Archives par mot-clé : Tri Yann

Folk médiéval : « Mort a mors », l’hommage de Tri Yann à Anne de Bretagne

Portrait d'Anne de Bretagne, détail de la toile de Luigi

Sujet : folk médiéval, chanson, rondeau, poésie, Anne de Bretagne,  manuscrit français 23936.
Période : Moyen Âge tardif, XXe siècle.
Titre : « Si mort a mors »  
Auteur : 
Rondeau anonyme, chanson du XXe siècle.
Ensemble : Tri Yann
Album :
An heol a zo glaz / Le soleil est vert (1981)

Bonjour à tous,

ous vous invitons, aujourd’hui, pour un voyage qui va nous entraîner de la Bretagne médiévale de la fin du XVe siècle jusqu’au folk celtique du célèbre groupe Tri Yann.

Au cœur de cette aventure, nous découvrirons un rondeau ancien en hommage à Anne de Bretagne celle qui fut reine de France sous deux rois et une chanson plus récente inspirée de ce rondeau.

Anne de Bretagne,
Grande dame de France et de Bretagne

Enluminure d'Anne de Bretagne, Grandes Heures d'Anne de Bretagne, ms latin 9474, BnF (début XVIe)
Anne de Bretagne , ms latin 9474, BnF.

La guerre fait rage dans la Bretagne médiévale du XVe siècle et le duché est sujet à bien des convoitises par la couronne de France. Anne devient duchesse de Bretagne à 11 ans.

Au cœur de ces tensions et de ces conflits, la jeune noble devra manœuvrer et accepter des alliances qui scelleront le rattachement de la France à la Bretagne. Entre-temps, elle aura épousé deux rois de France en achetant une paix durable et se sera imposée comme une grande régente de France sous Louis XII.

Protectrice des intérêts de la Bretagne auxquels elle reste attachée ( bien que n’étant pas toujours en position de force pour s’imposer face à la couronne ) Anne de Bretagne a aussi eu l’occasion de se montrer comme une grande mécène, amoureuses des lettres et des arts. De fait, on la trouve entourée de nombreux artistes, poètes et musiciens. Meschinot a été à la fin de sa vie son maître d’hôtel mais des noms comme Jean Marot (père de Clément Marot), Fauste Andrelin de Forlì ou encore le compositeur Johannes Ockeghem pour ne citer qu’eux gravitent encore autour d’elle et de sa cour.

Le ms Français 23936 , Un Récit de funérailles

A la disparition d’Anne de Bretagne, de grandes funérailles furent données à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. La reine de France et duchesse de Bretagne fut ensuite inhumée en la basilique cathédrale de Saint Denis.

Enluminure, Anne de Bretagne reçoit un livre des mains de son auteur. <br>"Les Louenges du roy Louis" de Claude de Seyssel, ms Velins-2780, département Réserve des livres rares,<br>BnF (vers 1508).<br>

Anne de Bretagne , ms Velins 2780, BnF.

De nos jours, ceux qui visitent ce beau monument classé peuvent encore y admirer l’incroyable mausolée qu’édifièrent les plus fins artistes italiens en l’honneur d’Anne de Bretagne et son époux Louis XII.

En 1514, à la disparition de la noble reine, l’événement fut d’une si grande importance que le héraut d’Armes d’Anne de Bretagne en consigna tous les détails dans un manuscrit. L’ouvrage illuminé donna ensuite lieu à des copies sur instruction de Louis XII.

Certaines de ces copies ont traversé le temps dont le ms Français 23936 de la BnF. On y retrouve tous les textes dits à cette occasion et même aussi les enluminures décrivant toutes les étapes de la cérémonie. Sur cet article nous leur avons préféré des enluminures représentant la noble dame de son vivant.

Le rondeau "Mort a mort" dans le récit des funérailles d'Anne de Bretagne, manuscrit Français 23936 de la BnF
Le ms Français 23936 de la BnF à consulter sur biblissima.fr

Rondeau pour Anne de Bretagne (1514)

Parmi les nombreux textes et hommages versifiées à la dame, dont notamment le beau rondeau suivant :

Meurtris en cueurs, tristes en corps et ames,
Amassons pleurs, parfondons nous en larmes,
Regrectz gectons et cris en habondance,
Jamais n’ayons à plaisir acointance,
Mais plourons tant que soyons soubz les lames.
Perdu avons l’honneur de toutes dames,
La libérable à tous hommes et femmes,
Et ce secours qui nous laisse en souffrance:
Deul à jamais.

