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Historia Brittonum : aux sources de la légende arthurienne, Nennius et les 12 batailles du roi Arthur

manuscrit_ancien_enluminures_rochefoucauld_grail_legendes_arthurienne_sources_historiques_moyen-ageSujet : Roi Arthur, légendes arthuriennes, roman arthurien, sources historiques, Citation médiévales, Nennius, Arthur historique, Angleterre médiévale, littérature médiévale.
Période : haut moyen-âge (VIIIe siècle)
Ouvrage : Historia Brittonum
Auteur : Nennius 

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans la continuité de l’article d’hier, nous vous livrons ici la traduction (depuis l’anglais) de la célèbre mention  faite par Nennius, dans son Historia Brittonum,  au sujet des 12 batailles du Roi Arthur et de ses victoires. Le point culminant en est la grande bataille du Mont Badon et, ici, Nennius (auteur supposé de cette compilation), retombe ici sur une donnée un peu plus sourcée historiquement. De manière documentée et écrite, on se souvient, en effet, qu’on trouve la mention d’un chef de guerre nommé Arthur, à la bataille de Badon, dans les Annales Cambriae. (voir Arthur, les premières sources historiques).

En réalité, le propos, ici, n’est pas tant de discuter de la véracité historique des affirmations de Nennius, ni d’entrer dans le détail des lieux possibles et probables de ces fameuses batailles; de nombreux historiens s’y sont essayés et nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir.  Avant les derniers siècles et la période moderne, avant que l’Histoire ne se forge quelques méthodes et prenne son indépendance scientifique, le genre des chroniques historiques n’était pas avare d’approximations ou même d’inventions et il y a indéniablement, dans cet extrait de Historia Brittonum, de nombreuses digressions de la part de son auteur. Pourtant, et c’est justement ce qui nous intéresse ici, à sa lecture, on ne peut s’empêcher de mesurer la distance franchie depuis les Annales Cambriae. Au fond, ce qui se joue dans cet extrait, avant Chrétien de Troyes et bien d’autres auteurs du roman arthurien, c’est rien moins que la naissance littéraire du Arthur de la légende. A ce titre, ce texte est sans nul doute une des premières pierres (écrite, sourcée, formelle presque)  sur lequel se bâtira un peu plus tard, auteur après auteur, l’édifice du roman arthurien.

“Ce fut alors que Arthur, le magnanime, avec tous les rois et la force militaire de Grande-Bretagne, lutta contre les Saxons. Et bien qu’il y ait eu beaucoup plus de nobles que lui seul, il fut pourtant choisi douze fois comme leur commandant et fut tout aussi souvent vainqueur. La première bataille dans laquelle il fut engagé se trouvait à l’embouchure de la rivière Gleni. Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième étaient sur une autre rivière, appelée Duglas par les Britanniques, dans la région de Linuis. La sixième, sur la rivière Bassas. La septième dans le bois Celidon, que les Britanniques appellent Cat Coit Celidon. La huitième se trouvait près du château de Gurnion, où Arthur portait l’image de la Sainte Vierge, mère de Dieu, sur ses épaules et par le pouvoir de notre Seigneur Jésus-Christ et de la sainte Marie, il a mis les Saxons en fuite et les a poursuivi, durant tout le jour, jusqu’à leur grande défaite. La neuvième était à la ville de la Légion, appelée Cair Lion. La dixième était sur les rives de la rivière Trat Treuroit. La onzième était sur la montagne Breguoin, que nous appelons Cat Bregion. La douzième fut le combat le plus dur quand Arthur pénétra sur la colline de Badon. Dans cette bataille, neuf cent quarante sont tombés par sa seule main, personne excepté le Seigneur ne lui prêtant assistance. Dans tous ces combats, les Britanniques réussirent. Car aucune force ne peut prévaloir contre la volonté du Tout-Puissant. »

Historia BrittonumNennius

Une belle journée à tous.

