
Période : moyen-âge tardif
Titre : « Ballade des menus propos »
Auteur : François Villon (1431- ?1463)
Bonjour à tous,

Dans cette ballade dont le titre même semble nous inviter à ne pas la prendre au sérieux, cette litanie de celui qui connaît tout mieux qui lui-même qui revient comme une ronde, vient trancher comme un couperet dans la légèreté du propos. A quelques exceptions, voilà donc une grande liste de connaissances finalement assez peu savantes, pour un narrateur poète qui, pour finir, confesse se connaître lui-même encore moins.
Avec cette pirouette ironique, Villon se rit-il seulement de lui-même ou fait-il encore une allusion ( narquoise ?) à un genre poétique connu de son temps et dont on retrouve la trace aussi dans le lointain XIIe siècle, notamment dans la poésie du duc d’Aquitaine , Guillaume IX (1071-1126) ?
Ieu conosc ben sen et folhor,
E conosc anta et honor,
Et ai ardimen e paor…
Je connais bien sens et folie
Je connais la honte et l’honneur
J’ai connu l’audace et la peur
Guillaume IX d’Aquitaine
Ben vuelh que sapchan li pulzor
Une hypothèse plus pragmatique
sur la ballade des menu propos de Villon


Toujours suivant l’hypothèse de l’auteur allemand, cette ballade des menus propos prendrait donc plutôt l’allure d’un plaidoyer de Villon sur sa propre ignorance, animé de la volonté très pratique de se remettre dans les faveurs du noble. Le poète médiéval y relaierait encore dans un jeu de miroir, un plaidoyer fait peu avant par Charles d’Orléans pour la défense de Jean d’Alençon et dans lequel le prince reprenait notamment la phrase suivante empruntée à Saint-Bernard : « plusieurs congnoissent plusieurs choses et ne se congnoissent pas eulx mesmes » et plus loin: « …congnoissant que je ne suis ne sage, ne bon clerc… »
Encore une fois, il est difficile d’être totalement affirmatif sur tout cela et Gert Pinkernell lui-même prend de grandes précautions jusque la fin de son propos: « il pense avoir démontré qu’il est vraisemblable que… » Son approche suscite d’ailleurs quelques polémiques en d’autres endroits, parce que toute théorique et finalement absolument invérifiable même si elle se fonde sur l’ analyse minutieuse des textes, et des rapprochements et renvois aussi précis que troublants d’une poésie à l’autre. Au demeurant, ses efforts pour ancrer les ballades de François Villon dans le contexte réel de ses relations avec Charles d’Orleans et la cour restent tout à fait 
Si le sujet vous intéresse, vous trouverez plus de détails sur la question dans l’ouvrage du : François Villon et Charles d’Orléans (1457 à 1461) de Gert Pinkernell. Plus accessible encore, vous pourrez consulter sur Persée un article détaillé du même auteur, paru en 1983 dans lequel il développe déjà largement cette hypothèse : une nouvelle date dans la vie et dans l’oeuvre de François Villon : 4 octobre 1458.
La ballade des menus propos
Je connois bien mouches en lait,
Je connois à la robe l’homme,
Je connois le beau temps du laid,
Je connois au pommier la pomme,
Je connois l’arbre à voir la gomme,
Je connois quand tout est de mêmes,
Je connois qui besogne ou chomme,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Je connois pourpoint au collet,
Je connois le moine à la gonne,
Je connois le maître au valet,
Je connois au voile la nonne,
Je connois quand pipeur jargonne,
Je connois fous nourris de crèmes,*
Je connois le vin à la tonne,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Je connois cheval et mulet,
Je connois leur charge et leur somme,
Je connois Biatris et Belet,
Je connois jet qui nombre et somme,
Je connois vision et somme,
Je connois la faute des Boemes,
Je connois le pouvoir de Rome,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Prince, je connois tout en somme,
Je connois coulourés et blêmes,
Je connois mort qui tout consomme,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.
* Sur ces fous nourris de crème, c’est encore un article de Persée qui vient à notre secours pour tenter de les expliquer : Note sur la Ballade des menus propos. Gertrude Schoepperle. Deux hypothèses existent sur l’interprétation de cette expression. La première y verrait plutôt comme sens que les fous sont bien nourris à l’inverse des sages et des poètes, La deuxième hypothèse, développée dans cet article, souligne l’association fréquente à l’époque du fou et du fromage.
Un excellente journée à tous !
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

‘est une voix surgie du passé qui entonne ici la ballade des menus propos de François Villon, celle d’une chanteuse populaire dans la veine d’une Piaf qui, dans les années soixante-dix chantaient les poètes.

oilà un peu de la poésie médiévale de Maître François Villon en forme d’épitaphe, avec un extrait
de cet entêtant testament qui résonne encore jusqu’à nous. C’est la poésie de celui qui attend dans sa geôle une mort et une pendaison qu’il pense déjà certaines. Cette Camarde, il l’a tellement apprivoisée dans la solitude désespérée de sa prison qu’il s’est projeté dans son au-delà. Et ce testament, presque déjà post-mortem et qui semble quelquefois être celui d’un revenant, c’est encore un chant de détresse et de rédemption : Villon déjà mort, déjà pendu, déjà oublié, sacrifié sur l’autel de ses misères et de ses erreurs, priant pour que son âme soit sauvée et avec la sienne, les nôtres aussi un peu. Il sera relâché pourtant, pour disparaître peu après avec ses mystères sans que l’on ait jamais su ce qu’il était advenu de lui, en nous laissant, avant de partir comme un grand cri, ce testament, qui a marqué depuis la poésie au fer rouge.

vec l’arrivée du mois de Mars, il sera bientôt temps de reprendre le chemin des événements et des fêtes médiévales qui nous reviennent déjà avec la promesse des beaux jours, mais comme il est encore un peu tôt pour le faire, nous publions aujourd’hui, une nouvelle épigramme de Clément Marot de Cahors que voici :