Ah! faulse mort, par tes cruelz alarmes
Osté nous as l’estandard et les armes,
Des nobles cueurs et de tous l’espérance:
Duchesse fuz et deux fois royne en France,
Or sommes nous par toy en piteulx termes:
Deul à jamais.


Si mort a mors par son aspre pointure
Le noble espoir de maincte créature.
Si mort a mors si haulte mageste,
Le lys en fleur de toute crestienté.
Si mort a mors le confort de noblesse;
Maincts haulx voulloirs sont atainctz de foiblesse.
Si mort a mors des pauvres la sustance,
Le bon conseil, des vices résistance.

Si mort a mors des vertueulx le mémoyre,
L’honneur de paix, l’unyon débonnayre.
Si mort a mors des tristes le confort
Et joye, l’accord, l’ayde du foible au fort.
Si mort a mors de gloire le mérite;
La doctrine des dames deshérite.
Si mort a mors de l’église la mère:
Plusieurs en ont affliction amère.

Si mort a mors le guydon de jeunesse,
Et l’estandart de tout féminin sexе.
Si mors a mors le zelle de justice:
Je tiens vaccant de mainct homme l’office.
Si mort a mors des Bretons la princesse,
Et des Français leur regrect n’a prins cesse.
Si,mort a mors des filles l’abitacle :
Las! griefs, soupirs en sont sous mainct pinacle.

Si mort a mors le cueur de si grant dame.
Prions à Dieu qu’il en veuille avoir l’âme.


« Si Mort a mors », L’hommage à Anne de Bretagne par Tri Yann


C’est donc ce texte poignant qui inspira, plus de 250 ans plus tard, à Jean Antoine Michel Chocun et Bernard Baudriller la belle chanson « mort a mors ».

Le travail proposé par les talentueux musiciens de Tri Yann ira bien au delà de la paraphrase et de l’adaptation en français moderne. Les paroliers se sont livrés là à une réécriture complète très loin du texte d’origine mais qui sait encore parler à nos imaginaires médiévaux.

La poésie reste au rendez-vous de ce très beau texte dont la mélodie et la musique proviennent d’une chanson traditionnelle irlandaise.

Le Folk Irlandais aux origines de l’inspiration

Aux origines de la reprise, une chanson traditionnelle irlandaise « An cailín Rua » qui conte l’amour d’un homme pour sa belle, une fille aux cheveux rouges. Cette chanson gaélique a été popularisée aux débuts des années 70 par le groupe de folk irlandais Skara Brae.

Il semble que la mélodie soit antérieure mais de nombreux titres identiques compliquent un peu les recherches. On trouve une chanson semblablement nommée abondamment citée dans les ouvrages de folklore locaux des débuts du 20e siècle mais les paroles en sont différentes. La mélodie traditionnelle remonterait au moins aux débuts du 19e siècle (1805) mais n’est pas celle utilisée par Skara Brae1. Affaire à suivre donc.


« Si mors à mors »
la chanson de Tri Yann

Si les matins de grisaille se teintent
S’ils ont couleur en la nuit qui s’éteint
Viendront d’opales lendemains
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si mort à mors duchesse, noble Dame
S’il n’en sera plus que poudre de corps
Dorme son cœur bordé d’or
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si moribonds sont les rois en ripaille
Si leurs prisons sont des cages sans fond
Viennent l’heure des évasions
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si mort à mors duchesse, noble Dame
S’il n’en sera plus que poudre de corps
Dorme son cœur bordé d’or
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si 1 000 soleils de métal prennent voile
10 000 soleils de cristal font merveille
Viennent des lueurs de vermeil
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si mort à mors duchesse, noble Dame
S’il n’en sera plus que poudre de corps
Dorme son cœur bordé d’or
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si 1 000 brigands à l’encan font partage
10 000 enfants des torrents font argent
Viennent des fleurs de safran
Reviennent des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.

Si mort à mors duchesse, noble Dame
S’il n’en sera plus que poudre de corps
Dorme son cœur bordé d’or
Reviendront des siècles d’or 100 fois 1 000 et 1 000 aurores encore.


L’album : « An heol a zo glaz – Le soleil est vert« 

La chanson de Tri Yann, en hommage à Anne de Bretagne, apparait la première fois dans l’album « An heol a zo glaz, Le soleil est vert » daté de 1981. Depuis, elle est devenue un des titres phares du groupe, entre de nombreux autres, et on la retrouve dans plusieurs albums dont tous les Best of de Tri Yann.

