Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, langue d’Oil, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval. Période : XIIe siècle, moyen-âge central. Titre : Dou Cheval qui s’afola d’un prei Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820
Bonjour à tous,
our aujourd’hui, voici une fable courte de Marie de France. C’est finalement une version médiévale de l’adage « l’herbe est toujours plus verte ailleurs », à ceci près que vient s’y ajouter le thème de la « convoitise » même si celle dont il est question ici,
s’exerce à l’égard de ses propres désirs ou volontés.
Concernant le titre Dou Cheval qui s’afola d’un prei, dans le lexique de l’ancien français Godefroy(version courte), Afoler est défini de deux manières: « rendre fou » ou « blesser, meurtrir« . Ce double-sens se prête assez bien au contenu de cette fable et sa moralité.
Dou Cheval qui s’afola d’un prei
de Marie de France
« Uns Chevaus vit herbe qui crut Dedenz un pré ; mais n’aparçut La haie dunt ert enclos li prez ; Au saillir ens s’est eschiflez.
Moralité
Ce funt Plusur, bien le savez ; Tant cunveitent lur vulentez Ne voient pas qu’ele aventure En vient après pesans è dure. »
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Un cheval vit l’herbe qui croissait Dans un pré mais point ne vit Autour du pré, la haute haie ; Voulant sauter, il s’est meurtri.
Moralité
Ainsi font certains, on le sait, Qui tant convoitent (suivent) leurs volontés Qu’ils ne voient pas que l’aventure En sortira, triste et dure.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, poésie médiévale, Angleterre, chanson médiévale, lyrique courtoise, amour courtois. Période : XIIIe, moyen-âge central Source : MS Muniment Roll 2, King’s College, Cambridge. Titre: Bird on a Briar, Bryd one brere (breere), Auteur : anonyme Interprète : Ensemble Belladonna Album: Melodious Melancholye(2005) The sweet sounds of medieval England
Bonjour à tous,
ujourd’hui, pour faire écho à la chanson de Colin Muset, « En may quand le Rossignols« , nous passons de l’autre côté de la manche, en Angleterre, pour une chanson médiévale du même siècle. Nous sommes donc au moyen-âge central et vers la fin du XIIIe.
Conservé au King’s College de Cambridge, sur un rouleau de parchemin référencé MS Muniment Roll 2, cette pièce, demeurée anonyme, conte parmi les plus anciennes chansons qui nous soient parvenues de l’Angleterre médiévale. Elle a été retrouvée, copiée au dos d’une bulle papale datant de 1199 mais elle lui est postérieure et on la date usuellement au XIIIe siècle. Etranges méandres suivis par les sources historiques pour traverser le temps, il est assez cocasse de penser que cette chanson profane ait pu être retranscrite au dos d’un document religieux officiel qui datait déjà alors de près de cent ans. On s’imagine mal aujourd’hui griffonner les paroles d’une chanson ou d’une poésie, si jolie soit-elle, sur un manuscrit daté.
Amour, espoir, douleur et renouveau :
une jolie pièce de Lyrique courtoise
Oiseau sur une branche de bruyère ou de rosier églantier : Bryd one brereen anglais ancien ou Bird on a Briar en anglais moderne, cette chanson nous conte l’histoire d’un poète épris d’une servante. Inspiré lui aussi par un oiseau, comme beaucoup de ses contemporains chanteurs et artistes de l’Europe médiévale, le chanteur lui demandera d’intercéder en sa faveur pour lui attirer l’amour de la belle convoitée. Si elle lui offrait son coeur, il serait enfin libéré de sa douleur et même « renouvelé »: loye and blisse were were me newe;la joie et le bonheur le vêtiraient d’habits neufs, autrement dit, ferait de lui un homme neuf. Pour nous situer dans l’Angleterre médiévale, nous sommes bien ici dans la lyrique courtoise chère à nos trouvères et troubadours des XIIe et XIIIe siècle.
Au passage, on notera que la variante de Bird, « Bryd », associé au « Brere », « Briar » de la fin du vers évoque indéniablement avec ses R roulés, le roucoulement de l’oiseau ou peut-être encore le bruissement de ses ailes. Sur le plan métaphorique, il incarne ici pour le poète la belle désirée ou même ou peut-être même encore amour lui-même.
Bird on a Briar, Bryd one brere par l‘Ensemble Belladonna
Les doux sons de l’Angleterre médiévale
par l’ensemble Belladonna
On peut trouver, en ligne, de nombreuses versions et reprises de cette chanson qui avec Miri(e) it is while sumer ilast fait partie des pièces les plus célèbres du répertoire médiéval ancien anglais.
Aujourd’hui, c’est l’interprétation de l’Ensemble Belladonna que nous avons choisi pour vous la présenter. C’est la deuxième pièce que nous partageons ici de leur album Melodious Melancholye, les doux sons de l’Angleterre médiévale,daté de 2005, mais il faut avouer que, par bien des aspects, cette production du trio de musiciennes venues d’horizons et de pays divers, est une véritable merveille de justesse et de sensibilité.
Bird on a Briar, une chanson du XIIIe siècle en anglais ancien et sa traduction en Français
ur le plan métaphorique, on peut se demander à quel point cette poésie fait aussi référence au registre religieux ou même au culte marial : lumière, salut, renouveau, blancheur, fleur des fleurs etc… C’est une hypothèse que l’on trouve notamment creuser dans un article du Guardian. Vue sous cet angle, la chanson prendrait bien évidemment un tout autre tour et hériterait d’un double-sens assez subtil. Cela reste plausible même s’il nous semble tout de même qu’elle appartienne au fond plus clairement au registre courtois et profane.
Bryd one brere, brid, brid one brere, Kynd is come of love, love to crave Blythful biryd, on me thu rewe Or greyth, lef, greith thu me my grave.
Oiseau sur la bruyère, Oiseau, Oiseau sur la bruyère (1) L’homme ( mankind, l’humanité,) est né de l’amour, ainsi l’amour nous assoiffe (nous en avons soif) Oiseau joyeux, aie pitié de moi Ou creuse, amour, creuse pour moi ma tombe.
Hic am so blithe, so bryhit, brid on brere, Quan I se that hende in halle: Yhe is whit of lime, loveli, trewe Yhe is fayr and flur of alle.
Je suis si joyeux, si inondé de lumière, oiseau sur la bruyère Quand je vois cette servante dans la salle A la peau si blanche, si charmante et pure* (true : vraie, authentique) Elle est si juste, fleur de toutes les fleurs.
Mikte ic hire at wille haven, Stedefast of love, loveli, trewe, Of mi sorwe yhe may me saven Ioye and blisse were were me newe.
La pourrais-je jamais conquérir Ferme en son amour, charmante et sincère, Pour qu’elle puisse me sauver de ma douleur, Et me revêtir d’une joie et d’une félicité nouvelles (la joie et le bonheur ferait de moi un homme neuf)
(1) Nous traduisons ici Brere, en anglais moderne « Briar » par Bruyère. Le mot désigne aussi le rosier églantier. La tentation est bien sûr grande de changer l’oiseau en rossignol. S’il s’agissait d’une adaptation, nous n’aurions pas hésité une seconde.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : contes moraux, sagesse, poésie morale, poésie persane, citation médiévale. conte persan, patience. jeunesse, Période : moyen-âge central à tardif. Auteur : Mocharrafoddin Saadi (1210-1291), Ouvrage : Gulistan, le jardin des roses.
Bonjour à tous,
our aujourd’hui, voici un nouveau conte persan de MocharrafoddinSaadi. Il est extrait d’un chapitre du Gulistan, qui touche aux choses de la jeunesse et de l’âge.
Un jour, dans l’orgueil de la jeunesse, j’avais marché vite et la nuit venue, j’étais resté épuisé au pied d’un montagne. Un faible vieillard arriva à la suite de la caravane et me dit :
– Pourquoi dors-tu ? Lève-toi, ce n’est pas le lieu de sommeiller »
Je répondis :
– Comment marcherais-je puisque je n’en ai pas la force ? »
– N’as-tu pas appris, repartit-il, que l’on a dit : » Marcher et s’asseoir valent mieux que courir et être rompu. »
Vers : O toi qui désire un gîte, ne te hâte pas, suis mon conseil et apprends la patience : le cheval arabe parcourt deux fois avec promptitude la longueur de la carrière, le chameau marche doucement nuit et jour. »
Mocharrafoddin Saadi (1210-1291), Gulistan, le jardin des roses.
Dans la littérature médiévale occidentale, la vieillesse a bien souvent deux visages. D’un côté, on retrouvera cette figure de l’ancien expérimenté, le sage, l’ermite, le conseiller, quelquefois encore, le vieux chevalier aguerri qui éduque le jeune. De l’autre, plus fréquent, on trouvera l’ancien fatigué que l’oisiveté autant que la faiblesse ou le manque de moyens peut même miner. Il déplorera alors sa jeunesse perdue, on l’a vu avec Michault Taillevent dans son passe-temps, mais on le retrouve aussi chez Eustache Deschamps et d’autres auteurs médiévaux. On pourra pour en citer un autre exemple se souvenir encore ici des regrets de la belle heaulmière de François Villon.
Dans un autre registre, viennent s’ajouter encore des images plus moqueuses et plus satiriques. On trouvera ainsi le vieux pingre, ou encore le vieillard argenté et lubrique qui cherche à marier une jeune fille ou à s’en attirer les faveurs.
Dans une certaine mesure, ces deux visages-là seront présents dans les contes de Saadi sur la jeunesse et sur la vieillesse. L’âge n’y est pas toujours synonyme de sagesse et la figure de l’ancien oscille, chez lui aussi, entre les deux extrêmes, expérience et raison d’un côté et « travers » de l’autre : avarice, pingrerie, vantardise, lubricité, etc… Sur ce dernier aspect, le poète persan mettra même les vers suivants dans la bouche d’une jeune fille pressée par un prétendant bien plus âgé qu’elle : « Si une flèche se fixe dans le côté d’une jeune fille, cela vaut mieux pour elle que la cohabitation d’un vieillard ».
Dans une autre historiette, qui rejoindra la précédente sur le fond moral, on retrouvera, cette fois l’image d’un vieillard auquel on demandera pourquoi il ne prend pas de jeune épouse et qui s’en défendra justement : « Moi qui suis vieux je n’ai aucune inclination pour les vieilles femmes, comment donc la femme qui sera jeune pourra-t-elle éprouver de l’amitié pour moi qui suis vieux? ». Comme celui du conte du jour, cet autre là portait en lui, à l’évidence, quelques graines de sagesse et parlait, à tous le moins d’expérience.
Pour le reste et encore une fois, pour Saadi comme pour les auteurs médiévaux de l’Europe chrétienne, la sagesse n’est pas une qualité intrinsèque et systématique provenant de l’âge. Pardonnez-moi, mais je n’y resiste pas, finalement, il semble bien que tous auraient pu chanter en choeur et d’égale manière avec Brassens que « le temps n’y fait rien à l’affaire« .
Pour en revenir au moyen-âge occidental, au positif ou au négatif, au masculin comme au féminin, la vieillesse n’est, en général, pas une figure centrale de la littérature médiévale et encore moins des romans chevaleresques. Ces derniers restent basés sur des valeurs mettant en scène plutôt la jeunesse, dans l’action, comme dans l’apprentissage ou l’initiation.
Le mythe moderne du héros en a-t-il hérité ? Sans doute dans de grandes proportions, même s’il est possible qu’avec les glissements de la pyramide des âges et l’allongement de la durée de vie, la fourchette d’âge qui le définit se soit tout de même un peu élargie. Jusqu’à récemment, le cinéma américain, pour ne parler que de lui, nous a d’ailleurs gratifié de quelques productions mettant en scène ses acteurs favoris devenus largement seniors (Sylvester Stallone, Morgan Freeman, Arnold Schwarzenegger, etc…), dans des rôles encore très orientés sur l’action.
En vous souhaitant une belle journée !
Fred
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Sur ce sujet, on trouvera quelques compléments utiles dans les sources suivantes :
Sujet : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, humour, trouvère, auteur, poète médiéval, vieux-français, motet, humour, renouvel. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Auteur ; Colin Muset (1210-?) Titre : « En May (mai), quant li rossignolez» Interprète : Ensemble Syntagma
Album : Trouvères in Lorraine – Touz Esforciez (2004)
Bonjour à tous,
ous voici de retour au XIIIe siècle avec une chanson du trouvère Colin Muset. Loin de la neige et loin du froid, il nous chante ici le mois de mai et le réveil printanier et avec lui ses oiseaux et ce « renouvel » de la nature si cher aux poètes médiévaux.
Inspiré par le chant d’un rossignol, le trouvère cueillera une branche de saule pour s’en faire une flûte et chanter l’amour mais, bien sûr, comme il s’agit de Colin Muset, il en profitera encore pour nous conter son goût pour les chapons, les viandes rôtis et les bons gâteaux, mais aussi pour les hôtes généreux envers son art et qui dépensent sans compter.
En may, quant li rossignolez – par l’Ensemble Syntagma
La pièce est tirée d’un album de 2004 que la formation a dédié entièrement aux trouvères lorrains et dont la production a même d’ailleurs été soutenue par le Conseil Général de Lorraine. On peut y retrouver trois chansons de Colin Muset, mais également de belles pièces de Jaque de CysoingJeannot de Lescurel, Guillaume d’Amiens ou encore Gauthier d’Epinal. Ces compositions, signées du XIIIe siècle, en côtoient quelques autres de la même période, demeurées anonymes: chansons, motets ou pièces instrumentales.
On peut trouver cet album en ligne sous deux formes, l’une dématérialisée (en MP3), l’autre au format CD classique. En voici les liens : Touz Esforciez : Trouvères en Lorraine
« En mai, quant li rossignolez »
les paroles de Colin Muset
en vieux-français et leur traduction
En mai, quant li rossignolez Chante cler ou vert boissonet, Lors m’estuet faire un flajolet* (une flûte), Si le ferai d’un saucelet* (une branche de saule), Qu’il m’estuet d’amors flajoler* (chanter, conter) Et chapelet de flor porter Por moi deduire* (réjouir) et deporter (divertir, amuser) Qu’adès ne doit on pas muser. (1)
L’autr’ier en mai, un matinet, M’esveillerent li oiselet, S’alai cuillir un saucelet, Si an ai fait un flajolet ; Mais nuns hons* (nul homme) n’en puet flajoler* (en jouer), S’il ne fait par tout a löer En bel despendre et en amer(2) Sanz faintisë et sanz guiler* (tromperie).
Gravier* (nom ou prénom), cui je vi jolïet, (que je vois toujours joyeux) Celui donrai mon chapelet. De bel despendre s’entremet, (qui sait bien dépenser) En lui nen a point de regret, Et por ce li vuil je doner Qu’il ainme bruit de hutiner* (dispute, combat) Et ainme de cuer sanz fauser ; (et aime d’un coeur pur) Ensi le covient il ovrer.(comme il convient de le faire)
La damoisele au chief blondet Me tient tot gay et cointelet* (gracieux, agréable) ; En tel joie le cuer me met Qu’il ne me sovient de mon det. Honiz soit qui por endeter Laira* (de laisser) bone vie a mener ! Adès* (aussitôt) les voit on eschaper, A quel chief qu’il doie torner.
L’en m’apele Colin Muset, S’ai maingié maint bon chaponnet* (chapon), Mainte haste* (viande rôtie, broches), maint gastelet* (petit gâteau) En vergier et en praelet* (prairie), Et quant je puis hoste trover Qui vuet acroire et bien preter, Adonc me preng a sejourner Selon la blondete au vis cler* (doux visage).
N’ai cure de roncin lasser Après mauvais seignor troter : S’il heent* (haîssent)bien mon demander, (S’ils détestent quand je demande, quémande) Et je, cent tanz, lor refuser (je deteste cent fois plus quand ils refusent)
(1) « Qu’adès ne doit on pas muser » :car le temps est venu de se divertir.
(2) « S’il ne fait par tout a löer, En bel despendre et en amer » : s’il ne sait pas faire de belles louanges, qu’il n’est pas généreux et qu’il ne sait aimer.
En vous souhaitant une très bonne journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.