Fred
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légendes arthuriennes : Arthur, les premières sources historiques, un article traduit de Brittania.com

sources_historiques_galloises_legendes_arthuriennes_annales_cambriae_bataille_de_badon_hilSujet : Roi Arthur, légendes arthuriennes, roman arthurien, sources historiques, Saint-Gildas, Annales CambriaeNennius, Arthur historique.
Période : haut moyen-âge, Xeme, VIe siècle.
Sources : Britannia.com
Auteur : David Nash Ford
Traduit de l’anglais par moyenagepassion.com

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionomme nous l’avions déjà fait par le passé, nous vous proposons aujourd’hui une nouvelle traduction d’un article du site Britannia.com sur le thème des Légendes Arthuriennes. Cette fois-ci, l’historien anglais David Nash Ford nous entraîne sur les pistes des sources historiques les plus anciennes mentionnant un roi du nom de Arthur et en examine la possible véracité. C’est un sujet que nous avons déjà évoqué partiellement dans des articles précédents mais, il y a derrière ce travail de traduction l’idée de  mettre à portée des non anglophones ou de ceux qui sont à la recherche de sources en français, d’autres contributions sur le sujet, notamment vue par les historiens de l’autre côté de la manche.

Nous en profitons, au passage, pour ajouter quelques illustrations d’intérêt que vous ne trouverez pas dans la source originale, agrémentées d’un passage de l’Excidio Britanniae de Saint-Gildas, traduit également de l’anglais.

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Le roi Arthur au Mont Badon, gravure de 1898 par George Woolliscroft Rhead & Louis Rhead

Big up pour britannica donc et encore merci à David Nash Ford pour ses travaux et ses articles sur les légendes arthuriennes. Vous pourrez trouver la version originale anglaise de cet article, à l’adresse suivante:   Early References to a Real Arthur – A discussion by David Nash Ford


Les Premières références à un véritable Arthur, par David Nash Ford

« Il n’y a qu’une seule source arthurienne contemporaine qui puisse être examinée de nos jours. Concerning the Ruin of Brittain (« A propos de la ruine de la Grande-Bretagne »), ou De Excidio Britanniae a été écrit par le moine nord britannique, Saint-Gildas, au milieu du sixième siècle. Malheureusement, Gildas n’était pas un historien. Son unique préoccupation était de déplorer la perte du mode de vie romain et d’adresser des reproches aux dirigeants britanniques (Constantin, Aurelius Caninus, Vortepor, Cuneglasus et Maglocunus) qui avaient usurpé le pouvoir impérial et mis à mal les valeurs chrétiennes.

Il n’y a aucune mention d’Arthur dans l’ouvrage, mais Gildas y fait bien référence à un personnage appelé « The Bear », signification du mot celtique, Art-. Il fait l’éloge de Ambrosius Aurelianus et mentionne également le siège du mont Badon, bien qu’il ne dise rien du nom du vainqueur. Les écrits de Gildas sont datés d’immédiatement avant 549 ( date de la mort de Maglocunus, l’un de ses « usurpateurs »). Le passage mentionnant Badon date le siège de quarante-quatre ans avant cela. Cela situe Arthur, de manière ferme, au tournant du 6ème siècle. (Voir Alcock 1971) (1).


Citation extraite de De Excidio Britanniae Saint Gildas
Citation extraite de De Excidio Britanniae Saint Gildas

« Leur chef était Ambrosius Aurelianus, un homme qui fut peut-être le seul des Romains à avoir survécu au choc de cette tempête considérable: il est certain que ses parents, qui avaient porté le pourpre, y furent massacrés. De nos jours, ses descendants sont devenus notablement en dessous de l’excellence de leurs grand-pères. Sous ses ordres, notre peuple a retrouvé ses forces et défié les vainqueurs de se battre. Le Seigneur a donné son accord et la bataille s’est déroulée comme il se doit. À partir de ce moment, la victoire est revenue tantôt à nos compatriotes, tantôt à leurs ennemis; afin que dans ce peuple le Seigneur puisse juger (comme il tend toujours à le faire) de son Israël actuel pour voir s’il l’aime ou non. Tout cela a duré jusqu’à l’année du siège de Badon Hill, à peu près la dernière défaite des méchants, et certainement pas la moindre. C’était l’année de ma naissance …  »     

De Excidio Britanniae Saint Gildas


Les Annales de la Pâque galloise ou Annales Cambriae, censées avoir été écrites durant les années auxquelles elles font référence , de 447 à 957 après JC (bien que des entrées très anciennes aient probablement été écrites quelque temps après les événements), sont parmi les premières sources à mentionner Arthur. Utilisé pour calculer les dates de Pâques, ce document enregistre également de nombreux événements historiques, au fil de ses entrées annuelles. Deux d’entre elles mentionnent Arthur. L’année 516 après JC évoque : « La bataille de Badon, au cours de laquelle Arthur porta la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ pendant trois jours et trois nuits sur ses sources_historiques_galloises_legendes_arthuriennes_annales_cambriaeépaules et où les Britanniques (brittons) furent vainqueurs ».

L’entrée pour l’année 537 ap-JC mentionne « Le conflit de Camlann durant lequel Arthur et Medraut (Mordred) ont péri ». Tous les personnages inclus dans ces annales sont, par ailleurs, fiables et se sont avérés être de vrais personnages historiques. Il n’y a donc aucune raison de supposer qu’Arthur et Mordred ne le soient pas également. On a suggéré que, du point de vue stylistique, l’apparition d’Arthur dans l’entrée qui mentionne Badon aurait pu être une interpolation. Les critiques à l’égard de la durée de la bataille sont cependant infondées, puisque Gildas (cité plus haut), se réfère, de façon plus correcte, à cette bataille, comme à un siège. L’affirmation selon laquelle Arthur portait « la croix de Notre Seigneur sur ses épaules »  peut faire référence à une amulette contenant une morceau de la vraie croix ou il peut s’agir, plus probablement, d’une erreur de transcription du gallois « shield » (bouclier) en « shoulder » (épaule), indiquant que la croix était simplement une armoirie sur le bouclier. (Voir Alcock 1971).

Arthur se voit gratifier d’un commentaire passager, dans le poème des débuts du VIIe siècle, Y Gododdin de Aneirin, le célèbre barde de la Maison Royale des Pennines du Nord* (chaîne de montagnes anglaises). Cet écrit glorifie les contributions des armées legendes_arthuriennes_roi_arthur_la_charge_du_mont_badon_haut_moyen-agebritanniques du nord, dirigées par celle de Din-Eityn et de Gododdin, lors de la bataille de Catraeth vers 600 ap. J.-C., et un guerrier y est décrit comme ayant « des nuées de corbeaux noirs sur les remparts du fort, bien qu’il ne s’agisse pas d’Arthur « .

Le Roi Arthur, la charge du Mont Badon, gravure de 1898 par George Woolliscroft Rhead & Louis Rhead

On a prétendu que cela démontrait de la diffusion précoce de la renommée d’Arthur. Malheureusement, au regard des sous-entendus en usage dans le langage du  nord, cela peut se référer à un contemporain d’Arthur, originaire du nord, le Roi Arthwys des Pennines.

La dernière référence arthurienne majeure se situe dans l’ouvrage du 8ème siècle Historia Brittonum ou Histoire des Britanniques, apparemment écrite par un historien gallois du nom de Nennius et qui a peut-être été un moine de Bangor Fawr (Gwynedd)* (ndt région du pays de Galles). Nennius s’est servi de nombreuses chroniques pour assembler cette compilation historique des peuples britanniques, suivie de généalogies et d’une liste des 28 villes de Grande-Bretagne. Ce legendes_arthuriennes_sources_anciennes_Historia_brittonum_Nennius_MS_Harleian_3859travail est particulièrement connu pour son chapitre concernant les campagnes d’Arthur et qui raconte ses douze batailles.

Ces dernières sont peut-être un résumé en latin d’une ancienne liste de batailles galloises, probablement antérieures à la bataille de Camlann qui s’y trouve passée sous silence. A-t-on chanté cela à la cour d’Arthur ? Chaque bataille est nommée à tour de rôle, mais l’ennemi n’est pas spécifié et les lieux demeurent difficiles à identifier. Nennius affirme que, durant toutes ces batailles, Arthur « les » a combattu, en faisant référence aux Saxons originaires du Kent qu’il mentionne précédemment, bien que cela semble improbable. (Voir Alcock 1971).« 

David Nash Ford


Une belle journée à tous.

