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La vérité, le fou et le sage, par le philosophe Erasme

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“Accordez aussi aux fous une qualité qui n’est pas à dédaigner: seuls, ils sont francs et véridiques.”
Erasme de Rotterdam, (1461-1536)- L’Eloge de la folie.
Philosophe, humaniste, écrivain de la toute fin du moyen-âge ou du début de la renaissance.

Bonjour à tous,

J_lettrine_moyen_age_passione fais juste une petite précision pour éclairer cette citation de Erasme qui peut être mal comprise quand on la prend hors contexte. Le fou dont il est question ici est le bouffon, le fou du prince. Plus loin le philosophe ajoutera d’ailleurs :

« On me dira que les oreilles princières ont précisément horreur de
la vérité et que, si elles fuient les sages, c’est par crainte d’ouïr parmi eux une voix plus sincère que complaisante. Je le reconnais, la vérité n’est pas aimée des rois. Et pourtant, mes fous réussissent cette chose étonnante de la leur faire accepter, et même de leur causer du plaisir en les injuriant ouvertement. Le même mot, qui, dans  la bouche d’un sage, lui vaudra la mort, prononcé par un fou réjouira prodigieusement le maître. C’est donc que la vérité a bien quelque pouvoir de plaire, si elle ne contient rien d’offensant, mais folie_citation_medievale_bouffon_roi_erasme_veriteles Dieux l’ont réservée aux fous. »

En ces temps imbéciles où un rien nous offense si souvent et, en accord avec Erasme, ajoutons encore ceci : bienheureux le royaume ou les terres de ce monde où le fou peut encore se rire même des princes et où il n’a crainte que la vérité ne sorte par sa bouche.

Une belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Petit épître au roi par Clément Marot ou l’exercice de style d’un poète de cour

poesie_medievale_clement_marotSujet : poésie médiévale, auteur, poète, épître, mécénat, François 1er, poésie de cour
Période : fin du moyen-âge, début renaissance
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Titre : « Petit épître au roi »

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionlément Marot n’a que vingt-deux ans quand il écrit cette courte poésie, que l’on a souvent appelé le petit épître au roi, épître étant à prendre, ici, dans son sens littéraire et non pas liturgique, soit une poésie en vers qui prend la forme d’une missive.


En m’esbatant je fais rondeaulx en rithme,
Et en rithmant bien souvent je m’enrime;
Brief, c’est pitié d’entre nous rithmailleurs.
Car vous trouvez assez de rithme ailleurs.
Et quand vous plaist, mieulx que moy rithmassez.
Des biens avez et de la rithme assez :
Mais moy, à tout ma rithme et ma rithmaille,
Je ne soustiens (dont je suis marry) maille.
Or ce me dit (un jour) quelque rithmart :
« Viença, Marot, treuves tu en rithme art
Qui serve aux gens, toy qui a rithmassé?
Ouy vrayement (respond je) Henry Macé,
Car vois tu bien la personne rithmante
Qui au jardin de son sens la rithme ente,
Si elle n’a des biens en rithmoyant,
Elle prendra plaisir en rithme oyant;
Et m’est advis que, si je ne rithmoys,
Mon povre corps ne seroit nourry moys.
Ne demy jour : car la moindre rithmette
C’est le plaisir où fault que mon ris mette
Si vous supply qu’à ce jeune rithmeur
Faciez avoir un jour par sa rithme heur*,
Affin qu’on die, en prose ou en rithmant :
« Ce rithmailleur qui s’alloit enrimant,
Tant rithmassa, rithma et rithmonna.
Qu’il a congneu quel bien par rithme on a.

*heur : sort, chance, bonheur


Le texte se veut léger et Marot y joue sur les mots autour de son art de rimer, tout en plaidant pour sa cause auprès de François 1er. Nous sommes en 1518, l’auteur veut alors entrer, comme son père, au service du roi. Cela fera dire à certains auteurs et notamment à Louis A. Montalant-Bougleux dans son ouvrage: « Etudes sur les poètes dans leurs relations avec les cours et, par extension, sur les bouffons, les nains, les abbés, etc »  que Marot s’abaisse, ici, à des bouffonneries qui le placent un ton en dessous de l’Art poétique.

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C’est une critique un peu acerbe, même si on peut comprendre d’où elle vient. Nous sommes ici en plein dans la poésie de complaisance et il faut bien reconnaître que le ton léger, l’esprit, le style, autant que les facéties du poète de cour que Marot aspirait à être et qu’il fut aussi, se donnent à lire dans cet épître, sans fausse-pudeur. Il est, par ailleurs, encore jeune quand il écrit ce texte et n’a pas encore essuyé les déboires qu’il connaîtra plus tard. Ajoutons à cela que, même après, s’il n’est pas non plus le poète sans aucune épaisseur auquel on l’a quelquefois réduit, ses accidents de parcours n’en feront jamais, non plus, le « poète maudit » qu’on fera de François Villon. De manière égale, du point de vue de son engagement politique au sens large, il reste tout autant difficile de le rapprocher d’un Rutebeuf, ou d’un Eustache Deschamps. et on n’a encore souvent avancé que ses déboires naquirent plus d’un trop grand excès de confiance dans ses protecteurs que d’une volonté farouche de se tenir dans la marge et dans l’adversité.

Pour autant, quant à ce qui est de tendre la main pour demander pitance, ce fut le lot de tous. Sauf à être puissant soi-même et s’adonner à la poésie comme un amusement ou, pour le dire autrement, le ventre plein, en vivre sans être fortuné passe clement_marot_poesie_medievale_epitre_au_roi_francois_1er_premiernécessairement, depuis des temps reculés par le bon vouloir et la générosité de bienfaiteurs argentés; le monde médiéval n’y a pas dérogé. Plus près de nous et depuis la fin du XXe siècle, et c’est une question tout à fait ouverte, je ne sais même plus s’il est possible de « vivre » uniquement de sa poésie, même miséreux; je veux donc dire survivre. Hors des anthologies d’auteurs confirmés, des éditeurs se risquent-ils sur de nouveaux auteurs? Les gens la lisent-elle encore? Ou ne peut-elle passer que par l’art musical et la chanson, même si les deux arts ne se recouvrent pas toujours, loin s’en faut.

(ci-contre portrait de François 1er, Van Clève, 1530-1535, Musée Carnavalet, Paris)

Pour revenir à notre épître et notre auteur du jour, il en faut pour tous les goûts et c’est aussi sans doute dans cette légèreté revendiquée et assumée, dans ses mots d’esprits, ses épigrammes ou sa moquerie que Clément Marot brille le mieux. D’ailleurs, à plus de quatre cent ans de son écriture, ce petit épître au roi se lit encore très agréablement, pour l’exercice de style qu’il est resté.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Lady Greensleeves: une version vocale de la célèbre chanson anglaise

musique_ancienne_renaissance_medievale_viole_de_gambe_greensleeves_jordi_savalSujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version vocale
Période : XVIe, début de la renaissance, toute fin du moyen-âge.
Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves
Groupe : Estampie, Graham Derrick
Album : Under The Greenwood Tree (1997)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avons longuement parlé de l’histoire de la chanson anglaise Greensleeves dans un précédent article. Nous vous présentions alors, pour l’illustrer, une version instrumentale interprétée par Jordi Saval et Hespèrion XXI.

Aujourd’hui, pour faire suite à l’adaptation-traduction que nous vous avions alors proposé des paroles de cette chanson, vraisemblablement née sous le règne des Tudors et dont la popularité ne s’est pas démentie dans le monde anglo-saxon depuis près de quatre cents ans, nous vous en proposons une version vocale. On la doit  à une formation anglaise, du nom d’Estampie dans un  album de 1997, dédié aux musiques médiévales et anciennes intitulé ; Under The Greenwood Tree.

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Même si les paroles de Greensleeves furent, à l’évidence, écrites par un homme pour (ou à propos) d’une femme, la version du jour est interprétée par une très belle voix féminine mezzo soprano, celle de Anne Falloon. Pour de nombreuses chansons médiévales, il n’est pas rare que l’art  ou le chant lyrique s’en soient emparé, et de fait les chanteurs masculins semblent plus rares que les chanteuses sur le répertoires des troubadours.

Dans les interprétations vocales masculines que vous pourrez trouver à la ronde, de nombreuses sont polyphoniques et tirent un peu plus cette Lady Greensleeves du côté des chants de noël, ce qu’elle est aussi devenue avec le temps mais comme cela l’éloigne encore plus de ses origines, nous leur avons largement préféré la version du jour. Pour suivre les paroles et tout savoir sur cette chanson n’hésitez pas à consulter le précédent article sur le sujet!

 

En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com.
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

Greensleeves: une ballade folk traditionnelle anglaise du début de la renaissance

musique_ancienne_renaissance_medievale_viole_de_gambe_greensleeves_jordi_savalSujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version musicale
Période : XVIe, début  de la renaissance, toute fin du moyen-âge
Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves
Groupe : Hespèrion XXI, Jordi Savall,
Album : Ostinato (2001)  AliaVox

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons un peu de la grâce absolue de Jordi Savall et de sa formation Hespèrion XXI, au service d’une  chanson anglaise mythique de la toute fin du moyen-âge et même du début de la renaissance, qui a pour titre  Lady Greensleeves, mais que l’on retrouve encore souvent sous le simple titre de Greensleeves.

La superbe adaptation musicale de Lady Greensleeves par Jordi Savall

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Pardonnez-nous si nous avons l’air d’insister avec Jordi Savall et sa formation Hespérion XXI, mais c’est qu’en dehors du grand travail de recherches historiques et d’interprétation effectué, en amont de chaque album, pour restituer des joyaux et des trésors de musique ancienne,  le toucher et le son lady_greensleeves_jordi_savall_musique_ancienne_moyen-age_renaissance_folk_anglais_anthologiede du maître de musique catalan sont tellement uniques qu’il ne nous laisse d’autres choix. Au vu du nombre d’interprétations que l’on trouve de cette extrêmement populaire Lady GreenSleeves, nous aurons sans doute l’occasion d’en partager d’autres versions, mais pour l’instant place à Hespérion XXI!

Pour parler un peu de l’album Ostinato (Obstiné en Italien) dans lequel on peut retrouver cette version unique de Greensleeves, son titre contient tout entier son objet. A travers plus de 150 ans d’histoire de la musique ancienne et européenne, Hesperion XXI y explore, en effet, des morceaux choisis qui font appel à ce que l’on appelle la basse « obstinée » ou basse « contrainte ». Connu encore sous le nom d’Ostinato, ce procédé de composition consiste à répéter une mesure de 4 à 8 temps tout au long d’une pièce avec des variations et improvisations autour. Au XVIe siècle, il deviendra caractéristique de certaines danses italiennes telle que la romanesca ou la passamezzo.

Les paroles et la légende de Greensleeves

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Même si cette pièce  est au départ une chanson, elle a été reprise un nombre incalculable de fois, depuis  des siècles, sous sa forme uniquement instrumentale. C’est d’ailleurs cette dernière forme que nous avons choisi aujourd’hui pour vous la présenter, mais nous en profitons tout de même pour aborder également les paroles qu’on lui connait et aussi les traduire.

Du point de vue de l’histoire, la chanson conte les déboires d’un amant rejeté par sa belle, une demoiselle du nom de « lady Greensleeves ». L’amour a visiblement été consommé entre les deux amants mais l’homme en est encore « captif » et ne se résout pas à la séparation. Il implore sa maîtresse de revenir l’aimer encore une fois, lui rappelant même toutes les attentions qu’il a eu pour elle, mais aussi tous les beaux cadeaux qu’il lui fit, du temps de leurs élans conjoints. Ceci pourrait paraître quelque peu indélicat, dit comme cela, quoiqu’en le traduisant dans sa version originale et complète, je me sois franchement demandé à plusieurs reprises si la longue liste qu’il fait de ses achats pour elle, qui pourrait presque paraître pathétique tant elle est détaillée, est faite sous l’effet du désespoir ou si le détail et la répétition ne cherchent pas finalement à ménager un effet humoristique. Par certains endroits, l’homme me fait un peu penser au Arnolphe de l’école des femmes de Molière, bien que greensleeves_musique_ancienne_folk_renaissance_angleterre_paroles_histoire_legendes_Alessandro_ Alloririen dans le texte ne laisse supposer une telle différence d’âge entre lui et cette Lady Greensleeves. Une chose est sûre, même si sa complainte reste finalement très matérialiste et peu « relationnelle », à sa façon, le pauvre bougre n’a  ménagé ni sa peine, ni ses deniers pour se faire aimer de la belle. (ci-dessus peinture de Alessandro Allori, peintre italien de la renaissance, contemporain de la chanson, XVIe siècle)

Au vue des détails qu’il donne, il apparaît d’ailleurs comme un homme relativement riche et puissant puisque, entre autre bijoux et habits précieux, il avait même mis au service de la demoiselle des « hommes tous vêtus de vert » pour s’assurer qu’elle ne manque de rien; il parle aussi de ses terres. On n’est donc pas du tout face à un trouvère désargenté de type Rutebeuf ou Villon. Quoiqu’il en soit, malgré toutes ses belles attentions, il semble bien que la rupture ait été consommée; la demoiselle a fermé sa porte et l’amant transi n’a plus que sa plume, sa longue liste de reproches et sa chanson pour se consoler. Qui eut pu dire alors que cette dernière traverserait les siècles et connaîtrait la renommée incroyable qui fut la sienne durant plus de quatre cents ans et jusqu’à nos jours?

Sur le nom de la Demoiselle : GreenSleeves, que nous pourrions traduire littéralement par « Manches Vertes », même si cela sonne affreusement mal, ou par « Vertemanches » ce qui sonne légèrement mieux, on trouve quelques analyses à la ronde que je ne fais ici que mentionner sans avoir le moyen de les accréditer. L’une d’elle avance que la couleur verte était alors le symbole de la « légèreté » en amour, dans le sens d’amours « volages » ou même de l’amour naissant.

prostitué_et_paysan_prostitution_renaissance_fin_moyen-age_lucas_maler_CranachDans la même veine et au vue de la tournure de l’ensemble du texte, certains auteurs anglais avancent même que cette jeune maîtresse aurait pu être une fille légère, voir même une prostituée. Cela est générale-ment étayé par le fait qu’à la fin du XVIIe siècle, en anglais archaïque, l’expression « green gown » désignait une robe devenue verte après que sa propriétaire se soit roulée dans l’herbe et, du même coup, une perte de la virginité « de manière illicite », entendez « hors mariage ». Comme à aucun moment, l’homme ne parle de prendre la belle en épousailles ou d’un quelconque désir d’officialiser cette relation, l’hypothèse s’est étendue sur le fait que la demoiselle pouvait être une maîtresse intéressée, voire une prostituée. En tout état de cause, rien de tout cela ne peut être vérifié et d’ailleurs si c’était le cas, ce serait aussi étrange que cocasse, puisque la chanson a connu, dans ses nombreuses variantes, une adaptation en chant de noël à partir de la fin du XVIIe siècle ( ci-dessus « le paysan et la prostituée », toile de Lucas Maler, dit Lucas Cranach l’Ancien, peintre allemand de ce même XVIe siècle).

Le roi Henri VIII d’Angleterre,
auteur-compositeur de Greensleeves?

greensleeves_parole_histoire_chanson_folk_ancienne_anglaise_renaissance_anne_Boleyn_henri_VIIIUne « légende » raconte que Lady Greensleeves aurait été écrite autour de 1530 par Henri VIII d’Angleterre pour Anne Boleyn (portrait ci-contre) qui était alors sa maîtresse mais deviendrait bientôt, pour un temps, la reine consort d’Angleterre. Anne Boleyn aurait, à un moment donné, rejeté le roi, avant de changer d’avis et l’amant, autant que l’auteur de la chanson, serait donc, dans cette hypothèse, le roi lui-même. Si c’était bien le cas, la belle aurait été mal inspirée de changer d’avis et aurait mieux fait de tenir la position, puisqu’elle finira exécutée et décapitée pour adultère, inceste et haute trahison sur ordre personnel d’Henri VIII; autant de crimes dont l’Histoire semble l’avoir lavé depuis à quelques avis d’historiens prés. Elle est même devenue d’ailleurs une des figures martyres du protestantisme. Les historiens penchent entre un complot visant à éliminer la reine ou une claire volonté d’Henri VIII de le faire parce que cette dernière ne lui donnait pas d’héritiers mâles.

Pour la petite histoire, il faut tout de même se souvenir que Anne Boleyn ne fut pas la seule de ses épouses que ce roi, à la vie maritale et sentimentale, riche en péripéties et en « rebondissements » dramatiques, fit exécuter, au point qu’on lui prête même d’avoir été le véritable personnage ayant inspiré le conte de Perrault Barbe Bleue, bien plus que Gilles de Retz.

Pour revenir à Greensleeves, et dans une autre version de l’histoire on allègue, en relation avec l’hypothèse soulevée plus haut que cette Lady Greensleeves aurait plutôt été une prostituée et non la future reine d’Angleterre.  En réalité, aucun document ne permet d’étayer, historiquement, ni l’une ni l’autre de ces versions.

L’histoire de Greensleeves et les faits connus

On sait de source sûre que cette pièce, dont l’auteur et le compositeur sont demeurés anonymes à ce jour, est mentionnée, pour la première fois sous le règne dynastique de la maison Tudor, dans le registre de la compagnie des papetiers et éditeurs de presse de Londres ». En 1580, un dénommé Richard Jones l’a, en effet, faite enregistrer, en vue de sa publication. Dans les deux années qui suivront, on la retrouvera mentionnée sept fois dans ce même registre, sous des titres variés autour de « Lady Greensleeves » et sous le nom d’éditeurs ou d’imprimeurs divers.  Même si cela ne permet toujours pas de dater sa composition, il est indéniable qu’elle est déjà alors « officiellement » devenue extrêmement populaire comme elle l’est restée d’ailleurs depuis. En 1602, Shakespeare y fera même allusion dans une de ses comédies: « Les Joyeuses Commères de Windsor » (The Merry Wives of Windsor).

C’est en 1584 que les paroles de Greensleeves apparaissent pour la première fois dans un document écrit traçable, quant à sa musique, on la retrouve dans divers livres datant de la même période: le premier étant celui connu sous le nom de « William Ballet Lute Book«  date de 1590 et présente une partition pour luth de la chanson. Elle apparaîtra également en 1595 dans un manuscrit hollandais de Luth, le « Het Luitboek van Thysius », rédigé par un certain Adriaen Smout de Rotterdam et on la retrouvera, au fil du temps, dans de nombreux autres ouvrages.

musique_ancienne_anglaise_folk_moyen-age_tardif_debut_renaissance_greensleeve_port_amsterdam_jacques_brelSi l’on en connait pas l’auteur, le style et la composition laissent plutôt supposer que les origines de Greensleeves, ou au moins de son inspiration musicale, seraient sans doute plutôt à rechercher du côté du Passamezzo, danse de la renaissance Italienne dont nous parlions déjà plus haut, ou même de la Pavane espagnole, danse de cour lente de la même époque. Autre fait à relever concernant cette mélodie anglaise célèbre, et qui n’a pas trait à ses origines, mais plutôt à sa popularité, en tendant un peu d’oreille, vous aurez certainement noté que la célèbre chanson du grand Jacques Brel « Le port d’Amsterdam » s’en est aussi clairement inspirée.

Les paroles anglaises de Greensleeves

Il en existe de nombreuses variantes remaniées, rallongées, au besoin pour être converties, nous l’avons mentionné plus haut, en chant de noël mais Lady Greensleeves fut aussi adaptée au XVIIe siècle par ceux que l’on dénommait alors « les cavaliers » et qui étaient les troupes royales au service du roi Charles 1er, durant la guerre civile anglaise (1642–1651). On lui connait depuis des myriades de versions: jazz, folk, rock ou même variétés, de John Coltrane à Elvis Presley en passant par Léonard Cohen, Marianne Faithfull, Neil Young, Jethro Tull et même plus récemment Hélène Segara.

Les paroles anglaises que nous donnons ici proviennent de l’époque des Tudors. Nous les avons traduites et adaptées librement. Je précise que j’ai finalement consenti à traduire Greensleeves par Vertemanche en vous laissant libre d’utiliser le nom original, si vous le préférez. Mais, allons, assez parlé, en piste!


The Chorus / le Refrain

Greensleeues was all my ioy,
Greensleeues was my delight:
Greensleeues was my hart of gold,
And who but Ladie Greensleeues.

Vertemanche était toute ma joie
Vertemanche était tout mon plaisir
Vertemanche était mon coeur d’or
Et qui d’autre que demoiselle Vertemanche

The Verses / les paroles

Alas my loue, ye do me wrong,
to cast me off discurteously:
And I haue loued you so long
Delighting in your companie.

Hélas, mon amour, mon amour, vous me faites du mal
De me rejeter ainsi sans courtoisie
Car je vous ai aimé bien et longtemps
Prenant plaisir en votre compagnie

Chorus/Refrain

I haue been readie at your hand,
to grant what euer you would craue.
I haue both waged life and land,
your loue and good will for to haue.

Je me suis tenu près de votre main
Pour satisfaire tous vos désirs
J’ai gagé  mes terres et ma vie
Pour gagner votre amour et votre bienveillance

Chorus/Refrain

I bought three kerchers to thy head,
that were wrought fine and gallantly:
I kept thee both boord and bed,
Which cost my purse wel fauouredly,

Je t’ai acheté trois fichus
De fine étoffe et galante
Je t’ai gardé près de moi et dans mon lit
Ce qui a bien vidé ma bourse

Chorus/Refrain

I bought thee peticotes of the best,
the cloth so fine as might be:
I gaue thee iewels for thy chest,
and all this cost I spent on thee.

Je t’ai acheté trois jupons
Du meilleur et plus fin tissu
Et trois bijoux pour ton giron
Et tous ces frais c’était pour toi

Chorus/Refrain

Thy smock of silk, both faire and white,
with gold embrodered gorgeously:
Thy peticote of Sendall right:
and thus I bought thee gladly.

Ta chemise de soie, pure et blanche
Magnifiquement brodée d’or
Ton foulard de soie légère
Et tout ça acheté de bonne grâce

Chorus/Refrain

Thy girdle of gold so red,
with pearles bedecked sumptuously:
The like no other lasses had,
and yet thou wouldst not loue me,

Ta ceinture d’or si rouge
ornée de perles somptueuses
Du genre qu’aucune fille n’avait 
Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

Thy purse and eke thy gay guilt kniues,
thy pincase gallant to the eie:
No better wore the Burgesse wiues,
and yet thou wouldst not loue me.

Ta bourse et tes jolis poignards
Ta boîte à épingles si belle au regard
De meilleur, n’avait  femme bourgeoise
Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

Thy crimson stockings all of silk,
with golde all wrought aboue the knee,
Thy pumps as white as was the milk,
and yet thou wouldst not loue me.

Tes bas pourpres, tous de soie
Brodés d’or au dessus du genou
Tes escarpins  immaculés, aussi blancs qu’était le lait
Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

Thy gown was of the grossie green,
thy sleeues of Satten hanging by:
Which made thee be our haruest Queen,
and yet thou wouldst not loue me.

Ta robe était du vert des prés
tes manches de Satin tombantes,
Qui faisait de toi notre reine des moissons
Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

Thy garters fringed with the golde,
And siluer aglets hanging by,
Which made thee blithe for to beholde,
And yet thou wouldst not loue me.

Tes jarretières frangées d’or
aux aiguillettes d’argent pendantes,
Dont la vue t’avait tant ravi 

Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

My gayest gelding I thee gaue,
To ride where euer liked thee,
No Ladie euer was so braue,
And yet thou wouldst not loue me.

Mon vaillant hongre je t’ai donné
Pour le mener où tu voudrais
Nulle fille n’eut jamais ton audace
Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

My men were clothed all in green,
And they did euer wait on thee:
Al this was gallant to be seen,
and yet thou wouldst not loue me.

Mes hommes tous vêtus de vert
Toujours prévenants avec toi
Quel beau tableau cela faisait
Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

They set thee vp, they took thee downe,
they serued thee with humilitie,
Thy foote might not once touch the ground,
and yet thou wouldst not loue me.

Ils t’aidaient à le monter et t’en faisaient descendre
Ils te servaient avec tant d’humilité,
Pas une seule fois, je crois, tu n’eus à toucher le sol de ton pied
Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

For euerie morning when thou rose,
I sent thee dainties orderly:
To cheare thy stomack from all woes,
and yet thou wouldst not loue me.

Et chaque matin quand tu t’éveillais
Je te faisais porter de délicieux mets
Pour prévenir ton estomac de tous maux
Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

Thou couldst desire no earthly thing.
But stil thou hadst it readily:
Thy musicke still to play and sing,
And yet thou wouldst not loue me.

Tu ne pouvais désirer aucune chose terrestre
Sans l’obtenir sur l’instant 
Tes musiciens toujours prêts à jouer et à chanter
Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.

Chorus/Refrain

And who did pay for all this geare,
that thou didst spend when pleased thee?
Euen I that am reiected here,
and thou disdainst to loue me.

Et qui paya pour tout ce faste
Que tu dépensas à ta guise
Jusqu’à moi qui suis, là, rejeté
et toi qui dédaignas aimer

Chorus/Refrain

Wel, I wil pray to God on hie,
that thou my constancie maist see:
And that yet once before I die,
thou wilt vouchsafe to loue me.

Bien, je vais prier Dieu sur le champ
Pour que tu vois tous mes efforts
Et qu’une fois avant ma mort
Tu daignes consentir à m’aimer

Chorus/Refrain

Greensleeues now farewel adue,
God I pray to prosper thee:
For I am stil thy louer true,
come once againe and loue me.

Vertemanche, maintenant, farewell, adieu
Je prie Dieu pour que tu prospères
Car je suis toujours ton amant sincère
Reviens m’aimer une fois encore.


Chorus/Refrain

Une très belle journée à tous
Fréderic EFFE
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