Archives de catégorie : Châteaux, forteresses et architecture médiévale

Cette catégorie est dédiée aux châteaux forts du Moyen-âge et plus généralement à l’architecture médiévale. Vous y trouverez des éléments historiques ou archéologiques sur ces questions mais aussi des reconstitutions 3D de forteresses ou de constructions d’époque.

Histoire des châteaux forts & techniques de siège médiévales (1)

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Index des autres articles sur le sujet:
2. Du bois vers la pierre
3. Mottes, forteresses de bois et techniques de siège
4. L’âge d’or des châteaux forts
5L’automne des châteaux forts

1. NAISSANCE DES CHÂTEAUX-FORTS

D_lettrine_moyen_age_passionans un article précédent, nous abordions le phénomène qui, à partir du Xe siècle, poussa la France (qui n’existait pas encore tout à fait telle que nous la connaissons), à organiser la défense des territoires autour de la personne du « seigneur » et des seigneuries locales, elles-mêmes réfugiées derrière des architectures fortifiées: les mottes castrales.

Cette défense des territoires par la construction de forteresses qui évoluerons de la motte castrale de bois et de terre vers les châteaux de pierre les plus élaborés et prestigieux des siècles suivants ouvrira une période particulière que l’on a nommé: l’ère des châteaux forts.

Aujourd’hui, nous abordons cette question dans une perspective plus large pour nous intéresser à la naissance, la vie et la mort chateau_foix_arièges_merveille_monde_medieval_histoire_moyen-agedes châteaux forts et partant, pour parler aussi des techniques d’assaut et de siège qui y sont inévitablement associées et en marquent l’évolution. (ci-contre le superbe château de Foix, en Ariège, antérieur au XIIe siècle et dominant la ville depuis son haut promontoire de roche).

Quelques réflexions sur la méthode

Des ambitions modestes pour un sujet glissant

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faut faire quelques remarques d’importance. Les écrits sur les châteaux forts et les problématiques qui y touchent ne sont pas nouveaux; certains auteurs les disent même rabattus. Ils doivent pourtant bien trouver leur place sur ce site, puisque nous y traitons du monde médiéval. Or, prétendre aborder le moyen-âge « sous toutes ses formes » sans parler de ses châteaux forts ne souffrirait guère d’excuses.

Comme nous nous efforçons, par ailleurs, de reconstituer quelques unes de ces forteresses médiévales, il paraît aussi pertinent de fournir, ici, quelques bases de réflexion sur ces sujets, en les abordant dans une perspective plus générale, dusse-t’elle être plus glissante. S’il demeure, en effet toujours, de nombreux points d’interrogation quand on se penche sur l’Histoire d’un château en particulier, que dire quand on éloigne le focus pour l’élargir à plus de cinq siècles d’Histoire, dans un contexte ou, de surcroît, si peu de traces nous sont parvenues? L’exercice de l’extrapolation dans les monde_histoire_medievale_chateaux_forts_moyen-age_passionvides laissées se fait bien périlleux. Cet effet bien connu a pour nom scientifique « l’effet peau de banane ». (ci-contre une peau de banane justement)

Rassurez-vous pourtant, nous n’avons pas la prétention de combler seul ces vides, en déclamant des généralités partagées de tous et non vérifiées,  à l’emporte-pièce, simplement pour faire un article:   « Au moyen-âge, les gens disaient… » « Au moyen-âge, les gens pensaient… », le web en est déjà suffisamment truffé et l’exigence de la qualité des sources autant que la méthode comparative resteront nos meilleurs alliés pour aborder ce sujet des châteaux forts du moyen-âge.

Et comme je préférerais toujours mieux la possible ânerie d’un historien à une qui soit mienne sur ces sujets, je m’appuierai courageusement sur des auteurs, en mettant, autant qu’il le semble nécessaire, toutes les réserves que requiert un objet d’étude si vaste.

Ci dessus, les ruines de château-Gaillard, mythique forteresse normande construite par Richard Coeur de Lion à la fin du XIIe siècle
Ci dessus, les ruines de château-Gaillard, mythique forteresse normande construite par Richard Coeur de Lion à la fin du XIIe siècle

Pour certains chercheurs, l’histoire des châteaux de la période médiévale a été l’objet d’étude de toute une vie, nous en sommes conscient et restons donc extrêmement modestes dans nos ambitions. De fait, au fil de nos lectures sur le sujet, nous avons hésité, plus d’une fois, à mettre un point final à cet article pour le publier.

Permettez-moi deux pieds de rimes un brin burlesque pour vous le faire toucher du doigt et s’il se peut, vous faire sourire: c’est le dilemme d’une entreprise folle, entre journalisme et Histoire, pieds fermement ancrés au sol, de crainte qu’il ne se change en patinoire. Comme toujours, si cet échafaudage semble par trop branlant à un historien ou un amateur éclairé, qu’il se manifeste au débat, avec arguments et faits. Je n’ai jamais eu d’autres exigences que celle d’apprendre et d’échanger.

Pour mettre un peu d’ordre

De manière très classique, quand l’on parle d’un sujet si vaste, la première des problématiques consiste à s’intéresser au moment où l’on fait démarrer l’observation et, par là, à préciser le contexte historique qui a vu émerger l’objet que l’on observe. Au fond, qu’a-t-il de si particulier ce phénomène de « l’enchâtellement » pour qu’on puisse ainsi, de manière presque convenue, fixer et dater un point précis dans l’Histoire, en décidant par là qu’il s’agit d’un commencement? N’y a-t-il pas eu dans l’Histoire quelques précédents ou des phénomènes semblables ?.

Au final, il s’agit bien de caractériser l’objet historique dont on parle, pour le situer dans le temps et en faire émerger des particularités. Ce sera l’objet de ce premier article: « Naissance des châteaux forts ». Nous nous y pencherons, avec Eugène Viollet le Duc, sur les conditions d’émergence des mottes castrales et nous le suivrons  dans ses allégations, ses certitudes et ses hypothèses sur lahistoire_monde_medieval_chateau_fort_moyen-age_Ainay_le_Vieil question.

Le deuxième article sur le sujet, que nous avons nommé « Du bois vers la pierre », sera consacré à l’espace de temps qui va de l’émergence des mottes castrales jusqu’au XIIe siècle. Nous en profiterons pour parler d’Histoire des techniques de siège, en allant chercher du côté gréco-romain.

Dans un troisième article, nous aborderons l’entrée dans ce XIIe siècle dont on s’accorde encore à dire qu’il est « L’âge d’or des châteaux forts » (c’est d’ailleurs ainsi que nous avons très originalement nommé cet article sur la question). Nous y parlerons des progrès et des améliorations tant du côté des forteresses que des techniques et engins de siège.

Enfin, dans un quatrième et dernier article, nous nous pencherons sur « L’automne des châteaux forts » et les transitions pouvant expliquer ce phénomène de « disparition » des forteresses « gardiennes de territoire », au profit de palais à vocation semble-t-il plus fortement résidentielle que défensive (quoique). (photo ci-dessus le Château-fort d’Ainay-le-Vieil, datant du XIVe siècle)

Le château de Chambord dont on a souvent fait le symbole de la fin de l'ère des châteaux-forts
Le château de Chambord dont on a souvent fait le symbole de la fin de l’ère des châteaux-forts

Avant de conclure sur ces éléments de plans et de méthodes, vous vous demanderez peut-être encore pourquoi  nous avons saucissonné ce grand article en plusieurs? Et nous vous répondrions alors, c’est sans doute parce que le jambon s’apprécie toujours mieux en tranches bien fines; disant cela, je ne plaisante qu’à moitié et ceux qui aiment le jambon le savent très bien d’ailleurs.

Héritage, ruptures et continuité 

« Des nains sur des épaules de géants »
Citation médiévale de Bernard de Chartres, XIIe siècle

La protection de territoires par des camps fortifiés, regroupés autour d’un chef de tribu, ne date assurément pas d’hier: palissades, usage de matériaux pour entraver la marche d’ennemis potentiels et leur faire obstacle,  usage de l’élévation (arbres, guérites, …)  pour observer au loin ou gagner en efficacité sur les armes de jets (pierres, flèches, …), usage du feu, sont des choses que l’homme pratique depuis les premiers affrontements tribaux et certainement depuis des temps immémoriaux.

Au fond, en cas de sédentarisation et d’agressions extérieures, cela pourrait même nous sembler une forme d’organisation humaine « défensive » naturelle. Sauf à entrer dans le Qu'est ce qu'il a dit?domaine de la protohistoire et encore, je serais presque tenter de pousser jusqu’à la préhistoire, les sociétés humaines n’inventent jamais rien, tout soudainement, et à partir de  rien. (ci-contre, Boniface des « Visiteurs » de Jean Marie Poiré semble s’en étonner).

Quelque soit les phénomènes observés, il doit pourtant bien y avoir une forme de typicité, des particularismes, qui nous permettent de repérer dans l’Histoire des continuités et quelquefois aussi des ruptures, des héritages et des innovations, des contextes particuliers. Et c’est ce qu’il nous faut approcher ici, dans cet article, pour répondre à plusieurs questions : dans quel contexte un type particulier de construction médiévale a pu émerger autour du Xe siècle que l’on a appelé « motte castrale »?

En quoi cette construction pouvait-elle contenir, en elle, les germes des châteaux forts qui lui succéderont? Et comment se situe-t’elle dans l’Histoire des forteresses ou des constructions défensives l’ayant précédées? Pour tenter de répondre à toutes ces questions et pour nous accompagner le long de cette promenade historique en ces temps reculés du moyen-âge central, nous suivrons les pas et l’analyse de l’architecte du XIXe siècle, Eugène Viollet le Duc (portrait de lui plus bas dans cet article).

Rappel de quelques éléments de contexte

IXe, Xe siècle. La France en prise aux invasions. Carte moyen-age
IXe, Xe siècle. La France en prise aux invasions. Carte retouchée. Voir original sur www.monatlas.fr

Pour rappel, du point de vue du contexte ayant favorisé l’apparition de ce phénomène d’enchâtellement de la France, dont on définit généralement le point de départ aux premières mottes castrales du Xe siècle, on liste un certain nombre de facteurs historiques : pression des vagues d’invasions sur le territoire (voir carte ci-dessus), division de l’empire carolingien dont les héritiers et petit-fils de Charlemagne peinent à maintenir la cohésion et, conséquemment, faiblesse d’un pouvoir régalien central, impuissant à défendre l’ensemble de ses territoires, au moyen d’un armée unique et forte.

En plus de la pression d’ennemis extérieurs, viendront également s’ajouter, avec le temps, des tensions locales et intestines entre seigneurs prompts à se quereller sur les frontières établies,  quand ce n’est pas sur la légitimité même de leurs titres.

En suivant les pas de Viollet le Duc
« Pax Romana et influence normande »

viollet_le_duc_chateau_siege_militaire_histoire_medievale_moyen-ageUn peu avant le moment où nous prenons l’Histoire, une longue période de Pax Romana a plongé les terres de France dans une relative méconnaissance des Arts de la guerre.

Sur le terrain, à la faveur de cette paix et de l’absence de résistance, les francs ont pu, sans difficulté, conquérir la Gaule. Ils y coexistent avec les restes de l’empire romain qui s’y sont sédentarisés, mais ils doivent désormais aussi se la partager avec des normands fraîchement installés qui ont bien l’intention de ne pas se cantonner sagement à leurs terres. Socialement structurés autour du commerce tout autant que des Arts de la guerre, ces derniers conduiront, en effet, des raids sur le territoire aussi loin que les mènent les fleuves.

Selon notre auteur, durant cette période du IXe, Xe siècle, l’héritage de l’oppidum gaulois autant que celui des forteresses romaines, a été pratiquement oublié du côté franc et les populations, comme les seigneurs, ne sont toujours pas préparés à se défendre et encore moins l’ensemble de leur territoire; il faut de l’expérience, de l’ingénierie et du métier pour construire une forteresse et surtout la tenir et peu de places sont fortifiées. On n’y a pas consacré le temps nécessaire, mais on a même été, jusqu’à oublier du côté franc, le moyen de les bâtir de manière efficace et tout standard les concernant. Pour résister à ces nouvelles vagues invasions normandes, hongroises et sarrasines, on s’inspire alors « vaguement » du Castrum romain ou même de la villa romaine mais pas toujours.  

A l’opposé, au nord du territoire où ils se sont sédentarisés, les normands  semblent déjà mettre en œuvre des principes bien plus avancés dans la construction de leur fortifications, n’hésitant pas à utiliser la pierre et respectant des principes plus systématiques dans l’élaboration de leurs défenses.

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Motte et château franc, de la Tusque à Sainte-Eulalie d’Ambarès, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle; Eugène Viollet-le-duc 1856

« Autres étaient alors les châteaux de France ; ils tenaient, comme nous l’avons dit, et du camp romain et de la villa romaine. Ils étaient établis soit en plaine, soit sur des montagnes, suivant que le propriétaire franc possédait un territoire plane ou montagneux. Dans le premier cas, le château consistait en une enceinte de palissade entourée de fossés, quelquefois d’une escarpe en terre, d’une forme ovale ou rectangulaire. Au milieu de l’enceinte, le chef franc faisait amasser des terres prises aux dépens d’un large fossé, et sur ce tertre factice ou motte se dressait la défense principale qui plus tard devint le donjon.  »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Naissance du château :
ni oppidum gaulois, ni castrum romain

Du point de vue de l’histoire des forteresses, comme des techniques d’attaque et de défense (même s’il faut, sur une échelle large de temps, voir une continuité et dans cette continuité, des phénomènes qui peuvent en accélérer ou en favoriser l’évolution, des particularismes et des innovations), à la période qui nous intéresse, Viollet le Duc nous invite donc à considérer une période de rupture opérée par une longue paix romaine suivie d’une relative passivité des francs à structurer de vrais défenses. Selon lui, seuls plusieurs siècles de batailles aguerris, de luttes intestines en guerre de croisades, du Xe au XIIe siècle, permettront d’atermoyer graduellement cette inexpérience dans les Arts de la guerre et du siège militaire, comme dans ceux de la construction de forteresse.

castrum_romain_histoire_medieval_chateau_fort_motte_castrale_viollet_le_ducSuivant ses analyses encore, la naissance du château-fort et l’évolution de la motte castrale vers les forteresses de pierre, ne sont donc pas,  à rechercher du côté de l’oppidum gaulois, oublié depuis longtemps, ni tout à fait du Castrum romain, camp aux visées plus proprement militaires ; même si ce dernier aura partiellement et occasionnellement inspiré les francs, leurs premiers châteaux ne témoignent pas d’une véritable filiation avec cette construction romaine.

En réalité, Viollet le Duc tranche assez rapidement sur cette question, faisant le constat d’une grande hétérogénéité des châteaux francs dont la construction ne semble pas guider par des standards forts, ni même d’ailleurs par la conscience forte d’un territoire à protéger. Les seigneurs francs se comportent finalement plus en propriétaire terrien, qu’en véritable défenseurs d’un territoire au nom d’une nation. N’y-a t’il eu de contre-exemples qui puissent nuancer le tableau? A l’évidence, il n’en trouve point. (photo ci dessus, reconstitution archéologique du Castrum Romain de Mandeure, IVe siècle, contenant une église paléochrétienne. (1) )

A l’observation des évidences laissées par l’héritage normand et même si notre brillant architecte du XIXe confesse, par moments, du peu de sources sur d’autres aspects, il penche, en tout cas, très clairement en faveur d’une forme d’excellence normande sur laquelle il ne se lasse pas de tarir d’éloges; il faut dire qu’au delà des marques laissées par leur architecture, les victoires et succès militaires qu’ils ont rencontrés plaident largement en leur faveur.

Au delà de simplement conduire leurs ennemis de terrain à mieux structurer leurs défenses, cette influence ira pèsera, de manière inévitable, sur leur architecture défensive et sur leurs techniques guerrières dans les siècles suivants, jusqu’à rayonner dans toute l’Europe.

« Toutefois, nous penchons à croire que le château féodal n’est arrivé à ses perfectionnements de défense qu’après l’invasion normande, et que ces peuples du Nord ont été les premiers qui aient appliqué un système défensif soumis à certaines lois, suivi bientôt par les seigneurs du continent après qu’ils en eurent à leurs dépens reconnu la supériorité. »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Reconstitution motte castrale du Xe, XIe siecle
Belle reconstitution d’une motte castrale du Xe, XIe. Plus d’infos sur le blog de ces passionnés de monde médiéval  sur www.Armae.com

Dans les temps qui suivront, l’évolution de la motte castrale vers le château-fort sera donc un « assemblage », né au croisement de l’Oppida normand et des premières mottes castrales; et c’est du choc de ces deux mondes que naîtront les fleurons d’architecture du XIIe, mais ceci est une autre Histoire et nous avons déjà, au moins, notre point de départ sur la naissance des châteaux.

Fait d’importance, dans ces forteresses naissantes qui préfigureront les châteaux médiévaux des siècles suivants, le seigneur s’entourera non seulement de ses forces militaires mais aura aussi l’ambition, en plus d’y tenir sa défense, d’inclure le nécessaire pour y vivre et s’y établir: ses gens, ses croyances, et peut-être déjà une certaine forme de confort.

Nul doute que cette construction marque aussi le prestige du seigneur qu’elle héberge et qui la construit. Le signaler à son importance puisque, de nombreux débats historiques sur les châteaux forts et leur évolution, consisteront à s’entendre ou à se mésentendre  sur l’existence de lignes claires qui se déplacent au fil du temps, dans la construction de ces édifices médiévaux: entre visées défensives et prestige, mais encore entre efficience militaire et confort; le critère du confort et du prestige étant celui que l’on utilisera le plus souvent pour marquer l’évolution des châteaux forts vers les grands palais du XVe, XVe, mais aussi pour repérer la fin de leur ère.

Quoiqu’il en soit, cette première forme de forteresse que constituera la butte castrale est la demeure d’un sédentaire plus que d’un conquérant en campagne, un seigneur ancré sur son territoire et ayant l’ambition d’en défendre les contours, plus que sa seule tribu, un homme qui a aussi à sa disposition peu d’hommes expérimentés pour le servir et qui devra miser sur la solidité de ses installations pour se défendre.

« … les troupes de gens de guerre que réunissaient les seigneurs féodaux ne devaient qu’un service limité, quarante jours en moyenne ; on ne pouvait entreprendre avec ces corps armés que des expéditions passagères, des coups de main, et cela explique comment la féodalité crut, dès le XIe siècle, être invincible dans ses châteaux. Il fallait des armées pour attaquer et prendre ces places. Il n’y a pas d’armées où il n’y a pas de peuple ; alors le fait ni le mot n’existaient. »
Citations d’Eugène Viollet Le Duc,
Dictionnaire Raisonné de l’architecture française, 1856

Très belle reconstitution
d’une motte castrale en 3D et en vidéo

Pour conclure
sur la naissance du château médiéval

Pour expliquer les particularismes de cette période et aborder la naissance des châteaux à travers la motte castrale, tout autant que la féodalité en gestation, Viollet le Duc nous invite, donc, à considérer une double rupture : la première est historique, c’est une forme de  rupture dans la connaissance des Arts de la guerre et de la construction de forteresses.

Cette « ignorance » et ce peu de préparation sont consécutives à une Pax Romana, suivi d’une invasion par les francs, coupés de leur racines d’origine, isolés sur leurs nouvelles terres gauloises, et qui se comportent, vis à vis du territoire qu’ils occupent, plus en chefs de tribu qu’en Seigneurs. L’autre rupture est celle d’un choc entre deux cultures qui se partagent le terrain, l’une « aguerrie et organisée »,  l’autre « peu prête et peu savante » et qui a, de surcroît, encore à peine dans son bagage, les représentations de la défense d’un territoire au delà de sa propre terre, voir même de sa tribu. C’est un avis extrêmement tranché qui ressort de ses analyses et une claire opposition mais qu’il théorise finement et brillamment jusque dans les contours de la féodalité qui suivra.

Peut-être serait-il, utile de trouver quelques contre-exemples de terrain qui puisse le nuancer un peu ? Si je voulais faire un trait d’humour je dirais que nous sommes en face d’un brillant normand d’un côté et d’un âne franc de l’autre. L’opposition est si forte que pour un peu, j’aurais presque envie de crier, « Au secours! N’y a-t-il pas quelque part, quelque érudit de l’autre bord, même bien caché? » Je vais ajouter, pour faire justice à Viollet le Duc, que son discours s’inscrit dans un contexte historique où les normands, comme les autres envahisseurs de cette France du IXe, Xe siècle avaient été copieusement traités de barbares avant lui; il fallait donc aussi qu’il rétablisse la balance.

Par ailleurs, les limites qu’il entrevoit et pointe ici dans la relative indiscipline des seigneurs francs, il les élève par ailleurs puisqu’il en fait une des conditions par laquelle lachateaux_forts_histoire_medievale_viollet_le_duc_moyen-age_passion France n’est pas devenu anglaise.   Pour en percevoir toutes les nuances, le mieux est encore de le lire dans le texte, ce que je vous enjoins à faire. C’est, vous le verrez, une lecture passionnante.

Une chose ressort de tout cela et qui semble certaine, au vue du peu de résistance opposée à ces vagues d’invasion, il faut bien en déduire un déséquilibre militaire et technologique sur le terrain., et la balance penche clairement en faveur des normands. De ce déséquilibre naîtront assurément  les progrès des mottes castrales du Xe et de leur donjon, fréquemment en bois juchés en haut de leur butte, vers une utilisation plus systématique de la pierre et les premiers donjons en pierre du XIe siècle.

Par le contexte qui les aura fait naître, ces premières mottes castrales porteront déjà en elles les germes de la féodalité autant que celles du château-fort, et ce sont ces germes qui feront de cet édifice médiéval quelque chose « d’historiquement » particulier.  Et que l’on se réfère explicitement ou non à son auteur, depuis l’œuvre de Viollet le Duc, c’est bien autour du Xe siècle, par l’émergence d’une forme d’architecture défensive appelée mottes castrales que l’on définit  généralement, ce point de départ « conventionnel » de l’Histoire des châteaux forts. A ce jour, il semble encore que ses analyses sur ces questions restent largement partagées. 

Je joins encore une image à cette article. C’est une peinture, très belle, qui rend bien compte de l’effet de hauteur donné par la butte castrale pour qui s’en approche. Nous la devons à l’artiste J-Humphries et elle prouve, s’il était besoin, de la fascination qu’exercent encore ces constructions sur certains de nos contemporains.

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« Château et butte castrale », peinture moderne de J-Humphries

Dans le prochain article, nous parlerons des siècles suivants durant lesquels le bois se substituera peu à peu à la pierre dans la construction des forteresses et nous aborderons aussi les techniques d’assaut et de siège connus depuis l’antiquité.

Merci de votre lecture et longue vie!

Fred
pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes. »

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(1) Voir article ici sur les fouilles archéologiques de l’imposant Castrum romain de Mandeure

Visite virtuelle de l’oppidum gaulois de Corent

L’ère des châteaux forts: Castlewood, motte féodale et forteresse du Xe siècle

Castlewood, motte féodale et forteresse du Xe siècle

I_lettrine_moyen_age_passion copial y a quelques temps, nous avions présenté ici un premier article à propos des mottes castrales, ces fortifications qui marquent l’entrée du moyen-âge dans l’ère de la féodalité et des châteaux. Nous vous avions alors proposé une vidéo accélérée de la construction de Castlewood, forteresse fictionnelle et motte féodale du Xe siècle. Cette fois-ci, nous vous proposons une visite plus détaillée et plus explicite de cette carte; vous y trouverez une dimension tout à la fois historique et ludique puisque la motte castrale de Castlewood (réalisée à l’aide du moteur du jeu « Medieval Engineers »),  se destine aussi à des joueurs potentiels.

Un peu  d’Histoire  : l’entrée dans l’ère des châteaux forts

motte_castrale_chateau_fort_charlemagne_passion_moyen-ageAprès la dislocation de l’empire de Charlemagne, les invasions de byzantins et de barbares viennent, en effet, en horde, piller les terres du grand royaume de France au pouvoir alors divisé, et la multiplication autant que la fréquence de ces attaques, trouvent l’armée carolingienne impuissante à leur faire face. On encourage alors les barons et autres seigneurs à assurer eux-même et autant que faire se peut, la protection de leur territoire et dans la mesure du possible, la protection de leur gens. Ce phénomène verra alors la mise en place d’une nouvelle forme d’organisation sociale, économique et politique des territoires autour de la personne du seigneur, et marquera aussi l’entrée dans une nouvelle ère de l’architecture médiévale défensive. (photo ci-contre, Statue équestre de Charlemagne, Bronze, IXe siècle, Louvre, PARIS)

Cette période durera plus de cinq siècles pour aller des forteresses et des mottes féodales principalement faites de bois jusqu’aux châteaux forts de pierre nantis des systèmes de défense les plus élaborés; au fil du temps, les bâtisseurs de châteaux et l’architecture militaire redoubleront, en effet, d’ingénuité pour contrecarrer les envahisseurs potentiels, fussent-ils des barbares venus de loin ou même simplement d’ambitieux seigneurs voisins.

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L’empire carolingien du temps de Charlemagne

Architecture et éléments des mottes castrales et féodales

On commencera donc autour du IXe, Xe siècle à établir des mottes castrales. Elles auront des visées prioritaires de défense du territoire et de survie sur des terres troublées régulièrement par envahisseurs ou pillards, mais où sévissent aussi les tensions entre seigneuries voisines, en l’absence d’un pouvoir centralisé fort et reconnu de tous.

Pour assurer des défenses efficaces, on creuse alors des fossés sur le périmètre de la motte. Ils peuvent être secs ou emplis d’eau, quand on à la chance d’avoir une rivière ou un fleuve non loin. On cherche aussi les hauteurs, quand on peut les trouver, pour en avoir les avantages défensifs et l’on borde le pourtour des fossés, surélevé par les remblais de terre venus de l’escavation, de hautes palissades de bois.

Dans ces mottes féodales, la division sociale de l’espace et sa codificationmotte_castrale_histoire_medievale_chateaux-forts_forteresses préfigureront déjà celles que l’on retrouvera dans la plupart des forteresses et châteaux qui y succéderont, Il y a, en effet, derrière les premières grandes portes, ce premier grand espace auquel on accède, la « basse-cour », où se tient une partie du petit peuple de manière permanente et en fonction des places disponibles. Les autres qui n’ont pas la chance d’y être établis et qui vivent à l’extérieur des remparts pourront toujours s’y réfugier en cas d’attaque. On trouve aussi dans cette basse cour, à la mesure de sa taille, les métiers nécessaires à l’autonomie de la forteresse (forgerons, charpentier, serfs ou vilains, …), mais encore la religion avec chapelle ou église dans cette France devenue depuis longtemps chrétienne.  Et comme c’est bien connu, l’eau c’est la vie et qu’il est nécessaire d’en avoir pour faire face à tout siège, il y a aura toujours un puits, à l’intérieur de l’enceinte de la motte castrale.

Dans cette motte castrale, sur une butte elle-même fréquemment surélevée, qui préfigurera ce qui deviendra, plus tard, la haute cour des châteaux forts, on trouvera le seigneur et ses proches, qu’ils se tiennent comme souvent au Xe siècle dans un donjon de bois ou, plus tard et à partir du XIe, dans un donjon de pierre qui évoluera encore vers un logis seigneurial plus élaboré dans les châteaux plus récents.

Une motte Castrale fictionnelle du Xe siècle

Défense des mottes castrales & pierre contre bois

Depuis les premières mottes castrales du neuvième siècle, jusqu’aux château-forts les plus élaborés des treizième, quatorzième ou même quinzième siècles, l’évolution de l’architecture médiévale défensive et des châteaux est indissociable de l’évolution des armes qui les assiègent.

Dans les premiers siècles des mottes féodales, on fait, certes, souvent face à des hordes de barbares à cheval ou à pied, mais les catapultes sont déjà là depuis plusieurs siècles puisqu’on date leur invention de -399 avant Jésus-Christ. Quand elles sont aux mains des assaillants, ces armes de siège font donc principalement face à des forteresses de bois; c’est le sujet que nous abordons dans cette vidéo, à travers la reconstitution de cette grande motte féodale fictionnelle. 

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Réalisme de Castlewood vs les mottes castrales « usuelles » retrouvées par l’archéologie

La forteresse de Castlewood est particulièrement grande et particulièrement nantie en terme de systèmes défensifs. Si une telle « motte » avait existé, elle préfigurerait ce que pourrait être le noyau d’une ville défensive, sans doute plus qu’un simple château-fort. Par ailleurs, pour ménager une grande visibilité et éviter les angles morts, les mottes castrales sont bien plus souvent installées sur des périmètres circulaires que sur des périmètres rectangulaires tel que l’est Castlewood. Il y a toujours des chateau_fort_mottes_feodales_castrales_moyen_age_passionexceptions en Histoire et en architecture et c’est dans ce champ de possibles que se situe donc cette motte castrale. De la même façon, ses catapultes défensives frisent le luxe ostentatoire, autant que le nombre de ces tours qui égalent et même supèrent en nombre celles que l’on retrouvera dans l’architecture philippienne une fois que Philippe Auguste l’aura formalisée, au début du XIIe siècle (voir, à ce propos, notre vidéo sur le château de Guedelon).

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Au fond, cette forteresse féodale de Castlewood s’inscrit dans une « modernité », doublé d’un « luxe » défensif qui ne reflète sans doute pas les caractéristiques que présente la plupart des mottes féodales de l’époque, en tout cas celles que l’archéologie et l’Histoire nous ont pour l’instant restitué.  Il faut bien se rendre compte aussi que les moyens alloués à la défense, au moment de l’émergence de ce phénomène « d’enchâtellement » des territoires, dépendront alors grandement du nombre de gens disponibles pour les fabriquer et des ressources présentes sur site. N’oublions pas que le succès rencontré par les mottes castrales à travers toute l’Europe, dans cette partie du moyen-âge, s’explique aussi par le peu de moyens nécessaires pour les construire et la rapidité relative de leur construction. D’une manière générale, il ne semble pas que l’on s’engage alors dans des chantiers de longue haleine et il y a, semble-t’il, dans cette période du IXe Xe siècle comme une urgence à se protéger. Si les mottes castrales évoluent et s’étoffent certainement avec le temps, le noyau doit donc être, dans la plupart des cas, créé rapidement, sans compter le fait que les ressources présentes tant en moyen humain que matériel sur site, doivent permettre de renforcer ou réparer les fortifications entre les attaques.

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Dans ce sens, la motte castrale fictionnelle de Castlewood n’a d’autres prétentions que de nous fournir un support au débat pour approcher cette période, plus que d’en être le témoin  réaliste. Même si nous restons dans le champ de possibles, si une telle forteresse avait existé, elle serait sans doute plus l’exception que la règle et, encore une fois, se présenteraient sans doute plus comme l’ancêtre d’une ville fortifiée que d’un « simple »  château-fort.

Mauguio ; la plus grande motte castrale artificielle découverte en Europe à ce jour.

grande_motte_castraile_moyen_age_passion_A titre de comparaison, l’une des plus grandes mottes castrales d’Europe reconnue se situe dans le sud de la France, à Mauguio,  et voici à droite une illustration de cette dernière. Erigée autour de l’an 960, elle trône encore au coeur de la ville dont elle semble être  le coeur originel.

 Bonus : Castlewood par Medieval Engineers et Keen Software 

Je dois avouer que nous avons été assez content de voir que cette création de Castlewood a été saluée par la société productrice du jeu vidéo Medieval Engineers qui lui a même dédié quelques minutes au début d’une de leurs vidéos, il y a quelques temps de cela. Nous avons le plaisir de vous la présenter ici.

En vous souhaitant une très belle journée!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com

A la découverte du moyen-âge et du monde médiéval sous toutes ses formes, jusque dans les plus imaginaires.

Le Château-fort de Bodiam, témoin de la guerre de cent ans, Episode 2

Second et dernier épisode de notre vidéo-documentaire sur le château de Bodiam au moyen-âge et sur l’architecture médiévale

Sujet : châteaux et forteresses, architecture médiévale. le château anglais de Bodiam et la guerre de cent ans.
Période : 1385-1390, XIVe siècle,  bas moyen-âge.
Média : vidéo documentaire, reconstitution du château et de son intérieur en 3D d’après les sources archéologiques.
Outil : sand box du jeu 3D médieval engineers.

Château Bodiam, merveille de l'architecture médiévale
Château Bodiam, merveille de l’architecture médiévale

Bonjour à tous bonne gens, passionnés de moyen-âge et de monde médiéval ou simplement curieux des choses de notre belle Histoire!

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons donc aujourd’hui la présentation du château-fort de Bodiam, superbe édifice de la fin du XIVe siècle, inspiré de l’architecture Philippienne et qui se tient en Angleterre, dans l’Est du Sussex, non loin des côtes françaises et de Calais.

Pour mieux comprendre ce château et son domaine, approcher de plus près le contexte historique de la guerre de cent ans, mais aussi l’économie médiévale et féodale, n’hésitez pas à consulter le premier épisode sur le sujet ici :  le Château fort de Bodiam, témoin de la guerre de cent ans, Episode 1.

Guerre de cent ans,
grandes compagnies et grande chevauchée

jean_de_gand_guerre_de_cent_ansDans ce deuxième épisode et cette nouvelle vidéo, nous parlons encore de la guerre de cent ans et des compagnies de routiers,  ces grandes compagnies qui terrorisèrent les campagnes françaises d’alors et auxquelles le chevalier Edward Dalyngrigge, propriétaire et bâtisseur du château de Bodiam, aurait appartenu. Nous touchons également un mot de la « Grande Chevauchée » de Jean de Gand et  la déroute subi par le Duc de Lancastre nous permettra, au passage, d’appréhender la réalité des grandes pandémies du moyen-âge (peste noire et dysenterie) et leur « rôle » jusque dans les batailles. Nous abordons aussi dans cet épisode les débats soulevés par les historiens anglais sur l’efficacité défensive réelle de Bodiam et nous penchons de manière plus précise sur l’architecture du château et ce que l’on peut trouver à l’intérieur de son enceinte.

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Bodiam : splendeur et merveille des châteaux du moyen-âge

L’architecture médiévale  défensive
du château de Bodiam

chateau_bodiam_merveilles_du-monde_medievalDu point de vue de son architecture défensive, le château de Bodiam de 1390 dispose de haut murs, de nombreuses tours, de belles douves, ainsi que d’une barbacane doublée d’un haut corps de garde doté de mâchicoulis et d’assommoirs. Ses nombreuses grilles d’entrée sont aussi comme autant de sas pour freiner tout envahisseur parti à sa conquête. On y trouve encore une poterne avec sachateau_moyen_age__puit_bodiam sortie discrète à l’arrière du château en cas de siège, un puits comme dans toute bonne forteresse qui se respecte, de nombreux pont-levis et finalement, tout ce qui en fait, en apparence au moins, un véritable château-fort apte à résister et défendre son territoire.

Pourtant,  malgré tous ces dispositifs défensifs et comme nous le mentionnions plus haut, de  nombreux débats ont eu cours, auprès des historiens anglais de la période médiévale, pour savoir si ce beau architecture_medievale_assommoirs_chateau_bodiamchâteau aurait été réellement efficace en cas d’invasion des côtes anglaises  par les armées du roi de France. Un certain nombre d’arguments sont, en effet, soulevés sur ces questions que nous détaillons dans cette vidéo.

Tout le confort et le nécessaire
entre quatre murs d’enceinte

chateau_porterie_corps_de_garde_monde_medieval_bodiamComme nous le disions dans notre premier article, nous avons reconstitué ce château sur plans archéologiques. A ce jour, il ne reste, en effet, du Bodiam médiéval que les murs d’enceinte et les tours, et de nombreuses interrogations subsistent encore sur certaines de ses salles. On connaît, de manière certaine, la forme générale et la hauteur qu’avaient ses bâtiments mais l’on n’est pas sûr, pour une bonne partie d’entre eux, de leur affectation ni de leur usage.

Château fort Bodiam Angleterre

GPELe château de Bodiam est aussi un mélange de « classicisme » et de modernité. Inspiré d’une architecture symétrique du XIIe, XIIIe siècle, il dispose de nombreux éléments qui l’inscrivent bien dans son époque et dans la « modernité » du XIVe, avec ses défenses militaires qui anticipent déjà l’arrivée, encore récente alors, de la poudre et de l’artillerie et qui ménagent des trous à canon dans ses murs d’enceinte, avec ces vingt-huit latrines qui se déversent dans l’eau de ses douves ou encore avec ses grandes cheminées et cette impression de confort qu’il donne quand on se plonge dans sa reconstitution.

chateau_bodiam_moyen-age_cheminee_interieurA l’intérieur de ses quatre ailes, on retrouve un ordonnancement qui, même s’il reste partiellement inconnu, semble pourtant se dessiner clairement en divisions sociales, fonctionnelles, militaires ou festives. On y trouvera, notamment, une grande salle de banquet et ses grandes cuisines, une aile seigneuriale nantie d’une chapelle, des logis et cuisines pour les serviteurs, et encore d’autres choses que nous vous proposons de découvrir dans ce vidéo documentaire historique.

L’histoire de Bodiam du XIVe au XXe siècle

Pour revenir un peu sur l’histoire de Bodiam, au delà du moyen-âge qui l’a vu s’ériger, après qu’il fut construit en 1385 par Edward Dalyngrigge le château resta la propriété de sa lignée jusqu’à la mort de ce dernier. En 1470, Sir Thomas Lewknor en hérita, mais son soutienchateau_bodiam_moyen_age_reconstitution_historique_barbacane à la maison Lancastre durant « la guerre des deux roses » lui valut un siège en 1483 dont on ne connaît pas la durée mais à l’issu duquel Bodiam lui fut confisqué. Au seizième siècle, en 1542, quelques rois et passations de pouvoir plus loin, le château revînt finalement à nouveau à la  lignée Lewknor.

chateau_bodiam_moyen_age_reconstitution_historique_cour_interieureA partir de là, Bodiam passera dans les mains de plusieurs générations de la famille Lewknor jusqu’au début du XVIIe siècle et sera ensuite vendu à John Tufton en 1639. Ce dernier s’étant rangé du côté des royalistes durant la  première Révolution anglaise se verra condamné par le parlement anglais à payer une amende, et devra vendre Bodiam pour s’en acquitter. Il vendra le château à un membre de ce même parlement : Nathaniel Powell. C’est autour de cette période que lechateau_bodiam_moyen_age_reconstitution_historique_chapelle_medievale château de Bodiam sera démantelé partielle-ment. Après la première révolution anglaise, on a, en effet, détruit, de manière volontaire, de nombreux châteaux et édifices défensifs de crainte qu’ils ne puissent servir à nouveau aux partisans royalistes. La barbacane, les ponts et ponts levis ainsi que les bâtiments situés à l’intérieur du Château seront ainsi démantelés, ce qui explique, en grande partie, l’état dans lequel il se trouve aujourd’hui.

video_documentaire_moyen-age_bodiamLe château restera dans la famille Powell jusqu’en 1722, date à laquelle il sera vendu à Sir Thomas Webster. Il restera dans la famille de ce dernier pendant plus d’un siècle et deviendra d’ors et déjà populaire, faisant l’objet de visites à la découverte de cette « ruine pittoresque » du XIVe siècle. Il sera à nouveau vendu en 1815 et passera ainsi dans différentes mains dans le courant du XIXe siècle, jusqu’à son acquisition par George Curzon au début du XXe, en 1916. Conscient de la valeur inestimable de ce patrimoine historique, ce dernier déploiera de grands efforts pour restaurer certaines parties du château et faire conduire également une étude archéologique et architecturale sur l’édifice. A sa mort en 1925, le château sera légué à l’institution National Trust (National Trust forchateau_bodiam_moyen_age_reconstitution_historique Places of Historic Interest) et sera déclaré « monument historique classé ». C’est cette institution qui, aujourd’hui encore, prend grand soin de préserver le château médiéval de Bodiam et y organise les visites au public.

Voilà, mais assez parlé et place à la vidéo! Nous espérons que cette ballade dans ce beau château-fort du moyen-âge vous plaira autant qu’il nous a plu de le reconstituer et de le faire revivre pour vous à travers ce documentaire.

Une très belle journée à tous et un grand merci encore de votre présence.

Votre dévoué.
Frédéric E.
Pour Moyenagepassion.com

« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

Le Château-fort de Bodiam, témoin de la guerre de cent ans, Episode 1

Sujet : le château de Bodiam et son domaine, châteaux et forteresses, architecture médiévale, économie médiévale et féodale.
Période :
1385-1390, fin XIVe siècle, guerre de cent ans
Média :
vidéo documentaire, reconstitution du château en 3D
Outil :
sandbox du jeu 3D médieval engineers

Un Vidéo-documentaire sur le moyen-âge et la guerre de cent ans autour de la reconstitution historique de  Bodiam et son domaine

L’histoire du château de Bodiam

E_lettrine_moyen_age_passionn 1385, en pleine guerre de cent ans,  le roi Richard II d’Angleterre accorde au Chevalier Edward Dalyngrigge « l’autorisation de créneler » soit de construire un château-fort pour protéger le royaume contre les « ennemis du roi ».  Nous sommes dans l’Est Sussex, sur les côtes britanniques à quelques kilomètres à vol d’oiseau de Calais et ces ennemis auxquels le roi d’Angleterre  fait  allusion sont les français. Même si nous sommes au milieu d’une video_chateaux_bodiamcourte trêve comme il y en a eu de nombreuses pendant cette période troublée, on craint en effet une invasion par les côtes et l’on compte bien s’y préparer.

Quelques années plus tard, autour de 1390, le château de Bodiam est construit et se tient fièrement au milieu de ses douves et de son domaine. Inspiré de l’architecture philippienne, ce château de pierre très symétrique est encore debout aujourd’hui pour ce qui est de ses remparts et de ses tours au moins; l’intérieur, quant à lui, est en ruine. Même ainsi il ne perd rien de sa superbe ni de sa majesté, et reste extrêmement populaire en Angleterre. Il faut dire que ses pieds qui se reflètent dans l’eau de new_bodiam9son fossé pour le grandir encore, le font paraître à un de ses endroits magiques comme on en trouve seulement dans les contes ou les vieilles légendes.

Un château à la transition
de l’architecture médiévale

Bodiam est considéré par la plupart des historiens anglais comme un château de transition, en ce sens qu’il marque ce moment de l’architecture médiévale et de l’histoire militaire à partir duquel on commencera à construire de plus en plus de palais et de châteaux pour le prestige de leur propriétaire, plus que pour la défense du territoire. Bien sûr, les châteaux ont toujours été une chateau-fort_medieval_bodiam_videogrande marque de prestige pour leur détenteur, mais l’avènement et l’invention en France du trébuchet au milieu du XIIe siècle, autant que la généralisation des armes à poudre et des canons à la fin du XIVe contribueront peu à peu à changer le visage des guerres et l’intérêt des bâtiments de pierre en matière d’architecture militaire défensive.  A leur place, on opposera trebuchetbientôt aux assaillants ou aux envahisseurs un mur de chair, soit des bataillons de terrain et les guerres changeront de forme pour longtemps.

Ascension dans l’échelle sociale et politique
ou véritable bâtiment défensif ?

Des études archéologiques sur son intérieur autant que sur ce qu’il en reste, nous savons que Bodiam contient de nombreux éléments qui en font aussi une demeure de confort : toilettes et facilités, nombreuses cheminées, etc. Devant le peu d’épaisseur de ces murs, sa distance réelle des côtes anglaises (un quinzaine de kilomètres) et un certain nombre d’autres points, mais aussi justement parce que nous sommes dans cette période de transition évoquée plus haut, les débats vont  bon train entre lesnew_bodiam3 historiens anglais pour tenter de répondre aux questions suivantes : Bodiam est-il déjà au delà de cette période de transition évoquée plus haut ? Edward Dalyngrigge n’aurait-il pas utilisé cette « licence de créneler », obtenu de son roi, uniquement pour des ambitions politiques à l’intérieur de la noblesse anglaise et particulièrement celle de sa région, afin de se hisser dans les couloirs du pouvoir. Bodiam aurait-il pu être  véritablement efficace en cas d’invasion? Dans le même esprit, on a aussi quelquefois décrit Bodiam comme le vieux rêve d’un chevalier militaire en retraite. Qu’en est-il?

Video sur le château de Bodiam : l’épisode 1.

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Pour répondre à toutes ses questions et pour mieux les appréhender, nous avons reconstitué ici la carte du domaine de Bodiam telle qu’elle se présentait en 1390. Le château et son domaine ont été reconstruits d’après des plans archéologiques. Une maquette située au château de Bodiam actuelle nous a également aidé, ainsi que d’autres documents et cartes anciennes.

chateau_fort_medieval_bodiamDans cette vidéo documentaire, nous nous proposons de mieux cerner le personnage d’Edward Dalyngrigge et sa lignée pour comprendre comment un « simple » chevalier a pu durant cette période médiévale troublée que fut la guerre de cent ans,  parvenir à se hisser dans la noblesse mais aussi à accumuler une fortune suffisamment haute pour pouvoir se construire un château. Jeune militaire ambitieux, adoubé chevalier à vingt ans, Edward Dalyngrigge aura passé sa vie en batailles sur le terrain français, combattant pour des campagnes officielles du roichateau_fort_moyen_age_bodiamd’Angleterre mais ayant aussi fait partie des Routiers, ces « grandes compagnies » qui pillaient et rançonnaient sur le territoire de France dans le courant du XIVe siècle.

pont_levis_architecture_medievale_bodiamNous voulons aussi en profiter dans cette vidéo pour aborder les contrats en place et appréhender ce domaine médiéval tel qu’il se présente après que le château de Bodiam y fut construit, pour mieux cerner l’ambition économique et politique que pouvait avoir Dalyngrigge pour son domaine. On y trouve alors des vilains, un moulin à eau, un jetée pour le commerce fluviale, un pont de pierre, etc. Finalement, à travers ce domaine et cette histoire demoulin_a_eau_moyen-age_bodiam Bodiam, nous abordons le contexte historique de la guerre de cent ans et en profitons aussi pour parler de la guerre de cent ans et aussi d’économie médiévale et féodale.

architecture_medievale_chateau_bodiam_videoLe deuxième épisode que nous vous présenterons bientôt traite, quant à lui , de manière plus précise du château en lui-même, de son intérieur et de ses installations que nous avons également reconstitué  en fonction des données archéologique et historiques connu sur Bodiam.

Bonne vidéo et bon documentaire, et merci encore de votre présence sur moyenagepassion!

Votre dévoué.
Fred

« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C