Du Folk écologique et militant

Sixième album de la formation nantaise trempée de folk breton, An heol a zo glaz, le Soleil vert se signe par son positionnement militant et écologique notamment contre la création de la centrale nucléaire de Plogoff. La guerre, l’agriculture intensive, le nucléaire et ses déchets, la révolte des habitants de Plogoff vont encore partie des thèmes abordés dans cet opus. Le titre « Guerre Guerre, vente vent » deviendra même un autre titre très remarqué de Tri Yann.

Le Groupe Tri Yann au moment de l'album le Soleil Vert (1981)

Pour le reste et d’un point de vue musical, la promesse est comme toujours tenue. Sur un peu plus de 42 minutes d’écoute, Tri Yann déroule son riche folk aux accents traditionnels et celtiques. Du côté des pièces proposées, suite écossaise, sonorités irlandaises, danses et musiques traditionnelles sont au programme.

Aux côtés de la chanson Mort a Mors évocatrice du Moyen Âge et d’Anne de Bretagne, on trouve encore d’autres références médiévales comme ce grand bal de Kermania-an-isquit, une ballade inspirée des danses macabres du Moyen Âge et notamment la fresque peinte sur la chapelle du même nom.

Les musiciens présents sur cet album

Jean-Louis Jossic (chant, bombarde, chalemie, flûtes, psaltérion), Jean-Paul Corbineau (chant, guitare), Jean Chocun (chant, guitare, mandoline), Bernard Baudriller (chant, basse, violoncelle, flûtes, dulcimer), Gérard Goron (chant, basse, percussions), et Christian Vignoles (guitares, basse chant) pour Tri Yann entourés de quelques autres collaborations : Jean-Louis Labro (chant), Joël Cartigny (chant), Pierre-Yves Calais (chant), Jean Luc Chevalier (guitare), Jacques Migaud (claviers).

Où se procurer l’album ?

Sauf à vouloir chiner chez les disquaires d’occasion, Le Soleil est Vert peut être assez difficile à trouver en vinyle. A défaut, voici un lien vers un Best Of de la formation nantaise dans laquelle la chanson apparait. Cette production est disponible au format CD ou MP3; Tri Yann, Le Meilleur.


British folk, folk médiéval et Moyen Âge réinventé des 70’s

Pour en dire un mot, différents facteurs peuvent expliquer la résurgence du Moyen Âge dans des périodes ultérieures à sa disparition. S’agit-il simplement de « mode » comme nous le disait Jacques le Goff ou de mouvements plus profonds ? Cela dépend sans doute des périodes et des événements de référence.

Peut-on comparer l’engouement pour les fêtes d’inspiration médiévale de fins de semaine avec les élans des romantiques du XIXe siècle et leur soif de Moyen Âge après les Lumières ? Cela mériterait des développements que cet article ne saurait couvrir. Une chose est sûre, quand il s’agit de conjuguer nos rêves au passé, princesses, châteaux et chevaliers n’en finissent pas d’hanter nos imaginaires.

Chez les musiciens et la génération qui avaient 20 ans dans les années 70, le monde médiéval semble s’être invité sur le terrain d’un rejet plus que pour des raisons simplement hasardeuses ou expérimentales. Et si les romantiques des XVIIIe et XIXe siècles avaient pu invoquer l’imaginaire médiéval au secours de leurs envies de changement, on connait la soif de nouveaux horizons de la génération de 68 et on a même pu parler, à son propos, de « romantisme révolutionnaire ».

Le folk anglo-saxon ouvre la voie

Pour faire un peu d’histoire, c’est vers la fin des années 60 que le folk britannique et américain se mettent à réinvestir la musique ancienne et le terrain de l’imaginaire médiéval. Dès lors, le Moyen Âge commence à refaire son apparition au milieu des claviers et des guitares électriques de certains groupes de rock progressifs ou de folk.

Les instruments d’époque viennent, quelquefois, se joindre aux instruments électriques et dans ces joyeuses expérimentations, la flute, les sonorités anciennes, et même les textes et référence brouillent un peu les lignes de démarcation. En bref, le monde médiéval y gagne en élasticité.

Les chansons traditionnelles et anciennes du folk irlandais ou anglais des XVIIIe et XIXe siècle viennent jouer sur un terrain perçu comme médiéval sans que les textes ou les mélodies en soient forcément directement inspirés. Le folk médiéval fusionne la modernité avec les références imaginaires.

Le goût des 70’s pour le Moyen-Âge

Plus généralement, ce Moyen Âge des années 70’s semble s’épanouir sur le terreau d’une contestation sociale ambiante. A la fin des années 60, le mouvement rock s’accompagne de l’idée de l’émancipation d’une certaine jeunesse vis à vis de la société post-industrielle et d’un rejet des traditions qu’avaient pu couver les générations précédentes.

Envie d’un retour aux sources, d’une émancipation des dogmes religieux et moraux, recherches peut-être aussi d’un ailleurs préindustriel plus écologique, moins rationaliste, plus onirique, moins matérialiste ? La communauté devient le nouvel horizon. Sur le plan spirituel, l’heure est aussi aux expérimentations individuelles et psychédéliques.

Le Moyen Âge évoqué a pu ainsi se voir investi de valeurs païennes, mystiques ou de cultes proches de la nature. C’est assez étonnant quand on considère la réalité chrétienne du Moyen Âge occidental mais il s’agit bien là d’une reconstruction (romantique ?) au service de la modernité.

A la la fin des années 60’s et des 70’s, on va aussi redécouvrir outre-Atlantique Le Seigneur des Anneaux de Tolkien. Loin de toute réalité historique, l’univers médiévalisant du génial universitaire britannique entre légendes nordiques et fantaisie trouvera de nombreuses résonnances chez les étudiants californiens à l’origine du mouvement des fleurs. Elle alimentera aussi cette idée d’un Moyen Âge onirique peuplée de magie, de créatures, de vertes communautés et de héros désintéressés. Musique, littérature, univers ludique, le Moyen Âge trouve là un terrain nouveau où s’épanouir.

Le Folk médiéval français

La France ne restera, bien sûr, pas insensible à ce mouvement musical, social et culturel, né dans les pays anglo-saxons. Les 70’s et même l’aube des 80’s seront propices à l’épanouissement du folk médiéval. Le mouvement verra se former des groupes comme Malicorne ou Mélusine et d’autres encore.

Les formations orientées sur la musique celtique et les chansons traditionnelles bretonnes inviteront, à leur tour, le monde médiéval et ses inspirations dans certains de leurs titres. Alan Stivell, Tri Yann comptent aux noms des grands groupes émergés durant cette période.

En Italie et même en France, il faut citer également Angelo Branduardi qui émerge sur la scène folk comme un troubadour poète sorti tout droit des temps médiévaux. Ses inspirations restent largement traditionnelles, folk ou même renaissantes mais il fait aussi largement place au Moyen Âge dans certains de ses titres.

A quelques formation près qui ont résisté au temps comme Tri Yann ou Branduardi, la tendance folk médiéval des années soixante-dix s’est un peu tassée avec le temps. Il faudra attendre les années 90 tardives à 2000 pour en voir de nouvelles résurgences, notamment au départ de l’Allemagne avec des groupes comme Corvus Corax ou Faun. En France, certaines formations vont même privilégier une approche plus métal et rock métal médiéval comme Sangdragon.

Il est possible que ce nouveau mouvement se soit aussi inscrit, en partie, dans un regain d’intérêt populaire pour le Moyen âge festif. La popularité croissante des fêtes ou festivals célébrant la période médiévale étant au rendez-vous, l’offre musicale s’est diversifiée.

En vous remerciant de votre lecture.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

NB : sur la photo d’entête, le portrait d’Anne de Bretagne en premier plan du manuscrit français 23936 est celui du peintre Luigi Rubio (1836)

  1. The Doegen Records Web Project, Irish Dialect Sound Recordings ↩︎

« Qui veut chasser une migraine » Une Chanson à boire de la renaissance qui s’invite dans le moyen-âge :

musique_chanson_a_boire_monde_medieval_gabriel_batailleSujet : chanson, musique médiévale, renaissance, chanson à boire, folk, musique ancienne.
Auteur : Gabriel Bataille (1575-1630)
Titre : qui veut chasser une migraine
Interprète : le groupe Tri Yann

Une chanson « médiévale » du début de la renaissance

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous faisons une incursion dans les XVI, XVIIe siècles pour présenter une chanson à boire que l’on dit souvent médiévale mais qui, en réalité, ne l’est pas, en tout cas, pas sous la forme musicale qu’on lui connait et qui est celle que nous vous proposons aujourd’hui. Ce ne sera pas la première fois, notez-bien, et il y a souvent une confusion ou quelquefois un abus, sur les choses du passé qui ont tôt fait de se retrouver médiévales quand elles sont, en réalité, de la renaissance, voir même des XVIIe, XVIIIe. De fait, il n’est pas rare que le monde médiéval glisse, en quelque sorte, de quelques siècles vers l’avant dans les esprits. Au fond, on peut en déduire que les lignes tracées par l’Histoire pour tenter de découper l’aventure humaine en période, ne sont pas toujours aussi évidentes ou claires que ça. Quoiqu’il en soit, cette composition: « qui veut chasser une migraine »  hérite de cela puisque elle date, quant à elle, de la renaissance plutôt que du moyen-âge.

