Sujet : fabliau médiéval Titre : la housse partie Auteur : le trouvère Bernier Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Média : lecture audio, vidéo utube
Bonjour à tous !
‘espère que tout va bien de votre côté du monde et que la vie vous apporte chaque jour un peu de ce bonheur ineffable qu’il est quand même difficile de connaître sans être vivant. Nous vous proposons aujourd’hui une lecture audio du fabliau « la housse partie » du trouvère Bernier pour replonger encore dans la musique de cette langue médiévale et de ce vieux français, si loin et si proche de nous, à la fois.
« Où qu’elle est la housse partie? »
Alors, par contre, autant quand même le préciser d’entrée de jeu, si vous venez juste par hasard d’atterrir sur ce blog dédié au monde médiéval, cette « housse partie » n’a pas grand chose à voir avec une réunion de gens bizarres, éventuellement amateurs de psychotropes et qui dansent pendant plusieurs jours de suite, dans un champ, sur des rythmes endiablés. En plus, ça ne s’écrit pas du tout pareil, donc bon… Pour être clair, la housse partie dont il s’agit ici est un fabliau et pas du tout un festival techno, dont le titre signifie « la couverture coupée en deux ». Du coup, autant être honnête, pour ceux qui sont peut-être là par hasard, à la suite d’une erreur de frappe dans google, à la recherche de l’adresse du prochain festival rave underground qui déchire, ça risque d’être un peu compromis, mais bon, si vous en êtes, restez quand même, ça ne mange pas de pain, en plus nous avons mis une musique qui pète à la fin de la vidéo.
Les chiens, le cinéma chinois et un ouzbek problématique.
our le reste, afin de ne pas trop corser l’exercice et parce que c’est bien aussi pour apprendre, cette fois-ci, les deux versions vieux françois et français moderne sont présentes dans la vidéo. Cela permet encore de se rendre compte que le français médiéval et le français moderne sont quand même des langues plus proches entre elles que l’ouzbek ne l’est du pékinois (le langue pas le chien) et je dis ça bien sûr sans animosité aucune. J’ai toujours aimé les chiens, j’adore le cinéma et la cuisine chinoise. Bon, tant pis, avouons-le, concernant mon niveau d’ouzbek, il plafonne par contre résolument à des niveaux voisins de zéro, voir de moins un, ce qui aurait surement le mérite de déclencher l’hilarité de plus d’un local, même s’il n’est pas dans mes projets immédiats de me rendre en terre Ouzbek.
Sujet : fabliau Titre ; la housse partie Auteur présumé : le trouvère Bernier Période : XIIIe siècle, moyen-âge central Tiré de l’ouvrage : morceaux choisis des auteurs français, moyen-âge et seizième siècle. XIXe siècle. Auteur : Louis Petit de Julleville
Bonjour à tous,
ujourd’hui nous vous proposons une adaptation, traduction et mise en vers d’un fabliau du moyen-âge, plus précisément du XIIIe siècle, qui a pour titre: « La housse partie ». En français moderne, on pourrait traduire ce titre par « la couverture partagée » ou « coupée en deux ». Au passage, il est intéressant de noter que l’espagnol a gardé du latin ce sens de « partager » : « compartir » partager des biens de la nourriture avec autrui et encore « partir »: séparer, couper en deux. Dans le mot « partir » en français, l’étymologie est la même et vient du latin « partire » (séparer) et il y a encore finalement ce sens de séparation mais le verbe « partir » dans le sens de « faire des parts » n’est plus usité.
Ce fabliau « la housse partie » est attribué au trouvère Bernier et nous l’avons tiré d’un ouvrage du XIXe siècle, « Morceaux choisis des auteurs français, moyen-âge et seizième siècle », de Louis Petit de Julleville (1841-1900), érudit, docteur es lettres et professeur de littérature médiévale. La version de ce fabliau que nous présentons ici est la même que la sienne, à ceci près bien sûr que nous l’avons adapté en vers. C’est une version un peu raccourcie qui passe, assez rapidement, sur l’introduction du fabliau pour aller au coeur de l’histoire et jusqu’à sa fin.
Vous noterez, au passage, les similitudes du langage employé dans ce fabliau avec celui de Rutebeuf – le testament de l’âne – que nous avions déjà adapté en vers ici et même mis en lecture audio. Je ne parle pas, bien sûr, que du vocabulaire mais également des tournures et du style.
Le Début de l’histoire
Pour permettre à son fils de marier une noble, un riche bourgeois d’Abbeville lui a cédé tous ses biens; l’homme vit donc, désormais, chez le couple mais sa belle fille, lassée de l’entretenir presse son mari de mettre son père dehors ce que l’époux ingrat autant que soumis consent finalement à faire.
La couverture partagée »
Traduction, adaptation en vers
Celui qui sa femme redoute
Maintenant vient trouver son père
Et lui dit d’un air empressé
« Père, père, allez-vous en.
Allez chercher pitance ailleurs,
On vous a donné à manger
En ce logis douze ans ou plus
Mais faîtes vite et sans tarder »
Le père l’entend, durement pleure,
vient à maudire le jour et l’heure
Qui l’ont fait vivre si longtemps:
« Ha! Beau doux fils que me dis-tu?
