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Vox in Rama et les chants de Saint-Antoine : une Interview exclusive de Frédéric Rantières

ordre_des_antonins_freres-hospitaliers_moyen-age_central_mal-des-ardents_mystique-chretienneSujet : musique médiévale, plain-chant, chants médiévaux, chants polyphoniques, Saint-Antoine, monachisme chrétien,  ordre des Antonins, album, opération participative.
Période : 
moyen-âge central à tardif
Ensemble médiéval : Vox in Rama
Evénement : CD Album « Chants de dévotion à Saint-Antoine »
 

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous avons le grand plaisir de retranscrire un entretien exclusif que nous a accordé Frédéric Rantières, le fondateur et directeur artistique de Vox-In-Rama. Cet échange nous a fourni l’occasion de parler de l’opération lancée par l’ensemble médiéval, en collaboration avec l’Association Française de l’Ordre des Antonins, autour d’un programme et d’un album dédié aux chants des Antonins et à  Saint-Antoine l’Égyptien.

Au Sujet de Saint-Antoine l’Égyptien

Pour rappel, à propos de Saint-Antoine l’Ermite, le Grand ou l’Égyptien, ce grand mystique des IIIe et IVe siècles, père du monachisme chrétien, a donné naissance, sur le sol français et durant le moyen-âge central, à l’Ordre des Antonins. D’abord frederic-rantieres_vox-in-ramaorganisée autour des reliques du Saint qui, disait-on, soignait le mal des ardents, cette confrérie a connu, par la suite, un essor sans précédent. Reconnue par Rome, l’ordre essaima bientôt, depuis son berceau isérois d’origine de Saint-Antoine l’Abbaye, sur les terres d’Europe et au delà. De nombreux établissements virent ainsi le jour, destinés à accueillir les infortunés frappés d’ergotisme. (voir notre article précédent sur le sujet)


L’interview  de Frédéric Rantières,
directeur de l’ensemble Vox in Rama

Parcours, recherche et itinéraire artistique

—  Bonjour Frédéric, tout d’abord un grand merci de nous accorder cet entretien. Parlons un peu de vous pour commencer. Votre parcours semblait plutôt vous destiner à écumer les bibliothèques et à vous investir dans de fastidieuses recherches en Sciences Humaines, Comment a débuté l’aventure Vox-in-Rama ? 

Tout a commencé en avril 2006, lorsque j’ai formulé le souhait de fonder un ensemble qui soit un lieu de pratique vocale et surtout un laboratoire d’expériences artistiques où les traditions de chant médiévales, en particulier liturgiques et sacrées, puissent se reconnecter aux réseaux de pensée dans lesquels elles sont nées et se réactualiser dans notre époque. En 2008 l’ensemble a été fondé en association et depuis nous n’avons pas cessé de découvrir et de travailler dans cet état d’esprit. Quatre CD de chant médiéval sont nés depuis ainsi que la vidéo d’un spectacle original sur les chants et les visions de Hildegarde de Bingen (vous pouvez vous procurer ces produits sur le site Vox-in-Rama). Un cinquième est en projet pour décembre 2019 sur les chants de dévotion à saint Antoine abbé, dont le berceau de la création provient de l’église fascinante de Saint-Antoine l’Abbaye en Isère.

— Cet investissement musical et cette implication à travers vos ateliers notamment de chants grégoriens laissent-ils encore la place à des travaux dans le domaine des sciences humaines ?

— Aujourd’hui, je me considère plus cherchant que chercheur, dans la mesure où les investigations que je mène sur le chant médiéval et, en ce moment sur le chant antonin, ont pour but essentiel de se concrétiser dans une forme artistique (et donc variable) et que je ne considère pas qu’une forme d’expression soit supérieure à une autre, qu’elle soit écrite ou orale. Bien sûr, je suis toujours heureux de mettre en forme de manière « scientifique » mes découvertes, mais pour moi cette distinction relève plus aujourd’hui d’une question de forme que de fond.

saint-antoine-le-grand_ermite_saints_moyen-age_antonins_monde-medieval-chretienLes chantres, chanteurs, tropeurs et compositeurs du Moyen Âge étaient des hommes et des femmes comme nous le sommes, c’est-à-dire imparfaits et en quête d’à-venir, nourris par un désir de perfection qui se structurait envers et contre leur héritage. Je crois que c’est cette filiation dont nous provenons qui me semble importante aujourd’hui, car notre mentalité, que l’on pourrait dire postmoderne, en voulant rompre avec le primat de la rationalité et du sujet, ne laisse pas forcément, malgré toutes ses tentatives, la juste place aux filiations spirituelles et humaines. Or, dans l’expression fourre-tout que l’on appelle « Moyen Âge », l’on met justement tout ce qui relève de l’esprit de la rhapsodie, c’est-à-dire tout ce qui est le produit d’un lent tissage d’héritages textuels et mélodiques qui, malgré les guerres, les destructions, les tremblements de terre de toute sorte et les distances entre les êtres, continue son chemin coûte que coûte et se transmet de bouches à oreilles et d’oreilles à calames. C’est cela qui m’émerveille le plus dans un manuscrit de chant, cette oralité qui se veut être « cousue » d’un seul tissu et qui, à chaque fois, avec ses infimes variantes et corruptions, affirme toujours à nos yeux un désir inébranlable de rester fidèle à son héritage et de le prolonger.

— C’est un peu la même question mais comment votre formation en anthropologie religieuse s’articule-t-elle avec votre approche artistique et musicale ? Les deux choses sont-elles cloisonnées ? Y-a-t-il des ponts ?

— La réalité, bien sûr, est extrêmement cloisonnée, et il est toujours aujourd’hui un défi de vouloir relier les mondes de l’art, même médiévaux, à ses auteurs et surtout à ses penseurs. Mais ça tombe bien, j’aime les défis ! Une des raisons de Vox In Rama est bien celle-ci : ouvrir des espaces-temps où plusieurs formes d’art, pris en tant que savoir-faire, qu’ils soient musicaux, picturaux, littéraires, philosophiques, théologiques, etc. se rencontrent et laissent tinter leurs harmoniques. Je n’ai pas de tabou en matière de recherche, car tout m’intéresse, et ce que j’aime en particulier, c’est entendre les échos de pensées que l’on a oubliées, qui se sont stratifiées. À chaque fois, l’émerveillement est le même : rien est nouveau, tout disparaît pour mieux s’innover, se reformer !  

Le programme sur les chants de Saint-Antoine

La tentation de Saint-Antoine, Joos Van Craesbeeck, XVIIe siècle
La tentation de Saint-Antoine, Joos Van Craesbeeck, XVIIe siècle

— Après le Mystère Vox Sanguinis de Hildegarde de Bingen, comment est né ce projet autour de Saint-Antoine ? La mystique médiévale est-elle un fil conducteur de votre travail ou l’enchaînement de ce nouveau programme avec les visions de l’abbesse rhénane n’est-il que le fruit du hasard ?

— Personnellement, je pense que le hasard fait extrêmement bien les choses, et j’accorde une grande confiance à sa bienveillance ! Bien sûr, vous avez raison, le fil conducteur des thèmes que je choisis est souvent en lien avec des phénomènes mystiques ou spirituels médiévaux. Même s’il ne s’agit pas des mêmes époques – Hildegarde de Bingen était une femme et abbesse bénédictine du XIIe siècle, et les Antonins, du moins à l’époque de l’expansion de leur art, étaient des hommes de la fin du Moyen Âge – une croyance néanmoins très puissante les relie : celle dans le pouvoir des reliques et de leur filiation avec le Christ! La première fois que je suis allé à Saint-Antoine l’Abbaye pour y animer un stage de chant grégorien, j’ai été intrigué en particulier dans mes lectures pas le Saint-Vinage, cette préparation à base de vin local et de plantes que les chanoines antonins sanctifiaient au contact des os d’Antoine, l’ermite égyptien, dont les reliques furent translatées dans ledit village durant la seconde moitié du XIe siècle. Lors de ma rencontre avec les responsables du palais abbatial et du musée, j’ai appris l’existence de livres de chœur qui avaient été conservés depuis la dissolution de l’Ordre antonin en 1776. J’ai tout de suite voulu en découvrir plus !

— Pouvez-nous vous parler de ce programme et son contenu musical plus en détails ?

— Ce programme comprend des chants figurant dans des manuscrits et imprimés rattachés de près ou de loin à l’Ordre antonin que j’ai pu retrouver à Saint-Antoine l’Abbaye et dans plusieurs bibliothèques. Il se concentre sur un office qui fut bien connu au Moyen Âge mais dont les traces ont totalement disparu à la dissolution de l’Ordre : l’office de saint Antoine abbé, souvent confondu avec celui de saint Antoine de Padoue ! Dans les chants que j’ai pu retrouver, de magnifiques parts sont confiées à l’intercession de l’anachorète, à ses tentations, son ascension céleste et ses vertus thaumaturgiques (pouvoir de guérison par l’intercession du saint ou par contact avec ses reliques) que l’on se devait d’invoquer contre le mal des ardents, cette terrible maladie contractée par l’ergot de seigle. C’est à la cure de ce grand fléau que les laïcs hospitaliers puis les chanoines réguliers de l’Ordre de Saint-Antoine se sont consacrés jusqu’à son extinction.

— Cette messe de Du Fay qui intervient aussi n’est pas la plus connue du compositeur ? Comment s’inscrit-elle dans son œuvre ? En dehors de son thème de prédilection, quelles sont ses particularités du point de vue technique ou musicale ?

— En effet, elle est une messe particulière, dont l’attribution directe a été remise en doute par Alejandro Enrique Planchart, le spécialiste émérite de Guillaume Du Fay, qu’il considère être plutôt l’œuvre d’un élève du maître cambrésien. Au cours de mes recherches sur les mélodies de l’office de saint Antoine abbé, j’ai pu retrouver les mélodies de plain-chant que ce pseudo-Du Fay a connues et à partir desquelles il a pu composer les mouvements de sa messe, comprenant l’ordinaire et le propre de l’office.

saint-antoine-egyptien_ordre-monastique-medieval_moyen-age-chretien_chants_guerison_mal-des-ardentsLe projet de CD qui sera enregistré dans l’église de Saint-Antoine l’Abbaye en octobre prochain, en partenariat avec l’Association des Amis des Antonins (AFAA), aura pour but essentiel de faire connaître et de diffuser ces chants qui sont des chefs-d’œuvre textuels et mélodiques et qui furent très certainement confectionnés par des chanoines de l’abbaye chef-d’ordre ou de commanderies qui y étaient rattachées. Bien sûr, la messe de Saint Antoine abbé de Du Fay ou de son double seront mises en regard, ses sources éclairant sa création en mettant en valeur le travail mélodique et harmonique absolument magnifique effectué sur le plain-chant antonin, avec notamment l’emploi de dissonances et de résolutions parfois étonnantes, l’usage de libertés rythmiques qui donnent à la prosodie du chant une grande élasticité, mais aussi le déploiement d’immenses phrases vocales qui donnent aux textes latins une temporalité sans limite.

— La restitution des chants à saint Antoine pour la guérison du mal des ardents est une initiative unique en son genre. La mise en place de ce programme autour de Saint-Antoine a-t-elle nécessité beaucoup de recherches et de travail sur les manuscrits ou de retranscription ?

— La première phase a consisté d’abord dans le « pistage » dans les inventaires et catalogues des traces d’incipit et de mentions de l’office. Après de multiples collations de ses informations, j’ai pu retrouver des pièces manuscrites dont certaines complètent la collection des livres de chœur du Trésor de l’abbaye, et d’autres contiennent des copies de l’office de saint Antoine abbé, dans sa forme antonine. Il s’agit de maillages qui, en continuant les recherches, déboucheront encore sur de nouvelles découvertes.

Spectacle vivant, mystère, supplément d’âme ?

— À travers les projections d’iconographies autour de la vie du Saint, durant le récital, il y a, là encore, une volonté d’immerger le public dans des aspects visuels et sensoriels au-delà de l’écoute ? Ce parti-pris d’amener les prestations de Vox In Rama sur le terrain du « spectacle vivant » est-il en train de devenir une des signatures originales de votre formation ?

— Oui, tout à fait ! mais qui dit spectacle vivant sous-entend qu’il existerait une autre forme de spectacle ou de prestation qui serait mort… je ne préfère pas rentrer dans ce débat, mais selon moi toute forme de représentation relève du vivant, en tant qu’elle le réanime, lui rappelle qu’il a une âme, et que malgré les vicissitudes du temps et sa fuite inexorable, la conscience de l’être et tout ce qui s’y rattache n’a pas d’âge et n’a de limites que celles que l’on veut bien lui donner.  

Pour le spectacle sur Hildegarde de Bingen, plutôt que « spectacle », j’ai préféré employer le terme « mystère » – même si parfois j’emploie le terme « spectacle » pour en simplifier l’approche – ce sur quoi je me suis expliqué dans le livret du CD. Je préfère le deuxième au premier car un spectacle implique une manifestation étonnante, qui puisse surprendre, ce qui dans la mentalité de notre époque n’a plus rien d’étonnant, alors qu’un mystère, dans son essence propre, doit rester voilé, et ce n’est que par des détours successifs, comparables à ceux que fait une vie, qu’il peut s’appréhender, s’apprécier, se « penser », ce qui est de nos jours plutôt original, car peu enclin à la consommation. Par sa polysémie, le mystère est également infiniment plus « moderne » que le spectacle, car sa résonance traverse les temps et, à ce titre, il peut mieux s’en libérer. Si l’on accepte de ne pas le réduire à sa seule acception chrétienne, il relie d’un seul élan l’Antiquité à notre époque, en transitant par le mystère et sa relation au sacrement dans le christianisme. Si, aujourd’hui, il revêt davantage un aspect fantasmagorique et imaginaire, il peut encore réveiller la conscience, car ses significations n’ont jamais pu être totalement arrêtées.

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L’opération de financement participatif

— Enfin quid de cette nouvelle opération de financement participatif ? Il s’agit de la deuxième opération de ce genre que vous lancez et la première avait été une vraie réussite. Comment va-t-elle se dérouler et quelles seront les avantages de ceux qui y souscriront ? Comment participer ?

— L’Association Française des Amis des Antonins (AFAA) qui porte le projet de création du CD a mis en place un système de Financement Participatif Helloasso avec des contreparties tout à fait originales qui font entrer les contributeurs dans la l’histoire fascinante de l’Ordre antonin. Le mieux est de vous en rendre compte par vous-même en allant sur  Helloasso Redecouvrez les chants disparus de l’Ordre des Antonins.  Chaque contributeur pourra assister de près au déroulement du projet en s’abonnant à l’événement Facebook  ainsi qu’aux sites internet de l’AFAA et de Vox in Rama.  Des reportages, articles, extraits sonores et vidéos seront proposés au public et lui permettront de s’immerger dans cet univers ainsi que de le partager avec leurs amis et réseaux intéressés.

— Quelles sont les dates clés prévues ? 

— Le calendrier de ce projet sera marqué par des dates importantes. La première fut le concert du 6 avril dernier à Saint-Antoine des Quinze-Vingts. La seconde sera remarquable en ce qu’elle aura lieu dans l’abbaye mère de l’Ordre, où ces chants ont été pratiqués pendant des siècles. Je veux bien sûr parler de l’église abbatiale de Saint-Antoine l’Abbaye en saint_antoine_abbaye_isereIsère. En partenariat avec le musée et le diocèse, Vox In Rama y présentera le jeudi 30 mai à 18h les chants de dévotion à saint Antoine abbé que les chanoines pratiquaient pour les fêtes de leur saint patron, notamment le jour de l’Ascension, où le Saint-Vinage était sanctifié ! Tout le monde est convié à ce concert original, où les contributeurs Helloasso pourront entendre les chants pour la restitution desquels ils auront apporté leur soutien, afin qu’ils puissent être enregistrés dans les conditions nécessaires.  C’est aussi dans ce lieu que le CD sera enregistré courant octobre 2019, ce qui donne à ce projet encore plus de force, reliant à la fois la mémoire de ses chants à celles de ce lieu consacré à la dévotion et à la guérison.  Enfin la sortie du CD sera fêtée publiquement soit le samedi 14 soit le samedi 15 décembre 2019 (dates en cours) dans la même abbaye avec les contributeurs qui auront pu venir et toutes les personnes intéressées.

— Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions, nous vous souhaitons encore une très belle réussite pour cette ambitieuse opération.


Rappel des liens utiles

Opération participative : Helloasso Redecouvrez les chants disparus de l’Ordre des Antonins

Organisateurs :  Site web de L’AFAA   – Site web de Vox in Rama

Vous pouvez également  télécharger cette interview au format PDF en cliquant sur le lien suivant.

En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Mystère Vox Sanguinis, une souscription pour le Film et le CD avec livret du spectacle de Vox in Rama

hildegarde_de_bingen_sainte_visions_mystique_chretienne_moyen-age_central_enluminureSujet : musique médiévale, chants, visions, mystique chrétienne, moyen-âge chrétien. Sainte Hildegarde, mystère, spectacle vivant
Période : 
moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : 
Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble médiéval : Vox in Rama
Evénement :
souscription et offre spéciale de lancement pour le CD/livret  du Mystère Vox Sanguinis autour de Hildegarde

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaous vous en souvenez certainement, nous vous avions présenté, il y a quelque temps, le travail artistique de la formation Vox In Rama autour des chants et des visions de l’abbesse bénédictine du XIIe  siècle Hildegarde de Bingen (voir article).

A la faveur des fêtes et dans le prolongement du spectacle vivant « Mystère Vox Sanguinis » qu’il continue de donner en ce moment-même, l’ensemble musical médiéval propose aujourd’hui une offre exceptionnelle de lancement pour l’acquisition du Film et CD avec livret complet du spectacle qui sortira courant 2018. Le principe en est simple, il s’agit de souscrire dés maintenant pour son achat. Les souscriptions permettront d’appuyer Vox in Rama dans ses démarches de production mais vous aurez en plus l’avantage de pouvoir acquérir le CD, Film et livret à un prix moindre, en bénéficiant d’une réduction de 20%.

Présentation / teaser du Mystère Vox Sanguinis

Pour plus d’informations cliquez simplement sur le bouton ci-dessous
sainte_hildegarde_de_bingen_abbesse_musique_medievale_chants_moyen-age_ensemble_medieval_vox_in_rama

Si vous ne l’avez pas encore lu, nous vous invitons également à découvrir un article exclusif de Frédéric Rantières, directeur artistique de l’ensemble Vox In Rama sur le rire, de la médecine antique à la médecine médiévale de Hildegarde et Bingen

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Hildegarde de Bingen et le rire de la rate, par Frédéric Rantières

hildegarde_de_bingen_sainte_visions_mystique_chretienne_moyen-age_central_enluminureSujet : musique médiévale, chants, visions, mystique chrétienne, moyen-âge chrétien. rire, médecine médiévale, conférence.
Période : 
moyen-âge central, XIIe 
Auteur : 
Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble: Vox in rama
Evénement : Vox Sanguinis
, mystère médiéval sur la vie, les visions & les chants d’Hildegarde, conférences et ateliers

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passion la faveur du spectacle musical ou plus exactement du Mystère Vox Sanguinis de l’ensemble Vox In Rama autour d’Hildegarde de Bingen qui sera donné plusieurs fois ce mois de novembre, nous avons le grand plaisir de publier, aujourd’hui, un article de la main même de son directeur artistique, Frédéric Rantières, qui se trouve être, en plus d’un artiste et chanteur accompli, docteur en anthropologie religieuse et histoire des religions, mais encore versé (tout autant que passionné) dans le domaine de la musicologie médiévale.

En relation avec le spectacle autour d’Hildegarde, mais aussi des conférences ou ateliers qu’il donnera sur le sujet,  il nous invite  ici à considérer le « rire » dans une perspective historique, médiévale et médicale, à la lumière de différents auteurs mais également des conceptions de l’abbesse et sainte rhénane du XIIe siècle. Nous lui cédons donc la place, non sans vous rappeler avant cela, les dates des différents événements proposés dans le courant du mois de novembre par l’Ensemble Vox in Rama et son directeur autour des visions et des chants d’Hildegarde de Bingen.

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VOX IN RAMA – SPECTACLES, CONFERENCES & ATELIERS
autour d’Hildegarde de Bingen

Lundi 6 novembre à 20h,
Espace le Moulin, Paris 5e

Conférence didactique de F. Rantières sur le chant de l’abbesse
Présentation et réflexion sur le thème – écoute commentée de chants d’Hildegarde de Bingen  Renseignements & réservations

Vendredi 17 et samedi 18 novembre à 20h,
Paris 5e – église évangélique Saint-Marcel

Nouvelles représentations du Mystère Vox Sanguinis sur les chants et les Visions d’Hildegarde de Bingen
Version augmentée du spectacle du mois de mai avec atelier de chant à 18h (sur réservation)  Renseignements & réservations

Dimanche 19 novembre à 15h30
Basilique de Longpont-sur-Orge

Représentation du Mystère Vox Sanguinis sur les chants et les Visions d’Hildegarde de Bingen
Version augmentée du spectacle du mois de mai Renseignements & réservations

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Hildegarde de Bingen et le rire de la rate
Par Frédéric Rantières

Redécouvrir les dimensions spirituelles et thérapeutiques du rire au Moyen Âge

L’époque contemporaine assimile un peu trop systématiquement le rire au divertissement et, à son corollaire, la dérision, ce qui est dommageable pour nous au moins en deux points : comme tout amalgame, la confusion établie entre deux termes distincts entraîne inévitablement une réduction du sens de la langue, et qui plus est, pour les acceptions de ce mot très ancien, en déforme notre appréhension. Plus grave, la conséquence de ce processus affecte notre sens de la psychologie qui se trouve alors amoindri, perdant ainsi la capacité naturelle de voir, à travers cette manifestation par trop banalisée aujourd’hui, ses aspects sainte_hildegarde_de_bingen_mystere_medecine_mystique_medievale_moyen-age_chretienrévélateurs d’une personnalité, d’un caractère et d’un tempérament, comme a su si bien nous le transmettre une Hildegarde de Bingen (1098-1179) et d’autres « sachants » des temps anciens.

Le rire est en effet un symptôme pour l’abbesse, ce qui n’est pas nouveau, car il est considéré depuis la fin de l’Antiquité au même titre que la toux, les larmes, les diverses sortes de douleurs, d’exsudations, de sécrétions, etc., entrant dans la complexion d’un être en révélant l’équilibre subtil de ses humeurs. La prise « au sérieux » du rire est à ce point essentielle qu’elle permet de rentrer de manière plus organique dans « le terrain » d’un déséquilibre causant une maladie. Au lieu de l’ignorer, le thérapeute, pour une approche plus complète de l’homme, devrait alors, à en croire les sources anciennes, prêter attention à la manière dont ce dernier rit, pour en tirer des signes qui pourraient l’aiguiller vers l’origine de sa pathologie. Pour ce faire, il doit être guidé par une connaissance non seulement médicale mais aussi spirituelle des organes.

Le siège du rire est la rate

En Occident, l’idée selon quoi le rire est un symptôme est avérée par le savant Quintus Serenus Sammonicus (fin du IIe-début du IVe siècle ?), qui dans son Liber medicinalis le relie au gonflement de la rate :

« La tuméfaction de la rate est dangereuse et pourtant elle provoque un rire absurde qui me semble voisin de celui qu’engendre la plante de Sardaigne [il s’agit de la sardonie, une variété vénéneuse de renoncule qui provoque un contraction des muscles du visage] qui mêle des rires sans raison [le fameux rire sardonique] à de malheureuses destinées. On dit que son ablation supprime le penchant à l’hilarité et impose un front sévère pour le reste de la vie » (Quintus Serenus, Liber medicinalis, Dr Roger Pépin, Presses universitaires de France, 1950, XXII, Pour guérir la rate, 25-30, p. 25)

rire_sardonique_moyen-age_medecine_medievale_hildegarde_de_bingen( renoncule scélérate, la Sardonia des Romains qui donna son origine à l’expression rire sardonique)

La relation que le médecin peut établir entre la tuméfaction de la rate et le rire qu’elle provoque fait de ce dernier un symptôme à même de lui indiquer un disfonctionnement de l’organe.  Cette croyance remonte en vérité à Pline l’Ancien (23-79 ap. JC), qui, dans son Histoire naturelle, rapporte entre autres qu’un rire immodéré est fonction de la taille de la rate (chap. XI, lxxx), ce passage étant mieux connu pour la mention de la rate que l’on brûlait chez les coureurs afin d’améliorer leur endurance, d’où viendrait l’expression « courir comme un dératé ». Quant à sa fonction, Platon (428-347 av. JC), dans son célèbre Timée, écrit bien connu au Moyen Âge, l’assigne à celle de nettoyer le foie de ses impuretés :

« Par ailleurs, la constitution du viscère voisin [la rate] et sa situation sur sa gauche [par rapport au foie qui est à droite] trouvent dans le foie leur explication, car ce viscère sert à garder le foie toujours brillant et net, comme un instrument fait exprès pour essuyer un miroir et toujours prêt à ses côtés à être utilisé. Voilà justement pourquoi, chaque fois que des impuretés apparaissent sur le foie, impuretés produites par des maladies qui frappent le corps, la rate les nettoie toutes ; elles sont absorbées par les trous qui parsèment la texture de ce viscère, qui est creuse et exsangue. Par suite, lorsqu’elle se remplit des impuretés qu’elle enlève, son volume augmente, la rate devient grosse et malsaine. Et, à rebours, quand le corps est purgé, elle rapetisse et revient à son volume primitif » (Platon, Timée, traduction de Luc Brisson, 2001, 72c-d, p. 187).

Hildegarde savait tout cela. Dans son traité de médecine, elle évoque au sujet de l’Adam un lien entre la rate et les rires qu’il émet depuis la transgression du précepte divin dans le jardin d’Éden, les deco_medievale_enluminures_sainte_hildegarde_ricanements discordants remplaçant désormais la faculté harmonique innée qui lui permettait, avant sa déchéance, de chanter avec les anges :

« Adam, avant la faute, connaissait le chant des anges et toute sorte de musique, et il avait une voix harmonieuse, comme celle d’un monocorde. À cause de sa faute, causée par la tromperie du serpent, s’est introduit dans sa moelle et sa cuisse une sorte de vent qui se trouve maintenant en tout homme. Sous l’effet de ce vent, la rate de l’homme se dilate, et, dans une manifestation de joie inepte, des ricanements et des éclats de rire en jaillissent » (Hildegarde de Bingen, Pierre Monat, Les causes et les remèdes, Grenoble, Jérôme Millon, 1997, La prudence d’Adam, p. 179).

Notre botaniste, comme tout médiéval, n’ignorait pas non plus le quadruple adage du compilateur Isidore de Séville (560 ?-636), qui dans ses Étymologies affirmait que « c’est avec la rate que nous rions, avec la bile (ou la vésicule biliaire) que nous nous mettons en colère, avec le cœur que nous comprenons et avec le foie que nous aimons » (Étymologies livre XI, i, 127). Au XVIe, le médecin de la Renaissance Laurent Joubert (1529-1582) repartira de ce savoir dans son traité sur le rire à propos des tempéraments mélancoliques :

« Or il etoit bien seant à l’homme, de s’ajouyr & rire : et pource il ha eu la rate fort convoiteuse et rapineuse de cette lie […] Car ayant grand force d’attirer l’humeur melancholique [qui provient de la bile noire], qui d’alheurs et copieus en l’homme, elle ne peut fahlir d’etre bien noire. Donqs tandis que celà se pratique bien, l’homme et plus joyeus : mais si la rate n’attire autant de melancholie […] ou à cause de sa foiblesse […] le sang demeure noir (comme aussi sera la rate) & l’esprit en devient triste. Il echait quelquefois, que à cause des opilacions, la lie qui et attiree & anclose dans la rate, ne se peut libremant vuider. Dontil s’y fait une tumeur dure ; que nous appelons Schyrrhe, menassant d’hydropisie […] Mais que dirons-nous au poëte Quint Serain, qui attribuë à la rate grosse et anflee, la cause de certain Ris ? […] Ha-il point voulu sinifier la manie ou folie, qui procede souvant de la rate mal disposee ? dont grand humeur melancholique monte au cerveau ? Mais celà ne seroit pas le Ris Sardonien […] » (Laurent Joubert, Traité du ris (facsimilé), Paris, Nicolas Chesneau, 1579, Maxtor, novembre 2014, « pourquoy dit-on que la rate fait rire ? », p. 286-288).

deco_medievale_enluminures_sainte_hildegarde_L’auteur, partant de la même source qu’Hildegarde, distingue cependant le rire mortel, le fameux rire sardonique que provoque la plante de Sardaigne, du rire maniaque causé par une rate mal disposée, symptôme très proche de ce dont nous avait parlé Hildegarde. Ce texte ajoute à la vision platonicienne le fait que la rate, lorsqu’elle est en bonne santé, aspire à elle l’humeur noire, ladite mélancolie, qui, telle une lie, encrasse le sang au point de le noircir, assombrissant en conséquence le tempérament tout entier de l’homme. Elle est donc l’organe qui assure bonne humeur, joie et gaité en clarifiant le sang du voile de la bile noire. Sans son aide, l’homme sombrerait assurément dans la mélancolie… C’est d’ailleurs de cette science de la rate que vient le terme « désopilant », tiré de l’expression médicale « désopiler la rate », signifiant littéralement « dégorger la rate » pour mieux libérer le corps de l’humeur noire (Grand dictionnaire étymologique et historique du français, Larousse, 2005, à « désopiler »). On comprend mieux ainsi que l’homme, pour pouvoir rire sainement, doit avoir une rate désobstruée. Mais s’il advient que celle-ci ne soit plus en mesure d’éliminer la bile, alors ce dernier ne sera plus enclin à se réjouir et encore moins à rire…

Le vent du péché envahit aussi la rate

Pour en revenir à notre abbesse, qui ne manque jamais de ressort, on peut constater, après ce petit périple autour de la rate, qu’elle va beaucoup plus loin que ses propres sources, en ancrant cette connaissance médicale dans l’épisode du dialogue de la Genèse entre Ève et le serpent, comme nous l’avons vu plus haut. Notre médecin médiéval va de surcroît rentrer dans une minutieuse description sur la manière dont le souffle maléfique du serpent parcourt désormais le corps de l’Adam :

« […] Et lorsque l’homme se réjouit des bonnes choses, ou des mauvaises qui lui plaisent, le souffle dont j’ai parlé, sortant de sa moelle, touche d’abord sa cuisse, occupe sa rate, emplit les veines de sa rate, s’étend jusqu’au cœur, emplit le foie, et ainsi pousse l’homme à rire et fait sortir sa voix sous la forme d’un ricanement semblable aux cris des animaux. »

Elle ajoutera même, au sujet de la rate et de sa relation avec le rire :

« L’homme qui, sous l’effet de ses pensées, est emporté ici et là, facilement, comme le vent, a une rate un peu épaisse, et, pour cette raison, il est facilement dans la joie et rit facilement. Et, de même que la tristesse et la colère affaiblissent l’homme et le dessèchent, de même un rire sans mesure blesse la rate, fatigue l’estomac, et, par le mouvement qu’il crée, disperse les humeurs de façon anormale, dans toutes les directions. » (Hildegarde de Bingen, Pierre Monat, Les causes et les remèdes, Grenoble, Jérôme Millon, 1997, la joie et le rire, p. 180).

deco_medievale_enluminures_sainte_hildegarde_Le souffle pervers qui s’est introduit dans Ève durant son entretien avec l’homme-serpent aurait pris racine dans la moelle de l’Adam, s’immisçant dans les organes du corps humain, dès que l’homme tente de se réjouir. Il va alors infester la rate, le cœur et le foie. Le malheureux Adam, pour s’en libérer, n’aurait alors d’autre choix que de ricaner à l’instar d’un animal qui crierait! Mais ensuite, on découvre que le rire peut à son tour blesser la rate. On ne sait plus alors vraiment si c’est la poule qui fait l’œuf, à savoir si c’est la rate tuméfiée qui provoquerait un rire incohérent, ou si c’est plutôt l’œuf qui fait la poule, autrement dit si c’est le rire lui-même qui endommagerait la rate causant alors des ricanements ineptes ? Mais pour comprendre Hildegarde, mieux vaut ne pas trop se cramponner à une logique cartésienne, ce qui serait anachronique, mais plutôt prendre une hauteur de vue qui permette de dégager des axes de réflexion plus élargis. L’idée en effet que le rire puisse être à la fois le symptôme d’un désordre organique de l’Adam, et en particulier de sa rate, ne s’oppose guère pour notre visionnaire au fait qu’il puisse également être la cause de la souffrance de la rate, puisque un rire démesuré peut avoir un effet pervers qui altère la qualité des organes, en dispersant leur énergie, jusqu’à les blesser.

Le rire, s’il est le signe d’une bonne santé de la rate lorsqu’il est modéré, peut donc indiquer dans la médecine ancienne un disfonctionnement de l’organe lorsqu’il devient incontrôlé et, par retour, blesser celle que l’on désignait communément comme étant le siège du rire.

conference_sainte_hildegarde_de_bingen_chant_moyen-age_central_chretien_XIIe_siecleCe sont de telles dimensions de connaissance, où création, âme et corps sont observés dans leurs interactions, qui m’ont poussé à mettre en scène avec l’ensemble médiéval Vox in Rama et la comédienne Marie-Laure Saint-Bonnet le Mystère Vox Sanguinis sur la vie et les visions d’Hildegarde de Bingen. Les textes que je viens de citer dans cet article font notamment l’objet de l’une des dernières scènes du spectacle consacrée à « la voix du premier Adam », afin de redonner aux textes de notre auteure toute leur puissance et d’en partager la saveur avec le public. Cette formidable réflexion de la visionnaire a provoqué chez moi un tel engouement que je lui consacre depuis plus d’un an une conférence sur sa conception de la voix et du chant en lien avec le rire, que je referai encore trois fois entre les mois de novembre et de décembre 2017 sur Paris (renseignements sur www.fredericrantieres.com, à la rubrique « agenda des concerts et conférences ; ou sur www.voxinrama.com pour la conférence du 6 novembre 2017 »).

Je suis heureux de pouvoir à nouveau représenter trois fois sur Paris ce mystère, qui d’ailleurs a connu un franc succès au mois de mai, les vendredi 17 et samedi 18 novembre 2017 à 20h à l’église évangélique Saint-Marcel (Paris 5e) et le dimanche 19 novembre 2017 à 15h30 à la basilique de Longpont-sur-Orge (91) avec une conférence introductive à 14h. Avant les spectacles des 17 et 18 novembre sera proposé au public sur réservation un atelier de chant entre 18h et 19h sur « le rire au moyen âge », en repartant des textes anciens sur le rire.

Lundi 6 novembre 2017 à 20h, j’introduirai les textes du spectacle ainsi que des chants d’Hildegarde de Bingen dans une conférence qui se déroulera à l’Espace le Moulin, Paris 5e.

Frédéric Rantières.
Directeur Artistique de Vox in Rama


Comme indiqué plus haut, pour tout renseignement ou réservation sur l’ensemble de ces événements, n’hésitez pas à consulter le site de l‘ensemble vocal médiéval Vox In rama ou celui de Frédéric Rantières.

Un « mystère » autour de Hildegarde de Bingen avec l’ensemble médiéval Vox in Rama

hildegarde_de_bingen_sainte_visions_mystique_chretienne_moyen-age_central_enluminureSujet : musique médiévale, chants mystique chrétienne, visions,  moyen-âge chrétien. médecine médiévale.
Période :
moyen-âge central, XIIe 
Auteur :
 Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble: Vox in rama
Evénement : Vox Sanguinis
, mystère médiéval sur la vie, les visions & les chants d’Hildegarde 
Dates :
 
les 17, 18 et 19 novembre 2017, Paris 5e, et Longpont-sur-Orge

Bonjour à tous,

R_lettrine_moyen_age_passionetraduire au plus près de leur authenticité originelle la musique et les chants médiévaux relève souvent de la gageure, mais que dire quand les oeuvres en question ont été composées par une grande mystique, sinon la plus grande du moyen-âge central, Hildegarde de Bingen et quand, en plus, on entend bien, à travers une restitution contemporaine,  tenter de transmettre et de faire sentir toute la richesse de l’expérience mystique et des visions de la musique_medievale_chant_voxinrama_mystere_sainte_hildegarde_bingen_moyen-age_centralsainte du XIIe siècle?

C’est pourtant là le pari noble et ambitieux relevé par l’ensemble vocal médiéval Vox in rama, dans un spectacle vivant qui puise à la fois dans le répertoire des chants et musiques sacrés de l’abbesse bénédictine mais encore dans d’autres de ses écrits auto-biographiques, religieux, visionnaires ou même issus de ses traités de médecine.

Un Mystère médiéval sur la vie, les visions et les chants d’Hildegarde de Bingen

« Ouvre la clôture des mystères, car par timidité, les gens les ont gardés inutiles et enfermés dans un champ caché. »
Sainte Hildegarde Von Bingen (1098-1179)

A_lettrine_moyen_age_passionu service de cette restitution, l’ensemble Vox in Rama sera entouré d’instrumentistes et de compositeurs, mais aussi d’une comédienne qui aura en charge de faire revivre la Sainte médiévale au travers des lectures. Avant le spectacle, un atelier/conférence fournira également quelques clés pour mieux entrer dans l’univers de la Sainte.

A travers ce mystère et ce drame musical qui se veut résolument ouvert à tous, il est résolument question d’interpeller notre modernité. Les visions de la Sainte autant que les idées qui en émanent, notamment en matière de médecine, semblent en effet résonner, par endroits, d’une étrange avance sur leur temps. On pense notamment à sa vision du macrocosme/microcosme qu’un Paracelse, bien des siècles plus tard, sainte_hildegarde_de_bingen_visions_mystiques_medecine_holistique_spirituelle_medievale_enluminuresn’aurait sans doute pas désavoué, mais aussi à cette médecine qui intègre le corps, la dimension spirituelle et l’âme dans une même dynamique et qui pourrait presque déjà nous rappeler certaines médecines « holistiques » plus modernes.

En se souvenant encore des vertus thérapeutiques qu’Hildegarde de Bingen pouvait prêter aux chants et aux sons, de l’importance aussi qu’elle pouvait accorder aux gemmes et aux cristaux (on la trouve même citée ici ou là sur des sites web actuels traitant de lithothérapie), ou même de la place qu’elle attribuait aux éléments et à leur équilibre dans ses théories toutes à la fois médicales et spirituelles, on pourrait même être tenté de faire quelques rapprochements avec certaines idées en vogue du côté du « New Age ».  Dans un interview radio du 2 mai 2017, accordé  à Radio Notre Dame. Frédéric Rantières, fondateur et directeur artistique et musical de l’ensemble Vox In Rama,  ne manque d’ailleurs pas de le soulever tout en demeurant très clair sur ce point : ce raccourci ou cet « écueil » un peu rapide – dont  on pourrait presque craindre (et ceci est à notre compte), qu’il « stigmatise » ou réduise  la Sainte et ses visions, en les faisant entrer à la hâte et sans ménagement dans une certaine ère du Verseau – ne saurait être, pour lui, une raison suffisante pour reléguer dans l’oubli le  legs médical et spirituel  de la mystique bénédictine. Il faut, au contraire, l’aborder « fraîchement » dans son entier et dans sa modernité, en faisant face sereinement aux questions qu’il peut soulever.

Dates et lieux du mystère:  les 17 et 18 novembre 2017 à 18 heures à l’Eglise évangélique Saint-Marcel, Paris 5e, le 19 novembre  à 14 heures à la Basilique de  Longpont-sur-Orge.

Pour plus d’informations (tarifs, détails pratiques, etc…) veuillez-vous reporter au site web officiel de l’ensemble Vox in rama ou à leur page Facebook.

Vox in Rama : ensemble vocal médiéval

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaondée en 2006 par Frédéric Rantières, à la fois chanteur, directeur de choeur, mais aussi chercheur versé en anthropologue religieuse, la formation Vox in Rama se propose d’explorer les  premières traditions vocales de l’Occident médiéval. Empruntant essentiellement au répertoire des chants sacrés, son ambition est de se situer au carrefour du moyen-âge et du XXI siècle pour  « revisiter les traditions musicales anciennes en tant que patrimoine vivant, dont le germe et le contenu participent à la création contemporaine. »

vox_in_rama_ensemble_vocal_chant_musique_medievale_ancienne_chant_gregorien

A ce jour, l’ensemble compte trois CD’s à son actif que vous pourrez retrouver sur leur site web, ainsi qu’un certain nombre de pièces disponibles à la libre écoute. En plus des productions musicales et des prestations scéniques de Vox in Rama, Frédéric Rantières propose aussi des stages de chant grégorien et médiéval, allant de l’initiation à des niveaux plus avancés  et, encore, diverses conférences sur des thèmes connexes. Vous pourrez en trouver le détail sur son propre site web.

Extrait musical d’une des productions de Vox In Rama,
Tiré de l’album Lignum Vitae.

En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.