Le vin, de l'église aux tavernes, enluminure tirée du Missel de Jacques de Beaune, Jean Bourdichon, début XVie siècle
Le vin, de l’église aux tavernes, enluminure tirée du Missel de Jacques de Beaune, Jean Bourdichon, début XVie siècle

Gabriel Bataille, maître de musique, joueur de Luth et compositeur à la cour

Pour mettre de l’eau au moulin de la confusion (de l’eau? quelle horreur!), on serait bien en peine de dater la tradition des chansons à boire; sans doute sont-elles aussi anciennes que les premières vignes et cette pièce du jour pourrait presque paraître sortie tout droit de la tradition des goliards du XIIe siècle, à ceci près qu’elle nous parvient en bon français du XVIIe siècle, à quelques lettres près pour la moderniser; elle devait, en effet, à fette époque compter plus de f que de s ou de c dans fon tefte que la verfion poftée ici.

musique_medievale_chanson_a_boire_gabriel_bataille_chanson_ancienneOn l’attribue à Gabriel Bataille (1575-1630), un musicien, joueur de luth et compositeur de la cour qui a connu un certain succès à son époque pour avoir notamment mis en tablature de luth un certain nombre de compositions et de chansons d’auteurs divers. Quand on feuillette ses ouvrages  et notamment le livre VI des Airs de Différents Auteurs mis en tablature de luth, – que l’excellente bnf a digitalisé et publié en ligne pour nous -, on trouve plutôt des histoires « d’amourettes » ou des textes à la gloire du bon roi et des princes, que cette ode à la boisson qui dénote même franchement du reste. La concernant, on en prête à Gabriel Bataille à la fois la paternité et la composition, même si je n’arrive rien à trouver qui établisse de manière certaine qu’il soit l’auteur du texte.

Tri-Yann, groupe folk mythique

Tri-yann une longue carrière au service du folk, et des musiques traditionnelles et anciennes

On trouve de nombreuses versions de cette joyeuse invitation à la débauche dans la qualité, interprétées par des formations diverses, avec certaines voix même quelquefois lyriques, mais, pour aujourd’hui, nous avons clairement penché pour cette version « roots », issue d’un esprit plus résolument « taverne » que « cour » (ouf! On s’y sent plus à l’aise).

Elle est Interprétée par le célèbre groupe Tri-Yann, la mythique bande folk de Nantes qui, depuis les années 70, nous font revivre avec bonheur les musiques celtiques et les chants de la Bretagne antique et traditionnelle et y ajoutent leurs propres créations et compositions. Pour notre plus grand plaisir, ils continuent de le faire 46 ans après et pour rester dans notre sujet, cela mérite un toast à leur santé! Longue vie Tri-Yann et merci pour toutes vos belles invitations au voyage! Le Dauphinois, en moi, pourrait être jaloux que ses terres n’aient point encore semblé trouver de troupes ou d’artistes qui puissent les chanter aussi haut et fort que vous chantez votre Bretagne de Coeur.

Logo groupe Tryann chansons folk folk medieval
Le logo du groupe Tryann revisité pour l’occasion avec les quatre éléments

Nous voulons aussi remercier ici Tri-Yann pour nous avoir répondu si gentiment et si rapidement sur ce projet d’article et pour nous avoir permis l’utilisation de cette vidéo mais aussi d’une photo, en accord également avec Eric Doll qui se charge du site web du groupe.  Merci encore!

Pour le reste, vous retrouverez ici sur le site web de Tri-Yann toute leur actualité et leurs nouvelles productions.


Les paroles de « qui veut chasser une migraine »

Qui veut chasser une migraine
N’a quoi boire toujours du bon
Et maintenir sa table pleine
De cervelas et de jambon.

L’eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon,
Vide-nous ce verre et nous le remplirons.

Le vin goûté par ce bon père,
Qui s’en rendit si bon garçon,
Nous fait discours tout sans grammaire
Et nous rend savant sans leçon.

L’eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon,
Vide-nous ce verre et nous le remplirons.

Buvons donc tous à la bonne heure
Pour nous émouvoir le rognon

Et que celui d’entre nous meurt
Qui dédira son compagnon.

L’eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte, compagnon,
Vide-nous ce verre et nous le remplirons.


Une belle journée à tous et, il nous faut bien l’ajouter,  puisque les législateurs se sont mêlés de nous l’expliquer (comme si nous n’étions pas assez grands pour le savoir),  que tout cela  soit dans la modération!

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes