Sujet : Belgique médiévale, manuscrits anciens, manuscrits médiévaux, ducs de Bourgogne, musée, polyphonies, compositeurs franco-flamands. Période : Moyen Âge tardif à Renaissance Evénement : réouverture du KBR Lieu : KBR Museum, Mont des Arts 28, Bruxelles. Date : du 23 mai au 25 mai 2025.
Bonjour à tous,
‘agenda des événements sur le thème médiéval nous entraînera, cette fin de mois, vers Bruxelles, en direction du KBR Museum. L’ancienne Bibliothèque Royale de Belgique avait fermé ses portes, en janvier 2024, pour entreprendre de vastes travaux de rénovation.
A plus d’un an de là, l’institution belge s’apprête, de nouveau, à accueillir des visiteurs venus de toute l’Europe. Du vendredi 23 mai au dimanche 25, le KBR fêtera dignement cette réouverture avec le plein de surprises. Nouvelles expositions, scénographie enrichie et immersion accrue, de nombreuses autres activités viendront encore complétées le programme.
Une Réouverture en Grand au KBR Museum
La prestigieuse bibliothèque nationale belge a la particularité de conserver, en son sein, des dizaines de milliers de documents historiques.
Au cœur de ce fonds, le KBR Museum détient une superbe collection de manuscrits médiévaux : la librairie des ducs de Bourgogne. Ce véritable trésor date du temps où la Flandre était encore sous la coupe des seigneurs bourguignons. Cette riche collection donnera, à nouveau, le ton de cette réouverture. Du point de vue historique, le Moyen Âge tardif et le XVe siècle y seront donc particulièrement à l’honneur.
Exposition des Manuscrits des Ducs de Bourgogne
A la mort de Charles le Hardi (1433-1477) dit Charles le Téméraire, 4eme duc de Bourgogne de la maison de Valois, on recensait 1000 manuscrits dans la bibliothèque des puissants bourguignons. La bibliothèque bruxelloise en conserve, aujourd’hui, près de 300, autant dire un joyau patrimonial, fait de nombreuses pièces uniques.
Les conservateurs du KBR soignent de très près cette collection de riches manuscrits médiévaux enluminés et le musée ne se prive pas de les exposer pour le plus grand plaisir du public. On se souvient de certaines pièces rares comme la Rijmbijbel de Jacob van Maerlant ou l’étonnant codex noir desBasses Danses de Marguerite d’Autriche.
Tous ces manuscrits historiques sont extrêmement fragiles et ne peuvent rester exposés, de manière permanente. Pour ne pas les altérer, les expositions tournent régulièrement, en donnant aux visiteurs de nouvelles excuses pour revenir au musée. Dès sa réouverture, le KBR Museum continuera, bien sûr, d’exposer les plus belles pièces de cette collection aux yeux des visiteurs.
Une Immersion sonore à la découverte des Maîtres de la polyphonie
Dans ses expositions comme ses activités, le KBR porte une attention particulière aux arts franco-flamands du XVe siècle. Peintres, sculpteurs et enlumineurs médiévaux y trouvent une place de choix. Ces derniers sont particulièrement choyés : secret de créations des pigments, techniques calligraphiques, étude des supports et parchemins, etc… Les érudits du musée proposent régulièrement des ateliers permettant de mettre la main à la pâte.
Grande nouveauté, en 2025, le KBR complète son approche multifacette des arts du XVe siècle avec une nouvelle expérience immersive. Le musée enrichit, en effet, sa scénographie d’un nouveau parcours sonore à la découverte des maîtres de la polyphonie franco-flamande du XVe siècle.
Dès la journée du 23 mai, de nouvelles visités guidées ne manqueront pas de souligner cette nouvelle dimension du musée. L’immersion sonore débutera même dès l’ascenseur panoramique, pour s’étendre sur les terrasses du musée tout récemment rénovées.
Concerts, ateliers, conférences : au cœur de la musique polyphonique
En plus des visites guidées, des concerts viendront animer ces journées de réouverture, dès le 23 mai. Le vendredi soir, un concert des Voix de Bruxelles sera suivi de sonorités plus électro sur le thème « Polyphonic Grooves ».
Les journées du 24 et du 25 seront, elles aussi, particulièrement animées musicalement entre conférences, ateliers et concerts sur le thème de la musique polyphonique du Moyen Âge tardif et de la Renaissance.
Campement médiéval et danses renaissantes
Pour ajouter à l’ambiance, les amateurs de reconstitution historique pourront profiter d’un campement médiéval avec ateliers et animations variées, les 24 et 25. La troupe médiévale en charge de cette activité ne dérogera pas du thème historique et transportera ses spectateurs au cœur du duché Bourguignon du XVe siècle.
La journée du 25 mai poursuivra les activités sur le même rythme avec de nouveaux ateliers et performances vocales. Dans l’après-midi, des reconstituteurs et passionnés de danses renaissantes et historiques feront aussi revivre les danses de cour du XVe siècle.
Exposition numismatique sur l’Histoire de la Belgique
Terminons cette revue d’actualité du KBR en débordant un peu de la période médiévale. Jusqu’au 31 juillet 2025, les férus de numismatique et d’Histoire y trouveront aussi leur bonheur. Une grande exposition sur l’Histoire de la Belgique à travers ses monnaies leur permettra de découvrir des pièces et médailles rares sur une période allant des gaulois jusqu’au Moyen Âge et au delà.
Voilà mes amis. Toutes voiles dehors donc! Si vous êtes à quelques encablures de Bruxelles à la fin mai, vous serez où y jeter l’ancre !
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : poésie réaliste, littérature médiévale, poète médiéval, poète bourguignon, Bourgogne médiévale, vieillesse. Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle Auteur : Michault (ou Michaut) le Caron, dit Taillevent ( 1390/1395 – 1448/1458) Titre : Le passe-temps
Bonjour à tous,
ous vous invitons, aujourd’hui, à un nouveau voyage vers les rives du Moyen Âge tardif. Ce sera l’occasion de retrouver les beaux talents de plume de Michault le Caron dit Taillevent. Au XVe siècle, ce poète et acteur à la cour de Bourgogne laisse une œuvre plutôt fournie dans laquelle se distingue, particulièrement, son « Passe-temps ». C’est de ce joli poème de quatre-vingt huit septains dont nous poursuivrons ici l’étude. Du point de vue de la langue, nous nous situons donc dans le moyen français.
Souvent confondu avec un autre Michault – Pierre Michault, l’auteur de la Danse aux Aveugles (*) – il semble que notre poète du jour n’ait pas connu une destinée posthume à la hauteur de ses talents d’écriture. Loin de la renommée d’un Rutebeuf ou d’un Villon, le Passe-Temps de Michault le Caron a pourtant des qualités qui devrait lui réserver une belle place dans certaines anthologies de poésie médiévale de langue française. Au début du XXe siècle, Pierre Champion ne s’y est pas trompé qui lui fit une belle place dans son Histoire poétique du XVe siècle (Edition Honoré Champion, 1923).
Vieillir au Moyen Âge
Dans les courants du Moyen Âge central à tardif, les auteurs médiévaux n’ont pas manqué d’aborder le thème de la vieillesse. Peu avant Michault Taillevent et pour n’en citer qu’un, on pense notamment à Eustache Deschamps qui s’est souvent plaint de l’hiver de sa vie, quitte à se tourner quelquefois même en dérision (voir par exemple, « Pardonnez-moi car je m’en vois en Blobes » ou « Toute maladie me nuit« ). Problèmes de santé, ostracisation sociale, déboires économiques, mais encore misère psychologique, Eustache n’a pas tari de détails au moment d’exprimer les misères de l’âge.
Quelques temps après lui, le texte de Michault Taillevent résonne comme un témoignage poignant sur les outrages de l’âge mais aussi sur la nostalgie du temps passé. Vieillesse et pauvreté ne font pas bon ménage. Sous la plume de l’auteur du XVe siècle, l’infortuné tombé dans cette double condition se trouve accablé de tous les maux. La nostalgie et la misère ne suffisent pas. Il faut encore que la justice et la rumeur l’accablent en le traitant pis que larron. Solitude, difficultés, stigmatisation, la vieillesse se pose donc aussi comme l’histoire d’une marginalisation.
Un joli Passe-temps sur le fond et la forme
Bien sûr, il n’est pas question de faire de ce poème médiéval de Taillevent, un archétype de la vieillesse au Moyen Âge. D’abord, nous n’en avons pas les moyens dans le cadre de cet article et ce serait encore sans compter sur les disparités du Moyen Âge au long de ses 1000 ans d’histoire.
Ensuite, même en restant focalisé sur le XVe siècle, on imagine bien qu’un petit paysan dauphinois, un riche bourgeois des villes ou encore un abbé cistercien n’étaient pas égaux face aux vicissitudes de l’âge. Rentes et possessions, présence d’un entourage ou d’une communauté monastique, réalité de l’espérance de vie, tout cela devait atermoyer, dans certains contextes au moins, les difficultés économiques venues s’ajouter au reste (**) . Gardons nous donc de généraliser même si, en matière de lutte contre l’adversité, le cas de Taillevent est loin d’être isolé (***).
Témoignage nostalgique sur le temps qui passe, récit d’une déroute, le Passe-Temps de Michault est l’histoire d’un homme, comme on en imagine de nombreux autres au Moyen Âge. Il n’a pu mettre suffisamment de subsides de côté et il lutte pour survivre durant ses vieux jours. Socialement favorisé durant sa vie active – il a servi les plus grands princes à la cour de Bourgogne – , il n’a pourtant rien pu thésauriser et le temps lui a filé entre les doigts. A l’hiver de sa vie, l’acteur, amuseur et poète de cour devient un peu la cigale de la fable.
Sur la forme, Michault fait ici largement étal de sa virtuosité et de son aptitude à jouer sur les mots. Cependant, on aurait tort de réduire son Passe-temps à un bel exercice de style. Le rythme de ses vers, ses effets littéraires, comme ses fins de strophes en manière de proverbe n’enlèvent rien à l’émotion et l’empathie qu’il suscite. Pour cette double raison, ce texte médiéval reste incontournable de notre point de vue. Sur le plan poétique c’est une réussite, mais c’est aussi un riche témoignage sur le thème de la vieillesse et de la pauvreté au Moyen Âge tardif.
Aux sources du Passe-temps de Michault
On peut retrouver cette poésie de Michault dans un nombre important de manuscrits des XVe, XVIe siècles. Vous pouvez consulter Arlima à ce sujet. Révolution Gutenberg oblige, on retrouve également un certain nombre d’éditions imprimées de l’ouvrage.
Au vue du nombre de manuscrits et d’éditions en présence, il est indéniable que le Passe-temps de Michault a connu un beau succès en son temps. Il a également été cité en référence par d’autres auteurs d’époque, ce qui atteste encore de sa résonnance. Le site Gallica vous propose trois éditions imprimées différentes, en voici une datée du XVIe siècle.
Le Passe-Temps Michault, édition nouvellement imprimée, BnF (consulter en ligne)
Le passe-temps Michault, extraits 4 : « Tel pain menge on qu’on enfourna«
Nous reprenons donc nos extraits du Passe-temps de Michault Taillevent où nous les avions laissés. Vous pourrez retrouver les extraits précédents aux liens suivants, si toutefois vous les aviez manqués :
NB : entre tournures spécifiques, vocabulaires, et faux-amis, le moyen français de Michault peut poser quelques difficultés. Aussi, nous vous donnons à l’habitude quelques clefs de traduction.
De viellesse suiz bien content. Bien scay qu’il fault viel devenir, Et aussi scay je bien qu’on tend Tousjours a sa fin advenir. Mais ou elle peut avenir. Et ou elle point picque & mort, Povreté est pire que mort.
Qui est riche competamment (suffisamment) Et viel au fort (en somme) ne peut chaloir (n’a pas à s’inquiéter). Ses biens laisse en son testament Et enrichit de sa char l’oir (hoir, héritier). Mais poure (pauvre) et viel, c’est pour doloir (souffrir), Il n’est point de telle misere: Mal vist qui en dangier mis ere.
Dueil n’est qu’estre en dolant sejours, Et n’est ou monde tel dangier (tort, difficulté) Qu’estre poure & viel en ses jours, Car de tous fait a le dangier. Mal vist qu’il n’a que vendengier, Que soier (seër, couper, faucher), ne que messonner : Poure ne doit ses motz sonner (ne doit dire mot).
Poure & viel, s’il n’a pacience, En desespoir tous les jours vit Qui folie est, non pas science – Et plaint le temps que les jours vit Que rien a son fait ne pouruit. Mais est tart (il est trop tard) a ses faits (variante : jours) pensé: A ravoir (en arrière, à rebours) n’est le temps passé ?
De poure homme adez (toujours) poure songe, De poure saint poure chappelle. Poure homme, ce n’est pas mensonge, La mort huche (huchier, appelle à grand cris), la mort appelle A tout sa houe, a tout sa pelle; Mais la mort fait l’oreille sourde: Mal n’est qu’en poureté, ne sourde (1) .
Chière adez (la mine toujours) honteuse et confuse Fait poure homme et fol se reproche. Mort requiert, mais mort le reffuse, Ne ja de plus prez ne l’aproche. Puis vient poureté qui l’acroche Parmy ses membres, a sez dois : Poure & viel est mis a ses droiz.
