Sujet : poésie renaissante, moyen-âge tardif, humour, poésie satirique, poète, épigramme, poésies courtes. Période : fin du moyen-âge, renaissance Auteur : Clément MAROT(1496-1544)
Titre : « Epigramme à Geoffroy Bruslard» Ouvrage : oeuvres complètes de Clément MAROT, par Pierre JANNET, Tome 3 (1868)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous partons en balade sur les rives de la fin du moyen-âge et de la renaissance avec un peu de l’humour caustique dont Clément Marot avait le secret. Le temps a emporté depuis ce Geoffroy Bruslard mais, pour le meilleur ou pour le pire, grâce à la verve du poète de Cahors plus sûrement qu’à la teinture, sa barbe est resté épinglée sur le mur de la postérité.
A Geoffroy Bruslard
Tu painctz ta barbe, amy Bruslard, c’est signe Que tu vouldrois pour jeune estre tenu ; Mais on t’a veu nagueres estre un cigne, Pous tout à coup un corbeau devenu. Encore le pis qui te soit advenu C’est que la Mort, plus que toy fine et sage, Coingnoist assez que tu es tout chenu, Et t’ostera ce masque du visage.
Une belle journée à tous dans la joie et aussi loin que possible de la dictature des apparences !
Fred
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Sujet : poésie, littérature renaissante, poète, épigramme, poésies courtes, antiquité Période : début renaissance, XVIe siècle Auteur : Clément MAROT(1496-1544) Martial (41-104) Titre :« A soi-même » Ouvrage : Oeuvre de Clément Marot, Valet de chambre du Roy (T2), 1781
Bonjour à tous,
ous partageons, aujourd’hui, une nouvelle épigramme de Clément Marot faite en « imitation » du poète latin Martialdu premier siècle de notre ère. Cette fois-ci, le texte nous parle des conditions à accomplir pour avoir une « vie heureuse ». De l’antiquité de Martial à l’aube renaissante de Marot, ces dernières n’ont, semble-t-il pas tellement variées puisque le poète normand de Cahors juge bon de les reprendre à son compte.
Au passage, on verra d’ailleurs que, dans les critères, un bel héritage est considéré comme largement préférable à une fortune acquise avec peine, soit par le travail. Rêve de tout un chacun ou réalité de classes ? Sans doute plus cette dernière idée. En dehors peut-être de la noblesse, même petite dont les deux hommes sont issus, cette condition est, il faut l’espérer, loin d’être sine qua non pour atteindre la félicité sans quoi nombre de leurs contemporains seraient restés à sa porte.
« Marot voicy si tu veux le savoir Qui fait à l’homme heureuse vie avoir; Successions, non biens acquis à peine, Feu en tout temps, maison plaisante et saine, Jamais proces, les membres bien dispos, Et au dedans un esprit à repos; Contraire à nul, n’avoit aucuns contraires Peu se mesler des publiques affaires, Sage simplesse*, amis à soy pareilz, Table ordinaire, & sans grans appareilz; Facilement avec toutes gens vivre, Nuict sans nul soing, n’estre pas pourtant yvre, Femme joyeuse, & chaste néantmoins, Dormir qui fait que la nuict dure moins, Plus hault qu’on n’est ne vouloir point attaindre, Ne desirer la mort, ny ne la craindre. Voila Marot, si tu le veux savoir, Qui fait à l’homme heureuse vie avoir. » Clément Marot – Epigramme – A soi-même
Comme la fois précédente, nous vous livrons ici la version originale latine de Marcus Valerius Martialisainsi que sa traduction par Edouard-Thomas Simon, (tirée de son ouvrage Epigrammes de M. Val. Martial,T2,1819). Vous pourrez ainsi apprécier et mesurer l’art de l’imitation des auteurs antiques et classiques que la renaissance établit pratiquement comme un standard de l’exercice littéraire.
« Ad se ipsum » de Martial
« Vitam quae faciunt beatiorem ; Jucundissime Martialis, haec sunt : Res non parta labore , sed relicta ; Non ingratus ager ; focus perennis ; Lis nunquàm ; toga rara ; mens quieta ; . Vires ingenuae ; salubre corpus ; Prudens simplicitas ; pares amici ; Convictus facilis ; sine arte mensa ; Nox non ebria , sed soluta curis ; Nontristis torus, attamen pudicus; Somnus qui faciat breves tenebras ; Quod sis , esse velis , nihilque malis : Summum nec metuas diem, nec opes. »
« A lui-même »
traduction par Edouard-Thomas Simon
Voila , mon tendre ami Martial, Ce qui rend la vie heureuse : Une fortune acquise sans peine et par héritage , Des champs d’un rapport sûr, une maison pérenne Point de procès, très-peu de représentation, la tranquillité de l’esprit
De la vigueur naturelle, un corps sain , Prudence et franchise , des amis qui soient nos égaux , Une conversation aisée , une table sans trop d’apprêts , Une nuit sans ivresse et libre d’inquiétudes , Un lit où le plaisir ait des attraits , mais que la pudeur embellisse ; Un sommeil capable d’abréger les ténèbres ; Vouloir n’être rien de plus que ce que l’on est , Ne porter envie à personne , Attendre le dernier instant sans le craindre ni le désirer.
.En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : poésie ancienne, huitains, poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien. Période : moyen-âge tardif, début renaissance Auteurs : collectif (édition originale de 1542) Titre : La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909
« Ung doulx baiser je prins subtillement De celle à qui mon cueur s’est adonné, Pensant par là trouver allégement Au dur travail qu’en amours m’a donné, Mais tout soubdain me trouvay estonné Quant je congneuz (cuidant mon feu estaindre) Que luy avoit nourriture donné Et que mon mal n’en estoit de rien moindre. » Anonyme – XVe, XVIe siècle – la fleur de poésie françoyse
Bonjour,
oici pour aujourd’hui un huitain léger, tiré d’un ouvrage édité pour la première fois en 1542 et 1543 et réédité au début du XXe siècle par Adolphe VAN BEVER, (1871-1927) biographe et érudit français, féru de poésie. Ce petit livre d’un peu plus de cent pages a pour titre : La fleur de poésie Françoyse:, Recueil joyeux contenant plusieurs Huictains, dixains, quatrains, chansons et autres dictez de divers matières.
C’est un carnet de poésie légère qui, on l’a compris, ne vise rien d’autre que l’amusement et le divertissement. Il s’ouvre d’ailleurs sur ces quelques vers au lecteur qui marquent bien l’ambition générale de l’ouvrage :
« Lecteur, si tu as fantaisie D’éviter dueil et desplaisir, Vois cy la fleur de Poésie Pleine de soûlas et plaisir, Tu ne pourrois esbat choysir Pour mieulx chasser oysiveté, ( Voire si tu en as désir) Qu’à lire, et veoir nouvelletè. »
Les auteurs de ce collectif sont pour la plupart restés anonymes mais on y retrouve tout de même identifiés Clément MAROT (1496-1544) ou Melin de SAINCT-GELAYS (1491-1558) dont on sent bien d’ailleurs que leur poésie de cour légère et quelquefois primesautière a inspiré d’autres auteurs de ce carnet. Pour le dire autrement, ils donnent ici le La. Edité une première fois en 1542, l’ouvrage sera réédité un an plus tard avec quelques ajouts en 1543, soit un an avant la mort de Clément MAROT.
Il semble bien que cette fleur de la poésie françoyse soit l’un des plus anciens livrets d’épigrammes et poésies facétieuses de ce genre. D’autres lui succéderont et ces petits ouvrages se multiplieront durant les débuts du XVIe siècle. La poésie s’y fera légère et spontanée, (Adolphe VAN BEVER la qualifiera même de souriante et puérile) et les auteurs en profiteront quelquefois, sous couvert d’anonymat, pour faire passer quelques poésies audacieuses, satiriques ou polissonnes. L’auteur du huitain du jour (plutôt sage), est resté, quant à lui, anonyme.
On trouve ce petit livre qui a plus de 500 ans encore à la vente chez Wentworth Press. En voici le lien à toutes fins utiles:
Sujet : poésie médiévale, satirique, satire, humour, poète, épigramme, poésies courtes, grivoiserie, pastourelle Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément Marot (1496-1544) Titre : Du Jeu de Robin et Margot, épigramme
Bonjour à tous,
ême si elle est clairement osée, nous ne résistons pas au plaisir de poster cette poésie grivoise de Clément Marot. Ames sensibles s’abstenir donc, épigramme polisson au programme aujourd’hui.
Un jour Robin vint Margot empoigner, En luy monstrant l’oustil de son ouvraige, Et sur le champ la voulut besongner; Mais Margot dit : » Vous me feriez oultraige: Il est trop gros et long à l’advantaige. » – “Bien, dit Robin, tout en vostre fendasse Ne le mettray;” et soudain il l’embrasse, Et la moytié seulement y transporte. “Ah ! dit Margot en faisant la grimace, Mettez y tout : aussi bien suis je morte. Clément MAROT (1496-1544) Epigramme – Les Jeux de Robin & Margot
Nous l’avons déjà dit ici, la pastourelle de la jeune bergère, en général dénommée Marion ou même Margot*, traverse tout le moyen-âge central. La belle s’y fait tentée par un chevalier désireux d’en abuser, mais, par ailleurs amoureuse d’un jeune homme de sa condition, elle résiste à ce prétendant de passage et ne se laisse aveugler ni par sa condition sociale, ni par ses richesses, pas d’avantage que par ses belles paroles (voir le jeu de Marion et Robin).
Les pastourelles nous chantent donc l’amour champêtre mais peut-être faut-il y lire encore une « morale » de classe, au sens sociologique du terme: l’amour triomphera finalement de l’attrait que pourraient exercer le pouvoir, la condition sociale ou la possession matérielle sur la jeune âme innocente. Au contraire de cela, la bergère ne se laissera pas corrompre. Elle épousera son Robin et ils célébreront chichement leurs noces, en ayant adressé au passage un message et une leçon d’humilité en direction des puissants et des seigneurs. Tout ne serait donc pas à vendre en ce monde.
ien loin de ces considérations morales et sociologiques, Marot revisite ici le genre de la pastourelle et notamment le devenu très classique jeu de Robin et Marion, à sa façon, c’est à dire avec causticité et sans retenue dans un épigramme tout en grivoiserie qui nous montre jusqu’où son humour peut s’aventurer.
Avec ses racines et ses références bien plantées dans le roman de la Rose et dans la poésie de François Villon (qu’il rééditera avec beaucoup d’application), avec sa tête dans la renaissance qui pointe déjà le nez, Marot, poète de cour, esprit libre et impertinent aussi, n’usurpe pas sa place quand il s’agit de parler de poésie médiévale et de moyen-âge puisqu’il en est à la lisière, un pied dedans et un autre déjà au dehors.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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* En aparté, concernant cette Margot ou Marion, bergère qui nous vient du moyen-âge central, vous noterez bien sûr le clin d’oeil que lui fit également Brassens dans sa chanson Brave Margot.