Des conférences sur le moyen-âge et autour de la période médiévale par les plus grands érudits et experts de ces questions (historiens médiévistes, romanistes, etc…)
Sujet: philosophie médiévale, réflexions, définition, notion de moyen-âge. Média: conférence Lieu: HEC (1999) Titre: le moyen-âge des religions Conférencier: Remi Brague
Bonjour à tous,
l est toujours utile de revenir sur les notions que l’on emploie, a fortiori celles dont on use le plus souvent, pour les passer au crible et, éventuellement, mieux en percevoir les limites, les travers ou les biais. Aujourd’hui, c’est celle qui est au coeur même de ce site et qui en fait l’objet – le « moyen-âge » – que nous propose d’examiner le romaniste, philosophe et essayiste Remi Brague, dans une perspective qui n’est justement pas celle d’un historien médiéviste, mais plutôt celle d’un spécialiste d’histoire de la philosophie et de philosophie médiévale.
Alors, qu’est-ce que le moyen-âge ? Et au delà qu’est-ce que le moyen-âge des religions ? Voilà deux questions posées en une seule et un bel exercice de réflexion auxquels nous sommes invités dans cette conférence ou plutôt devrait-on dire, avec lui, cette « anti-conférence » puisqu’il s’y emploie à déconstruire les notions de « moyen-âge » et de « moyen-âge des religions », pour nous démontrer à partir de leur émergence terminologique, historique et culturelle, ce qu’elles recouvrent de flou, mais aussi, d’européocentrisme.
Et si, pour des raisons de durée, l’on resterait presque un peu sur notre faim sur la partie qui concerne les chausse-trappes cachées derrière ce moyen-âge défini comme « l’ère des religions », on retiendra avec Rémi Braguel’opposition qui en découle et qui s’y trouve sous-entendue, à une modernité qui ne le serait presque plus (religieuse) ou qui en serait déjà sortie. Ajoutons que sur le sujet des religions comparées, on pourra trouver en ligne nombre de conférences de ce brillant intervenant qui s’en est fait une grande spécialité.
Conférence le moyen-âge des religions
Remi Brague, essayiste et philosophe
Formé à l’école normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur ès-Lettres, en plus d’être versé dans l’histoire des civilisations et des idées, Remi Brague est aussi un expert des trois religions chrétienne, juive et musulmane et de leur étude comparée.
Il ajoute à son bagage conceptuel et analytique de philosophe, des sérieuses connaissances en langues avec un champ qui s’étend au grec ancien, au latin, à l’arabe médiéval et l’hébreu et pour ce qui est des langues modernes au français, à l’allemand, l’anglais et l’espagnol. Mettez par dessus tout cela, une sérieuse érudition, un sens critique aiguisé et une bonne dose d’humour caustique et vous aurez une idée des qualités de ce grand intellectuel, autant que du plaisir qu’il y a à le suivre dans ses réflexions.
Du point de vue institutionnel ou universitaire, ses travaux lui ont valu d’être primé de nombreuses fois; il a notamment reçu en 2009, le grand prix de philosophie de l’Académie française et en 2012, le Prix Ratzinger pour la théologie. Du côté de ses publications, on lui doit de nombreux essais critiques et philosophiques sur des sujets qui touchent autant la philosophie antique, les religions comparées que l’Europe ou le questionnement sur l’homme et sur la modernité. Pour retrouver son parcours détaillé, ses titres honorifiques ou encore le détail de ses parutions, vous pouvez valablement consulter ce lien : parcours Remi Brague
En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : couleur, symbolique, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs. Période : de l’antiquité à nos jours Livre : « Vert, Histoire d’une Couleur » (2013) Auteur : Michel Pastoureau Média : émission radio, livre, « conférence » Titre : « Des goûts et des couleurs : le vert» Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler
Bonjour à tous,
ous reprenons aujourd’hui le fil du cycle d’entretiens proposés par France-Culture et Laure Adler, autour de Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. Après le bleu, le rouge et le noir, c’est donc au tour du vert d’être passé au crible par l’Historien, couleur dont il confesse, par ailleurs, qu’elle est depuis toujours sa préférée. Là encore et à son habitude, l’historien dépassera de loin la dimension sensorielle et perceptive de son objet d’étude – Le vert -pour le mieux cerner dans sa dimension historique et l’approcher de manière culturelle, symbolique et anthropologique.
« La couleur n’est pas seulement un phénomène physique et perceptif ; c’est aussi une construction culturelle complexe, rebelle à toute généralisation, sinon à toute analyse. Elle met en jeu des problèmes nombreux et difficiles. (…) La couleur est d’abord un fait de société. Il n’y a pas de vérité transculturelle de la couleur, comme voudraient le faire croire certains livres appuyés sur un savoir neurobiologique mal digéré ou – pire – versant dans une psychologie ésotérisante de pacotille. » Michel Pastoureau, Communication 2005, Académie des Beaux-Arts
Stigmates : d’une instabilité chimique
à une ambivalence symbolique
Couleur emblématique et sacrée de l’Islam, il semble que le vert ait connu un destin plus houleux et moins consensuel du côté de l’occident antique et médiéval. Est-ce la présence dans le colorant dont on use pour la produire d’un poison, le vert de gris, qui l’explique ou même les difficultés en teinture, une fois le vert obtenu, de le maintenir et de le faire durer? Sans doute cela a-t-il pu y contribuer.
Même si le fait n’épuise pas, à lui seul, l’Histoire symbolique de cette couleur à travers les âges et les réserves qu’on a pu émettre sur son usage, notamment dans le champ du textile et du vêtement, il demeure fascinant de penser que la difficulté de le fixer chimiquement ait pu en faire une couleur dont on s’est souvent défié et qui semble, du même coup, résister à se laisser figer, une fois pour toute, dans des symboles clairs. Selon Michel Pastoureau, elle reste en effet, à travers l’Histoire la couleur de l’instabilité, de l’ambivalence, du changement et les premiers tâtonnements chimiques pour la maîtriser, autant que sa nature « empoisonnée » l’ont chargés, pour longtemps, de superstitions tenaces.
urant des siècles, on a également cru que le vert portait malheur, car, pour le fabriquer, on a utilisé des produits extrêmement dangereux. (…) Autrefois, comme on avait du mal à teindre les tissus en vert, on portait des vêtements peints avec du vert-de-gris et selon une tradition qui n’a pas été vérifiée, Molière aurait rendu l’âme un jour où il était habillé de vert, les vapeurs de vert-de-gris pouvant entraîner la mort. Michel Pastoureau, Vert : Histoire d’une couleur.
Molière ? Peut-être même Napoléon, emporté par le vert et l’arsenic contenu dans les murs qu’il avait fait repeindre de la couleur qui lui était si chère? Vert empoisonné, vert turbulent et rebelle, vert de la fortune comme des « revers » du sort, elle sera encore, au moyen-âge tardif, la couleur des démons et des diables tapis dans l’ombre, peut-être encore celle des forêts profondes et mystérieuses et des êtres magiques qui s’y nichent.
Du vert considéré comme la couleur du « barbare » chez les romains, elle connaîtra tout de même quelques succès dans la chevalerie et la littérature courtoise au moyen-âge central, pour perdre à nouveau quelques galons du XIVe au XVIe en devant la couleur attitrée du Diable. On se souvient encore qu’elle sera le symbole de l’inconstance et de la femme facile, comme nous en avions parlé à l’occasion de l’article sur la célèbre chanson anglaise GreenSleeves. Elle aura tout de même, entre temps, conquis les fonds marins et le monde aquatique dans les représentations picturales et graphiques, avant de reprendre, à travers le temps, sa marche symbolique hasardeuse, faite de dénigrement et de « tièdes » promotions.
Du dénigrement à la promotion :
Le Vert pour sauver le monde
omme il demeure étonnant de penser, en suivant les pas de Michel Pastoureau, que la nature ait pu attendre le XVIIIe siècle pour devenir « verte », démontrant bien, là encore, la dimension culturelle et symbolique des couleurs. Aujourd’hui couleur hygiéniste et sanitaire – le vert de la nature, le vert de la propreté – elle est aussi pratiquement confisquée politiquement, comme le rouge le fut (et l’est peut-être encore sûrement d’ailleurs), dans les esprits. Il souffle aussi sur le vert un vent de liberté reconquise, mais peut-être là encore, contient-il ce vent là, une touche d »anticonformisme, une liberté en forme de retour à la nature, hors du social et hors des villes. La belle couleur indomptable essaierait-elle encore d’échapper par ce biais aux sociétés et aux cultures qui prétendent la saisir et l’instrumentaliser, en gardant son double tranchant?
Au final, on suivra là encore avec intérêt et fascination le projet entrepris par Michel Pastoureau pour faire des couleurs un véritable objet d’étude historique. Peut-être fallait-il qu’il compte dans sa famille trois oncles peintres, un père passionné d’art qui le mène tout jeune au musée, et qu’il se soit lui-même essayé quelques temps aux toiles et aux pinceaux. pour devenir, pour notre plus grand plaisir, d’un historien passionné, un chasseur de couleurs ?
Le vert : plus qu’un beau livre d’Histoire,
un beau livre d’Art
Au delà du programme radio et de l’article que nous présentons ici, il faut vraiment souligner la grande qualité des ouvrages de Michel Pastoureau sur les couleurs, dans leur édition originale ( au Seuil ). Au delà de sa nature informative et académique, cette histoire de la couleur verte est un superbe objet qui se situe, à mi chemin entre le livre d’Histoire et le livre d’art. Vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessous pour en avoir un aperçu.
L’ouvrage est toujours disponible à la vente en ligne, dans son édition originale; en voici le lien : Vert. Histoire d’une couleur (relié). Pour les bourses plus modestes, il est aussi paru dans un format poche, chez Points :Vert – Histoire d’une couleur.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : terre plate, terre ronde, Aristote, science, histoire médiévale, idées reçues, préjugés. Période : moyen-âge. Média : Conférence 2014. Café.Histoire.Chronos Titre : La forme de la Terre, un aperçu de la science médiévale Conférencier : Jean-Marc Mandosio, maître de conférences à l’École pratique des hautes études (EPHE).
Bonjour à tous,
ordre le cou aux préjugés sur le moyen-âge voilà un objectif louable que finit par se fixer naturellement toute personne qui s’intéresse de près à cette longue période de l’Histoire.
Dans la masse de ces idées reçues, un nombre important sont, en réalité, des constructions idéologiques que nous devons aux penseurs du siècle des lumières et de la renaissance. Un certain nombre d’entre eux éprouvèrent, en effet, le besoin de rabaisser l’image des périodes précédentes pour mieux se déterminer, mais aussi pour s’élever vis à vis de leur passé. ie : ils étaient le progrès, la nouveauté contre ce qui les avait précédés.
Obscurantiste, illettré, sale et ignorant, quand il n’est pas en plus barbare, l’homme médiéval est devenu un peu à l’homme moderne et à l’Histoire, ce que l’Homo Neanderthalensis fut longtemps et est encore, dans une certaine mesure, au Sapiens Sapiens : une sorte de repoussoir dans lequel se mirent et se gaussent nos egos satisfaits, pétris de belle modernité. Ne sommes-nous pas, en effet, différents de tout cela et si délicieusement évolués ? Homme des cavernes, homme médiéval, fantômes presque jumeaux d’un passé révolu, doubles figés de tout ce qui n’est plus « nous », puisque nous nous en sommes si glorieusement affranchis, baignés des lumières intenses du monde matérialiste post-industriel en marche vers le futur.
Déconstruire l’homme médiéval
au sein de la mythologie post-moderne
Du point de vue de l’Histoire et des sciences humaines, le XIXe siècle n’est pas tout à fait parvenu à déconstruire cet homme médiéval obscur et ignorant dont il avait encore besoin et qui finalement cadrait plutôt bien dans le schéma de ces théories évolutionnistes et racialistes alors galopantes. La figure du barbare et du bon sauvage y avaient encore la vie dure. Pourtant le romantisme avait aussi restauré la nostalgie d’un certain moyen-âge flamboyant et de ses châteaux. Certains auteurs louchaient vers elle pour meubler leur spleen et peut-être faut-il faire justice à ce siècle et alléger un peu le fardeau de ses idéologies. La science humaine y était balbutiante et souffrait encore d’un certain manque de méthodes même si on les cherchait activement. Le XIXe connait aussi, en nombre, de très grands historiens et finalement, il pourrait faire un peu figure, dans ses « tâtonnements », d’une première de période de gestation significative pour une « vérité médiévale » dont le XXe siècle poursuivra l’accouchement ; le « travail » est encore en cours.
Pourtant, même si depuis, les médiévistes et historiens ont fait de notables efforts pour rétablir quelques vérités et remettre un peu mieux à leur place l’homme médiéval et ses mentalités, de nombreux préjugés résistent encore. Ils prennent leurs racines dans des mythes fondateurs d’une modernité qui a tout l’air d’en avoir encore désespérément besoin, sans doute pour les mêmes raisons que les hommes des XVIe et XVIIe en avaient eu l’utilité: un peu de fard sur les paupières pour habiller la mariée.
Réalités médiévales contre sensationnalisme
Au constat, à l’aube du XXIe, il reste encore fort à déconstruire pour approcher l’homme médiéval dans sa réalité, et bien savoir aussi que la « rue » et le laboratoire de recherche sont deux choses distinctes. Il faut encore ajouter qu’en plus de raisons idéologiques liées à notre modernité, du côté de l’information de masse, les vérités « toutes plates » ne font pas toujours vendre. Nous sommes aux temps de l’émotionnel et du sensationnalisme. Les contrastes l’emportent sur les nuances, et les titres ravageurs font plus recette que le fait de rétablir d’ennuyeuses évidences. Sans doute cela joue-t-il. En matière de réalités historiques, le médiéviste pourrait même quelquefois, faire figure de rabat-joie en venant, par exemple, expliquer qu’un Jacquouille la fripouille (Les visiteurs, Christian Clavier) rigolard, repoussant et à la limite de la débilité profonde, ou un Karadoc (Kaamelott) sale, goinfre et péteur ne sont que des constructions désopilantes certes, mais sans doute à quelque distance de la réalité de l’homme médiéval et de son état « d’éveil » autant que d’hygiène.
Encore une fois, il est indéniable que ces images étroitement associées au moyen-âge continuent de nous faire rire. Nous nous y sommes attachés. Elles font référence et sens, même si cet homme médiéval là a été construit au fil des siècles, quelquefois assez loin de sa réalité historique. Difficile de mesurer combien à travers nos rires, ces « archétypes » nous rassurent aussi sur notre propre monde, sa modernité et sa tangibilité en terme de sens.
Alors « au moyen-âge on ne savait pas lire », « au moyen-âge on ne se lavait pas », « au moyen-âge, tout le monde mourrait à 30 ans », « au moyen-âge, on croyait que la terre était plate » et tant d’autres encore. Aujourd’hui c’est à ce dernier préjugé que nous allons tordre le cou grâce à Jean-Marc Mandosio.
Li livres dou tresor, une encyclopédie médiévale du XIIIe siècle par Brunetto Latini
Science médiévale et idées reçues:
la terre est ronde au moyen-âge
Croyez-le ou non donc et si ce n’est pas encore le cas, vous en serez convaincu à l’issu de cette conférence du jour, au moyen-âge, on savait pertinemment que la terre n’était pas plate et,mieux même, on est même tout à fait certain qu’elle était ronde ou même plus précisément sphérique.
Nous suivrons ici Jean Marc Mandosio sur les traces de la théorie aristotélicienne mais aussi à la rencontre de l’encyclopédie et du livre du trésor de Brunetto Latini. On y verra que si les théories qui mènent à considérer la terre ronde sont encore éloignées de nos données astronomiques et physiques les conclusions sont pourtant bien là.
Et si notre conférencier ne se prononce pas pour affirmer si, pour l’homme de simple condition, l’évidence de la terre ronde est bien admise, on peut tout de même supposer que ce fut le cas. Il n’y a, en effet, on le verra avec lui, que quelques rares auteurs très marginaux (deux en tout et pour tout) et qui ne sont pas des « scientifiques » pour se prononcer en défaveur de la terre ronde, ceux là même dont on s’est servi plus tard pour fonder le mythe d’une terre plate aux temps médiévaux. Dans ce contexte, on n’a un peu de mal à imaginer comment les hommes du moyen-âge, quelque soit leur condition, auraient pu suivre ces deux auteurs contre tous les autres, ou échafauder d’eux-mêmes une théorie tout à fait contraire à celle en vogue depuis de longs siècles.
Conférence : la forme de la Terre, un aperçu de la science médiévale
Maître de conférences à l’École pratique des hautes études (EPHE), Jean-Marc Mandosio y est en charge de la Conférence de latin technique du XIIe siècle au XVIIIe siècle.
Spécialisé en littérature néo-latine, ses axes de recherches vont de l’histoire de la philosophie et des sciences à la classification de ces dernières, et il est également versé dans le domaine de l’alchimie, la magie & la philosophie naturelle.
En dehors de ses occupations universitaires, on le connait aussi pour ses essais et sa plume de polémiste. Il a, notamment, fait paraître de nombreux écrits aux éditions de l’Encyclopédie des nuisances, maison d’édition militante et engagée, fondée dans les années 90 par Jaime Semprun et qui s’inscrit dans un courant idéologique anti-industriel.
En vous souhaitant une bonne conférence et une très belle journée.
Fred F
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : invasions barbares, empire romain, histoire, identités barbares, figure archétypale, figure mythologique, livre, histoire. Période : fin de l’antiquité, haut moyen-âge, Média : émission de Radio, France Culture Programme : Concordance des temps, déc 2016 Titre : Les barbares, vraiment différents ? Conférencier : Bruno Dumézil, maître de conférences à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
Bonjour à tous,
l’aube du moyen-âge, y-a-t’il eu véritablement des mouvements et des afflux massifs de « tribus », de populations ou d’armées venues pénétrer les frontières de l’empire romain pour le détruire? N’est-ce là qu’une « invention » dramatisée des historiens et des hommes du passé, une « construction » pour mettre un visage sur la décadence et la fin d’une civilisation ? Le « barbare », coupable idéal et désigné. Comme s’il n’était pas concevable que Rome se soit effondrée sur elle-même, sous la pression de ses propres fêlures et de ses faiblesses endémiques?
Bruno Dumézil y interroge, à nouveau, son sujet de prédilection, la réalité d’invasions ayant précipité la chute de Rome, mais plus précisément encore, il se pose ici la question de l’existence factuelle d’une « identité » barbare. Plus qu’une réalité, il s’y dessine un assemblage conceptuel, une construction ou peut-être pourrait-on dire un barbare « archétypal » : figure terrifiante de l’altérité, le sauvage, le non civilisé hirsute, guerrier sans pitié annonciateur de la fin des temps et paradoxalement aussi d’un possible renouveau.
Brunon Dumézil, à la poursuite des identités « barbares »
igure punitive, dramatique et dramatisée, venue mettre en péril les civilisations, était-il déjà aux origines du monde ? Se tenait-il déjà, depuis l’aube des temps, à la source même des éternels recommencements ?
Brandi comme l’étendard de la peur par l’homme « civilisé » « sophistiqué », afin d’unir ses propres contraires ou de protéger ses frontières et son monde, le barbare est encore celui qui ne parle pas et qui n’use pas des mêmes mots. De fait, il reste même le muet de l’Histoire, cet « autre » qui ne parle que le langage du feu et du sang et que l’on ne peut ni raisonner, ni convaincre, sauf à s’unir pour y mettre toutes ses forces et ses armes. Figure primale ? Visage d’un ancêtre commun, d’un premier homme dormant dans nos inconscients collectifs et qui se tiendrait à l’embuscade des fêlures de nos civilisations et de leurs fragilités ? Existe-t’il vraiment ou n’est-il qu’une ombre ? Laissons Bruno Dumézil nous parler de ce barbare « construit » ou pour le dire autrement, de cette « invention » du barbare.