Par Dieu, si honneur tu me portes
Laisse-moi ici devant la porte
J’y occuperais peu de place
ne demanderais point de feu
ni courte-pointe ni tapis
Je me tiendrai dehors, ici
sous le couvert de l’appentis
fais-moi porter un peu de paille.
(Le fils, hélas, reste intraitable,
Et voilà le père qui s’en va,
Mais avant de sortir de là
Il supplie encore son fils
de lui concéder un service)
« Beau doux fils, tout mon coeur tremble
Je redoute tant la froidure
Donne moi une couverture
De celle dont tu couvres ton cheval
Que le froid ne me fasse mal. »
Pressé de s’en débarrasser
et voyant qu’il ne peut le faire
s’il ne lui donne quelque chose
Avant que son père s’en aille
L’homme fait appeler son fils
Quand il l’appelle l’enfant accourt
« Que vous plait sire? » dit l’enfant
« Mon cher fils, je te demande
Si tu trouves l’étable ouverte,
donne à mon père la couverte
qui est sur mon cheval noir.
(L’enfant descend à l’écurie,
Prend la couverte sur la bête,
La coupe en deux et s’en revient
Une moitié dans une main.
« Pourquoi donc l’as-tu coupée? »
Demande le père irrité.
Donne-lui au moins les deux moitiés! »)
« Je n’en ferais rien, dit l’enfant
Avec quoi seriez-vous payé?
Je vous en garde l’autre moitié!
Car de moi vous n’aurez pas plus
Et si je suis un jour le maître
je serais juste avec vous
Comme vous le fûtes envers lui.
Et comme il vous légua ses biens
Pareillement je les veux bien
Et de moi, alors n’obtiendrez
Qu’autant que vous lui donnerez
Si le laissez mourir chétif
Tel ferais de vous si je vis
Le père l’entend et puis soupire
entre en lui-même et réfléchit
Et des paroles que l’enfant dit
L’homme, un grand exemple, prit
Lors, vers son père tourna le chef,
« Père fait-il, revenez donc là,
C’était le Diable et le péché
qui, par ma bouche, s’exprimaient
Mais qu’a Dieu plaise, ce ne peut-être
Et je vous fais seigneur et maître
de ma maison à tout jamais… »
Le texte original en vieux français
Cil qui sa fame doute et crient Maintenant a son père vient, Ce li ad dit isnelement : « Pères, pères, alés vous enl… Alès vous aillors porchacier. On vous a doné a mangier En cest ostel douze ans ou plus. Mes fetes tost, si levés sus… » Li peres l’ot, durement pleure, Sovent maudit le jor et l’eure Qu’il a tant au siècle vescu : « Ha, biaus dous fis, que me dis-tu?’ Por Dieu itant d’onor me porte Que ci me lesses a ta porte. Je me girrai en poi de leu. Je ne te quier ne point de feu, Ne coûte pointe ne tapis, Mes la fors sous cel apenlis Me fai baillier un pou d’es train. »
(Comme le fils reste intraitable, le vieillard s’éloigne mais avant de sortir, il supplie qu’on lui donne au moins une couverture pour se prémunir du froid.)
Biaus dous fis, tos li cuers me tremble, Et je redout tant la froidure. Done moi une couverture De qoi tu cuevres ton cheval, Que li frois ne me face mal. » Cil qui s’en bee a descombrer Voit que ne s’en puet délivrer S’aucune chose ne li baille. Por ce que il veut qu’il s’en aille, Commande son fil qu’il li baut. Quant on le huche, l’enfes saut : « Que vous plest, sire? dist l’enfant. « Biaus fis, fet-il, je te commant Se tu trueves l’estable ouverte Done mon pere la couverte Qui est sus mon cheval morel… »
(L’enfant descend à l’écurie, trouve la couverture, la coupe en
deux et en rapporte la moitié : « Pourquoi l’as-tu coupée?, demande le père irrité. Donne-lui au moins les deux parts! »)
» Non ferai, dit l’enfes, sens doute . De qoi seriiés vous paiié? Je vous en estui la moitié, Que ja de moi n’en avrés plus, Si j’en puis venir au desus. Je vous partirai autressi Comme vous avés lui parti. Si comme il vous dona l’avoir Tout ausi je le vueil avoir. Que ja de moi n’en porterés Fors que tant com vous li donrés. Se le laissiés morir chetif, Si ferai je vos, se je vif. » Li peres l’ot, parfont souspire, Il se repensse et se remire ; Aus paroles que l’enfes dist, Li peres grant exemple prist.
Vers son pere torna sa chiere: « Peres, fet-il, tornés arriere. C’estoit enemis et pechié Qui me cuide avoir aguetié : Mes se Dieu plest, ce ne puet estre Or vous fas-je seignor et mestre De mon ostel a tos jors mes…. »
Voilà, mes amis, un peu de saveur médiévale sur la gratitude des enfants que nous aurons réussi à partager, nonobstant la mauvaise humeur manifeste de l’équidé atrabilaire qui s’est invité sur cette page et qui, visiblement n’aura pas apprécié l’histoire, on se demande bien pourquoi. Quoiqu’il en soit et concernant notre fabliau, il est heureux que les temps aient changé!
Fred
pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »