Archives par mot-clé : chanson

« Hélas, mon cueur », une chanson courtoise du manuscrit de Bayeux

Sujet :  chanson, musique, médiévale, poésie médiévale,  manuscrit de Bayeux, amour courtois, loyal amant, courtoisie, chanson d’amour.
Période  : Moyen Âge tardif (XVe)
Auteur :  anonyme.
Titre :  Hélas, mon cueur n’est pas à moy
Interprète  : Ensemble La Maurache
Album :  Dance at the court of the Dukes of Burgundy (1988)

Bonjour à tous,

n ce mois de rentrée, nous reprenons notre exploration des chansons, de la musique et de la littérature du Moyen Âge avec une pièce tirée du célèbre manuscrit de Bayeux. Composé entre la fin du XVe siècle et les débuts du XVIe, ce bel ouvrage enluminé contient un peu plus de 100 chansons notées musicalement, datées, elles-mêmes, du XVe siècle.

Du point de vue des thèmes abordés, le manuscrit de Bayeux reste un chansonnier plutôt éclectique. Si l’amour et la lyrique courtoise y trouve une belle place, le travail de compilation a aussi fait la part à d’autres thèmes plus populaires : chansons satiriques et humoristiques, chansons à boire ou encore chansons plus politiques et narratives, … Aujourd’hui conservé au département des manuscrits de la BnF, dans un superbe état, il est aussi disponible à la consultation sur le site Gallica.

"Hélas, mon cœur" la chanson médiévale du jour et ses enluminures dans le chansonnier Ms Français 9436
La chanson du jour notée musicalement dans le Manuscrit de Bayeux original

Le chant courtois d’un amant dépossédé

La chanson du jour est une pièce inspirée de la lyrique courtoise. Il s’agit de la deuxième dans l’ordre du ms Français 9346 de la BnF, plus connu sous le nom de Manuscrit de Bayeux. Comme on le verra, l’amant implore sa douce amie de le garder en ses faveurs, tout en lui faisant des invitations explicites et même plutôt légères. On retrouvera également mentionner les éternels médisants (ici désignés comme envieux), qui accusent le poète de jouer un double jeu entre ses conquêtes. Est-il tout à fait loyal ? Peut-être pas tant que cela et le fait qu’il implore le pardon de la belle laisse quelque place au doute.

Autre difficulté de compréhension, la poète nous explique qu’il aurait composée cette chanson « à l’ombre d’un couppeau de moy« . Le mot pourrait désigner « le sommet d’un arbre couvert de ses premières feuilles » (cf Le Manuscrit de Bayeux, textes et musiques d’un recueil de chanson du XVe siècle, Théodore Gérold,1921). ie : une chanson composée « à l’ombre de mes (propres) frondaisons » ? On pourrait voir là une allusion printanière, finalement assez classique en lyrique courtoise. Quelle meilleure période, en effet, que celle du « renouveau » pour chanter l’amour ? L’auteur aurait-il voulu aussi jouer sur les proximités sonores entre les mots « mai » et « moé » ? « A l’ombre d’un couppeau de moé » … « A l’ombre d’un couppeau de may » ? C’est peut-être un peu capillotracté.

D’autres sens cachés sous les frondaisons ?

En creusant un peu, on trouve encore une définition de « coupeau » désignant le sommet d’une montagne ou le faîte de quelque chose. La poète aurait-il utilisé une image pour signifier « de toute sa hauteur » ? Autrement dit, « j’ai composé cette chanson avec tout ce que je possède, avec tout mon talent de plume » ? L’allusion aux frondaisons printanières semble largement plus parlante et sûrement plus dans l’esprit courtois.

En cherchant dans le dictionnaire de Trévoux, on retrouve encore une définition intéressante de « coupeau ». Au sens figuré, le vocable aurait désigné un mari trompé ou l’infidélité d’une femme à l’égard d’un homme. En l’absence de datation précise de cet usage dans le Trévoux, il est difficile de savoir si l’auteur a voulu jouer ici sur le double-sens des mots. Le cas échéant, cela pourrait éclairer d’autant sa supplique, en renforçant l’allusion sur sa tromperie et la clémence qu’il sollicite. En fait d’amant loyal, on aurait donc plutôt à faire à un amant léger et une chanson un peu plus grivoise ou railleuse qu’elle ne pourrait le laisser paraître ?

Dans l’attente de recherches plus approfondies, nous nous garderons de trancher entre toutes ses pistes. L’hypothèse courtoise au premier degré reste peut-être la plus évidente. N’hésitez pas à commenter si vous avez des éléments ou des idées sur la question.

L’ensemble la Maurache
& « la danse à la cour des ducs de Bourgogne »

Pour la version en musique, nous avons choisi une interprétation de l’ensemble de musiques médiévales et renaissantes La Maurache, sous la direction de Julien Skowron.

Musique et danse médiévales à la cour de Bourgogne, oar l'ensemble La Maurache

En 1988, la formation faisait paraître un album sur les danses du Moyen Âge tardif et de la Renaissance, à la puissante cour de Bourgogne : « La Danse à la Cour des Ducs de Bourgogne« . Entre basses danses, branles, pavanes et saltarelles mais aussi chansons, on pouvait y trouver 25 pièces musicales datées des XVe et XVIe siècles, exécutées avec brio. Pour être issues de l’Europe médiévale, les pièces présentées dans cet album restent de provenance et d’origines assez diverses et sont issues de manuscrits variés : de l’Allemagne, à la France, l’Italie ou l’Espagne d’alors. De fait, la chanson du jour est, en réalité, la seule à être tirée du manuscrit de Bayeux.

Avec près de 68 minutes d’écoute, cet album de choix, édité chez Arion, est sorti à l’occasion du quatrième centenaire de l’Orchésographie » de Thoinot Arbeau. On peut encore se le procurer à la vente au format CD ou même digitalisé MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations.

Musiciens ayant participé à cet album

Nicole Robin (chant soprano), Claudine Prunel (clavecin), Hervé Barreau (chant, bombarde, chalémie, cornemuse, instruments à vent), Francisco Orozco (chant, luth, guiterne, percussions), Julien Skowron (chant,  rebec, Jouhikko, Viole de gambe), Georges Guillard (orgue portatif, clavecin, régale), Marcello Ardizzone (orgue, rébec, viole de gambe, citole, tournebout, percussions), Bernard Huneau (chant, flûte traversière, flûtes, tournebout, bombarde, percussion), Louis Longo (Sacqueboute), Henri Agnel (luth, cistre, darbouka, crotales, percussions), Franceoise Delalande (Viole de Gambe, percussions), Muriel Allin (viole de gambe)


Hélas, mon cueur n’est pas à moy,
dans le moyen français du manuscrit de Bayeux


Hélas, mon cueur n’est pas à moy,
Il est à vous, ma doulce amye;
Mais d’une chose je vous prie:
C’est vostre amour, gardez le moy
C’est vostre amour, gardez le moy.

Bien heureux seroye sur ma foy,
Se vous tenoys en ma chambrette
Dessus mon lict ou ma couchette,
Plus heureus seroys que le roy
Plus heureus seroys que le roy.

Faulx envyeux parlent de moy
Disant de deulx j’en aymes une.
De cest une j’ayme chacune
Plus qu’on ne pence sur ma foy
Plus qu’on ne pence sur ma foy.

Je vous supply, pardonnez moy,
Et ne mectez en oubliette
Celuy qui la chanson a faicte
A l’ombre d’ung couppeau de moy
A l’ombre d’ung couppeau de moy.


Découvrir d’autres chansons du manuscrit de Bayeux ici :     le roy  engloys  –  La belle se siedUng espervier venant du vert boucaigeTriste plaisir & douloureuse joyeHélas Olivier Basselin

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

L’adieu à une « douce dame jolie » du maître de musique Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, loyal amant, trecento, compositeur florentin, virelai.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Adiu, adiu, dous dame jolie
Interprètes : Alla Francesca.
Album : Landini and Italian Ars Nova (1992)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à bord du vaisseau Moyenagepassion, pour un voyage en direction du trecento italien. Nous sommes, donc au début de la Renaissance italienne, dans un XIVe siècle qui correspond encore au Moyen-Âge tardif français et nous y découvrirons une nouvelle pièce de Francesco Landini.

La douleur du partir de l’amant courtois

La chanson du jour est un virelai. Elle appartient au registre de l’amour courtois, à l’image des autres compositions qui nous sont parvenues du maître de musique florentin. Cette pièce se distingue, toutefois, de celles que nous avons étudiées précédemment par sa langue ; elle est, en effet, en français ancien et non en italien, comme le reste de l’œuvre de Landini.

Sur le fond, le compositeur et poète nous contera la douleur de l’amant courtois, au moment de se séparer d’avec sa dame. Cette dernière est, ici, désignée par l’auteur comme sa « douce dame jolie » et on ne pourra s’empêcher de voir là, une claire évocation à la célèbre chanson de Guillaume de Machaut portant le même titre. Contemporain de Landini, le maitre de l’Ars Nova Français le précède d’une petite vingtaine d’années. On sait aussi que l’Ars nova français a notablement influencé la musique italienne de cette période, même si l’Ars nova qui s’est développé sur la péninsule italienne s’en démarque par son style et ses particularités.

Aux sources anciennes de cette chanson

La chanson "Adieu douce dame jolie" de Landini dans le codex Squarcialupi, de la Bibliothèque Laurentienne de Florence
Une « Douce dame Jolie » » à la façon de Francesco Landini

Du point de vue des sources anciennes, on pourra retrouver cette chanson de Francesco Landini, avec sa partition dans le célèbre codex Squarcialupi (le Med Palat 87). Daté du XV siècle, ce manuscrit richement enluminé est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. En cherchant un peu, on peut également le trouver en ligne, sous une forme digitalisée.

L’hommage à Landini et à l’Ars Nova,
de l’ensemble ‘Alla Francesca

Pour la version en musique de ce chant polyphonique, nous vous proposons l’interprétation qu’en avait fait la célèbre formation médiévale française Alla Francesca, il y a déjà quelque temps déjà.

En 1991, soit l’année suivant sa création, l’ensemble de musiques anciennes et médiévales Alla Francesca partait, donc, à la découverte de Francesco Landini et de l’Ars Nova italien. Ce thème leur a même fourni l’occasion de leur toute première production. En terme de discographie, Alla Francesca en est, désormais à son vingtième album pour plus de trente ans de carrière. C’est dire le chemin parcouru par cette excellente formation depuis ses premiers pas.

L'album de musiques médiévales et d'Ars Nova de Alla Francesca

Cet album, sorti en 1992 sous le titre « Landini and Italian Ars Nova » propose un total généreux de 17 pièces, pour 55 minutes d’écoute. La formation attachée au Centre de musique médiévale de Paris signait là un vibrant hommage à l’Ars Nova florentin. Et si l’œuvre de Francesco Landini y trouve une place de choix, elle y côtoie aussi des pièces de Jacopo da Bologna, Ghirardello et Lorenzo da Firenze, et encore quelques autres compositeurs italien de cette période, dont des anonymes.

Plus de trois décennies après sa sortie, ce bel album peut encore se trouver à la vente au format CD, chez votre disquaire habituel ou encore en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Landini and Italian Ars Nova, Alla Francesca (1992).

Musiciens ayant participé à cet Album

Catherine Joussellin (voix, vièle, percussion), Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion), Emmanuel Bonnardot (voix, vièle, rebec), Pierre Hamon (instruments à vents, cornemuses, flûtes, percussion)


Adiu, adiu, dous dame jolie,
dans la langue d’oïl de Landini

Adiu, adiu, douce dame jolie,
kar da vous si depart lo corps plorans
Mes a vous las l’esprit et larme mie.

Lontan da vous, aylas, vivra dolent.
Byen che loyal sera’n tout ma vie.

Poyrtant. ay! clere stelle. vos prie
Com lermes e sospirs tres dous mant
e
Che loyaute haies pour vestre amye.

Les paroles en français actuel

Adieu, adieu, douce dame jolie,
Car de vous je me sépare le corps en pleurs,
Mais je laisse près de vous mon esprit et mon âme.

Loin de vous, hélas, je vivrai dans la peine,
Bien que je vous demeurerai loyal toute ma vie.

Voilà pourquoi, hélas, claire étoile, je vous prie
Avec larmes et très doux soupirs et vous enjoins
De garder votre loyauté pour votre amant.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

« Amours & ma Dame aussi », un rondeau amoureux du trouvère Adam de La Halle

Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras,  chant polyphonique, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur :  Adam de la Halle (1235-1285)
Titre : Amours et ma dame aussi
Interprète : Ensemble Micrologus
Album: 
Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion (2004)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous proposons la découverte d’une nouvelle pièce du trouvère Adam de la Halle. Cet auteur compositeur prolifique du XIIIe siècle, nous a légué une œuvre abondante et variée qui a fait de lui, plus que « le dernier des trouvères » comme on l’a souvent appelé, un des premiers compositeurs en langue d’oïl de la France médiévale.

Un rondeau courtois à mains jointes

La chanson médiévale du jour a pour titre « Amours et ma dame aussi« . Il s’agit d’un rondeau polyphonique à 3 voix et donc d’une pièce courte. Dans le registre profane, elle nous offre un nouvel échantillon de la lyrique courtoisie du trouvère d’Arras.

Sur le fond, le contenu de ce rondeau reste simple et épuré. Le poète a aperçu la grande beauté d’une dame et son cœur en a été transpercé. Désormais, il est condamné à implorer cette dernière, mais aussi « Amour », autrement dit, le sentiment amoureux personnifié auquel les troubadours et les trouvères ne cessent de s’adresser directement. Que l’un ou l’autre veuillent bien lui accorder miséricorde et le délivrer de cet aiguillon ardent qui l’a enchaîné d’un seul regard, car si la belle n’accepte de lui céder, il lui faudra souffrir le martyre d’amant courtois : incapable de se soustraire à l’emprise de la dame, ce sera alors un bien funeste jour que celui où il aura découvert sa beauté.

Sources manuscrites médiévales

On pourra retrouver ce rondeau avec sa partition ancienne dans le manuscrit médiéval ms Français 25566. Cet ouvrage ancien mêle partitions, chansons et autres pièces littéraires des XIIe et XIIIe siècles. Il est également connu sous le nom de chansonnier W. Daté de la fin du XIIIe ou des débuts du XIVe siècle, il est originaire de la cité d’Arras qui a donné naissance, durant cette période du Moyen Âge central, à de nombreuses vocations artistiques.

L’œuvre d’Adam de la halle tient une place de choix dans ce manuscrit d’époque entre chansons, rondeaux, motets, mais encore pièces de théâtre. Avec plus de 280 feuillets, cet ouvrage enluminé et annoté musicalement permet aussi au trouvère d’Arras de côtoyer un grand nombre d’autres auteurs de cette période dont Jean Bodel, Richard de Fournival, Huon de Méri, Baudouin de Condé.

Le rondeau d'Adam de la Halle dans le manuscrit médiéval Français 25566 de la BnF.
Le rondeau du jour dans le manuscrit médiéval ms Français 25566 de la BnF (gallica.fr)

Une version de l’ensemble Micrologus

Pour l’interprétation en musique de la pièce du jour, nous avons penché pour la version de l’Ensemble Micrologus et sa belle orchestration.

Depuis sa fondation, dans le courant de l’année 1984, cette formation italienne dont la musicienne et chanteuse Patrizia Bovi est devenue l’une des figures emblématiques, s’est fait une spécialité des musiques du Moyen Âge. En privilégiant une approche ethnomusicologique, l’ensemble a produit pas moins de 36 albums, dont 26 collent au répertoire médiéval, pour une dizaine d’autres plus libres et expérimentaux. A l’occasion d’une carrière exceptionnelle qui fêtera bientôt ses 40 ans, le travail de Micrologus a été récompensé, à de nombreuses reprises, par des prix et mentions.

Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion, l’album

L'album de Micrologus sur Adam de la Halle et le jeu de Robin et Marion

En 2004, l’ensemble médiéval faisait paraître un album sur les pas d’Adam de la Halle. Sous le titre Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion et sur près de soixante minutes d’écoute, on y trouvait un mélange de nombreuses pièces du trouvère.

En terme de sources manuscrites, le ms Français 25566 y tenait une bonne place, aux côtés du codex de Montpellier H196, du codex Bamberg (Staatsbibliothek Bamberg Msc Lit 115) ou même encore du manuscrit du Roy (le ms français 844). A sa sortie, ce bel album fut largement salué par la scène médiévale et les revues spécialisées dans les musiques anciennes. Près de 20 ans après sa sortie, on peut encore le trouver édité chez Harmonia Mundi, à la commande chez votre disquaire préféré ou en ligne au lien suivant.

Membres de Micrologus présents sur cet album

Patrizia Bovi (voix, harpe gothique, instruments à vent), Adolfo Broegg (luth, guiterne), Gabriele Russo (viole, cornemuse, instrument à vent), Leah Stuttard (harpe médiévale et gothique), Goffredo Degli Esposti (chalemie, percussions, flute traversière, instruments à vent), Sofia Laznik-Galves (voix), Olivier Marcaud (voix), Mauro Borgioni (voix), Simone Sorini (voix), François Lazarevic (cornemuse), Luigi Germini (trompette), Gabriele Miracle (percussions).

La partition moderne du rondeau médiéval "Amours et ma dame aussi" de Adam de la Halle
« Amours et ma dame aussi » partition ancienne et moderne de ce rondeau du XIIIe siècle

Amours et ma Dame aussi*,
en langue d’oïl & en français actuel

Amours et ma Dame aussi,
Jointes mains vous proi merchi.
Votre grant biauté mar vi
Amours et ma Dame aussi.


Jointes mains vous proi merchi
Se n’avés pité de mi
Votres grant biautés mar vi
Amours et ma Dame aussi, etc.

Amours et ma Dame aussi,
J’implore votre grâce (miséricorde) à mains jointes
Hélas, pour mon malheur
(1), je vis votre grand beauté
Amours et ma Dame aussi.

Je vous implore à mains jointes
Si vous ne me prenez en pitié
Hélas, pour mon malheur, je vis votre grand beauté
Amours et ma Dame aussi, etc.


Notes

(1) mar : par malheur, mal à propos. On comprend bien la nature déguisée et la flatterie sous-jacente de la tournure.

* NB : ce rondeau est à rapprocher d’un autre rondeau très semblable d’Adam de la Halle. La parenté des deux pièces montrent bien la nature littéraire de l’exercice courtois :

A jointes mains vous proi,
Douche dame, merchi.
Liés sui quant (je) vous voi.
A jointes mains vous proi,

Ayez merchi de moi
Dame, je vous en pri.
A jointes mains vous proi,
Douche dame, merchi.



En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Le rondeau joyeux d’un amant amoureux par Adam de la Halle

Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras,  chant polyphonique, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur :  Adam de la Halle (1235-1285)
Titre : Bonne amourete me tient gai
Interprète : Ensemble Sequentia
Album: 
Trouvères, chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil (1987)

Bonjour à tous,

ous repartons, aujourd’hui, au XIIIe siècle et dans le nord de France, pour y découvrir un nouveau rondeau courtois d’Adam de la Halle. Ce célèbre trouvère qu’on trouve aussi référencé dans les manuscrits comme le bossu d’Arras, est considéré comme un des derniers trouvères. Il préfigure, en effet, par son œuvre à la fois monodique et polyphonique, les premiers compositeurs du Moyen Âge central et nous a laissé des pièces variées qui sont encore jouées, de nos jours, par les meilleurs ensembles médiévaux.

Un rondeau courtois plein de légèreté

La chanson du jour est un nouveau rondeau polyphonique courtois. On y trouvera le poète tout en joie d’être en amour et d’avoir trouvé une compagne. La pièce est courte, rondeau oblige, et bien qu’elle soit dans la vieille langue d’Oïl d’Adam de la Halle quelquefois un peu ardue, sa compréhension ne pose guère de difficultés.

La chanson Bonne Amourette d'Adam de la Halle dans le Chansonnier médiéval W ou MS Français 25566.

Pour ce qui est des sources manuscrites, nous avons choisi de vous présenter ce rondeau courtois tel qu’on le trouve dans le manuscrit médiéval Français 25566 de la BnF, connu également sous le nom de chansonnier français W. Sur plus de 280 feuillets, cet ouvrage originaire d’Arras et daté du XIVe siècle contient un grand nombre de pièces, entre chansons notées et pièces littéraires d’auteurs divers. Vous pouvez le consulter, à tout moment, sur le site Gallica.fr.

Les grands trouvères des XIIIe et XIVe siècles
par l’ensemble Sequentia

Bonne Amourette d’Adam de la Halle, par l’ensemble Sequentia

Une fois de plus, nous avons choisi, pour l’interprétation musicale de ce rondeau, l’incontournable double-album « Trouvères, Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (Trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) de l’Ensemble médiéval Sequentia, sous la houlette de Benjamin Bagby et de Barbara Thornton.

Le double-album Trouvères de l'ensemble médiéval Sequentia.

Enregistré en 1982 et sorti au format CD en 1987, ce double opus et ses 43 pièces continuent de faire référence en matière de musique médiévale des XIIIe et XIVe siècles. Comme nous lui avions déjà dédié un long article, nous vous invitons à vous y reporter pour en savoir plus sur cette anthologie musicale.

Bien qu’il ait été réédité chez Sony en 2009, ce double-album peut s’avérer un peu difficile à trouver. Pour le débusquer, quelques recherches seront donc à prévoir chez votre disquaire préféré. En ligne, il est disponible sur un certain nombre de plateformes, au format MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations.

Musiciens & artistes ayant participé à cet album

Barbara Thornton (voix, chifonie), Benjamin Bagby (voix, harpe, organetto), Margriet Tindemans (violon, psaltérion), Jill Feldman (voix), Guillemette Laurens (voix), Candace Smith (voix), Josep Benet (voix), Wendy Gillespie (violon, luth).

Les partitions anciennes et modernes de la chanson médiévale "Bonne amourette" du trouvère Adam de la Halle.

Bonne amourete me tient gai
dans le vieux français d’Adam de la Halle

Bonne amourete
Me tient gai ;
Ma compaignete
* ;
Bonne amourete,
Ma cançonnete
Vous dirai.
Bonne amourete
Me tient gai.

*compaignete : petite compagne


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.