Archives de catégorie : Francesco Landini

Au Moyen-âge tardif, la musique médiévale prend un grand virage avec l’Ars Nova. A la même époque, à Florence et bien qu’il se vouait à la peinture, la mauvaise vue de Francesco Landini devint presque sa bénédiction. D’abord organiste, il finit par écrire et composer.

Au sortir, il devint, par son œuvre, un des compositeurs les plus reconnus de musique polyphonique, dans l’Italie du XIVe siècle.

L’adieu à une « douce dame jolie » du maître de musique Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, loyal amant, trecento, compositeur florentin, virelai.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Adiu, adiu, dous dame jolie
Interprètes : Alla Francesca.
Album : Landini and Italian Ars Nova (1992)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à bord du vaisseau Moyenagepassion, pour un voyage en direction du trecento italien. Nous sommes, donc au début de la Renaissance italienne, dans un XIVe siècle qui correspond encore au Moyen-Âge tardif français et nous y découvrirons une nouvelle pièce de Francesco Landini.

La douleur du partir de l’amant courtois

La chanson du jour est un virelai. Elle appartient au registre de l’amour courtois, à l’image des autres compositions qui nous sont parvenues du maître de musique florentin. Cette pièce se distingue, toutefois, de celles que nous avons étudiées précédemment par sa langue ; elle est, en effet, en français ancien et non en italien, comme le reste de l’œuvre de Landini.

Sur le fond, le compositeur et poète nous contera la douleur de l’amant courtois, au moment de se séparer d’avec sa dame. Cette dernière est, ici, désignée par l’auteur comme sa « douce dame jolie » et on ne pourra s’empêcher de voir là, une claire évocation à la célèbre chanson de Guillaume de Machaut portant le même titre. Contemporain de Landini, le maitre de l’Ars Nova Français le précède d’une petite vingtaine d’années. On sait aussi que l’Ars nova français a notablement influencé la musique italienne de cette période, même si l’Ars nova qui s’est développé sur la péninsule italienne s’en démarque par son style et ses particularités.

Aux sources anciennes de cette chanson

La chanson "Adieu douce dame jolie" de Landini dans le codex Squarcialupi, de la Bibliothèque Laurentienne de Florence
Une « Douce dame Jolie » » à la façon de Francesco Landini

Du point de vue des sources anciennes, on pourra retrouver cette chanson de Francesco Landini, avec sa partition dans le célèbre codex Squarcialupi (le Med Palat 87). Daté du XV siècle, ce manuscrit richement enluminé est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. En cherchant un peu, on peut également le trouver en ligne, sous une forme digitalisée.

L’hommage à Landini et à l’Ars Nova,
de l’ensemble ‘Alla Francesca

Pour la version en musique de ce chant polyphonique, nous vous proposons l’interprétation qu’en avait fait la célèbre formation médiévale française Alla Francesca, il y a déjà quelque temps déjà.

En 1991, soit l’année suivant sa création, l’ensemble de musiques anciennes et médiévales Alla Francesca partait, donc, à la découverte de Francesco Landini et de l’Ars Nova italien. Ce thème leur a même fourni l’occasion de leur toute première production. En terme de discographie, Alla Francesca en est, désormais à son vingtième album pour plus de trente ans de carrière. C’est dire le chemin parcouru par cette excellente formation depuis ses premiers pas.

L'album de musiques médiévales et d'Ars Nova de Alla Francesca

Cet album, sorti en 1992 sous le titre « Landini and Italian Ars Nova » propose un total généreux de 17 pièces, pour 55 minutes d’écoute. La formation attachée au Centre de musique médiévale de Paris signait là un vibrant hommage à l’Ars Nova florentin. Et si l’œuvre de Francesco Landini y trouve une place de choix, elle y côtoie aussi des pièces de Jacopo da Bologna, Ghirardello et Lorenzo da Firenze, et encore quelques autres compositeurs italien de cette période, dont des anonymes.

Plus de trois décennies après sa sortie, ce bel album peut encore se trouver à la vente au format CD, chez votre disquaire habituel ou encore en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Landini and Italian Ars Nova, Alla Francesca (1992).

Musiciens ayant participé à cet Album

Catherine Joussellin (voix, vièle, percussion), Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion), Emmanuel Bonnardot (voix, vièle, rebec), Pierre Hamon (instruments à vents, cornemuses, flûtes, percussion)


Adiu, adiu, dous dame jolie,
dans la langue d’oïl de Landini

Adiu, adiu, douce dame jolie,
kar da vous si depart lo corps plorans
Mes a vous las l’esprit et larme mie.

Lontan da vous, aylas, vivra dolent.
Byen che loyal sera’n tout ma vie.

Poyrtant. ay! clere stelle. vos prie
Com lermes e sospirs tres dous mant
e
Che loyaute haies pour vestre amye.

Les paroles en français actuel

Adieu, adieu, douce dame jolie,
Car de vous je me sépare le corps en pleurs,
Mais je laisse près de vous mon esprit et mon âme.

Loin de vous, hélas, je vivrai dans la peine,
Bien que je vous demeurerai loyal toute ma vie.

Voilà pourquoi, hélas, claire étoile, je vous prie
Avec larmes et très doux soupirs et vous enjoins
De garder votre loyauté pour votre amant.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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L’amour courtois du troubadour Bindo Donati mis en musique par Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, troubadour.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397), Bindo Donati
Titre : Non avrà ma’ pietà questa mie donna
Interprètes : Anonymous 4
Album : the second circle – Love songs of Francesco Landini (2020)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous proposons une excursion en direction de l’Italie médiévale du trecento, dans la Florence du XIVe siècle. Nous y retrouverons le compositeur et poète Francesco Landini pour une nouvelle pièce d’art polyphonique et de lyrique courtoise.

L’amant courtois à la merci de sa dame

la partition de la chanson du jour dans le Codex Squarcialupi

Le texte de la ballade du jour n’est pas de Francesco Landini. Dans de nombreux ouvrages de littérature italienne (1), on retrouve, en effet, cette poésie attribuée à Bindo d’Alessio Donati ou Bindo Donati, troubadour italien de la fin du XIIIe siècle. Cet auteur, lui-même fils du poète Alessio Donati (un des plus anciens versificateurs en langue toscane), compte pour certains experts italiens parmi les plus grands écrivains italiens de son temps (2).

Dans la pièce du jour, Landini reprend donc à son compte la complainte amoureuse de Bindo Donati. On y retrouvera l’amant courtois prisonnier de son désir et de sa douleur. Tout entier à la merci de sa dame et de l’accord de cette dernière qui tarde à venir, il implore « Amour » de venir à son secours. Si l’élue de son cœur ne concède pas, elle-même, à délivrer le poète du feu qui le brûle, peut-être Amour viendra-t-il la rendre plus docile et lui ouvrir les yeux ? Avec cette ballade, nous sommes parfaitement dans le registre de l’amour courtois, comme on peut le trouver à la même période et même un peu avant, chez les troubadours du sud de France.

Sources médiévales

Pour les sources manuscrites de cette chanson polyphonique, nous vous renvoyons une fois de plus au Codex Squarcialupi (voir image ci-dessus). Daté du début du XVe siècle, ce beau manuscrit, joliment enluminé et fort bien conservé, contient de nombreuses pièces notées musicalement de compositeurs italiens et florentins du trecento. Il est actuellement précieusement gardé à la Bibliothèque Laurentienne du monastère de la basilique San Lorenzo de Florence (Biblioteca Medicea Laurenziana).

Pour l’interprétation de cette ballade de Landini, nous avons opté pour la belle version de la formation américain Anonymous 4.

La ballade polyphonique du jour par Anonymous 4

Le quatuor Anonymous 4

Formé en 86 et actif jusqu’en 2015, le quatuor américain Anonymous 4 nous a laissé une discographie riche de plus de 20 albums. Au terme de 30 ans de carrière, ses quatre chanteuses pleines de talent ont eu l’opportunité d’explorer un répertoire qui va de Hildegarde de Bingen à des chants polyphoniques de l’Angleterre médiévale, en passant par les motets du chansonnier de Montpellier et encore bien d’autres univers musicaux du Moyen Âge. Au fil de sa longue épopée, Anonymous 4 ne s’est pas cantonné au monde médiéval ; la formation a aussi couvert des chant de Noël ou des chansons traditionnelles plus récentes (Voir un portrait plus détaillé de Anonymous 4)

Album : the second circle,
Love songs of Francesco Landini

Enregistré en 2000, cet album dédié aux chansons d’amour de Francesco Landini propose 18 pièces du maître de musique pour un voyage de 62 minutes, au cœur de l’Ars nova et des chants polyphonique du trecento italien. Pour l’interprétation de la chanson du jour, comme pour les autres pièces de cette production, on retrouve la finesse et la délicatesse habituelle de ce quatuor de haute tenue.

Concernant cet album, si vous ne le trouvez pas chez votre disquaire préféré, il est encore disponible à la vente en ligne, mais attention aux arnaques et aux occasions à prix d’or sur certains sites. Pour ne pas casser la tirelire, vous leur préférerez, sans doute, les versions digitales. L’album se trouve assez facilement sous forme MP3 et on peut ainsi en profiter de manière totalement légale pour un tarif raisonnable. Voici un lien utile pour se le procurer : The second Circle, Love songs of Francesco Landini par Anonymous 4

Les Chanteuses du Quatuor Anonymous 4

Marsha Genensky, Susan Hellauer, Jacqueline Horner, Johanna Maria Rose


Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
De l’Italien du XIVe s au français actuel

Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
se tu non faj, amore,
Ch’ella sia certa del mio grand’ ardore.

S’ella sapesse quanta pena porto
Per onestà celata nella mente,
Sol per la sua belleza, chè conforto
D’altro non prende l’anima dolente.

Forse da lei sarebbono in me spente
Le fiamme che nel core
Di giorno in giorno acrescono ‘l dolore.

Non avrà ma’ pietà questa mie donna,
Se tu non faj, amore,
Ch’ella sia certa del mio grand’ ardore.

Traduction française de cette ballade

Cette dame qui est mienne ne me montrera pas de pitié,
Si tu ne le fais pas, Amour,
Afin qu’elle soit certaine de ma grande ardeur.

Si elle savait combien de douleur je porte
Par honnêteté, cachée en mon esprit,
Rien que pour sa beauté, car l’âme affligée
Ne se console de rien d’autre.

Peut-être, finirait-elle par éteindre
Les flammes qui, dans mon cœur,
Jour après jour, font accroître la douleur.

Cette dame qui est mienne ne me montrera pas de pitié,
Si tu ne le fais pas, Amour,
Afin qu’elle soit certaine de ma grande ardeur.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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Notes

(1) voir Manuale della letteratura del primo secolo delle lingua Italiana. Vincenzio Nannucci (1838), Florence (Vol secondo) ou Scelta di poesie liriche, dal primo secolo della lingua fino al 1700, Felice le Monnier e compagni (1839) ou encore Parnaso Italiano Vol XI, Venise (1846)
(2) Nouvelle biographie générale: depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Tome 14, Jean Chrétien Ferdinand Hoefer (1855)

Au trecento, L’âme en pleurs de Francesco Landini

Enluminure musicien médiéval à l'organetto

Sujet :  musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, ars nova, chanson médiévale, amour courtois.
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur :  Francesco Landini ( ? 1325-1397)
Titre :  L’alma mie piang’ e mai non può aver pace
Interprètes :  Chominciamento di Gioia et Camerata Nova
Album : Francesco Landini, Ballate (2000)

Bonjour à tous,

u XIVe siècle, l’organiste, poète et compositeur italien Francesco Landini se pose comme un grand chef de file de l’école Florentine et de l’Ars Nova italien. Il nous a laissé une œuvre renaissante faite de belles et nombreuses pièces polyphoniques. Celles qui nous sont parvenues sont, en majorité, profanes et centrées sur la lyrique courtoise, entre ballate et madrigaux.

Un maître de musique délaissé par sa dame

Partition et texte Musique médiévale du Moyen Âge tardif, Francesco Landini

La chanson du jour est une « ballata » à trois voix. Elle est adressée à une dame. Sur fond courtois, le maître de musique du trecento nous conte combien il souffre les plus grandes des peines depuis qu’elle s’est détournée de lui.

Du point de vue des sources historiques, on peut notamment retrouver l’œuvre de Francesco Landini dans le Codex Squarcialupi (Med. Pal. 87). On l’y trouve même représenté avec son organetto (voir image en-tête d’article). Ce manuscrit ancien, daté du XVe siècle, est un témoignage majeur de l’Ars Nova italien de cette période. Il contient pas moins de 216 feuillets notés et quelques belles enluminures de compositeurs d’époque. Avec près de 150 pièces, Francesco Landini y dépasse de très loin les autres compositeurs présents. Ce codex est actuellement conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence, en Italie.

Ballate un album autour du trecento

L’interprétation que nous avons choisie de vous présenter pour cette pièce du jour est tirée d’un l’album intitulé Francesco Landini Ballate. Il fut enregistré en 1999 sous la houlette du grand directeur et chef d’orchestre Luigi Taglioni, en collaboration avec deux formations italiennes : l’ensemble vocal Camerata Nova et l’ensemble instrumental Chominciamento di Gioia.

Album de musique médiévale sur  Francesco Landini

Centré sur le thème du trecento italien, l’album propose un total de 18 pièces sur un peu moins de 60 minutes de durée. Il alterne les compositions de Francesco Landini avec d’autres pièces anonymes tirés du Codex Faenza. Ce manuscrit médiéval du XVe siècle, conservé à la Bibliothèque de Faenza en Italie, contient des partitions datées du milieu du XIVe siècle.

L’album Francesco Landini, Ballate s’est fait largement remarquer sur la scène des musiques anciennes et médiévales, au moment de sa sortie. Malgrès cela et pour l’instant au moins, il ne semble avoir été réédité. Pour le trouver en format CD, il vous faudra donc tenter votre chance chez les disquaires de musiques anciennes. Si la forme dématérialisée vous convient, vous pourrez aussi essayer du côté des plateformes de musique web.

Musiciens et artistes ayant participé à cet album

Direction Luigi Taglioni. Voix : Antonella Marotta (contralto), Matelda Viola (soprano), Paola Ronchetti (soprano), Fabrizio Scipioni (tenor), Instruments : Olga Ercoli (harpe), Elisabetta di Franco (psaltérion, percussion), Giovanni Caruso (luth), Gianfranco Russo (vielle), Luigi Polsini (vielle, luth).


L’alma mie piang’ e mai non può aver pace

L’alma mie piang’e mai non può aver pace
da poi che tolto m’hai,
donna, ’l vago mirar di ch’i ’nfiammai.
Fu di tanto piacer la dolce vista
ch’innamorai nel tuo primo guardare,
sperando aver la grazia che s’aquista
ispesse volte per virtù d’amare.
Pur veggio la sperança mia mancare,
ché ’l viso non mi fai
che tu solevi, ond’io sto in pene e in guai.
L’alma mie piang’e mai non può aver pace…

Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix
Depuis que tu m’as privé,
Dame, du doux regard par lequel tu m’avais enflammé.
Ta douce apparition m’avait procuré, alors, tant de plaisir
Que je me suis épris de toi dès ton premier regard,
Espérant recevoir la grâce qui s’acquiert
Souventes fois par la vertu d’aimer.
Mais voilà que mon espérance se dérobe,
Car tu ne tournes plus ton visage vers moi
Comme tu le faisais, d’où je suis en grande peine et en tourments.

Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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Che Cosa è questa, Amor…, amour courtois, amour divin chez Landini

Sujet :  musique médiévale, ballata, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale, amour courtois
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Che Cosa è questa, Amor,
Interprètes : l’ensemble Mala Punica
Album : D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie: 1380-1415 (1994).

Bonjour à tous,

ous revenons, aujourd’hui, sur l’œuvre du maître de musique Francesco Landini. Dans l’Italie du Moyen Âge tardif et du trecento, cet organiste et compositeur florentin nous a laissé un riche legs musical polyphonique : 154 pièces à deux et trois voix entre madrigaux et « ballate » italienne. Cette dernière forme poétique et profane est typique du trecento italien et de l’Ars nova.

Amour courtois, amour mystique

La pièce du jour se situe dans la veine du reste de son œuvre. Il s’agit d’une ballata à 3 voix. Le maître organiste aveugle y mêle à la fois les codes de la courtoisie et du sentiment amoureux pour les faire s’animer d’une dimension transcendante et mystique.

Sous l’angle courtois, Landini s’adresse à l’Amour lui-même. Nous parle-t-il des vertus et de la beauté de l’amour en lui même ou, indirectement, de celles de sa bienaimée ? Elles seraient si grandes qu’il y aurait fusion entre cet amour terrestre et la mystique divine. Les deux viennent alors se répondre en miroir de sorte que le sentiment amoureux s’en trouve tout empreint de sacré. Au passage, la femme devient aussi un « intermédiaire », un rappel de l’amour divin.

C’est assez curieux parce que même si les médiévistes semblent s’accorder sur cette interprétation courtoise certains ont même émis l’hypothèse que « cosa » en fait de « chose » pouvait même être un prénom ou son diminutif, celui d’un dame chère au compositeur suivant comme on approche ce texte, Landini pourrait presque sembler être en train de parler de la vierge et de Sainte Marie plutôt que d’un amour terrestre. De fait, il pourrait être intéressant d’étudier à quel point cette chanson médiévale pourrait avoir sa place dans un corpus traitant des points de convergence entre courtoisie et culte marial.

Pour les sources de cette composition, nous vous renvoyons encore au très beau Codex Squarcialupi, le MS Mediceo Palatino 87 conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. Ci-dessus, vous trouverez la page du manuscrit correspondant à la chanson du jour avec sa partition d’époque.

L’ensemble médiéval Mala Punica

Formé en 1987 par le flûtiste et directeur d’orchestre argentin Pedro Leonardo Memelsdorff, l’ensemble Mala Punica s’est spécialisé, à l’image de son fondateur, dans la musique ancienne et les chants polyphoniques médiévaux, le tout éclairé par de sérieuses recherches sur les sources historiques (ethnomusicologie).

Pour dire un mot de son directeur, Pedro Leonardo Memelsdorff est arrivé en Europe à la fin des années 70 et s’y est installé. Elève de la célèbre école suisse Schola Cantorum Basiliensis à l’image de nombreux grands de la scène médiévale, son parcours s’est encore enrichi d’un cursus au conservatoire d’Amsterdam et d’un Doctorat en Musicologie, également obtenu en Hollande. En plus de son propre ensemble, il a beaucoup collaboré avec Jordi Saval et Hespèrion XX. Enfin, sa grande carrière s’est aussi étendue du côté de l’enseignement et il a également publié de nombreuses contributions dans le domaine de la musicologie. Non content d’avoir été élève à la Schola Cantorum il en a été également le directeur, durant de nombreuses années.

Le Mala Punica est encore très actif sur la scène internationale et on pourra retrouver son actualité, ses concerts et ses programmes sur le site officiel de l’ensemble médiéval.

D’Amor Ragionando : L’album

C’est en 1994 que sort l’album D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie : 1380-1415. Sur un durée de 66 minutes, il présente neuf pièces en provenance du trecento y quattrocento italien dont quatre de Landini. Les autres compositions sont signées de Matteo de Perugia, Magister Zacharias, Ciconia et Anthonello de Caserta. Dès sa sortie, ce très bel album sera salué par la scène médiévale. On le trouve encore disponible à la vente chez certains distributeurs. Voici un lien utile pour plus d’informations : D’Amor ragionando: Ballate neostilnoviste in Italia 1380-1415

Membres ayant participé à cet album.

Pedro Memelsdorff (flûte), Kees Boeke (vielle, flûte), Svetlana Fomina (vielle), Christophe Deslignes (organetto), Karl-Ernst Schröder (luth), Jill Feldman (voix), Giuseppe Maletto (voix), Alberto Macchini (cloches, percussions)


« Che cosa è questa, Amor… »
une ballata à trois voix de Landini

Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce
per far più manifesta la tuo luce?
Ell’è tanto vezzosa, onest’e vaga,

legiadr’e graziosa, adorn’e bella,

Ch’a chi la guarda subito’l cor piaga

chon gli ochi bei che lucon più che stella.
Et a cui lice star fixo a vederla tutta gioia e virtù in sé conduce
.

Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce
per far più manifesta la tuo luce?
Ancor l’alme beate, che in ciel sono,

guardan questa perfecta e gentil cosa, dicendo :
(quando) fia che’n questo trono segga costei ;
dov’ogni ben si posa?

E qual nel sommo Idio ficcar gli occhi osa
vede come Esso ogni virtù in lei induce.
Che cosa è questa, Amor, che’l ciel produce

per far più manifesta la tuo luce?

Quelle est donc cette chose, Amour, que le ciel…
traduction française

Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?
C’est une chose si charmante, honnête et ravissante
élégante et gracieuse et bien parée,
Que celui qui la regarde en a soudainement le cœur chaviré (blessé)
par ses beaux yeux qui brillent plus qu’une étoile.
Et celui à qui il est donné de la contempler intensément
Se voit rempli de toute joie et de vertus.


Quel est donc cette chose, Amour que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?
Mêmes les âmes béates qui sont aux cieux
regardent cette parfaite et noble chose en disant :
– Quand celle en qui toute bonté repose
pourra-t-elle s’asseoir sur ce trône ?


Et qui ose fixer les yeux sur le Dieu suprême
Voit comment celui-ci place toute vertu en elle.
Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?

En vous souhaitant très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes