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Humour anglais et Moyen Âge : Bon Anniversaire Mister John Cleese !

Affiche du film Sacré Graal des Monty Python

Sujet : humour, légendes arthuriennes,  roi Arthur, extraits, citations, cinéma,  médiéval  fantaisie, idées reçues, roman arthurien, non sens, sorcières.
Titre : Sacré Graal (the Holy Grail)
Période haut Moyen Âge, Moyen Âge central
Réalisation : 
Les Monty Python  ( 1975)

Bon Anniversaire Mister John Cleese,

e plus grand des Monty Python par la taille (1m96) vient de souffler ses 83 bougies. Les réseaux le célèbrent déjà largement et nous avons décidé d’en saisir, nous aussi, l’occasion. Moyen-Âge oblige, c’est avec le film Sacré Graal qu’il nous est apparu le plus logique de le faire mais la carrière du géant anglais est bien loin de se limiter à ce titre et nous ne pouvons éviter d’en dire un mot.

Le génie comique à l’état pur

On a connu John Cleese impayable dans de nombreux sketches des Monty Python : ses géniales « démarches stupides » (Silly Walks) datés du Flying Circus sont restées légendaires, de même que son habilité au « Fish Slap » ou ses recrutements totalement absurdes. Et dans les long métrages de la joyeuse bande de comiques anglais, il n’est pas une seule scène où l’acteur anglais n’apparaisse sans que sa force comique crève l’écran.

Dans les années 70, les inconditionnels de la série Fawlty Towers (l’hôtel en Folie) n’auront pas oublié, non plus, Basil Fawlty, ce propriétaire furieusement drôle d’un petit hôtel anglais, avec ses terribles gaffes et son impayable maître d’hôtel espagnol Manuel qu’il moleste au delà de toutes règles de décence. John Cleese créa la série avec son épouse d’alors Connie Booth qui y incarne Polly Sherman, la jeune et jolie serveuse et femme de chambre de l’hôtel. De 1975 a 79 fit un tabac et est même entré » depuis au Panthéon des meilleurs programmes télévisés anglais de tous les temps.

On l’avait déjà détecté quand il se trouvait chez les Monty Python mais, si l’on osait une comparaison, avec Fawlty Towers, John Cleese est devenu à l’humour anglais ce que Louis de Funès avait pu être au comique français : un génie comique, explosif, énergique, physique et remuant qui est d’autant plus drôle qu’il est colérique et impitoyable.

Ecriture, acting, l’après Monty Python

John Cleese en Lancelot du Lac, dans Sacré Graal des Monty Python (1975)
John Cleese en Lancelot du Lac dans sacré Graal des Monty Python (1975)

Pour avancer sur la carrière de l’acteur-auteur anglais et citer encore quelques références dans sa filmographie, comment oublier ce Poisson nommé Wanda réalisé par Charles Crichton et dont John Cleese avait coécrit le scénario ? Ce dernier en sortira d’ailleurs avec un British Academy Film Awards. En terme d’écriture, ce n’est pas le seul scénario qu’il aura épinglé à sa boutonnière puisque il en a co-écrit un certain nombre avec les Monty dont Sacré Graal, bien sûr, mais bien encore d’autres en solo. Non content d’être bon, John Cleese est aussi une valeur qui dure.

Depuis les années 90, on l’a encore vu dans un grand nombre de films (La panthère rose 2, Harry Potter à l’école des sorciers, Fierce Creatures dont il signe le scénario, …) et il aura encore prêté sa voix off à des films d’animation et même à des jeux vidéos (Jasper dans Fable III ou Sir Cadwell dans The Elder Scrolls Online en autres titres). Plus récemment, dans les années 2015, on l’a vu sur scène et sur écran avec ses complices des débuts, les Monty Python (Monty Python Live (Mostly): One Down, Five to Go – le one down étant Graham Chapman décédé en 1989). Quant à son actualité plus récente, il continue de faire des apparitions dans des films plus récents et il est assez actif sur les réseaux.

Drôle dans la vie comme à l’écran

Pour finir sur une ou deux anecdotes qui montrent que John Cleese est toujours aussi drôle dans la vie qu’au cinéma, on pourra citer son statut Facebook : « John Cleese est une personne de grande taille qui aime les lémuriens, le café et le vin. Il est aussi connu pour écrire. » ou même encore se souvenir que, dans les années 70’s, il a même volontairement caviardé sa filmographie avec des titres de longs métrages aussi nonsensiques que « Confessions d’un planificateur » (Confessions of a Programme Planner). Il n’a confessé ce dernier gag que, bien plus tard dans les années 80 et, pendant tout ce temps, en a ri sous cape.

Quoi qu’il en soit, entre une si belle carrière et sa capacité à rire de tout (y compris de lui-même), il semble que John Cleese ait trouvé là son véritable graal. Nous lui souhaitons, à nouveau, un bel anniversaire et nous vous laissons avec une scène culte du film Sacré Graal pour lui rendre hommage.

La scène culte de la sorcière dans Sacré Graal

Pour ceux qui l’ont vu, Sacré Graal des Monty Python est un empilement de scènes cultes. Avec ce film, comme avec la Vie de Brian on est à l’apogée de l’art comique et du non sens anglais des Monty Python. Chose que l’on perçoit mal de nos jours, s’attaquer aux légendes arthuriennes avec cet humour totalement décalée n’alla pas sans provoquer, en son temps, quelques remous dans la bien-pensance britannique. Il aura sans doute fallu ce Sacré Graal pour que, deux décennies plus tard, Alexandre Astier décide de se pencher sur l’écriture et la réalisation de la série Télé Kaamelott en s’inspirant, à son tour, du roman arthurien. Lui-même n’a d’ailleurs jamais renié une partie de son héritage comique du côté des Monty.

Les villageois : Nous tenons une sorcière. Brûlons-là ! Brûlons-là !
Ils la présentent au chevalier Bédivère.
Villageois 1 (Eric Idle) : Nous avons trouvé une sorcière et, maintenant, on doit la brûler !
Les villageois : Brûlons-là ! Brûlons-là !
Bédivère : Comment savez-vous que c’est une sorcière ?
Les villageois : Elle ressemble à une sorcière !
Bédivère : Amenez-la moi.
La suspecte : Je ne suis pas une sorcière !
Bédivère : Mais vous paraissez bien en être une…
La sorcière : Ce sont eux qui m’ont habillée comme ça.
Les villageois protestent.
La sorcière : Et ceci n’est pas mon nez ! C’est un faux !
Bédivère (à la foule) : Alors ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Bon, pour le nez, d’accord, on l’a fait.
Bédivère : Le nez ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Et le chapeau… Mais c’est une sorcière !
Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Et c’est vous qui l’avez déguisée comme ça ?
Les villageois : Non, non, Non ! … Oui, un peu… Mais elle a une verrue.
Bédivère : Qu’est-ce qui vous fait penser qu’elle est une sorcière ?
Villageois 2 (John Cleese) : Oh ! Elle m’a transformé en salamandre.
Bédivère : En salamandre ???!!!!!
Villageois 2 (John Cleese) : … Je vais mieux depuis.

Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Du calme ! Du calme. Il y existe des moyens qui permettent de savoir si c’est vraiment une sorcière.
Les villageois : C’est vrai ? Dites-nous comment !
Bédivère : Dites moi, que faites-vous avec les sorcières ?
Les villageois : On les brûle ! On les brûle !
Bédivère : Et que brûlez-vous en dehors des sorcières ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Toutes les sorcières !
Villageois 3 (Michael Palin) : Le bois !
Bédivère : Bien. En ce cas, pourquoi les sorcières brûlent-elles ?
Les villageois cherchent et réfléchissent
Villageois 2 (John Cleese) : Parce qu’elles sont en bois !
Bédivère : Très bien ! Alors, comment savoir si elle est en bois ou non ?
Villageois 1 (Eric Idle) : En s’en servant pour fabriquer un pont !
Bédivère : Mais ne peut-on construire des ponts à partir de la pierre ?
Les villageois : Ah… Oui…
Bédivère : Est-ce que le bois coule dans l’eau ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Non, il flotte ! Jetons-la dans la mare !
Les villageois clament leur approbation
Bédivère : Attendez ! Qu’est-ce qui flotte aussi dans l’eau ?
Villageois 3 (Michael Palin) : Le pain !… Les pommes !.…
Villageois 2 (John Cleese) : Des toutes petites pierres ?
Villageois 3 (Michael Palin) : La porcelaine ! Une bonne sauce !
Bédivère : Non…
Villageois 2 (John Cleese) : … Une église ? Le plomb ! le plomb !
Le Roi Arthur (Graham Chapman) qui, jusque là, observait la scène) : Un canard !
Bédivère : Exactement ! Un canard ! Donc logiquement. Si elle… ( il encourage les villageois à réfléchir)
Villageois 1 (Eric Idle) : … pèse le même poids qu’un canard… Elle…. Elle est fait en bois !
Bédivère : Et donc ?
Les villageois : une sorcière ! C’est une sorcière !
Bédivère : allons-y ! Utilisons la grande balance pour vérifier !
Clameur des villageois. La sorcière est mise dans la balance avec un canard de l’autre côté. Contre toute attente, la démonstration fonctionne. Elle et le canard font le même poids.
Les villageois l’emporte pour la brûler : Brûlons-la ! Brûlons-la !
La sorcière : ils m’ont bien eue.

Bédivère reconnait la sagesse du Roi Arthur basée sur son intervention (double dose de non-sens). 😀


Idées reçues sur le Moyen Âge

En reprenant nos articles sur la légende de l’inquisition médiévale et l’imagerie des bûchers de sorcières au Moyen-âge, les idées qu’on s’en fait habituellement se reportent à des faits bien plus sûrement renaissants que médiévaux. Toutefois, comme il s’agit des Monty Python et que la scène reste super drôle, on les pardonne bien volontiers d’enfoncer le clou d’une idée reçue. On le fait d’autant mieux que le raisonnement par analogie utilisé ici pour créer l’effet comique résonne de manière assez pertinente. En médecine médiévale, il n’est pas rare, en effet, qu’on l’utilise des déductions pour opérer à la prescription : formes ou couleurs d’un produit en relation aux humeurs qui permettraient d’obtenir des guérisons ou des améliorations d’état, analogie de la mandragore et du corps humain, etc…

On pourra encore ajouter que certaines formes d’ordalies pratiquées durant le Moyen-âge central (ordalie par le feu ou l’eau, … voir article) pour établir l’innocence ou la culpabilité d’un prévenu n’ont quelquefois pas grand chose à envier au procédé mis en avant ici par les Monty Python.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Le dernier duel judiciaire français par Ridley Scott

Sujet : justice médiévale, duel judiciaire, justice divine, film, cinéma, ordalie, duel ordalique.
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Film : Le Dernier Duel, (The Last Duel) Ridley Scott
Adaptation du livre le Dernier Duel de Eric Jager
Date de sortie : octobre 2021

Bonjour à tous,

otre rubrique cinéma pâtit souvent du peu de temps que nous avons à lui consacrer mais, à la faveur des fêtes, nous avons eu l’occasion de voir Le dernier duel de Ridley Scott et cela va nous fournir l’occasion d’un petit rattrapage.

Ridley Scott en terres de France

Affiche du film "le dernier duel" de Ridley Scott

Quand un grand nom du cinéma anglo-américain comme Ridley Scott s’attaque à un sujet, le résultat laisse rarement indifférent. Le réalisateur a, dans son parcours, des films qui ont marqué à jamais l’histoire du 7eme art dans des registres aussi différents que les thrillers, la science fiction ou même les films sur fonds historiques.

Cette fois-ci, ce n’est pas dans l’espace profond qu’il nous entraîne à la recherche du huitième passager, ni même dans la forêt de Sherwood à la poursuite de Robin de bois, mais bel et bien, au temps médiévaux et, qui plus est, sur le sol de France. Ce dernier duel, sorti en octobre dernier dans les salles, nous invite donc à le suivre sur les traces du dernier duel judiciaire par ordalie de l’histoire française : celui qui vit s’affronter les nobles Jean de Carrouges et Jacques le gris, par un jour froid de décembre 1386. La joute impitoyable eut lieu dans le champ clos du monastère de Saint-Martin, à Paris. L’événement rameuta les foules et Jean Froissart, avant un grand nombre d’autres écrivains et historiens, le commenta largement dans ses chroniques.

L’histoire du dernier duel et son contexte

Historiquement, ce duel du XIVe siècle est assez bien documenté entre registres judiciaires et les chroniques. De notre côté et pour ceux qui nous suivent, nous avions déjà mentionné ce duel historique, il y a quelques années, à l’occasion d’un article sur les duels judiciaires et les jugements par ordalie au Moyen Âge.

Manuscrit médiéval présentant le dernier duel de Jean IV de Carrouges et Jacques le gris

Le film Le dernier duel est tiré du livre du même titre de Eric Jager, professeur de littérature médiévale et critique littéraire américain (2004). Pour poser le cadre, en essayant de ne pas trop en dévoiler, le dernier duel judiciaire français a opposé deux nobles normands : Jean IV de Carrouges , homme d’armes à la longue carrière qui avait notamment combattu aux cotés de Duguesclin et, face à lui, Jacques le gris, écuyer de son état et de moins grand nom mais puissant, semble-t-il, par ses possessions et richesses. Les deux hommes avaient été, par le passé, assez proches et même amis. Le premier était vassal et chambellan de Pierre II de Valois, comte d’Alençon. L’autre était le protégé de ce dernier et même son écuyer. Une suite de circonstances et de tensions ont pourtant éloigner les deux hommes. Il est question d’un incident sur un terrain promis en dot à Carrouges et qui sera, malgré les engagements du père de la futur épouse, repris par le comte d’Alençon pour être offert à Le gris. Le point culminant n’est cependant pas celui-ci mais l’accusation bien plus grave portée par l’épouse de Carrouges, Marguerite de Thibouville à l’encontre de l’écuyer du comte. Elle affirma, en effet, qu’après s’être fait ouvert la porte avec l’aide d’un complice, l’homme avait abusé d’elle et l’avait violée, en profitant de l’absence de son mari et de sa belle mère. Carrouges, revenu d’un voyage à Paris et rentré dans ses foyers, trouva sa femme en grand trouble et la questionna. L’histoire dit qu’elle lui confia alors les faits, en demandant à son époux d’en obtenir réparation en son nom.

Confondu, Le Gris refusa catégoriquement d’admettre l’accusation. Il dit même ne pas s’être trouvé sur place. Devant son obstination à nier, Jacques de Carrouges décida d’invoquer le duel judiciaire par ordalie. Il demanda donc, devant le parlement de Paris et le roi de France, de concéder l’organisation d’un combat, en bonne et due forme, pour permettre à la justice divine de trancher. En cas de victoire, le duel laverait son honneur et celui de sa femme. En cas de défaite, celle-ci serait brûlée, lui occis et leurs deux noms salis à jamais. La requête de Carrouges fut finalement acceptée malgré les gages donnés par le comte d’Alençon et ses intercessions en faveur de son protégé ; le parlement et le roi statuèrent loin de son influence.

Enluminure du dernier duel judiciaire dans les  chroniques d'Angleterre de Jehan de Wavrin
Le dernier duel judiciairedans les Anciennes et nouvelles chroniques d’Angleterre, Jehan de Wavrin

Trois partitions pour un même drame

Le film met en opposition un Jacques de Carrouges, guerrier et chevalier loyal trempé de courage, un peu rustre (voire lourdaud et peu cultivé suivant les points de vues) contre un Jacques Le gris plus lettré et sophistiqué ; ce dernier nous est présenté comme un homme de cour à qui tout ou presque est concédé par sa simple proximité d’avec le comte. C’est aussi un coureur invétéré de jupons.

Côté scénario, Ridley Scott a fait le choix de livrer les trois partitions : celle de l’épouse, celle du mari, celle de Le Gris. Certaines critiques ont pu trouver le procédé un peu redondant en cela que les histoires comprennent de nombreuses convergences mais le réalisateur connait son affaire et arrive à les mettre au service de son récit. Les acteurs le servent parfaitement dans son entreprise avec un casting de haut vol. Jodie Comer est juste et superbe dans le rôle de Marguerite. Matt Damon, dans la peau de ce Jacques de Carrouges ombrageux et plein de ressentiment et Adam Driver dans le rôle d’un Le gris sur le fil, entre amitié sincère et perfidie, sont, eux-aussi, excellents. Pierre II de Valois, campé parfaitement par Ben Affeck, est présenté comme un personnage jouisseur et plutôt méprisable. Cette partie semble spéculative. Le scénario lui fait aussi jouer un rôle assez trouble dans les intrigues entre les deux hommes et, malgré la loyauté de Carrouges à son encontre, le comte d’Alençon et du Perche semble lui vouer quelque rancœur presque atavique.

Histoire médiévale et regards modernes

Acteurs principaux du dernier duel de Ridley Scott

Sur le fond, la vision de Ridley Scott n’est pas exempte de parti-pris. Même s’il présente trois versions, avec ce dernier duel, lui et ses scénaristes ont choisi, à l’évidence, de nous conter la leur ; elle suit, d’ailleurs, de près la conviction de l’auteur du livre qui accrédite la version de l’épouse de Jacques de Carrouges. Disant cela, gardons en tête que l’ histoire n’a jamais su trancher objectivement sur ce qui est survenu ce jour là, ni sur les relations exactes qui ont lié ces trois personnages. Factuellement, Le Gris n’a jamais reconnu son crime même si, au vu du risque pris par Marguerite de Carrouges en exposant publiquement son infortune, on a, un peu, peine à imaginer qu’elle ait pu tout inventer. Froissard la décrit ainsi au moment du duel :

« Et vous dy qu’elle estoit en grans transses et n’estoit pas asseuree de sa vie. Car se la chose tournoit a desconfiture sus son mary, il en estoit sentencié que sans remedde on l’eust arse, et son mary pendu. »
Jehan Froissart – Chroniques

Pour infirmer sa version, il faudrait lui prêter une confiance aveugle dans la capacité de son époux à triompher de Le gris sans quoi elle se serait trouvée condamnée au bûcher. L’affaire se complique d’autant qu’elle est tombée enceinte, apparemment suite aux faits. Y-a-t-il pu avoir une sorte de complicité entre les deux époux pour occire Le Gris ? C’est une autre hypothèse qui suppose là encore la certitude de vaincre. Par ailleurs, si l’enfant avait été de Carrouges, les époux auraient-ils pris le risque de le faire passer pour un bâtard en ourdissant un plan scabreux afin d’occire Le gris ? A tout cela, il faut encore ajouter les menaces proférées par le violeur après son forfait et portées par la plaignante au registre. Cela n’engage que nous mais elles nous semblent particulièrement criantes de vérité. Toutes ces hypothèses vous donnent une idée des spéculations sur lesquels les auteurs n’ont pas tari depuis. Dans la dernière version de ses chroniques, Froissart penche, lui aussi, en faveur de la version de Marguerite (1).

Dernier duel ou première #MeToo ?

Le titre peut prêter à sourire mais on n’a pas manqué de trouver, dans le film de Ridley Scott, des références directes à des idées qui semblent tomber à pic dans une actualité assez récente. Pour le réalisateur, il s’est agi indubitablement de traiter les deux sujets et il nous présente un peu Marguerite de Carrouges comme une des premières femmes de l’Histoire à s’être dressée contre l’abus sexuel. En tout état de cause, la volonté du réalisateur de transposer son regard actuel jusque dans l’histoire médiévale ou, au moins, d’y trouver de fortes résonnances est manifeste. Interrogés à la Mostra de Venise, lui et ses scénaristes (Matt DamonBen Affleck et Nicole Holofcener) ont d’ailleurs totalement assumés leur intention de se servir de la superproduction pour faire avancer les consciences modernes en matière de féminisme.

Au delà même de l’intrigue et dans ce même esprit, le film nous montrera encore une jeune femme esseulée et opprimée en train de se démener à grand peine, contre les mâles et la société patriarcale qui l’entourent : bringuebalée entre les jeux de pouvoir, troquée par son père contre des biens et des terres et pour un meilleur nom (dans une scène franchement digne d’un échange de rues et de gares au Monopoly), on la verra usée jusqu’à la corde par la gente masculine (le père, le mari, le prétendant). Elle sera encore violentée en permanence par un mari brutal, disons même bestial, et inculte incapable, à l’évidence, de lui donner du plaisir. Enfin, on la découvrira écrasée sous le poids de ses devoirs à l’égard du lignage ( injonction de fertilité, mépris, cf aussi la relation à la belle-mère, …). Au paroxysme de cette instrumentalisation, elle sera même (présentée comme) susceptible de se retrouver immolée sur un bûcher simplement pour permettre à son mari de laver son propre nom et honneur d’homme (2). C’est ce qu’on appelle la totale.

Un léger surdosage pour les besoins de la cause ?

En bref, femme spoliée, femme objet, femme ventre, femme chosifiée, femme sacrifiée, femme trahie jusque par ses amies (d’ailleurs, elle n’en a pas). Etre violée n’était pas suffisant. Il fallait décidément qu’il ne subsiste aucune lueur dans la vie de la Marguerite de Carrouges de ce Dernier duel. Les besoins de la construction dramatique peuvent, sans doute, en expliquer les raisons. Mais on peut, quand même, se demander si les scénaristes américains ne sont pas tombés un peu dans le Netflix : autrement dit, dans la tentation d’en étaler un peu trop, pour servir leur propos, au risque de verser dans une vision un brin caricaturale et victimaire plutôt tendance et, pour le coup, assez loin des réalités et des mentalités médiévales (« de l’instrumentalisation idéologique de l’Histoire », vous avez 2 heures). Au passage, tout cela nous fait inévitablement retomber dans cette vision habituelle et rabattue de la femme tout au long du Moyen Âge (quand ce n’est pas tout au long de l’Histoire). La médiéviste Régine Pernoud n’en aurait, sans doute, pas été ravie, elle qui avait œuvré, durant sa longue carrière, pour montrer, entre autre chose, la grandeur et le pouvoir des femmes durant cette longue période.

Bien sûr, me direz-vous, Ridley Scott n’avait sûrement pas la prétention de refléter toute la réalité du Moyen Âge dans son film, mais c’est un peu le problème des surproductions. En donnant l’impression d’illustrer des vérités immuables plutôt que ce qu’elles sont le plus souvent : des points de vue, elles finissent, quelquefois, par gommer les nuances. C’est un effet des idéologies distillées dans les films ou les séries qui a été, plus d’une fois, mis à profit. On sait que ce type de fiction peut finir par être maladroitement, interprété ou généralisé pour laisser, à sa traîne, des perceptions un peu simplistes de la réalité, voire des aprioris (cf le film Le Nom le Rose et l’inquisition médiévale). Tout ça est donc à prendre avec un peu de recul et, disons-le, même si cela parait évident : ce film n’est pas sorti d’un laboratoire de recherche et n’est pas non plus un documentaire. Pour le dire autrement, toutes les femmes du Moyen Âge n’étaient pas des Marguerite de Carrouges à la façon de Ridley Scott.

photo extraite du film le dernier duel

Un ensemble relativement réussi
malgré le fond idéologique un peu lourd

Si le box office n’a pas rendu justice à ce long métrage d’un point vue financier, cet insuccès est largement démérité. Il faut espérer que son thème historique n’en est pas la cause et aussi se souvenir qu’en son temps Blade Runner, du même réalisateur, s’était fait descendre par les critiques avant de devenir un film SF culte. Boudé par le grand public, dans les salles, Le Dernier duel est pourtant un bon Ridley Scott. L’ensemble est contrasté, épique, mené à bon rythme, même si, disons-le pour les âmes sensibles, certaines scènes de combats et de bataille sont violentes. Pour que ce soit moyenâgeux, il fallait bien que cela tranche un peu et cela donne aussi à l’ensemble un côté réaliste : de l’abus subi par l’épouse de Carrouges à la vie militaire de son guerrier d’époux et ses épopées sanglantes en terrain ennemi, Scott nous dépeint un monde rude et sans concession.

photo extraite du film le dernier duel 2

Est-ce encore un monde d’hommes avec sa réalité barbare (guerroyer, occire ou se vautrer dans le stupre) qu’il a cherché à suggérer, par contraste, avec les espaces silencieux et feutrés de la femme et de son attente (voir le Brécheliant de Annick Le Scoëzec Masson) ? Quoi qu’il en soit, sa plongée dans le monde médiéval est assez réussie et, d’un point de vue historique, on aimerait voir cette qualité au rendez-vous plus souvent ; la rigueur n’étouffe pas, en général, le cinéma outre-Atlantique quand il s’attaque à la période médiévale. Il a même plus souvent tendance à se retrancher dans le médiéval fantasy, ce qui vaut toujours mieux qu’une référence historique ratée et sans recherche sérieuse, même si cela fournit très souvent le prétexte aux pires scénarios (voire âneries).

Pour conclure, on ne peut pas s’empêcher de se dire que cette histoire qui s’est déroulée sur notre sol devait sans doute passer par un auteur et un réalisateur étranger pour susciter un intérêt cinématographique. Apparemment, Martin Scorsese avait aussi louché dessus, un peu après la sortie du livre, mais finalement sans s’y atteler. Mais va ! Consolons-nous. Si on aurait rêvé de voir ce film médiéval réalisé localement, avec de vrais moyens, Ridley Scott l’a servi avec tout son talent. L’histoire de ce dernier duel judiciaire le valait bien et il y a suffisamment peu de films intéressants sur la période médiévale pour ne pas bouder notre plaisir et même en redemander.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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NB : l’enluminure de l’image d’en-tête est tirée du Royal MS 14 E IV de la British Library. Ce manuscrit de la fin du XVe est le troisième tome des Anciennes et nouvelles chroniques d’Angleterre de Jehan de Wavrin. Il peut être consulté en ligne au lien suivant. Au premier plan de l’image vous aurez reconnu l’actrice Jodie Comer qui incarne Marguerite de Carrouges dans le film de Ridley Scott.

Notes

(1) Voir Au-delà des apparences : Jean Froissart et l’affaire de la dame de Carrouges, Peter Ainsworth, dans Le droit et son écriture, La médiatisation du fait judiciaire dans la littérature médiévale, ouvrage collectif, 2013

(2) Attention divulgâchage : il y a, du reste, un renversement assez paradoxal opéré par les scénaristes à un moment donné. Marguerite est présentée, tout du long, comme fortement déterminée à laver son propre nom et à prouver qu’elle dit bien la vérité. C’est même elle qui pousse largement son époux à tout faire pour cela. En revanche, quand elle comprend que le duel à mort présente non seulement pour son époux le risque de périr mais aussi pour elle (elle sera exécutée s’il perd), elle lui reproche d’avoir mis sa vie à elle en danger et de l’avoir instrumentalisée.

l’adoubement du chevalier au Moyen Âge, Régine Pernoud

Sujet : citations médiévales, histoire médiévale, historien, médiéviste, Moyen Âge, chevalerie, chevalier, adoubement, cérémonie, citations.
Période : Moyen Âge central
Auteur : Régine Pernoud  (1909-1998)
Ouvrage : Lumière du Moyen Age ( Grasset, 1981)


Une citation de Régine Pernoud sur la Chevalerie au Moyen Âge

« Du futur chevalier, on exige des qualités précises, que traduit le symbolisme des cérémonies au cours desquelles on lui décerne son titre. Il doit être pieux, dévoué à l’Église, respectueux de ses lois : son initiation débute par une nuit entière passée en prières, devant l’autel sur lequel est déposée l’épée qu’il ceindra. C’est la veillée d’armes, après laquelle, en signe de pureté, il prend un bain, puis entend la messe et communie. On lui remet alors solennellement l’épée et les éperons, en lui rappelant les devoirs de sa charge : aider le pauvre et le faible, respecter la femme, se montrer preux et généreux; sa devise doit être « Vaillance et largesse ». Viennent ensuite l’adoubement et la rude « colée », le coup de plat d’épée donné sur l’épaule : au nom de saint Michel et de saint Georges, il est fait chevalier. »

Lumière du Moyen Âge, Régine Pernoud.

Une belle journée à tous

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Retrouvez d’autres citations et articles au sujet de Régine Pernoud.

NB : l’enluminure, en arrière plan de Régine Pernoud sur l’image d’en tête, est tirée du Manuscrit médiéval MS Français 112 – 1, conservé au département des manuscrits de la BnF (consultez le ici sur Gallica). Elle représente l’adoubement de Lancelot du Lac par le roi Arthur (« comment Lancelot fut fait Chevalier… ») Le manuscrit, daté de 1470, est une compilation des légendes arthuriennes par Micheau Gonnot.

« Chevalier, Mult estes guariz », un chant de croisade du XIIe siècle

Sujet : chanson médiévale,  musique médiévale,  chant de Croisade, 2e croisade, vieux français. rotruenge, Louis VII, chevaliers
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : anonyme
Titre :  « Chevalier, mult estes guariz»
Interprète :  Early Music Consort of London
Album :
  Music of the Crusades (1971)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partons aujourd’hui, à la découverte d’une nouvelle chanson de croisades du moyen-âge central. Demeurée anonyme, elle compte parmi les plus anciennes qui nous soit parvenue. Sur les traces de Joseph Bédier et son ouvrage conjoint avec Pierre Aubry  ( Les chansons de croisade, 1909), sans toutefois le suivre totalement, nous vous en proposerons une traduction en français moderne et vous dirons aussi un mot des sources dans lesquelles la trouver et du contexte historique qui la vit naître.

Pour le reste, cette poésie très chrétienne et guerrière du XIIe siècle a été interprétée par un grand nombre de formations médiévales et nous avons choisi ici la version qu’en proposait le Early Music Consort of London en 1971, dans un album tout entier dédié aux musiques du temps de croisades.

La prise d’Edesse  et    l’appel à la 2e Croisade

Vers le milieu du XIIe siècle, et plus exactement en 1144, la forteresse d’Edesse (Rohais, l’actuelle cité de Şanlıurfa ou Urfa dans le sud de la Turquie) tombaient aux mains d’Imad ed-Din Zengi,  atabeg de Mossoul et d’Alep. Connu encore comme Zengui, l’homme fut aussi surnommé « le sanglant » par les chroniqueurs chrétiens d’alors (tout un programme). Très avancé sur les terres islamiques, le comté d’Edesse qui compte parmi les premiers états latin d’Orient était alors sous la régence de la reine  Mélisende de Jérusalem. Son héritier Baudouin III  n’a, en effet que 13 ans et est encore trop jeune pour gouverner.

partition_chanson_croisade_chevalier-mult-estes-guariz_XIIe-siecle_Moyen-age-sLe siège fut de courte durée et la cité céda en moins d’un mois : de la fin novembre 1144 à la fin décembre de la même année. Informé de sa chute de la main même de la régente, le souverain pontife Eugène III appellera bientôt à une seconde croisade en terre sainte, par l’intermédiaire de la bulle Quantum praedecessores. Alors âgé de 25 ans, Louis VII ne tarda pas à y répondre, mais, autour de lui, les seigneurs chrétiens d’Occident se montrèrent plutôt tièdes. Il faudra toute la ferveur, les prédications et les promesses de rédemption d’un Bernard de Clairvaux pour que le mouvement prenne véritablement de l’ampleur. Près de deux ans après l’appel, ce seront ainsi près de 35000 hommes d’armes qui répondront présents. En suivant les conclusions de Joseph Bédier et sans trop prendre de risques, la chanson du jour a nécessairement été écrite entre l’annonce par Louis VII de son intention de se croiser, le 25 décembre 1145 à l’assemblée de Bourges et son départ effectif pour la croisade, le 12 juin 1147.

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Sources historiques

Du point de vue des sources, on ne trouve cette chanson et sa notation musicale (sommaire) que dans un seul manuscrit datant de la deuxième moitié du XIIe siècle : le Codex Amplonianus 8° 32,  également référencé RS 1548a, conservé à Erfurt en Allemagne (Foreschungsbibilothek), Au vue de la langue usitée pour la retranscription de cette poésie, la copie est à l’évidence l’oeuvre d’un anglo-normand.

Pour le moment, il semble que ce manuscrit médiéval ne soit toujours pas disponible à la consultation en ligne. On ne peut donc qu’espérer qu’il le soit bientôt pour découvrir cette pièce dans son écrin d’époque. Dans l’attente et pour vous en faire une idée, nous reproduisons ci-dessus la version d’assez piètre résolution qu’on pouvait trouver dans un autre ouvrage de Pierre Aubry datant de 1905 : Les plus anciens monuments de la chanson française.  

« Chevalier, moult estes guariz » par le  Early Music Consort of London

Musique des croisades, par David Munrow et le Early Music Consort de Londres

Comme nous avons déjà dédié un long article à cet excellent ensemble médiéval et même à cet album, nous vous invitons à vous y reporter pour plus d’informations : voir musique du temps des croisades par le Early Music Consort de London.


« Chevalier, Mult estes guariz »
en vieux-français & sa traduction moderne

I
Chevalier, mult estes guariz,
Quant Deu a vus fait sa clamur
Des Turs e des Amoraviz,
Ki li unt fait tels deshenors.
Cher a tort unt ses fîeuz saiziz ;
Bien en devums aveir dolur,
Cher la fud Deu primes servi
E reconnu pur segnuur.
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Chevaliers, vous êtes sous très bonne protection,
Quand c’est vers vous que Dieu s’est plaint
Des turques et des Amoravides,
Qui lui ont fait une si grand honte
En saisissant à tort ses fiefs.
Il est juste que nous en souffrions
Car c’est là que Dieu fut d’abord servi
Et reconnu pour seigneur.
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

II
Pris est Rohais, ben le savez,
Dunt crestiens sunt esmaiez,
Les mustiers ars e désertez :
Deus ni est mais sacrifiez.
Chivalers, cher vus purpensez,
Vus ki d’armes estes preisez ;
A celui voz cors présentez
Ki pur vus fut en cruiz drecez.
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Rohais est pris, bien le savez,
Dont les chrétiens sont en émoi
Les monastères  brûlent et sont désertés,
Dieu n’y est plus célébré* (sacrificare : célébrer une messe)
Chevaliers, songez-y bien,
Vous qui êtes prisés pour vos faits d’armes,
Offrez vos corps à celui
Qui pour vous fut dressé en croix.
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

III.
Pernez essample a Lodevis,
Ki plus ad que vus nen avez :
Riches est e poesteïz,
Sur tuz altres reis curunez :
Déguerpit ad e vair e gris,
Chastels e viles e citez :
Il est turnez a icelui
Ki pur nus fut en croiz penez.
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Prenez exemple sur Louis,
Qui possède bien plus que vous,
Il est riche et puissant,
Sur tout autre roi couronné :
Il a abandonné et vair et gris* (fourrures)
Châteaux et villes et cités,
Et il est revenu vers celui
Qui pour nous fut torturé en croix.
Celui  qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

IV.
Deus livrât sun cors a Judeus
Pur mètre nus fors de prisun ;
Plaies li firent en cinc lieus,
Que mort suffrit e passiun.
Or vus mande que Chaneleus
E la gent Sanguin le felun
Mult li unt fait des vilains jeus :
Or lur rendez lur guerredun !
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Dieu livra son corps à ceux de Judée
Pour nous mettre hors de sa prison
Ils lui firent des plaies en cinq endroits,
Tant qu’il souffrit mort et passion.
Maintenant, il vous commande que les païens 
Et les gens de Sanguin le félon
Qui lui ont fait tant de vilainies (mauvais tours):
En soient récompensés en retour.
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

V.
Deus ad un turnei enpris
Entre Enfern e Pareïs,
Si mande trestuz ses amis
Ki lui volent guarantir
Qu’il ne li seient failliz….
Ki ore irat od Loovis.
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Dieu a engagé un tournoi
Entre Enfer et Paradis,
Et, oui, il mande tout ses amis,
Qui veulent le défendre;
Qu’ils ne lui fassent pas défaut.
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

VI.
Char le fiz Deu al Creatur
Ad Rohais estre ad un jorn mis :
La serunt salf li pecceùr
…………………………………
Ki bien ferrunt e pur s’amur
Irunt en cel besoin servir
…………………………………
Pur la vengance Deu furnir.
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Car s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Car le fils de Dieu le créateur
A fixé le jour pour être à Rohais
Là seront sauvés les pêcheurs.
…………………………………………….
Qui, pour l’amour de lui, frapperont bien
et iront le servir en ce besoin
…………………………………
Pour accomplir la vengeance de Dieu
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.

VII.
Alum conquere Moïses,
Ki gist el munt de Sinaï ;
A Saragins nel laisum mais,
Ne la verge dunt il partid
La Roge mer tut ad un fais,
Quant le grant pople le seguit ;
E Pharaon revint après :
Il e li suon furent périt.
Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en parais
Od les angles nostre Segnor.

Allons conquérir Moïse,
Qui gît au Mont Sinaï
Ne le laissons plus aux Sarrasins,
Ni la verge qu’il utilisa pour séparer
La mer rouge d’un seul coup
Quand le grand peuple le suivit ;
Et Pharaon qui le poursuivait
vit périr lui et les siens.
Celui qui désormais ira avec Louis
Ne redoutera plus jamais l’enfer
Car son âme sera (mise) en Paradis
Avec les anges de notre seigneur.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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