Poure temps passé, ploure et plaint, Pleure sepmaines & pleure temps (ans) Qu’il a gasté, et se complaint. Que mort ne clot ses yeux plourans, Et het (hait) ses jours mal coullourans, Esquels fait molin ne four n’a: Tel pain menge on qu’on enfourna (2).
Qui ne met la main a la patte A lui pourvoir en temps decent, Porter lui fault au four la pate. Poureté n’en saulve ung de cent. Nul confort d’elle ne descent, Tant qu’on est de mort embrassé : Boire fault, comme on a brassé.
De poure, s’il est qu’il mendie Qu’a espargner peine n’a mis, Qu’est ce ores, s’il est qu’il mendie, Et qu’il n’ait ne parens n’amis Ne nulz affins fors ennemis ? En quel dangier est il boutez ? En poureté ne maint bontez.
De larrecin tousdiz (toujours) famez (accusé) Est poure sans allegement, Equipolent (de même que) aux diffamez Et reprochable en jugement, Pour ce que devant juge ment, Et que ses diz ne sont a croire: Hongner (grogner, gronder) ne fault qui veult acroire (se fier).
Il fault dire la vérité : Poure est a tout mal atachié (accusé), Mais de ce se loe herité, Car de ce meffait n’est tachié; S’est bien meschant (malheureux) qu’il n’a tachié A espargner dedens son age: Menton soustenu, souef nage (douce navigation).(3)
De ce que sa rente lui livre Vit viel homme et est a repos. En sa maison on list ung livre Et mande du vin a troiz pos Pour fuir les las (funestes, misérables) Attropos, (4) Qui est la mort, dont nul n’eschape Mantel de sac n’est nul temps chappe (5)
(1) Mal n’est qu’en poureté, ne sourde : il n’est mal qui ne découle de pauvreté (2) Tel pain menge on qu’on enfourna : on récolte ce qu’on sème (3)Menton soustenu, souef nage : celui qui a un appui, navigue tranquillement (4) Atropos, déesse grec du destin et de la destinée qui peut sceller le sort d’un homme avec son instrument tranchant. (5)Mantel de sac n’est nul temps chappe : un manteau n’est jamais une cape.
Similitudes stylistiques et thématiques
On notera d’étonnantes similitudes de vocabulaire et même de style entre certaines strophes du jour et un Mystère daté de la fin du XIVe siècle. La pièce, un Miracle de Notre Dame mettait en scène une jeune fille prête à tout pour sauver ses parents de la misère (****). Comme on le voit, la tirade d’introduction jouée par le père de la jeune fille reprend des images et des locutions très proches des thèmes abordés, un plus tard dans le temps, par Taillevent.
Le père : » Mal n’est qu’en povreté ne sourde. Povreté est pire que mort. Fortune à mes clameurs est sourde Dont malheur trop cruel me mort. O mort, pourquoy prens-tu remort, Que tou dard mes maulx si n’asourde Sans nul resourse ne confort. Mal n’est qu’en povreté ne sourde.«
Plus loin dans le même mystère, une fille de joie harangue les clients dans la rue avec une chanson qui, là encore, ne manque pas d’évoquer le thème approché par Michault mais aussi une des locutions proverbiales utilisées dans notre extrait du jour :
« Boyre fault comme on la brassé Hée le temps passé Ne peult revenir. Brief le souvenir Rent mon cœur tout mal et cassé.«
Coïncidence ou clin d’œil de Taillevent à cette pièce ? On sait qu’il avait en charge l’organisation des spectacles à la cour de Bourgogne. Peut-être connaissait-il ce mystère ?
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Notes
(*) Il s’agit du Pierre Michault de la Danse des Aveugles. Voir à ce sujet l’article Pierre Michault et Michault Taillevent du médiéviste Arthur Piaget, dans Romania 71, 1889.
(**) Sur les moyens économiques au moment de la vieillesse, la présence d’un entourage et les sollicitudes des jeunes générations à l’égard des séniors, on fera ici un clin d’œil amusé au fabliau « La Housse Partie » du trouvère Bernier. On se souvient de l’histoire de ce riche bourgeois chassé par son fils ingrat et nouvellement marié et réduit à vivre dans la précarité.
(***) Pour approcher plus en détail le sujet de la vieillesse au Moyen Âge, vous pouvez valablement vous reportez aux actes du colloque : « Vieillesse et vieillissement au Moyen Âge » sortis en 2014, aux Presses universitaires de Provence.
(****) Voir Histoire du Théâtre en France : Les Mystères, Louis Petit de Julleville, Paris, Hachette, 1880 (T2 p 169) ou plus directement : Mistere d’une jeune fille laquelle se voulut habandonner a peché, par Lenita Locey et Michael Locey, Edition Droz,1976.
Sujet : Belgique médiévale, manuscrit ancien, manuscrits médiévaux, exposition, ducs de Bourgogne, musée, enlumineurs médiévaux, Bible enluminée, enluminure Période : Moyen Âge central à Renaissance Auteur : Jacob van Maerlant (1230-1300) Lieu : KBR Museum, Mont des Arts 28, Bruxelles. Date : A partir du 23 mai 2023.
Bonjour à tous,
rés régulièrement, le KBR Museum de Bruxelles nous gratifie de nouveaux événements autour du Moyen Âge. A ces occasions, la grande institution bruxelloise — connue, auparavant, comme la Bibliothèque Royale de Belgique — en profite pour exposer de nouveaux trésors issus de la riche collection de la Librairie des ducs de Bourgogne dont elle a la charge.
Bien plus qu’une simple exposition
Si ces expositions tournantes permettent au public de découvrir de précieux manuscrits du Moyen âge, elles ont aussi l’avantage d’éviter que ces codex d’une grande rareté ne restent trop longtemps exposés aux lumières, même soigneusement tamisées des salles du musée. Après quelques mois d’exposition au public, ces ouvrages d’exception et leurs belles enluminures regagnent, donc, leur coffre aux trésors afin d’y retrouver un lieu de conservation plus approprié pour une durée indéterminée, et c’est aussi ce qui fait la valeur de ces exhibitions.
Pour le plaisir du public, ajoutons que ces événements ne se limitent pas à l’exposition de manuscrits, d’enluminures et d’estampes rares, ce qui pourrait déjà contenter de nombreux amateurs d’œuvres anciennes. Chaque nouvelle saison au KBR Museum inaugure également son lot d’activités interactives, entre visites sur mesure, conférences et échanges, ou encore ateliers à la découverte de nouvelles techniques d’enluminure médiévales, etc… Bonne nouvelle, les mois à venir ne dérogeront pas à la règle !
Ajoutons que ce musée moderne et dynamique, tout à fait dans son temps, offre encore à ses visiteurs, un parcours animé et immersif à la découverte de la vie au XVe siècle, du temps des ducs de Bourgogne.
Grand trésor de cette nouvelle saison : la Rijmbijbel de Jacob Van Maerlant
Pour cette nouvelle saison qui s’ouvre le 23 mai, l’occasion sera donnée aux férus d’histoire et aux passionnés de Moyen Âge de faire la découverte d’un manuscrit de très grande valeur et copieusement enluminé : la Rijmbijbel, bible en vers que l’on doit au poète et écrivain flamand Jacob Van Maerlant. Avant de dire un mot de cette véritable star de l’exposition, nous vous invitons à découvrir cet auteur médiéval et son œuvre majeure pour la Belgique et les Pays-Bas du Moyen Âge central.
L’œuvre et le legs de Jacques Van Maerlant
Satut de Jacob Van Maerlant a Damme
A propos de Jacob Van Maerlant, en français Jacques Van Maerlant, quelques zones de floue subsistent dans a biographie mais dans les grandes lignes, cet homme de lettres, natif de la province de Bruges, aurait officié comme sacristain à Maerlant, avant de s’installer à Damme, ville de la banlieue de Bruges où il fut greffier et clerc.
Durant sa longue vie, il produisit une œuvre impressionnante et variée qui l’a fait considérer comme un des pères de la littérature médiévale en langue néerlandaise. Il a notamment donné au moyen néerlandais, ses véritables lettres de noblesse, en le faisant entrer de plein pied dans les bibliothèques du Moyen Âge central, aux côtés du latin.
Jusqu’à aujourd’hui, la plupart des biographes de Jacques Van Maerlant ne tarissent pas d’éloges à son sujet et certains n’ont pas hésité à le qualifier de « glorieux père de la poésie flamande« , de « père de la littérature belge« , avançant encore « qu’il a ouvert une nouvelle ère de l’intelligence en Belgique » (1).
Un nombre vertigineux d’ouvrages adaptés en moyen néerlandais
Une certitude demeure. Au cœur du XIIIe siècle, cet auteur médiéval a pris l’éducation de ses contemporains très au sérieux, en nourrissant le projet de rompre avec le latin pour mettre, à leur disposition, un large corpus d’ouvrages en langue vernaculaire. Ainsi, s’il s’attaqua dans un premier temps à la traduction du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (1160-1170) et du Roman d’Alexandre, et s’il adapta aussi, de manière plus libre, certains romans arthuriens en langue d’oïl de Robert de Boron (2), il se dirigea, par la suite, vers des ouvrages plus scientifiques et encyclopédiques. On pourrait même presque dire « académiques ».
A ce titre, il traduisit le Secretum Secretorum du pseudo Aristote du latin vers le moyen néerlandais, sous le titre Heimeliсheit der Heimeliсheden, ainsi que des précis d’histoire naturelle (Der naturen bloeme à partir du De natura rerum de Thomas de Cantimpré), des chroniques historiques (le Spiegel historiael tiré du Speculum historiale du dominicain Vincent de Beauvais) et et d’autres textes variés. Entre toutes ses contributions, on lui doit encore des ouvrages plus liturgiques et religieux, incluant une hagiographie de Saint François d’Assise, ainsi que sa bible en vers, la Rijmbijbel que le KBR Museum exposera cette saison.
L’auteur & poète au delà du traducteur
« Quand Van Maerlant n’eût été que le simple traducteur de cette masse prodigieuse de compilations qui renfermait, pour ainsi dire, toute la science du Moyen Âge, il eût fait l’admiration de son siècle. (…) Mais il se distingua aussi comme poète original et lyrique. »
Revue trimestrielle, Trente-quatrième volume – Tome 2, Bruxelles (1862)
Impressionnants par leur seul volume, les travaux d’adaptation de Jacques Van Maerlant furent loin de se résumer à de simples traductions littérales ; dans de nombreux cas, l’écrivain flamand a su prendre de vraies libertés d’auteur, ajoutant, retranchant et apportant ses propres précisions et connaissances.
Portrait de Jacob Van Maerlant (XIVe)
Au delà, cet homme de lettres prolifique ne s’est pas contenté d’adapter en néerlandais ce que d’aucuns considèrent comme la somme des savoirs encyclopédiques de son temps. Il a également rédigé de nombreux poèmes dont quelques satires (le Wapene Martyn, un dialogue sur la corruption de la noblesse, ou encore le Dek Kerken Clerghe, une complainte sur le clergé corrompu). Autant d’écrits qui l’ont fait reconnaître par les érudits et littérateurs médiévaux, comme une des plumes les plus fines de son temps, et même comme le plus grand poète en langue néerlandaise du XIIIe siècle.
Pour finir, entre tous les efforts de Jacques Van Maerlant pour mettre à portée de ses contemporains une large librairie en langue néerlandaise, sa «Rijmbijbel», est, à ce jour, considérée comme le premier manuscrit illustré rédigé en moyen néerlandais, c’est dire à quel point sa valeur intrinsèque est grande. Avant d’y revenir, il nous semble utile de faire, ici, une parenthèse sur la langue néerlandaise et sa formation du haut Moyen Âge au Moyen Âge tardif. Cela nous permettra de fixer quelques connaissances supplémentaires sur l’Europe médiévale.
A l’origine de la langue néerlandaise
La langue néerlandaise trouve ses origines dans le bas-francique. Cet ensemble de dialectes d’origine germanique était celui que parlaient, au haut Moyen Âge et au milieu du Ve siècle, les francs saliens fraîchement débarqués aux Pays-bas. Ce sont ces mêmes francs saliens qui donnèrent lieu à la dynastie mérovingienne. Sur cette nouvelle ère géographique, qui comprenait la Hollande et une partie de la Belgique actuelle, ces dialectes franciliens se sont assez vite différenciés de leurs racines originelles.
De fait, la langue néerlandaise s’est constituée peu à peu, par la combinaison et la réunion de ces différentes formes dialectales. On considère qu’elle est parvenue à sa forme à peu près fixée, vers la fin du Moyen Âge central, au XIVe/XVe siècle. Sur ces dix siècles d’évolution, la période correspondant au moyen néerlandais s’étale du milieu du XIIe siècle à la fin du Moyen Âge (XVe). Lui succédera le néerlandais moderne.
Aujourd’hui, le néerlandais est parlé sous diverses variantes, par plus de 30 millions de locuteurs sur la planète, ce qui en fait la 3eme langue d’origine germanique du monde, après l’allemand et l’anglais. La Hollande et la Belgique restent son fief principal avec les 2/3 des locuteurs, mais c’est aussi la langue officielle du Suriname et des Antilles néerlandaises. On la trouve encore en usage dans certains coins plus marginaux : au nord de France, dans certaines provinces allemandes, ou encore aux Philippines, sur le continent Australien et en Nouvelle Zélande. C’est encore elle qui a donné naissance à la langue des Afrikaners, toujours pratiquée en Namibie et en Afrique du Sud.
La précieuse bible en vers de Jacob Van Maerlant
Après ce long détour qui vous aura, nous l’espérons, appris des choses, revenons à l’exemplaire de la Rijmbijbel de Jacob Van Maerlant exposé, à partir du 23 mai, au KBR Museum. Au vu du nombre de manuscrits de cette bible en vers ayant traversé le temps pour nous parvenir, cet ouvrage a assurément connu un certain succès dans son berceau d’origine. On compte, en effet, à date, soixante-quatre codex survivants, ce qui est assez considérable pour un ouvrage du XIIIe siècle (voir l’excellente conférence de Richard Trachsler sur la codicologie).
Dans le lot, un superbe exemplaire se trouvait, donc, conservé dans la bibliothèque des Ducs de Bourgogne et quel exemplaire ! Sous la référence ms 15001, plusieurs facteurs font la particularité et la grande valeur de ce manuscrit médiéval. Tout d’abord sa datation. Copié dans la dernière partie du XIIIe siècle, à date, ce codex est une des plus anciens manuscrits illuminés en langue néerlandaise.
Entre toutes les autres bibles en vers de Jacob Van Maerlant répertoriées, le ms 15001 est également l’un des plus enluminé, avec un total envoisinant les 160 miniatures, auxquels viennent s’ajouter des enluminures textuelles et d’autres ornements. Bref, un travail d’orfèvre pour une copie destinée assurément, en son temps, à un public très sélect.
Un patient travail de restauration
Pour les conservateurs du KBR Museum, ce trésor du Moyen Âge et du patrimoine mondial avait grand besoin, de longue date, d’un traitement spécial. Fort heureusement l’opération put être financée et lancée en 2014. Au programme, digitalisation, restauration et une foule d’opérations minutieuses pour s’assurer de la longévité et de la conservation future du manuscrit. Ce sont tous ces soins patients, effectués par des mains expertes, qui ont permis au Musée Bruxellois d’exposer, aujourd’hui, ce rare codex médiéval, aux yeux du public.
De Van Maerlant aux bibles enluminées
A l’occasion de cette exposition, la bible versifiée de Jacob Van Maerlant sera accompagnée d’une nouvelle sélection de manuscrits mais aussi d’estampes et d’enluminures en provenance de la librairie des ducs de Bourgogne. L’œuvre de l’auteur médiéval flamand y sera largement à l’honneur mais pas seulement puisque le thème des enluminures et de l’imagerie dans les bibles du Moyen âge et de la Renaissance sera également exploré.
Pour le reste, le programme se partagera, entre conférences, visites spéciales, ateliers et même lectures poétiques. Vous en trouverez, ci dessous, un petit digest des dates clef. Pour plus de détails sur les tarifs et les disponibilité, n’hésitez pas à vous reporter au site web officiel du KBR Museum.
Atelier : peindre une miniature de la Rijmbijbel
Date : 28 mai 2023 – 10h00 17h00 Intervenante : Dorothée Van Hona
Dans cet atelier, il s’agira d’apprendre à créer et reproduire une miniature de manuscrit médiéval de Jacques Van Maerlant. Au programme, variations autour des techniques, des pigments, des pinceaux et des supports utilisés par les enlumineurs médiévaux. Réservation recommandée, le maximum de participants étant fixé à 10 personnes.
Conférence : La restauration de la Rijmbijbel
Date : 03 juin 2023 – 11h00 12h30 Intervenante : Tatiana Gersten, conservatrice-restauratrice au KBR
Cette conférence vous proposera de suivre les étapes de la délicate restauration du précieux manuscrit médiéval du XIIIe siècle, en compagnie d’une experte au première loge du sujet.
Lecture poétique & scénique autour du manuscrit
Date : 10 juin 2023 – 13h30 16h30 Intervenant : le collectif de poésie SpeakEasy Spoken Word BXL
Lecture poétique et scène ouverte autour de la bible en vers de Jacob Van Maerlant par un collectif d’artistes.
Atelier libre autour des enluminures
Date : 11 juin 2023 – 14h00 16h30 Intervenant : Dorothée Van Hona Cette atelier vous permettra de vous familiariser de manière générale, avec les techniques d’enluminure en usage au Moyen Âge.
Pour conclure et comme vous l’aurez compris, à partir du 23 mai, l’histoire médiévale vous donne rendez-vous en grand au KBR Museum. Le temps de votre séjour (si vous ne vous trouvez pas déjà sur place), vous pourrez bien sûr, bénéficier de tous les agréments que ne manquera pas de vous proposer la capitale belge, si chère à Dick Annegarn.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Notes
(1) Notice sur Jacques Van Maerliant, Philip Blommaert, Bruges (Vandecasteele-Werbrouck 1849), (2) Jacques Van Maerlant, par Willem Lodewijk de Vreese, Bruxelles (Imprimerie Bruylant-Christophe et Cie, 1894)
Sujet : musique, basse danse, Bourgogne médiévale, manuscrit ancien, manuscrits médiévaux, exposition, ateliers, ducs de Bourgogne, musée, enlumineurs médiévaux Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle & renaissance Lieu : KBR Museum, Mont des Arts 28, Bruxelles. Dates : samedi 3 et dimanche 4 décembre 2022
Bonjour à tous,
vec l’arrivée de l’hiver, le KBR Museum de Bruxelles se drape de ses plus belles couleurs médiévales pour proposer à ses visiteurs de nouvelles expositions et de nouveaux ateliers.
Ainsi, à partir du 22 novembre, le musée exposera une nouvelle sélection de manuscrits et œuvres du temps de la Bourgogne médiévale. Le KBR a, en effet, hérité de la riche librairie des Ducs de Bourgogne, une collection d’ouvrages conservée précieusement sur place et que le public peut découvrir à l’occasion d’exposition variées.
Nouveaux manuscrits à découvrir & basses danses de Marguerite d’Autriche
Temps fort de cette nouvelle exposition de pièces et manuscrits de la fin du Moyen Âge et des débuts de la renaissance, le week-end des 3 et 4 décembre verra exposer un manuscrit particulièrement précieux, demeuré sous clef depuis de longues décennies. Il s’agit du manuscrit original des basses danses de Marguerite d’Autriche, référencé KBR ms 9085. Véritable symbole de luxe et de prestige en son temps, cet ouvrage ancien d’une grande rareté est réalisé sur parchemin noir, pour une écriture et des notations musicales faites à l’encre doré et argenté.
Pour prendre toute la mesure de sa nature exceptionnelle, à ce jour, on compte seulement 7 manuscrits anciens dans le monde réalisés avec une technique similaire et sur un tel parchemin. C’est d’ailleurs ce qui explique que cet ouvrage ne voit pratiquement jamais la lumière. En plus d’être précieux et prestigieux, le ms 9085 est, en effet, extrêmement fragile et s’est montré, jusque là, rétif à toute tentative de restauration.
Le contenu du très rare ms 9085
Du point de vue de son contenu, ce manuscrit propose, sur 47 feuillets, 58 basses danses annotées musicalement et chorégraphiquement. Nous lui avions d’ailleurs consacré un article accompagné d’une basse danse en musique, ici. Daté des tout débuts du XVIe siècle, le ms 9085 compte aussi parmi les plus anciens témoins écrits des basses danses, danses de cour tout en maintien qui resteront prisées de la classe nobiliaire, jusqu’à la fin du siècle suivant.
Resté au coffre du musée depuis plus de trente ans, ce véritable trésor plusieurs fois centenaire fera donc une sortie exceptionnelle, le temps d’un week-end, avant de regagner, en toute discrétion, son lieu protégé, loin des regards du public.
Visite guidée et ateliers sur les secrets de fabrication des manuscrits médiévaux
« Regnault de Montauban », T2, ms 5073 réserve, Arsenal, basse-danse, BnF.
Au KBR Museum, ce même week-end de décembre sera, bien sûr, l’occasion de parler de musique médiévale et notamment de basses danses. A ce titre, nous ne pouvons que vous conseiller de profiter de l’occasion pour une visite guidée (le 4 décembre de 11h00 à 12h30), en compagnie des guides du musée. Ils se proposeront de vous faire découvrir tous les secrets de fabrication des manuscrits médiévaux et de vous initier au sens caché et aux symboles que recèle l’art des enluminures au Moyen-Âge. En leur compagnie, vous pourrez également découvrir les nouveaux manuscrits de la Librairie des Ducs de Bourgogne exposés cette saison, donc celui mentionné ci-dessus.
Durant ce même week-end, l’exposition sera encore complétée par deux ateliers de découverte et mise en pratique de la calligraphie ancienne et de l’usage des pigments naturels dans l’enluminure médiévale : les samedi 3 & dimanche 4 décembre, de 14h00 à 17h00 heures.