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Interlude Kaamelott : la série TV d’Alexandre Astier s’invite dans l’univers LEGO

Sujet  :  Kaamelott,  médiéval-fantastique, légendes arthuriennes, humour, série TV médiévale, roi Arthur, jouet, LEGO, fan, médiévalisme
Période  : haut Moyen Âge à central
Auteur/réalisateur :   Alexandre Astier
Designer : Thomas Maguer (2023)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, en lieu de Moyen Âge stricto sensu, nous vous invitons à un interlude médiévaliste sous une forme particulièrement originale. Nous vous proposons, en effet, un interview de Thomas Maguer. Tout récemment, cet architecte de formation d’origine bretonne a agité les réseaux sociaux, avec un projet assez original. Passionné de la série TV Kaamelott, il a, en effet, décidé d’inviter les légendes arthuriennes, revues et corrigées par d’Alexandre Astier, dans l’univers des jouets LEGO.

Buzz Kaamelott sur le site des jouets LEGO

Particulièrement soigné, le projet a été déposé sur idea.lego ; ce site officiel de la firme de jouets danoise encourage de jeunes créateurs à publier leurs projets de kits LEGO dans l’espoir de les voir, peut-être, réaliser un jour par la marque.

Sur les réseaux sociaux et les groupes de fans de Kaamelott, l’idée a rapidement séduit. Certains acteurs se sont même joints au buzz pour l’encourager : Guillaume Briat, (le roi burgonde dans la série TV) Serge Papagalli ( l’incontournable Guethenoc), Bo Gaultier de Kermoal (le bras droit d’Attila) et d’autres encore.

Finalement, le pic des 10 000 supporters susceptible de déclencher une vraie commission d’expertise chez LEGO a été atteint en un temps record. Bien sûr, rien n’est fait. Pour le moment, le projet LEGO Kaamelott reste une initiative privée et personnelle mais, qui sait ? A l’occasion d’un prochain Noël, les têtes blondes auront peut-être, la joie de rejouer les scènes cultes de la série TV humoristique d’Alexandre Astier, sous le sapin. En attendant, Thomas nous a fait l’amabilité de répondre à nos questions. Nous cédons donc sa place à son interview.

Tous les personnages de la série TV médiévale Kaamelott en kit Lego
Les personnages de la série TV Kaamelott au grand complet et sous forme de jouet LEGO

10 questions à Thomas Maguer, concepteur d’un kit LEGO sur l’univers de Kaamelott

Moyenagepassion : Bonjour Thomas, enchanté ! Depuis quelques semaines, on vous a vu, de plus en plus, sur les groupes Kaamelott et même quelques sites de news en ligne avec un projet original. Vous avez, en effet, décidé d’œuvrer pour faire entrer la série TV Kaamelott dans l’univers LEGO et, on peut le dire, avec brio. La réalisation du prototype est très soignée et on y retrouve un casting et des décors pratiquement au complet. Comment vous est venue cette idée originale ? C’est en relation avec votre parcours ou c’est tout à fait décorrélé ?

Thomas M : Un peu par hasard, en fait. Je suis français, installé en Australie et je tente, du mieux que je peux, d’apprendre le français a mes enfants : lecture, écriture, musique… Et culture, au sens large. La série télé Kaamelott répond de mon point de vue a deux des critères énoncés : elle fait partie de la culture et elle utilise un niveau de langage (a la fois soutenu et familier) qui me parait en faire une bonne base de transmission. En plus de quelques valeurs morales malgré un vernis humoristique affirmé.

Mais plutôt que de juste regarder les épisodes, je me suis lancé dans une pseudo-reconstitution avec des briques LEGO (car dans la famille on adore les LEGO). C’est là que je me suis dit que j’allais voir si ça avait déjà été fait, ou proposé sur la plateforme LEGO Ideas et, curieusement, non, ça n’avait jamais été officiellement proposé. Il ne me restait donc plus qu’à me lancer moi-même dans le projet !

Moyenagepassion : au passage, je me suis souvenu de deux séries Youtube déjà un peu datées qui reprenaient des épisodes de la série d’Alexandre Astier : une avec des LEGO et l’autre avec des Playmobil, je ne sais pas si vous les aviez vu ? Rien à voir en tout cas avec la qualité de réalisation de votre kit LEGO Kaamelott.

Thomas M : Oui, lors de mes recherches je suis tombé sur quelques épisodes (un seul LEGO en fait, les autres étant tous Playmobil, je n’en ai pas trouvé davantage). Je l’ai trouvé sympa, avec le même défaut auquel j’ai fait face : le choix figé d’une seule expression faciale. J’ai aussi vu des images un peu parcellaires de personnages de Kaamelott en LEGO, rien qui ne m’indique qu’un projet « a grande échelle » ait déjà été tenté. Notez que depuis, au moins deux internautes m’ont passé des photos de leur propre réalisation (principalement les personnages), que je n’avais pas vu avant.

Tous les décors de la série TV Kaamelott d'Alexandre Astier au format Lego.
Tous les décors cultes des premiers livres de la série TV refaits en LEGO

Moyenagepassion : Oui vous avez poussé la réflexion bien au delà de tout ça. C’est certain. Dans un autre registre, le Moyen Âge ou les légendes arthuriennes vous interpellent d’une manière ou d’une autre ? Ou, peut-être comme une grande partie du public vous avez plus accroché sur la série TV et votre intérêt se centre plus sur elle ?

Thomas M : Je suis breton, pays de légendes s’il en est, je connais Brocéliande pour y être allé plusieurs fois. J’avais vu le film avec Sean Connery il y a longtemps et avais apprécié les valeurs transmises au travers de cette adaptation. D’autres références culturelles liées au Moyen-Age s’y rajoutent comme Robin des Bois (films, livres, dessins animés) ou les croisades. Et bien sûr Kaamelott, dont j’ai été fan des le départ, d’abord pour le côté humoristique mais aussi pour sa vision « moderne » du Moyen Âge.

Moyenagepassion : Alexandre Astier a clairement revisité et moderniser les légendes arthuriennes, c’est certain ! Sinon, on trouve dans ce kit LEGO spécial Kaamelott de quoi reproduire à peu près tous les épisodes des formats courts. Vous avez même fait des créations en image avec certains citations originales et des petites scénettes qui fonctionnent plutôt bien. On imagine que vous êtes fan de la série Kaamelott de la première heure ?

Thomas M : Oui, je ne sais pas combien de fois j’ai vu et revu les épisodes !

le Roi Arthur, en compagnie de Guenièvre, Dame Séli et Leodagan à table (et en Lego)
Arthur à table avec Guenièvre et sa belle famille, des moments cultes de la série en LEGO

Moyenagepassion : Egalement, sur ce Kit LEGO, on est clairement plus dans l’univers des premiers livres que dans celui du film. Vous avez une petite préférence entre tous les livres ou même le long métrage ou vous prenez tout, comme un bon vrai fan à l’ancienne ?

Thomas M : C’est surtout que le format des premiers Livres (épisodes courts, à plans souvent fixes, aux décors souvent intérieurs) se prête bien aux scénettes en une image ; aussi, les costumes évoluent peu et sont plus colorés, ce qui permet d’en créer moins et de donner un effet plus attractif au set. C’était donc un choix pratique plus que personnel.

En ce qui me concerne, j’ai apprécié l’ensemble de la série, et même le film : pas mal décrié parmi les fans, je pense qu’il a fait les frais de 10 ans d’attente, et d’espérances peut-être un peu hautes, mais je l’ai trouvé très bien aussi, avec de riches décors, de nouveaux personnages, un rythme différent…

Moyenagepassion : C’est vrai aussi qu’en plus des décors et du format, le film Kaamelott premier Volet a aussi fait un vrai virage sur les costumes. Et pour la réalisation technique de cette collection LEGO alors, comment vous y êtes-vous pris ? Impression 3D, bricolage sur de l’existant ? Les accessoires et les décors sont au moins aussi réussis que les personnages et on trouve pratiquement tous les sets de tournages des premiers livres et même les accessoires de tournage.

Thomas M : Merci de votre retour positif ! Mais au risque de décevoir, tout est digital. Le château a été réalisé avec Bricklink Studio, un logiciel spécialement conçu pour ça. Pour les personnages (le plus long à faire), j’utilise Adobe Photoshop pour créer les costumes et les visages (sur une base tirée d’internet ou directement une capture d’écran de la série). Puis je me sers de Bricklink PartDesigner pour « imprimer » ces images sur les mini-figures digitales, avant de les importer dans Bricklink Studio pour les mettre dans le modèle du château.

Moyenagepassion : Le résultat est en tout cas plus vrai que nature 😉 Sans cela, avez-vous eu des contacts avec Alexandre Astier, sa société de production ou ses équipes ? Un retour encourageant ?

Thomas M : Non. J’ai tenté de prendre contact tout au long de la période de promotion par divers moyens mais sans succès. J’ose imaginer qu’il a été informé du projet par un moyen ou un autre (quelques acteurs de la série m’ont répondu et ont apprécié leur figurine LEGO) mais je ne peux pas savoir ce qu’il en pense :/

Série Kaamelott : les chevaliers de la table ronde en plein tournage (au format Lego)
Les chevaliers de la table ronde (avec leurs casques) en plein tournage et au format LEGO

Moyenagepassion : Alexandre Astier n’a pas l’air très facile à approcher. Il semble assez peu fréquent également qu’il se manifeste sur des projets autour de licence Kaamelott extérieures à ses propres initiatives (relativement rares par ailleurs). Pour revenir à cette opération fulgurante sur le site LEGO, apparemment le compteur est désormais bouclé. Combien de temps aura-t-il fallu pour atteindre le cap des 10 000 inscrits ?

Thomas M : Oui, il ne manque personne, nous avons atteint les 10,000 soutiens il y a deux semaines, après seulement 35 jours de campagne, ce qui est très court.

Moyenagepassion : Et qu’est-ce qui se passe à partir de maintenant ? Les pontes marketing de LEGO se réunissent en interne ? Si l’idée les séduit, ils entrent en contact avec vous, mais aussi on imagine avec Alexandre Astier, peut-être même Calt Production ? Tout est mis à plat avec les détenteurs des droits. Ça discutaille et ça « pourparle ». Y-a-t ’il des butés économiques pour décider LEGO à ce lancer sur ce genre de kit ? Vous avez creusé un peu cet aspect ?

Thomas M : La viabilité commerciale est sans aucun doute ce qui guidera LEGO dans sa décision de produire le set ou non. S’ils décident de le produire, leurs études marketing dicteront surement quelle audience, quel type de set, si on en fait une série ou pas… (gros, petit, plus pour jouer ou pour exposer, avec un prix élevé ou plus raisonnable…).

A savoir aussi que LEGO peut dévier de l’idée soumise, et en faire quelque chose de franchement différent ! Bien entendu, Kaamelott étant une série française, ses chances d’être lancée en production sont plus faibles que pour des licences internationales, mais la Table Ronde est un « concept » international, rien ne les empêche de partir sur cette idée s’ils pensent que ça se vendrait mieux. Je serai curieux de savoir mais n’ai aucune idée quant au nombre de sets produits ou vendus, ni combien il faut en vendre pour en faire une production « rentable ». LEGO ne communique pas ou très peu sur cette partie de leur business.

Moyenagepassion : Oui, on imagine que ça reste de la cuisine interne et un peu confidentielle. Affaire à suivre donc ! On espère que cela se concrétisera parce que sur le papier, ça semble prometteur. Il y a certainement des dizaines de milliers de fans de la série, sinon plus qui seraient prêts à faire le pas. Dernière question, en découvrant les personnages de ce kit LEGO Kaamelottien, je n’ai pas vu Ménéagant ? Vous en avez prévu une version lyophilisée ?

Thomas M : Méléagant n’apparait qu’à partir du Livre V si je ne m’abuse, et le set est surtout basé sur les Livres I a IV. Mais il se pourrait qu’un autre projet voit le jour l’année prochaine et je compte bien y intégrer quelques surprises 🙂

Moyenagepassion : Voilà qui devrait mettre encore les fans de la série sur les dents. Félicitations, en tout cas, pour ce premier succès, en espérant qu’il se concrétise et merci pour cet entretien.


Retrouvez nos autres articles sur la série Kaamelott
Découvrir nos épisodes audio pastiches sur la série.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Ségurant : à la découverte d’un chevalier arthurien inconnu avec Emanuele Arioli

Emanuelle Arioli, brillant médiéviste découvreur de Ségurant, le chevalier au dragon

Sujet : roman arthurien, légendes arthuriennes, chevaliers de la table ronde, manuscrits anciens, littérature médiévale, Ségurant, découverte médiévale.
Période : Moyen Âge central à tardif, XIIIe au XVe siècle
Titre : Ségurant ou le chevalier au dragon
Auteur : Emanuele Arioli
Média : Conférence à la Fondation Martin Bodmer, (juillet 2023) et ouvrages de l’auteur.

Bonjour à tous,

u cours des dernières semaines, ceux qui s’intéressent aux légendes arthuriennes n’ont pu manquer le grand bruit fait par les découvertes d’un archiviste- paléographe et universitaire du nom d’Emanuele Arioli. Après une décennie de recherches, ce dernier a, en effet, mis au jour l’existence littéraire et les faits d’un chevalier de la table ronde jusque lors tombé dans l’oubli : Ségurant le Brun.

Dans cet article, nous revenons dans le détail sur cette découverte inattendue. Nous vous présentons également une conférence de l’auteur ainsi qu’un récapitulatif des nombreux ouvrages qu’il a fait paraître sur le sujet.

Un chevalier oublié et quel chevalier !

La révélation de l’histoire de Ségurant est d’autant plus étonnante qu’on nous présente d’emblée ce chevalier comme l’un des plus brillants de l’épopée arthurienne.
Alerte divulgâchage mais pas trop ! L’histoire raconte qu’il est si fort qu’il éclipsa les autres chevaliers durant les tournois organisés à la cour du roi breton.

L’apparition de ce héros médiéval dans le corpus arthurien est postérieure à celle de Lancelot ou Tristan. Pourtant, ces derniers auraient peut-être eu leur blason moins doré à Camelot sans l’intervention de la perfide fée Morgane. A l’occasion d’un tournoi, la terrible demi-sœur d’Arthur invoquera, en effet, le diable pour écarter ce chevalier décidemment trop talentueux. Le Malin s’étant changé en dragon, Ségurant se lancera à ses trousses. Emporté par son courage, il se laissera entraîner loin du lieu dans une poursuite effrénée de la bête. Entre-temps, la fourbe et fallacieuse fée aura convaincu Arthur que le vainqueur du tournoi, comme le dragon, n’étaient qu’une illusion.

A peine apparu à la cour, Ségurant se trouvera donc condamné à l’oubli. La malédiction de Morgane a-t-elle traversé le papier pour s’exercer sur la postérité du preux chevalier dans le monde réel ? De fait, pour étonnant que cela paraisse, les faits de Ségurant restaient jusque là oubliés du roman arthurien.

Voir la conférence présentation d’Emanuele Arioli à la Fondation Martin Bodmer

Une aventure dans l’aventure

Dans les faits, les recherches d’Emanuele Arioli sur Ségurant débutent aux archives et dans une bibliothèque. Ce jour là, le jeune médiéviste trouve dans un manuscrit médiéval une partie de l’histoire de Ségurant passée jusque là inaperçue. Le manuscrit en question est le Ms 5229 de la Bibliothèque de l’Arsenal. L’ouvrage contient les Prophéties de Merlin. Il est, aujourd’hui, consultable en ligne sur Gallica.

Trouvant le récit interrompu au milieu d’une phrase, Emanuele Arioli décide de ne point s’en ternir là. Il se lance alors dans des recherches qui le mèneront dans les plus grandes bibliothèques d’Europe en quête d’autres manuscrits. Epluchant des centaines de codex, il s’attachera à débusquer le moindre fragment de parchemin, en quête du chevalier arthurien perdu.

Une longue quête dans les manuscrits médiévaux

Obnubilé par la poursuite de son dragon, Ségurant ne recherche pas le Graal mais l’apprenti docteur semble avoir trouvé le sien. Dix ans plus tard, il aura pisté le héros chevaleresque dans 28 manuscrits, mettant à jour une trame principale, mais aussi des variantes. Les ouvrages s’étalent sur une période qui débute en 1272-1273 pour les sources les plus anciennes et s’achève au Moyen Âge tardif. Les épisodes étaient disséminés dans diverses bibliothéques en France, en Belgique, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis.

Les manuscrits sont principalement d’origine française, flamande et Italienne mais demeurent en langue française. On y trouve de tout : codex entiers, fragments, parties de manuscrits brûlés ayant miraculeusement survécu à des incendies, … Selon le chercheur médiéviste, l’association du chevalier au dragon aux Prophéties de Merlin peut expliquer, en partie, son invisibilisation. L’ouvrage sera, en effet, interdit à la parution par l’Eglise romaine, dès le milieu du XVIe siècle. Vient sans doute s’ajouter l’apparition tardive de Ségurant dans le corpus arthurien et la baisse d’intérêt pour ce dernier à la Renaissance.

Quelques traits marquants de Ségurant

Dans son entreprise, Emanuele Arioli a établi des rapprochements entre Ségurant et Sigfried, autre héros des épopées germaniques. Il a également trouvé des correspondances manifestes entre ce dernier et Sigurd, son homologue chasseur de dragons né du côté des mondes scandinaves. Suivant l’auteur, il est fort probable qu’il se soit trouvé intégré, après coup, dans les récits arthuriens, comme se fut le cas pour Tristan.

Pourfendeur de lions, vainqueur aux tournois, Ségurant se distingue encore dans les légendes arthuriennes par d’autres traits. Destiné à un public peut-être plus aristocratique que bourgeois, son récit tardif semble bien entériner la fin de la courtoisie. Un auteur médiéval tardif s’efforcera de lui dégotter une princesse mirobolante. Cela relève toutefois de l’exception. Victime du sortilège de Morgane, le chevalier au dragon échappe aux choses de l’amour.

Par son humour et certains autres traits, l’histoire de Ségurant à la poursuite de son dragon illusoire pourrait encore annoncer la fin de la chevalerie. Cet idée n’est pas rare, cela dit, au Moyen Âge central et surtout tardif. En lisant certains auteurs médiévaux des XIIIe, XVe, on a souvent l’impression que la chevalerie reste un ailleurs insaisissable qui ne cesse d’agoniser. Un peu plus tard, Cervantes enfoncera le clou avec Don Quichotte et Emanuele Arioli établit certaines parentés entre l’auteur castillan et l’histoire de Ségurant.

Des recherches aux publications

Après un long travail de terrain, d’analyse et de classification, Emanuele Arioli a présenté sa thèse en 2017 devant la Sorbonne et le Collège de France. Mené sous la direction de Sylvie Lefèvre et de Michel Zink, ce travail lui a valu une mention très honorable. En dehors de la reconnaissance de ses pairs et comme à peu près toutes les thèses, elle passera à peu près inaperçue du grand public. Rien d’étonnant. C’est un peu la loi du genre.

Profitons en pour ajouter ici que les parutions de ce brillant médiéviste n’ont cessé d’être saluées par diverses académies depuis. Ses premiers travaux thèse présentés en 2013 devant l’Ecole des Chartes lui avaient déjà valu deux prix prestigieux et d’autres sont venus s’y ajouter.

« Ségurant ou le chevalier au dragon : étude d’un roman arthurien retrouvé », chez Honoré Champion

Quelques années plus tard, en 2019, l’auteur fera publier une première version remaniée de cette thèse chez Honoré Champion. Présenté en 2 tomes, l’ouvrage reste alors relativement confidentiel. On y trouve les versions en vieux Français et des notes propices à intéresser le public averti de la grande maison d’édition.

Couverture du livre sur Ségurant paru chez Honoré Champion en deux volumes

Le tome 1 présente le corpus central des écrits médiévaux attachés à Ségurant. On a là la version la plus fournie et la plus datée. Le tome 2 expose, quant à lui, les versions ultérieures et variantes retrouvées et réunies par l’auteur. Une réédition des deux ouvrages, datée de mars 2023, avancera encore dans la diffusion de Ségurant auprès du même public. On peut la trouver au lien suivant : Ségurant ou le chevalier au dragon, version cardinale, deuxième édition, Editions Honoré Champion.

Un troisième livre est également paru chez le même éditeur « Ségurant ou le chevalier au dragon (XIIIe, XIVe siècle : étude d’un roman arthurien retrouvé« . Il expose le patient travail de codicologie et de philologie ayant permis d’aboutir à la restauration de l’histoire du chevalier oublié.

Malgré cela, il faudra attendre sept mois pour voir la presse et les médias commencer à tendre plus sérieusement l’oreille. Ils le feront, au point d’élever Ségurant, au rang de véritable buzz médiatique automnal dans le monde du livre. Il faut dire qu’en plus du patient travail d’Honoré Champion, le jeune médiéviste, désormais professeur des universités, aura déployé de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens pour faire connaître son chevalier arthurien au plus grand nombre.

Des livres tous publics pour découvrir Ségurant

Dans sa volonté de diffusion et comme on pourra le relever dans la conférence ci-dessus, Emanuele Arioli a eu à cœur de partager l’aventure de son héros médiéval oublié, autant que de mettre en scène sa propre course au trésor médiéval. Les amateurs de légendes arthuriennes se retrouvent donc gâtés à l’approche de Noël avec trois productions, en plus de celle susmentionnée.

Ségurant, le chevalier au dragon, Les belles lettres

Ségurant, le livre et la version en français moderne

Cet ouvrage présente une version plus compacte et plus orientée grand public de l’épopée de Ségurant que celle sortie chez Honoré Champion.

Pas de vieux français ici. Sur 240 pages, le livre présente en français moderne le roman disparu ainsi que des enluminures issues des manuscrits originaux. Il est disponible en format broché ou Kindle à un prix plutôt abordable et rencontre déjà un franc succès.

Ségurant, le chevalier au dragon, Seuil Jeunesse

Ségurant, un livre au seuil jeunesse sur l'aventure du médiéviste et ses recherches

Le parti-pris de cet ouvrage est de faire découvrir, de manière illustrée, la quête entreprise par le chercheur et les méthodes utilisées pour mettre au jour le chevalier arthurien oublié.

Mettre à la portée des jeunes publics son métier de paléographe archiviste et ses recherches dans les manuscrits, reste un moyen original de partager ses péripéties, tout en suscitant des vocations. C’est plutôt une bonne idée dans laquelle transparaît le pédagogue et professeur qu’est aussi Emanuele Arioli.

Le Chevalier au Dragon, la BD chez Dargaud

Ségurant, le chevalier au Dragon, sorti en BD chez Dargaud

Avec ce dernier format sous le mode pure BD, l’auteur-chercheur se propose de faire découvrir Ségurant d’une autre manière encore. Pour les besoins du scénario et du format, il se permet ici quelques incursions un peu plus fictionnelles. Elles permettent notamment de combler quelques vides laissés par les aventures reconstituées du chevalier arthurien.

Tous les produits sus-décrits sont à la vente chez tout bon libraire. Aussi, n’hésitez pas à les visiter pour leur commander. Pour ceux qui sont dans des zones privées de librairies ou même hors de France, vous pourrez, bien entendu, retrouver tous ces ouvrages dans les librairies en ligne. Voici un lien utile à cet effet.

Des productions complémentaires

Pour une histoire sortie d’un labo de recherches, l’idée d’une sortie rapprochée sur tous ces supports est assez novatrice. En fait de redondances, il faut plutôt y voir une heureuse complémentarité. En plus de toucher divers publics, ces différentes productions papier se renvoient, en effet, la balle de manière plutôt heureuse.

A l’heure où il est si difficile de s’arracher aux écrans pour se plonger dans de saines lectures, la BD est un bon moyen d’entrer dans l’histoire pour les aficionados du format illustré et pour les plus jeunes. Elle peut, par la suite, susciter l’envie d’aller chercher aux racines du texte médiéval dans le ou les livres disponibles. Aurait-on trouvé une nouvelle façon d’envisager le retour à la lecture par l’image papier et la BD ? Le sujet s’y prête mais l’originalité de cette triple sortie reste à saluer.

Documentaires et conférences

Dans la foulée de toutes ses sorties, l’auteur a également travaillé, de concert, avec la chaîne de télévision Arte sur un documentaire qui vient tout juste de sortir (le 25 novembre). La réalisatrice et l’auteur ont fait le choix d’y présenter, en parallèle, les aventures filmées de l’archiviste-paléographe et celle du chevalier Ségurant en format animation.

On espère que ce format participera de la dynamique de distribution des produits et ne l’éteindra pas comme c’est trop souvent le cas. On connait hélas trop l’effet « j’ai vu le film, pas besoin de lire le livre » (l’écran, encore lui). Quoi qu’il en soit, l’auteur, comme les publics ayant déjà vu ce documentaire, ont l’air de s’en déclarer largement satisfaits.

En dehors de cela, on peut trouver quelques conférences d’Emanuele Arioli en ligne comme celle partagée un peu plus haut dans l’article. Vous pourrez également le retrouver au lien suivant dans une conférence sur le site de l’Ecole des Chartes parue tout récemment. Etant lui-même chartiste, il revient en quelque sorte à la source de ses enseignements, pour sa découverte et son approche, en compagnie de son éditeur des Belles lettres.

Bon pour les chercheurs et pour le Moyen Âge

Pour conclure, il faut se féliciter de cet enthousiasme médiatique mérité autour de Ségurant. La découverte et l’opiniâtreté du chercheur auront payé même si, redisons-le, la mise au jour d’une telle nouveauté sur un corpus si largement étudié reste aussi rare qu’exceptionnelle.

De fait, bien des archivistes ou médiévistes peuvent lui envier cette trouvaille mais aussi s’en trouver d’autant plus motivés dans leur travail. La chasse au trésor est encore possible et l’on peut avec un peu de ténacité se changer tout soudain en une sorte d’Indiana Jones des temps modernes, toute mesure gardée. Au delà, tout cet écho dont bénéficie aujourd’hui Emanuele Arioli est bon pour la recherche en Histoire, pour les légendes arthuriennes, autant que pour la connaissance du Moyen-Âge et de sa littérature. On peut donc l’en féliciter doublement.

Des labos aux échos médiatiques

Ses mésaventures permettent aussi de mesurer le fossé existant entre le monde de la recherche et celui des médias, même quand les sujets s’y prêtent. Sans les supports appropriés en terme de ciblage, de marketing et de communication, il aura fallu près de 6 ans pour que la découverte d’un chevalier oublié de la cour d’Arthur passe des bancs de l’Université aux médias plus grand public. Entre l’univers Kamelott d’Alexandre Astier mais encore les séries et autres productions hollywoodiennes diverses, le roman arthurien n’a pourtant cessé de démontrer sa popularité actuelle. Il y a là peut-être un leçon à tirer.

Pour les amateurs de toutes ces déclinaisons filmées autour du roi des bretons, reste à savoir si Ségurant fera bientôt une apparition, fugace ou plus consistante, sur les grands écrans. L’auteur en rêve certainement mais ne soyons pas trop pressés et donnons au public le temps de lire un peu, puisqu’il semble en reprendre le goût grâce à ce chevalier oublié.

Sur le roman arthurien, voir également :

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Interlude Kaamelott : le roi Arthur à la croisée des chemins

Sujet  :  Kaamelott,  médiéval-fantastique, légendes arthuriennes, cinéma, trilogie, humour, série TV, détournement, roi Arthur, Kaamelott premier volet.
Période  : haut Moyen Âge à central
Auteur/réalisateur :   Alexandre Astier
Date de sortie : 21 juillet 2021

Bonjour à tous,

ntre deux fêtes médiévales et deux études de textes d’époque, voici un petit entracte estival et un peu d’humour à l’attention de ceux qui ont vu le long métrage Kaamelott Premier Volet d’Alexandre Astier.

Sorti en 2021, après de longues années d’attente, le film avait reçu un accueil plutôt favorable, au regard du difficile contexte sanitaire. En soutien du réalisateur, les médias avaient largement battu le rappel, en terme de promotion et les fans qui attendaient impatiemment ce long métrage, avaient bravé courageusement les passeports sanitaires et autres mesures en vigueur pour honorer ce rendez-vous. Finalement, le film avait dépassé les 2,7 millions d’entrées, score largement en dessous de ce qu’il aurait pu atteindre dans des conditions normales mais qui l’avait placé dans le peloton de tête du box office.

Concernant la sortie du deuxième volet de cette trilogie, aucune date n’a été précisée pour l’instant. Son auteur réalisateur Alexandre Astier a seulement annoncé, il y a quelque temps, qu’il souhaitait engager le tournage courant 2023. Il a aussi ajouté que ce deuxième volet serait, lui même, scindé en deux longs métrages de deux heures, séparés par quelques mois d’intervalle.

Sans pouvoir l’affirmer, on peut miser sur une sortie probable de cette deuxième partie et ses deux longs métrages en 2024. Cela aurait le mérite d’éviter de laisser trop longtemps en berne des fans dont certains sont restés un peu sur leur faim, après ce premier opus. Il faut dire que les 10 ans écoulés depuis la fin de la série TV ont créé, inévitablement, une certaine impatience à laquelle sont venus s’ajouter toutes sortes d’attentes difficiles à contenter.

Attention spoiler Alert. Si vous n’avez pas vu KV1, allez plutôt le voir d’abord pour vous en faire votre propre opinion. Le dvd est disponible à la vente dans toutes les bons magasins ou même en ligne (voir lien).

Pour reprendre sur cette fanbase toujours assez active sur les réseaux : contre l’idée d’un retour flamboyant d’Arthur, après tant d’années passées loin de Logres — le temps cinématographique s’étant, en quelque sorte, confondu avec le temps réel — KV1 est demeuré un long métrage assez sombre, assez loin du « Arthur Rising » que laissait présager la fin de la série télévisée. Le roi des bretons à la façon d’Alexandre Astier continue, en effet, d’y jouer résolument les anti-héros, en y trainant cette part d’ombre qui l’avait déjà largement accompagné lors du Livre V de la série (trop sombre pour certains, génial pour d’autres).

Reste à savoir si cet Arthur à rebrousse-poil finira par reprendre en main son destin divin avec un peu plus d’entrain. L’auteur déroulera quoiqu’il arrive sa vision et l’on ne pourra juger du résultat qu’une fois le point final mis à sa trilogie. Connaissant la fin tragique du roman arthurien, on se demande également quelle liberté Alexandre Astier va prendre vis à vis de cela et, le cas échéant, comment il va réussir ce difficile jeu d’équilibre entre drame et comédie. Même s’il a déjà déclaré dans des entretiens donnés ici ou là que pour lui, la comédie devait aussi savoir manier la gravité, cela reste un sérieux défi à relever du point de vue de l’écriture, et plus encore au regard du parti-pris de non-sens de la sitcom des origines.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Retrouvez tous nos articles sur la série Kaamelott ici – Nous postons également des actus et détournements sur FB sur Kaamelottcreas.

Humour anglais et Moyen Âge : Bon Anniversaire Mister John Cleese !

Affiche du film Sacré Graal des Monty Python

Sujet : humour, légendes arthuriennes,  roi Arthur, extraits, citations, cinéma,  médiéval  fantaisie, idées reçues, roman arthurien, non sens, sorcières.
Titre : Sacré Graal (the Holy Grail)
Période haut Moyen Âge, Moyen Âge central
Réalisation : 
Les Monty Python  ( 1975)

Bon Anniversaire Mister John Cleese,

e plus grand des Monty Python par la taille (1m96) vient de souffler ses 83 bougies. Les réseaux le célèbrent déjà largement et nous avons décidé d’en saisir, nous aussi, l’occasion. Moyen-Âge oblige, c’est avec le film Sacré Graal qu’il nous est apparu le plus logique de le faire mais la carrière du géant anglais est bien loin de se limiter à ce titre et nous ne pouvons éviter d’en dire un mot.

Le génie comique à l’état pur

On a connu John Cleese impayable dans de nombreux sketches des Monty Python : ses géniales « démarches stupides » (Silly Walks) datés du Flying Circus sont restées légendaires, de même que son habilité au « Fish Slap » ou ses recrutements totalement absurdes. Et dans les long métrages de la joyeuse bande de comiques anglais, il n’est pas une seule scène où l’acteur anglais n’apparaisse sans que sa force comique crève l’écran.

Dans les années 70, les inconditionnels de la série Fawlty Towers (l’hôtel en Folie) n’auront pas oublié, non plus, Basil Fawlty, ce propriétaire furieusement drôle d’un petit hôtel anglais, avec ses terribles gaffes et son impayable maître d’hôtel espagnol Manuel qu’il moleste au delà de toutes règles de décence. John Cleese créa la série avec son épouse d’alors Connie Booth qui y incarne Polly Sherman, la jeune et jolie serveuse et femme de chambre de l’hôtel. De 1975 a 79 fit un tabac et est même entré » depuis au Panthéon des meilleurs programmes télévisés anglais de tous les temps.

On l’avait déjà détecté quand il se trouvait chez les Monty Python mais, si l’on osait une comparaison, avec Fawlty Towers, John Cleese est devenu à l’humour anglais ce que Louis de Funès avait pu être au comique français : un génie comique, explosif, énergique, physique et remuant qui est d’autant plus drôle qu’il est colérique et impitoyable.

Ecriture, acting, l’après Monty Python

John Cleese en Lancelot du Lac, dans Sacré Graal des Monty Python (1975)
John Cleese en Lancelot du Lac dans sacré Graal des Monty Python (1975)

Pour avancer sur la carrière de l’acteur-auteur anglais et citer encore quelques références dans sa filmographie, comment oublier ce Poisson nommé Wanda réalisé par Charles Crichton et dont John Cleese avait coécrit le scénario ? Ce dernier en sortira d’ailleurs avec un British Academy Film Awards. En terme d’écriture, ce n’est pas le seul scénario qu’il aura épinglé à sa boutonnière puisque il en a co-écrit un certain nombre avec les Monty dont Sacré Graal, bien sûr, mais bien encore d’autres en solo. Non content d’être bon, John Cleese est aussi une valeur qui dure.

Depuis les années 90, on l’a encore vu dans un grand nombre de films (La panthère rose 2, Harry Potter à l’école des sorciers, Fierce Creatures dont il signe le scénario, …) et il aura encore prêté sa voix off à des films d’animation et même à des jeux vidéos (Jasper dans Fable III ou Sir Cadwell dans The Elder Scrolls Online en autres titres). Plus récemment, dans les années 2015, on l’a vu sur scène et sur écran avec ses complices des débuts, les Monty Python (Monty Python Live (Mostly): One Down, Five to Go – le one down étant Graham Chapman décédé en 1989). Quant à son actualité plus récente, il continue de faire des apparitions dans des films plus récents et il est assez actif sur les réseaux.

Drôle dans la vie comme à l’écran

Pour finir sur une ou deux anecdotes qui montrent que John Cleese est toujours aussi drôle dans la vie qu’au cinéma, on pourra citer son statut Facebook : « John Cleese est une personne de grande taille qui aime les lémuriens, le café et le vin. Il est aussi connu pour écrire. » ou même encore se souvenir que, dans les années 70’s, il a même volontairement caviardé sa filmographie avec des titres de longs métrages aussi nonsensiques que « Confessions d’un planificateur » (Confessions of a Programme Planner). Il n’a confessé ce dernier gag que, bien plus tard dans les années 80 et, pendant tout ce temps, en a ri sous cape.

Quoi qu’il en soit, entre une si belle carrière et sa capacité à rire de tout (y compris de lui-même), il semble que John Cleese ait trouvé là son véritable graal. Nous lui souhaitons, à nouveau, un bel anniversaire et nous vous laissons avec une scène culte du film Sacré Graal pour lui rendre hommage.

La scène culte de la sorcière dans Sacré Graal

Pour ceux qui l’ont vu, Sacré Graal des Monty Python est un empilement de scènes cultes. Avec ce film, comme avec la Vie de Brian on est à l’apogée de l’art comique et du non sens anglais des Monty Python. Chose que l’on perçoit mal de nos jours, s’attaquer aux légendes arthuriennes avec cet humour totalement décalée n’alla pas sans provoquer, en son temps, quelques remous dans la bien-pensance britannique. Il aura sans doute fallu ce Sacré Graal pour que, deux décennies plus tard, Alexandre Astier décide de se pencher sur l’écriture et la réalisation de la série Télé Kaamelott en s’inspirant, à son tour, du roman arthurien. Lui-même n’a d’ailleurs jamais renié une partie de son héritage comique du côté des Monty.

Les villageois : Nous tenons une sorcière. Brûlons-là ! Brûlons-là !
Ils la présentent au chevalier Bédivère.
Villageois 1 (Eric Idle) : Nous avons trouvé une sorcière et, maintenant, on doit la brûler !
Les villageois : Brûlons-là ! Brûlons-là !
Bédivère : Comment savez-vous que c’est une sorcière ?
Les villageois : Elle ressemble à une sorcière !
Bédivère : Amenez-la moi.
La suspecte : Je ne suis pas une sorcière !
Bédivère : Mais vous paraissez bien en être une…
La sorcière : Ce sont eux qui m’ont habillée comme ça.
Les villageois protestent.
La sorcière : Et ceci n’est pas mon nez ! C’est un faux !
Bédivère (à la foule) : Alors ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Bon, pour le nez, d’accord, on l’a fait.
Bédivère : Le nez ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Et le chapeau… Mais c’est une sorcière !
Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Et c’est vous qui l’avez déguisée comme ça ?
Les villageois : Non, non, Non ! … Oui, un peu… Mais elle a une verrue.
Bédivère : Qu’est-ce qui vous fait penser qu’elle est une sorcière ?
Villageois 2 (John Cleese) : Oh ! Elle m’a transformé en salamandre.
Bédivère : En salamandre ???!!!!!
Villageois 2 (John Cleese) : … Je vais mieux depuis.

Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Du calme ! Du calme. Il y existe des moyens qui permettent de savoir si c’est vraiment une sorcière.
Les villageois : C’est vrai ? Dites-nous comment !
Bédivère : Dites moi, que faites-vous avec les sorcières ?
Les villageois : On les brûle ! On les brûle !
Bédivère : Et que brûlez-vous en dehors des sorcières ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Toutes les sorcières !
Villageois 3 (Michael Palin) : Le bois !
Bédivère : Bien. En ce cas, pourquoi les sorcières brûlent-elles ?
Les villageois cherchent et réfléchissent
Villageois 2 (John Cleese) : Parce qu’elles sont en bois !
Bédivère : Très bien ! Alors, comment savoir si elle est en bois ou non ?
Villageois 1 (Eric Idle) : En s’en servant pour fabriquer un pont !
Bédivère : Mais ne peut-on construire des ponts à partir de la pierre ?
Les villageois : Ah… Oui…
Bédivère : Est-ce que le bois coule dans l’eau ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Non, il flotte ! Jetons-la dans la mare !
Les villageois clament leur approbation
Bédivère : Attendez ! Qu’est-ce qui flotte aussi dans l’eau ?
Villageois 3 (Michael Palin) : Le pain !… Les pommes !.…
Villageois 2 (John Cleese) : Des toutes petites pierres ?
Villageois 3 (Michael Palin) : La porcelaine ! Une bonne sauce !
Bédivère : Non…
Villageois 2 (John Cleese) : … Une église ? Le plomb ! le plomb !
Le Roi Arthur (Graham Chapman) qui, jusque là, observait la scène) : Un canard !
Bédivère : Exactement ! Un canard ! Donc logiquement. Si elle… ( il encourage les villageois à réfléchir)
Villageois 1 (Eric Idle) : … pèse le même poids qu’un canard… Elle…. Elle est fait en bois !
Bédivère : Et donc ?
Les villageois : une sorcière ! C’est une sorcière !
Bédivère : allons-y ! Utilisons la grande balance pour vérifier !
Clameur des villageois. La sorcière est mise dans la balance avec un canard de l’autre côté. Contre toute attente, la démonstration fonctionne. Elle et le canard font le même poids.
Les villageois l’emporte pour la brûler : Brûlons-la ! Brûlons-la !
La sorcière : ils m’ont bien eue.

Bédivère reconnait la sagesse du Roi Arthur basée sur son intervention (double dose de non-sens). 😀


Idées reçues sur le Moyen Âge

En reprenant nos articles sur la légende de l’inquisition médiévale et l’imagerie des bûchers de sorcières au Moyen-âge, les idées qu’on s’en fait habituellement se reportent à des faits bien plus sûrement renaissants que médiévaux. Toutefois, comme il s’agit des Monty Python et que la scène reste super drôle, on les pardonne bien volontiers d’enfoncer le clou d’une idée reçue. On le fait d’autant mieux que le raisonnement par analogie utilisé ici pour créer l’effet comique résonne de manière assez pertinente. En médecine médiévale, il n’est pas rare, en effet, qu’on l’utilise des déductions pour opérer à la prescription : formes ou couleurs d’un produit en relation aux humeurs qui permettraient d’obtenir des guérisons ou des améliorations d’état, analogie de la mandragore et du corps humain, etc…

On pourra encore ajouter que certaines formes d’ordalies pratiquées durant le Moyen-âge central (ordalie par le feu ou l’eau, … voir article) pour établir l’innocence ou la culpabilité d’un prévenu n’ont quelquefois pas grand chose à envier au procédé mis en avant ici par les Monty Python.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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