ses moines,
Qui était une communauté de près de 80 ou 100
Et le frère  leur dit : « Messieurs, pour en avoir été témoin ( pour  le connaître )
Je vous dirais tout ce que j’ai vu, si vous voulez bien m’entendre ».

Celle qui, pour sa beauté…

Enton contou o que vira, segundo vos ey ja dito;
e o abade tan toste o fez meter en escrito
pera destruyr as obras do emigo maldito,
que nos quer levar a logo u sempr’ ajamos pavores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Puis, il leur dit tout ce qu’il avait vu et que je vous ai déjà conté;
Et l’abbé, sans attendre, le fit consigner par écrit
Pour détruire les œuvres de l’ennemi maudit (le diable)
Qui toujours veut nous entraîner en des lieux où nous vivons dans la peur.

Celle qui, pour sa beauté…

E pois souberon o feyto, loaron de voontade
a Virgen Santa Maria, a Sennor de piedade;
e se en alga cousa ll’ erraran per neçidade,
punnaron de se guardaren que non fossen peccadores.

A que por gran fremosura é chamada Fror das frores,
mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.

Et après avoir entendu le miracle, ils louèrent avec joie
La Vierge Saint Marie, dame de Piété ;
Et si, en quelques occasions, ils avaient pu errer par négligence,
Ils s’efforcèrent après cela, de se garder de commettre des pêchés.

Celle qui, pour sa beauté…


Cliquez ici pour retrouver tous  nos autres articles et traductions des Cantigas de Santa Maria.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

La Cantiga de Santa Maria 140 : chant de louange à la Vierge et culte marial médiéval

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet  : musique médiévale,  Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, louange, Sainte-Marie,  vierge, miséricorde
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Titre :  Cantiga de Santa Maria 140    « Sean dados honrados »
Auteur
: Alphonse X  (1221-1284)
Ensemble :  Theatrum Instrumentorum & Aleksandar Sasha Karlic 
Album :  Alfonso « El Sabio »: Cantigas de Santa Maria (1999)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous  revenons, aujourd’hui, à l’Espagne médiévale d’Alphonse le Savant avec une  Cantiga de  Santa Maria. Nous avons, jusque là, étudié de nombreux miracles  issus de ce corpus du roi de Castille du XIVe siècle.   Cette fois-ci, pour varier un peu, la pièce que nous vous proposons, la cantiga  140 est un chant de louange. Elle alimentera également,   nos autres articles au  sujet du culte marial et son importance au Moyen Âge central.

Theatrum Instrumentorum & Aleksandar Sasha Karlic

Theatrum  Instrumentorum   &  Aleksandar Sasha Karlic 

La formation Theatrum  Instrumentorum fut fondée  au milieu des années 90  et dirigée par   Aleksandar Sasha Karlic.  La passion de ce musicien yougoslave pour les musiques anciennes ou encore ethniques, n’était pas nouvelle.  Installé en Italie, il y  avait suivi le conservatoire de Milan et de Parme. Plus tard, il avait également collaboré avec quelques grands noms de la scène locale des musiques anciennes et traditionnelles. En plus de ses talents  de directeur, Aleksandar Sasha Karlic  est aussi  joueur de luth , de oud, de  percussions et il également doté de talents vocaux.

musique-medievale-cantigas-santa-maria-Theatrum-instrumentorum-Aleksandar-Sasha-Karlic-moyen-age
Aleksandar Sasha Karlic et la passion des musiques traditionnelles et anciennes

Sous sa houlette, la formation  Theatrum Instrumentorum   s’est faite connaître dans le domaine des musiques anciennes et médiévales,  en Italie,  mais aussi dans d’autres pays d’Europe. Du point de vue discographique, elle a légué 6 albums qui furent tous  bien accueillis par la critique.   En plus de la Cantiga de Santa Maria qui fait l’objet de cet article et d’autres encore, on peut y trouver les Carmina Burana, le Llibre Vermell de Montserrat, mais encore des Chants grégoriens et religieux de Giovanni Pierluigi da Palestrina en provenance du XVIe siècle.

Sauf erreur, Theatrum Instrumentorum n’est plus actif depuis longtemps déjà et on ne trouve plus grand chose à son sujet sur le net.  Quant à son directeur, en 2004, il a fondé, toujours en Italie,   Balkan Blues, une nouvelle formation autour des musiques des Balkans qu’il affectionne particulièrement depuis ses débuts de carrière.  Parallèlement, il a  continué de laisser vibrer sa passion pour les musiques anciennes et traditionnelles du berceau méditerranéen, en étant encore largement salué par la critique pour ses travaux dans ce domaine.

Alfonso « El Sabio »: Cantigas de Santa Maria

En 1999,   Theatrum Instrumentorum sortait un album   autour des Cantigas d’Alphonse X de Castille.  On peut y trouver 12 pièces  d’exception qui laissent une large  place  à  l’interprétation vocale.

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Alfonso el Sabio, Cantigas de Santa Maria, l’album

Cet album est toujours disponible à la distribution. Le CD ne semble pas avoir été réédité, ces dernières années ; Il peut donc s’avérer difficile à débusquer ou être mis en vente à des prix un peu hors de portée. En revanche,  les pièces qui le composent sont disponibles à la vente et au téléchargement, au format MP3, sur divers sites internet. A toutes fins utiles, voici le lien correspondant sur Amazon : Alfonso X « El Sabio »: cantigas de Santa Maria by Theatrum Instrumentorum.


La Cantiga de Santa Maria 140
du  galaïco-portugais  au français moderne

Esta es de loor de Santa María.

Celle-ci (cette cantiga) est en louanges à Sainte Marie

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Qu’à Sainte-Marie soient faites
des louanges respectueuses.
(Que soit louée avec respect Sainte Marie)

Loemos a sa mesura,
seu prez, e ssa apostura,
e seu sen, e ssa cordura,
mui mais ca cen mil vegadas.

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Louons sa mesure,
Son prestige et son intégrité (maintien)
Son bon jugement et sa raison,
Bien plus  de cent mille fois.

refrain.

Loemos a ssa nobressa,
sa onrra e ssa alteza,
sa mercee e ssa franqueza,
e sas vertudes preçadas.

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Louons sa noblesse,
son honneur et son altesse (élévation, noblesse des valeurs)
Sa miséricorde, sa franchise
Et ses précieuses vertus.

refrain.

Loemos sa lealdade,
seu conort’ e ssa bondade,
seu accorr’ e ssa verdade,
con loores mui cantadas.

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Louons sa loyauté,
Sa consolation (ou confort : dans le sens de conforter) et sa bonté,
Son secours et sa vérité
Avec des louanges bien chantées.

refrain.

Loemos seu cousimento,
conssell’ e castigamento,
seu ben, seu enssinamento,
e sass graças mui grãadas.

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Louons son attention,
Son conseil et ses mises en garde,
Son bien, ses enseignements,
Et ses grâces très prisées.

refrain.

Loando-a, que nos valla,
lle roguemos na batalla
do mundo que nos traballa,
e do dem’ a donodadas.

A Santa Maria dadas
sejan loores onrradas.

Et la louant, nous la prions,
qu’elle nous prête courage dans la bataille
Contre le monde qui nous tourmente
Et contre le démon.


Vous pourrez trouver ici les Cantigas de Santa Maria traduites et étudiées  avec leurs sources anciennes et leur interprétation par les plus grandes formations de musique médiévale.

En vous souhaitant une belle  journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge  sous toutes ses formes.

Culte marial : le miracle du marchand sauvé des eaux dans la Cantiga de Santa Maria 193

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale,  Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge,    sauvetage, croisades, Saint-Louis, De Joinville
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre : Cantiga  193 « Sobelos fondos do mar »
Ensemble : Sequentia
Album : Songs for King Alfonso X of Castille and León   (1991)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans la continuité de notre étude du culte marial dans l’Europe médiévale du Moyen Âge central, voici un nouveau récit de miracle tiré du corpus du roi Alphonse X de Castille. Il s’agit cette fois de la Cantiga de Santa Maria  193 dont nous vous fournirons, à l’habitude une traduction en français actuel.

La vierge et son manteau contre les  éléments

culte-marial-medieval-miracle-saint-vierge-Moyen-age-chretien-cantigas-193Au Moyen Âge, il n’est guère d’éléments terrestres qui puissent arrêter les miracles de la vierge.  Des profondeurs des mers jusqu’aux plus hauts sommets, elle peut, en effet, intercéder en faveur de ceux qui la prient et ont foi en elle, et lever tous les obstacles.

Le récit de la Cantiga 193 porte sur un sauvetage en mer miraculeux. L’histoire  se déroule durant ce qui semble être la première croisade de Saint-Louis.

Le poète nous conte qu’un marchand fortuné se tenait alors sur un navire de la large flotte. L’homme était visiblement en mauvaise compagnie puisqu’il fut jeté par dessus bord par l’équipage qui voulut lui dérober ses biens pour les dépenser à la  guerre.

Quoi qu’il en soit, la vierge intervint et déploya un voile blanc (un drap, un tissu, ailleurs il sera question de son manteau) entre l’homme et les eaux afin qu’il ne périsse point noyé. Quelque temps plus tard, survint une autre nef qui tira le marchand d’affaire. Suite au miracle, ce dernier décida qu’il se joindrait à la guerre et tous louèrent la très sainte mère du Christ pour son intervention.

La  Cantiga de Santa Maria  193 par l’ensemble Sequentia


Les Cantigas de Santa Maria par  Sequentia

En  1991, l’ensemble Sequentia de Benjamin Bagby et Barbara Thornton  fit, à son tour, un tribut aux célèbres cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. Enregistré en Suisse, l’album sortit l’année d’après sous le label Deutsche Harmonia Mundi.

culte-marial_ensemble-medieval_sequentia_cantigas_de_santa-maria_alphonse-X_moyen-ageSous le titre « Vox Iberica III, El Sabio » : Songs for King Alfonso X of Castille and León (1221-1284) », cette production d’une durée d’écoute de 78 minutes, propose 18 pièces dont 13 cantigas de Santa Maria. Les autres pièces présentées sont d’auteurs anonymes à l’exception d’une chanson de Guiraut de Riquier (« Humils, forfaitz, repres e penedens »). Pour plus de détails sur cet album voir aussi  :  un chant de Louanges de Cantigas par Sequentia

Vous pouvez vous procurer cet album chez votre meilleur disquaire. A défaut, il est aussi disponible en ligne, au lien suivant : Sequentia performs    Vox Iberica III by El Sabio.

Aux origines de la Cantiga de Santa Maria 193  :
un récit de Sire de Joinville ?

On trouve la trace de miracles semblables à celui de la Cantiga de Santa Maria 193 dans des sources diverses. La plupart d’entre eux portent toutefois sur le sauvetage de plusieurs pèlerins de la noyade par l’intervention de la Sainte (Les Collections De Miracles De La Vierge en Gallo et Ibéro-Roman au XIII Siècle, Paule V. Bétérous, 1993).

Autour de 1248-1250, un récit de Sire de Joinville a pu également inspirer le souverain d’Espagne. L’histoire conte, en effet, un miracle présentant de troublantes correspondances avec celui remis en musique par le roi espagnol. Une différence subsiste toutefois, dans le récit de Joinville, il est question d’une chute malencontreuse à la mer, et pas d’une tentative d’homicide. Dans Les mémoires de Saint-Louis de Sire de Joinville, c’est également une des nefs royales qui secourut l’homme.  Voici  ce récit dans le détail, telle que traduit par  Natalis de Wailly, en 1874  :

jehan_de_joinville_chroniqueur_poete_ecrivain_historien_medievale« 650. Une autre aventure nous advint en mer; car monseigneur Dragonet, riche homme de Provence, dormait le matin dans sa nef, qui était bien une lieue en avant de la nôtre, et il appela un sien écuyer et lui dit : « Va boucher cette ouverture, car le soleil me frappe au visage.»

Celui-ci vit qu’il ne pouvait boucher l’ouverture s’il ne sortait de la nef: il sortit de la nef. Tandis qu’il allait boucher l’ouverture, le pied lui faillit, et il tomba dans l’eau, et cette nef n’avait pas de chaloupe, car la nef était petite : bientôt la nef fut loin. Nous qui étions sur la nef du roi, nous le vîmes, et nous pensions que c’était un paquet ou une barrique, parce que celui qui était tombé à l’eau ne songeait pas à s’aider.

651 . Une des galères du roi le recueillit et l’apporta en notre nef, là où il nous conta comment cela lui était advenu. Je lui demandai comment il se faisait qu’il ne songeait pas à s’aider pour se sauver, ni en nageant ni d’autre manière. Il me répondit qu’il n’était nulle nécessité ni besoin qu’il songeât à s’aider ; car sitôt qu’il commença à tomber, il se recommanda à Notre-Dame de Vauvert, et elle le soutint par les épaules dès qu’il tomba, jusques à tant que la galère du roi le recueillît. En l’honneur de ce miracle, je l’ai fait peindre à Joinville en ma chapelle, et sur les verrières de Blécourt. « 

 Jean Sire de Joinville Histoire de Saint Louis,
credo et lettre a Louis X
,  Natalis de Wailly (1874)

Contre ce récit miraculeux de Jehan de Joinville, et sous réserve que le roi d’Espagne s’en soit inspiré, on notera que la version de ce dernier ne met pas tellement à l’honneur les qualités de l’ost du roi de France et, encore moins, certains membres de sa flotte.


Le miracle de la Cantiga de Santa Maria 193
traduit du galaïco-portugais vers le français

Como Santa Maria guardou de morte u mercadeiro que deitaron no mar.

Comment Sainte-Marie sauva de la mort un marchand qu’on avait jeté à la mer.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra
á poder Santa Maria, Madre do que tod’ ensserra.

Sur les profondeurs des mers et les plus hautes montagnes,
Elle a tout pouvoir Sainte Marie, Mère de celui qui règne sur toute chose,

E daquest’ un gran miragre vos direi e verdadeiro,
que fezo Santa Maria, Madre do Rei josticeiro,
quand’ o Rei Lois de França a Tunez passou primeiro
con gran gente per navio por fazer a mouros guerra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Et, à ce propos, je vous conterai un grand et véritable miracle
Que fit Sainte-Marie, Mère du Roi de  Justice   (Dieu, Jésus),
Quand le roi Louis de France navigua  vers la Tunisie
Avec une grande armée pour faire la guerre contre les Maures.

En ha nave da oste, u gran gente maa ya,
un mercador y andava que mui grand’ aver tragia;
e porque soo entrara ontr’ aquela conpania,
penssaron que o matassen pera despender na guerra

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Sur l’un des navires de son ost, où on comptait beaucoup de gens vils,
voyageait un marchand qui avait avec lui une grande fortune.
Et comme il s’était embarqué seul avec une telle compagnie
Ceux-ci eurent l’idée de le tuer pour dépenser à la guerre

O aver que el levava. E [tal] conssello preseron
que eno mar o deitassen, e un canto lle poseron
odeito aa garganta e dentro con ele deron.
Mais acorreu-ll[e] a Virgen que nunca errou nen erra,

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

 toutes les richesses qu’il avait avec lui. Ils s’accordèrent
pour le jeter à la mer,   et il lui   
attachèrent
une pierre autour de son cou,   et le jetèrent à l’eau.
Mais la Vierge, qui n’a jamais commis de péchés et n’en commettra jamais, vint le secourir.

Que aly u o deitaron tan tost’ ela foi chegada
e guardou-o de tal guisa, que sol non lli noziu nada
o mar nen chegou a ele, esto foi cousa provada;
ca o que en ela fia, en ssa mercee non erra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Ainsi, elle vint aussitôt à l’endroit où ils l’avaient noyé
et le protégea de sorte que la mer ne lui fit aucun mal
et ne le toucha même pas. C’est là une chose admise,
que, dans sa miséricorde, elle n’abandonne jamais ceux qui ont foi en elle.

E ele ali jazendo u o a Virgen guardava,
a cabo de tercer dia outra nav’ y aportava;
e un ome parou mentes da nav’ e vyu com’ estava
aquel ome so a agua, e diz: «Mal aja tal guerra

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Et l’homme resta couché là où la vierge le protégeait
Et trois jours plus tard, un autre navire s’est approché
Et un homme a arrêté le navire et en voyant comment se trouvait
cet homme sous l’eau, il a dit : «Maudit soit une telle guerre

U assi os omes matan en com’ a este mataron.»
E dando mui grandes vozes, os da nave ss’ y juntaron,
e mostrou-lles aquel ome; e logo por el entraron
e sacárono en vivo, en paz e sen outra guerra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Dans laquelle les hommes tuent comme ils tuèrent celui-ci.»
Et comme il poussait de grands cris, ceux du navire le rejoignirent
Et il leur montra cet homme ; et ensuite, ils entrèrent (sous les eaux)
et l’en sortirent vivant, en paix et sans autres difficultés.

E poi-lo om’ a cabeça ouve da agua ben fora,
catou logo os da nave e falou-lles essa ora
e disse-lles: «Ai, amigos, tirade-me sen demora
daqui u me deitou gente maa que ameud’ erra.»

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Et quand l’homme eut la tête bien hors de l’eau,
Il vit alors ceux du navire et leur fit cette supplique,
et leur dit : « Ah, mes amis, tirez-moi sans tarder
de là où m’ont jeté ces mauvaises gens qui aiment faire du tord (pêcher)« .

Quando os da nav’ oyron falar, espanto prenderon,
ca tian que mort’ era; mais pois lo ben connoceron
e lles el ouve contado como o no mar meteron,
disseron: «Mal aja gente que contra Deus tan muit’ erra.»

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Quand ceux du navire l’entendirent parler, ils furent pris de terreur
car ils pensaient qu’il était mort ; mais ils le connaissaient bien
et en l’entendant conter comment on l’avait jeté à l’eau,
ils dirent :  » Bien mauvaises gens qui contre Dieu agissent à si grand tort »

E depois lles ar contava como sempre as vigias
el jajava da Virgen e guardava os seus dias;
e porend’ o guardou ela e feze-lle no mar vias
que o non tangess’ a agua e lle non fezesse guerra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Et ensuite il leur a conté comment toujours il gardait
Le  jeûne pour la Vierge et célébrait ses fêtes :
Et c’est pour cela qu’elle le protégeait  et le faisait sur les voies maritimes
Pour qu’il ne tombe pas à l’eau et qu’on ne lui fasse pas la guerre.

«E porque entendeu ela que prendera eu engano,
log’ entre mi e as aguas pos com’ en guisa de pano
branco, que me guardou senpre, per que non recebi dano;
poren por servir a ela seerei en esta guerra.»

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Et parce qu’elle a compris qu’on m’avait trompé
Alors, entre moi et les eaux, elle a posé, comme un drap (tissu)
Blanc, qui m’a protégé sans cesse, afin que je ne sois pas blessé;
Aussi,    pour la servir, je participerais à cette guerre.

Quando os da nav’ oyron esto, mui grandes loores
deron a Santa Maria, que é Sennor das sennores;
e pois foron eno porto, acharon os traedores
e fezeron justiça-los como quen atan muit’ erra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Quand ceux des navires entendirent cela, de très grandes louanges
Ils firent à Sainte Marie, qui est la dame d’entre les dames :
Et puis ils allèrent au port, livrer les traîtres
Et leur firent justice comme on le fait à ceux qui agissent mal.

Poi-la jostiça fezeron, o mercador entregado
foi de quanto lle fillaran quando foi no mar deitado;
e el dali adeante sempre serviu de grado
a Virgen Santa Maria sen faliment’ e sen erra.

Sobelos fondos do mar e nas alturas da terra…

Lorsque le châtiment fut appliqué, le marchand retrouva
tout ce qu’ils lui avaient pris avant de le jeter à la mer.
Et lui, à partir de ce jour, servit toujours de bon gré
La Sainte-Vierge sans faille et sans péchés.


Retrouvez ici l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites et commentées, et leur interprétation par les plus grands ensembles de musique médiévale.

En vous souhaitant une belle  journée.

Frédéric EFFE.
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Cantiga de Santa Maria 29, l’apparition miraculeuse d’une vierge sur la pierre

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, Gethsémani.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 29 « Nas mentes sempre teer »
Ensemble : Micrologus
Album : Madre de Deu(1998)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionu cour de nos nombreuses pérégrinations autour du Moyen Âge, nous avons entrepris, il y a quelque temps, l’exploration et la traduction des Cantigas de Santa Maria. Rédigés en galaïco-portugais, ces chants dévots du XIIIe siècle furent compilés, et peut-être même écrits pour certains, de la main du roi Alphonse X de Castille. Un grand nombre d’entre eux ont trouvé leur inspiration dans les récits de miracles liés au culte marial qui circulaient alors en Espagne et même au delà. Certains provenaient d’ouvrages écrits par divers religieux, d’autres plus directement de récits de pèlerins.

La cantiga 29 ou  l’apparition de l’image
de la vierge  sur  une  pierre

Aujourd’hui, nous nous penchons sur la Cantiga de Santa Maria 29. Il s’agit donc d’un nouveau récit de miracle. Il conte l’apparition miraculeuse d’un image de la vierge à l’enfant sur une « pierre » et se réfère à un récit de pèlerins s’étant rendu à Gethsémani. Nous tenterons de jeter quelques lumières sur tout cela. Pour illustrer cette présentation, nous vous proposons également l’interprétation de ce chant marial par l’ensemble italien Micrologus dirigé par la talentueuse Patrizia Bovi

La Cantiga de Santa Maria 29 par l’Ensemble Micrologus

Les cantigas d’Alphonse X par Micrologus

Si l’on peut trouver la pièce du jour sur la chaîne Youtube de Micrologus, elle provient d’une production de l’ensemble médiéval, datée de 1998 et dédiée aux Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. Intitulé Madre de Deus, l’album présente quinze cantigascantigas-santa-maria-29-miracle-culte-marial-micrologus. On le trouve disponible à la vente en ligne sous forme CD et même sous forme de fichiers MP3. Lien utile : Madre de Deus, Cantigas de Santa Maria.

Pour en apprendre plus sur cette formation médiévale italienne, vous pouvez également consulter l’article suivant : portrait de Micrologus.

La vierge de Gethsémani : aux origines de la cantiga de Santa Maria 29

Dans les Évangiles, Gethsémani est désigné comme le lieu de la dernière cène. Avec le temps, on l’a associé à plusieurs endroits. Situé à l’est de Jérusalem, il peut désigner le mont des Oliviers ou, de manière plus spécifique, son jardin ou  même encore la grotte de Gethsémani qui se situe non loin.

En l’occurrence et dans la cantiga de Santa Maria 29, il est vraisemblablement fait référence à l’église du sépulcre de la Sainte Vierge. Suivant le récit ayant inspiré ce chant, c’est, en effet, à l’intérieur du tombeau supposé de Marie et sur une de ses colonnes, que se trouvaient les représentations dont l’auteur nous conte qu’elles n’étaient ni des peintures, ni des sculptures, mais des apparitions miraculeuses.

Le Liber Mariae de Juan Gil de Zamora

cantiga-de-santa-maria-29-culte-marial-monde-medieval-traduction-miracle-moyen-age-centralCi-contre, miniature du
Manuscrit médiéval MS T.I 1
de la Biblioteca del Monasterio
de El Escorial, Madrid

D’après les sources, la datation de ce miracle est contemporaine de l’Espagne d’Alphonse X. Il est toujours possible qu’elle soit antérieure, mais, factuellement,  on le retrouve dans le Liber Mariae du franciscain Juan Gil de Zamora (1241(?)-1318). Secrétaire du roi et tuteur de son fils Sancho, l’homme était lui-même un érudit. Il collabora aux différentes œuvres du monarque espagnol et, entre les nombreux ouvrages qu’il a légués, son Liber Mariae, compilation de divers récits de miracles mariaux, a, semble-t-il, compté pour la rédaction des Cantigas de Santa Maria.

Hypothèse de médiévistes sur la cantiga 29

Deux historiens américains, spécialisés dans la littérature médiévale espagnole et contemporains du XXe siècle, se sont penchés sur le miracle de la Cantiga 29 (Keller John Esten and Richard P. Kinkade, Myth and Reality in the Miracle of Cantiga 29, la Corónica, 1999)De leurs côtés, ils ont rattaché l’origine possible de ce récit à  la Basilique de la Nativité de Bethléem, elle-même sur la route des pèlerinages. On aurait trouvé, en effet, sur les colonnes de cette dernière, des images peintes, dont notamment une de la vierge à l’enfant.

Ces peintures ont été datées de 1130 et la technique utilisée pour les exécuter aurait été particulièrement novatrice pour l’époque ; elle permettait, en effet, de peindre sur le marbre préalablement poli. Selon ces deux auteurs, plus d’un siècle après l’exécution de cette oeuvre représentant la vierge et face à la particularité de la technique usitée et son effet d’incrustation, certains pèlerins auraient pu voir là la trace d’un miracle.

A plus de 700 ans de là et quelle que soit la validité de cette hypothèse, voici les paroles de cette Cantiga de Santa maria 29, accompagnées d’une traduction en français moderne, effectuée par nos soins.


La Cantiga de Santa Maria 29 :  traduction
du galaïco-portugais au français moderne

Esta é como Santa Maria fez parecer nas pedras omages a ssa semellança. 

Celle-ci (cette cantiga) conte comment Sainte-Marie fit apparaître sur des pierres des images à sa ressemblance (des images d’elles).

Nas mentes sempre tẽer
devemo-las sas feituras
da Virgen, pois receber
as foron as pedras duras.

Dans nos esprits, toujours nous
Devons garder les prouesses* (actions, œuvres ?)
De la vierge car elles furent
Gravées sur des pierres dures.

Per quant’ eu dizer oý
a muitos que foron i,
na santa Gessemani
foron achadas figuras
da Madre de Déus, assi
que non foron de pinturas.

Nas mentes sempre tẽer …

Parce que j’ai entendu dire
Par de nombreuses personnes qui allèrent là bas
En la Sainte Gethsémani
Qu’on y a trouvé des images
De la mère de Dieu, telles
Qu’elles n’étaient pas des peintures.

Refrain…

Nen ar entalladas non
foron, se Déus me perdôn,
e avia y fayçôn
da Sennor das aposturas
con séu Fill’, e per razôn
feitas ben per sas mesuras.

Nas mentes sempre tẽer …

Elles n’avaient pas non plus été sculptées,
Et, que Dieu me pardonne,
On y voyait les traits
Et l’élégance de la dame
Avec son fils, et elles étaient  bien faites,
Avec raison et
 de justes mesures (dimensions, proportions).

Refrain…

Porên as resprandecer
fez tan muit’ e parecer,
per que devemos creer
que é Sennor das naturas,
que nas cousas á poder
de fazer craras d’ escuras.

Nas mentes sempre tẽer …

Par conséquent, il (Dieu) les fit resplendir
Et apparaître de manière si parfaite
Que nous devons croire
Qu’elle est la dame de la nature
Qui, sur les choses, a le pouvoir
De changer l’obscurité en clarté.

Refrain…

Déus x’ as quise figurar
en pédra por nos mostrar
que a ssa Madre onrrar
deven todas creaturas,
pois deceu carne fillar
en ela das sas alturas.

Nas mentes sempre tẽer …

Dieu voulut la figurer
Sur la pierre pour nous montrer
Que toutes les créatures
Doivent prier sa mère 

Car il est descendu pour s’incarner
En elle, depuis les hauteurs (le ciel).

Refrain…


Retrouvez ici les Cantigas de Santa Maria traduites en français et interprétées par les plus grands ensembles de musique médiévale.

En vous souhaitant une belle  journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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