Fred
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 (1) Arthur’s Britain by Leslie Alcock 

Cinéma : Sacré Graal ou la légende du roi Arthur revisitée par les Monty Python

film_moyen_age_cine_sacre_graal_monty_pythonTitre : Sacré Graal (the Holy Grail)
Médias : film, trailer, vidéo, culte
Période :
haut moyen-âge
Genre :
médiéval fantaisie, humour surréaliste, non sens.
Réalisation :
Les Monty Python
Date de sortie :
1975
Sujet :
la légende  du roi Arthur revisitée par les Monty Python, légendes arthuriennes, Saint Graal

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passion‘humour anglais n’est visiblement pas pour tout le monde mais pour qui l’apprécie vraiment, on peut difficilement faire l’impasse sur les Monty Python et de leur oeuvre délirante.

Avec leur Sacré Graal (The Holy Grail), la bande de joyeux drilles anglaise nous proposait, en 1975, de revisiter l’histoire du roi Arthur et les débuts du haut-moyen-âge, dans un long métrage déjanté, devenu culte pour longtemps. Nous sommes à la fin de la grandeur de l’empire romain et la grande Bretagne entre dans ses « Dark Ages« .  Un héros va alors surgir pour écrire l’histoire d’une réunification autant que celle d’une lutte contre les invasions. Il trouvera même le temps d’entreprendre, durant son règne, un longue quête au nom de la nouvelle religion unique.

Bien entendu, pour les Monty Python, le roman arthurien deviendra le prétexte à un délire de chaque minute et si les comiques anglais reprendront quelques éléments forts de la légende, ils ne se priveront pas de tout réécrire avec leurs propres codes.  Plus de quarante ans après la sortie de ce film génial qui fit date, il en est demeuré pour les amateurs de nombreuses répliques et scènes « cultissimes ». Bref, il reste à revoir pour ceux qui l’apprécient et à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas.

La vision décalée et surréaliste des monty Python sur le moyen-âge et sur la légende d'Arthur
La vision décalée et surréaliste des monty Python sur le moyen-âge et sur la légende d’Arthur

Un peu d’Histoire médiévale

E_lettrine_moyen_age_passionn réalité, les exploits d’Arthur et sa légende seront écrits bien plus tard que le siècle durant lequel ils sont censés survenir. La mention d’un roi Arthur n’apparaît, en effet, de manière claire que dans des documents issus du moyen-âge central, au douzième siècle. On pense notamment à « l’ouvrage sur les rois de Bretagne » de Geoffroy Monmouth, ou même l’Historia Brittonum censée se baser sur une compilation ayant été pour partie écrite au IXe siècle et qui évoque un personnage du nom de Arthur qui aurait vaincu les saxons; De fait, il reste difficile de savoir encore aujourd’hui, si le bon roi breton a vraiment existé ou s’il pourrait même être la fusion de plusieurs personnages historiques et le sujet continue de faire débat.

Ce douzième siècle verra plusieurs textes vanter la légende d’Arthur et plutôt même les aventures de ses chevaliers. Et comme de nouvelles valeurs commencent déjà à poindre sous la plume des troubadours et des premiers trouvères, cet idéal du chevalier noble, courtois, servant et au service aussi des valeurs chrétiennes se retrouvera bientôt étroitement mêlé à la « matière bretonne » sous la plume d’un Chrétien de Troyes. C’est d’ailleurs au génie de ce dernier et à sa popularité qu’on devra la première propagation notable du roman arthurien avec un nombre de manuscrits impressionnants (dans le contexte) autour de ses écrits (voir la conférence de Richard Traschler sur ces questions). film_moyen-age_legende_arthur_seance_cinema_sacre_graal

Une chose est certaine, l’ombre de ce roi d’origine celte, unificateur du royaume de Logres, et armé de son épée magique Excalibur, ne sont jamais très loin quand nous évoquons le monde médiéval et les visions qu’un certain moyen-âge peuvent éveiller en nous. Et l’on se laisse toujours volontiers entraîner au bord des falaises de Cornouailles ou sous les frondaisons de la forêt de Brocéliande,  sur les pas de la belle dame du lac ou de Merlin l’enchanteur ou suivant, encore, ces preux chevaliers dans leurs exploits et leurs quêtes.

Bien sûr, concernant le roman arthurien revisité à la sauce « non-sensique » des Monty Python, il faut tout de même avouer que la quête du Graal y est légèrement plus laborieuse. Mais n’en disons pas plus, de crainte que sorti droit de leur film délirant, un chevalier gigantesque ne surgisse devant nous, au détour d’un sentier, pour nous lancer un terrible « Ni » vindicatif !

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En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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