« Science quand elle enfle »: analyse approfondie d’une citation médiévale de Jean De Meung

citations_medievales_Sujet : citations médiévales, auteur poète médiéval, vieux français, analyse, contexte, sémantique,  science, arrogance, humilité.
Période : moyen-âge central (XIIIe siècle)
Auteur: Jean de Meung  (1250-1305)
Extrait : le codicille

« Science, quand elle enfle, est chose si parverse, Qu’elle envenime tout, se la boe n’est terse [essuyée], [J. de Meung, Test. 1044] »
Dictionnaire Littré

Adaptation en français moderne :
“Science, quand elle enfle, est chose si perverse, Qu’elle envenime tout, si l’on n’essuie la boue”.


Bonjour à tous,

U_lettrine_moyen_age_passionne des sources les plus sérieuses de cette citation du poète médiéval Jean Clopinel, plus connu sous le nom de Jean de Meung, se trouve dans le Littré, prestigieux dictionnaire ancien du XIXe siècle qu’il est toujours agréable de feuilleter et dans lequel une grande majorité des définitions sont illustrées par des quantités de phrases d’auteurs célèbres. Dans le cas présent, la phrase de Jean de
Meung  y est citée pour illustrer un exemple historique  du verbe « enfler ».
littre_dictionnaire_ancien_citation_medievale_jean_meung_litterature_moyen-age
Selon le Littré, elle serait donc tirée  d’un texte de l’auteur médiéval appelé le testament mais il y a une première petite correction à apporter sur ce point et nous allons nous y employer.

Codicille contre testament

E_lettrine_moyen_age_passionntre autres écrits de Jean de Meung et sans parler du célèbre Roman de la rose, deux autres textes de lui peuvent, il est vrai, prêter à confusion: l’un s’appelle le testament et l’autre le codicille.

Pour être certain d’être clair, du point de vue des définitions, un testament, tout le monde sait ce que c’est: soit, un ensemble de dispositions que l’on laisse à la postérité sur ses biens, ses volontés et tout le reste, en espérant qu’elles soient, si possible, respectées Post-mortem. Pour le second terme, codicille: c’est un terme notarial qui désigne un amendement ou des modifications apportées au premier. jean_de_meung_citation_poesie_medievale_codicille_En bref, c’est, techniquement, un second testament:

« Alors, cerné de près par les enterrements,
J’ai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille. « 
Georges Brassens – Supplique pour être enterré à la plage de Sète.

Or, et c’est là la première petite mise à jour à faire au Littré, la citation du jour est, en réalité, tirée du Codicille de Jean De meung, et non pas de son Testament. En collant au définition, on pourrait, bien sûr, alléguer que le codicille est une sorte d’annexe au testament ou même un second testament, mais cela n’en changerait toutefois ni le nom, ni le titre pour autant, au moment de le citer.

Une voie « boueuse »

C_lettrine_moyen_age_passioncitation_medievale_jean_de_meung_analyseçvieux_francais_interpretation_moyen-agee petit détail étant réglé, allons à la  source de ce codicille que l’on trouve annexé, comme le testament  d’ailleurs, dans certaines éditions du Roman de la rose dont Jean de Meung fut le co-auteur après Guillaume de Lorris. De fait, dans une édition de 1799 du Roman de la Rose, nous retrouvons au Tome IV, notre fameux codicille et la dite citation,  à peu de chose près, puisqu’il n’y est pas question de boue (boe) mais de Voye (voie). Le mot « parverse » y disparaît aussi au profit de « traverse ». Pour la référence, cet ouvrage de la fin du XVIIIe est basée sur une édition de Lengletdufresnoy « corrigée avec soin, enrichie et publiée » en 1737 par J. B. Lantin De Damerey. Voilà la transcription exacte qui nous y est donnée de cette citation:

« Science quant elle enfle est chose si traverse,
Qu’el envenime tout se la voye n’est terse. »
Jean de Meung (1250-1305) Le Codicille.

traverse: tordu, scabreux, de travers. La traduction par perverse se tient  pour peu qu’on la prenne  dans son sens originel, soit non nécessairement connotée sexuellement.

« La science envenime tout » si la voie n’est: essuyée, polie, nettoyée. Oui mais nettoyée de quoi? Et bien, de toutes les causes possibles de « surgonflement » : arrogance, orgueil, superbe, volonté de briller, , etc…
jean_de_meung_citation_poesie_medievale_codicille_analyse_citation_vieux_francais_moyen-age_centralReste à savoir maintenant quelle version des deux est la plus proche de l’auteur. Dans les temps reculés de l’imprimerie, les erreurs de retranscriptions depuis les manuscrits ou même les coquilles n’étaient pas rares quand ce n’était pas encore des adaptations simples de l’imprimeur ou de l’éditeur pour des questions de « régionalisme » linguistiques, même de modernisation pur et simple de la langue originale de l’auteur pour des questions de compréhension. Difficile dans ce cadre de savoir quel mot a réellement utilisé l’auteur Jean de Meung, sauf à remonter à une source plus ancienne du texte. Or, cela tombe merveilleusement bien puisque la bibliothèque nationale de France, qui, au passage, ne lasse pas de nous surprendre par les trésors historiques qu’elle met à la disposition du public, a justement digitalisé un manuscrit bien plus ancien du roman de la rose, consultable directement sur son site web.

Au final de l’investigation, qui prend relativement longtemps parce que tout de même l’écriture manuscrite du XIIIe XIVe siècle n’a pas grand chose de commun avec la nôtre, la récompense est là et l’évidence est implacable.. La boue l’emporte sur la voye, mais Jean de Meung a utilisé  traverse contre parverse.  Le littré ne colle donc au texte qu’à ce dernier détail près. D’ailleurs, voici la preuve en image:

Cliquez sur l’image pour l’agrandir

La différence sémantique n’est pas énorme, me direz-vous, mais la boue reste, tout de même, plus connotée que la voie. La bonne nouvelle est que nous conservons notre rime sur le deuxième alexandrin de cette citation, dans la traduction-adaptation en français moderne que nous en avions faite: Qu’elle envenime tout, si l’on n’essuie la boue”. Merci la BnF! Il ne nous reste donc plus qu’à examiner le contexte.

Le contexte

A_lettrine_moyen_age_passionu siècle où nous lisons de moins en moins, saucissonner les auteurs est devenu un sport et il est toujours amusant, autant qu’instructif, face à une citation, de creuser un peu plus avant, pour aller à la racine du texte et pouvoir resituer son contexte.

jean_de_meung_citation_medievale_science_arrogance_jean_de_meungDe notre point de  vue moderne, une fois isolée de son contexte historique et sémantique, cette citation médiévale de Jean de Meung se présente comme une mise en garde générale à l’adresse de la Science, en tant que discipline: science qui enfle, (science sans éthique et sans prudence) qui  envenime tout. Prise telle quelle et de prime abord, cette phrase raisonnerait même d’une sagesse médiévale presque prophétique et plus de sept cents ans après qu’elle fut écrite, le monde moderne ne semble pas, en effet, tarir d’exemples pour l’étayer. Car enfin, sans entrer dans la polémique, dans nos sociétés devenues industrielles et technicistes: scientifiques, mécaniques, robotiques, agro-pétroléo-pharmatico-chimiques, toutes entières menées par les lois de la déesse finance, fusse contre la société des hommes,  on peut légitimement se demander si le fameux principe de précaution en matière d’alimentation, de chimie, de génétique, de pharmaceutique et dans quelques autres domaines technologiques n’a pas été quelque peu galvaudé (sacrifié, voire immolé dans certains cas, serait peut-être plus indiqué), sur l’autel du sacro-saint marché. Et de fait se demander un peu aussi, si, dans le contexte, la Science n’a pas trop enflé.

Prise dans ce sens là, cette citation médiévale était d’ailleurs tellement inspirante que nous vous partageons ici un autre détournement « steampunk » que nous avions fait pour la présenter, en partant du grand peintre hollandais baroque Johannes Veermer et de sa toile la laitière:  The Milkmaid (1658):

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Tout cela étant dit, voyons donc, maintenant, un peu plus loin que les deux alexandrins du Codicille de Jen de Meung qui forment cette citation pour tenter de mieux l’éclairer. Voici les vers qui la précèdent :

« Que se nulz homs sçavoit toute philosophie,
Se il n’est doulx et humble, tout ne vault une ortie.
Estre humble sans clergie vault mieulx que la converse,
Que quanque Iy ungz dresse, ly autre tumbe et verse:
Science quant elle enfle est chose si traverse,
Qu’el envenime tout se la boe n’est terse. »

Et leur adaptation/Traduction libre par nos soins:

Qu’un homme qui connaitrait toute la philosophie
Sans être doux et humble, vaudrait moins qu’une ortie.
Etre humble sans instruction vaut mieux que le contraire,
Que quand les uns sont droits, les autres tombent et versent:
Science quant elle enfle est chose si perverse,
Qu’elle envenime tout, si l’on n’essuie la boue. 

E_lettrine_moyen_age_passionn réalité, la notion de science replacée dans son contexte,  comme celle de clergie (qui par ailleurs désigne aussi l’enseignement des clercs, leur cursus, et même la réunion de clercs dans d’autres cas) s’adresse plus, ici, à la notion de savoir, d’instruction, d’étude, et à l’arrogance qui peut en naître vis à vis des autres, qu’à ce que nous nommons, au sens propre, dans notre monde moderne, la Science en tant que discipline. Dans l’ensemble de ce passage, avant et après, Jean de Meung adresse d’ailleurs une critique envers les clercs et les religieux que leur instruction peut quelquefois « enfler » et rendre prompts à élever des débats et des querelles à tout propos, pour en « rabattre », comme on dit trivialement. Un peu plus loin, ce brillant auteur médiéval que la satire n’effrayait point, ce qui n’est pas pour nous déplaire, élargira même le propos à la vanité qui résulte du fait de vouloir accumuler des richesses par les frères, les ordres et les moines. Le passage dont est extrait cette citation se présente donc comme un rappel à l’ordre, aux valeurs et à l’humilité, pour ceux qui étaient, alors, les détenteurs principaux de l’instruction: les clercs et, par extension, les religieux. La science dont il est question est peu ou prou la même que celle contenue dans l’expression populaire: « Arrête d’étaler ta science », autrement dit: « ton instruction ».

Ce n’est pas surprenant d’ailleurs, au XIIIe siècle, la science telle que nous la connaissons ne connait pas encore son âge d’or, loin de là! Il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour  conquérir son autonomie théorique, inventer le matérialisme et pouvoir enfin trouver les financements nécessaires pour mettre au point: la bombe atomique, la chaise électrique, le clonage et les manipulations génétiques, le neuro-marketing ou les OGMs entre autre florilège. Bon mais je plaisante! Il n’y a pas eu que cela, bien entendu. De grâce,  n’allez pas penser que je suis passéiste. Je suis de mon temps tout comme vous. Nier les apports de la science moderne serait absurde, même si faire un bilan juste et réel de certaines de ses applications ou effets secondaires peut s’avérer sain et utile, de temps en temps. Je rebondissais simplement, ici, sur la possible interprétation moderne « erronée » des pieds de vers tronqués de Jean de Meung, et la question de la conduite de la science et de ses valeurs éthiques que tout cela pouvait soulever.

On peut toujours se demander, cela dit, si Jean de Meung avait assisté à l’avènement de la science comme nous y assistons depuis le XXe siècle, s’extasiant, assurément, des progrès gigantesques et de premier ordre effectués, ces derniers années, dans le domaine de la téléphonie mobile, mais lucide aussi sur certaines autres conséquences néfastes de ses applications, s’il aurait lui-même décidé de tronquer quelques uns de ses alexandrins pour élargir le sens de sa citation et nous en proposer une lecture plus moderne comme celle que nous en faisons, de nos jours, en nous fourvoyant la plupart du temps et en lui faisant dire ce qu’il n’a pas dit.

C’est encore un léger glissement sémantique, me direz-vous, celui de la citation du grand Khal Kubilai Khan dans sa lettre à Saint Louis était largement plus abusif, mais il illustre encore une fois assez bien le fait que les citations, pour séduisantes qu’elles soient, valent souvent qu’on en remonte un peu le cours, au risque de faire dire n’importe quoi à leurs auteurs et, du même coup, de dire n’importe quoi aussi. Rien de bien nouveau, me direz-vous, la technique du saucissonnage et de la phrase sortie de son contexte, bien connue et pratiquée en journalisme a fait plus d’une victime. Pour le reste, tout cela est aussi une belle illustration du fait que même quand les mots ressemblent comme deux gouttes d’eau à poesie_citation_medievale_jean_de_meung_analyse_manuscrit_ancien_littre_interpretation_semantiqueceux que nous employons, il y a toujours une distance à parcourir pour se rapprocher du monde médiéval, des ses réalités et de sa compréhension.

Tout cela étant dit et pour conclure. Qu’on la prenne dans son sens originel et fidèle à l’auteur en appliquant cette leçon d’humilité aux détenteurs individuels d’un savoir, ou dans l’autre sens – loin de la réalité médiévale de son auteur – en l’appliquant à l’ensemble d’une discipline, cette citation contient une sérieuse dose de sagesse qui ne lasse pas de me séduire. J’en viendrais presque, d’ailleurs, à me poser la question de la transposition possible de l’une à l’autre de ces deux interprétations médiévales et modernes en me demandant si les « valeurs » d’un savoir ou d’une discipline humaine quelle qu’elle soit et à supposer qu’elle  en véhicule, n’est pas simplement la somme ou le reflet des valeurs des acteurs qui la compose et de leur éthique. Dit autrement, peut-on légitimement renvoyer dos à dos une discipline dans sa globalité et ses applications, et ses détenteurs? Comment, en effet, une discipline ou un savoir pourraient-ils devenir « arrogant », ou enfler tout seul, si chacun de ses détenteurs, individuellement, se tenait dans une stricte réserve , une éthique irréprochable et une certaine humilité? Cela me semble un vrai question.

En vous souhaitant à tous une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Le dit de l’œil, aux sources de la chanson « Pauvre Rutebeuf » de Léo Ferré

pauvre_rutebeuf_poesie_medievale_occitan_joan_pau_verdierSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, trouvère, hommage Léo Ferré, Vieux français, langue d’oïl, adaptation, traduction français moderne, Rutebeuf
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : le dit de l’œil, la complainte de l’œil.

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui nous publions un autre des textes originaux du poète médiéval Rutebeuf qui inspira au grand Léo Ferré, ce « Pauvre Rutebeuf » qu’il a tellement fait sien et que tant d’autres interprètes  ont repris depuis.

L’alchimie poétique est un procédé impénétrable et secret qui s’opère entre le coeur et la plume du poète et, même une fois connus quelques uns des ingrédients utilisés, on n’est pas pour autant plus avancé. Aussi, ne voyez derrière tout cela, aucune volonté de déshabiller la mariée, entendez le génie poétique de Léo Ferré, juste peut-être une tentative pour mieux entrapercevoir ce qui passa du coeur de Rutebeuf au sien, en espérant peut-être un peu mieux les comprendre tout deux, dans ce jeu de miroirs poétiques. Le reste demeurera, quoiqu’il arrive un mystère dans l’ailleurs de mots, là où les poètes cuisinent leurs mathématiques secrètes et où quelquefois ils se rencontrent, au delà de l’espace et du  temps.

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Avant de vous livrer cette poésie médiévale originale du trouvère médiéval, qui souffla à l’oreille de Léo son Pauvre Rutebeuf, permettez-nous, toutefois, de faire plus un peu qu’une simple parenthèse pour envoyer un bouquet de violettes fraîches et quelques lys blancs à l’âme du grand poète que fut Léo Ferré. La poésie, autant que la langue française, lui doivent bien cela et ne nous ont d’ailleurs pas attendu pour lui rendre au hommage, mais nous voulons lui faire cette place, ici aussi.

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Portrait : Léo Ferré, artiste, poète et rebelle

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Né en Aout 1916 à Monaco. Mort à Castellina in Chianti, en Toscane, en juillet 1993. Un épitaphe c’est bien court pour résumer à la fois la vie d’un homme et d’un artiste véritable, mais c’est à ce dernier que nous nous attachons ici.

poesie_medievale_hommage_leo_ferre_rutebeuf_trouvere_moyen-age_centralAuteur, compositeur interprète, musicien, poète et Anarchiste, Léo Ferré était tout cela à la fois. Éternel rebelle à l’autorité, ce grand artiste qui ne s’inclinait devant rien, sauf peut-être la poésie des autres pour mieux la partager, nous a légué, durant sa carrière, de merveilleux textes écrits de sa plume, mais a aussi fait redécouvrir au public de grands noms de la poésie française, du moyen-âg au XXe siècle: François Villon, Rutebeuf, Verlaine, Baudelaire, Rimbaud, Aragon, Léo Ferré a mis en musique, devant son piano, des joyaux et des trésors poétiques. L’émotion et la sincérité toujours à fleur de peau, avec le clignement de cet oeil qui battait l’émotion comme un coeur, comme pour dire aussi à chacun, d’un air complice: « écoutes, c’est pour toi ». Tirées de leur sommeil de papier, les plus grandes poésies françaises, prenaient soudain de la proximité et dans ce panthéon d’éternité dans lequel elles s’étaient
tenues loin du public et si souvent coites, elles redevenaient alors, le temps d’un récital, fraîches comme au premier jour, dans leur intemporalité sublime. Et poesie_art_majeur_leo_ferre_rebelle_hommage_portrait_rutebeufc’était ça aussi Ferré, de l’amour et de la générosité pour les autres, une façon de tutoyer les âmes.

Pour le reste et sur ses convictions, rien n’a jamais changé Ferré: anarchiste comme rebelle aux cons, éloge de l’être « contre », rétif aux morales toutes faites, aux empêcheurs de liberté, à ceux qui ne sont rassurés que quand les choses tournent en rond et tous les autres avec. Et puis, il était aussi de cette génération de pensionnaires religieux qui, souvent, pour les mêmes raisons, de sévices jusqu’à plus loin, ne pouvaient plus voir le Bon Dieu, pas même en peinture tant les hommes qui s’en réclamaient, avaient réussi à les en dégoûter. C’est cette même génération qui, dans les années soixante soixante-dix, étaient devenus les enfants terribles des premiers HaraKiris et Charlie: les Cavanas, les  Chorons et les autres, qui firent alors j’aillir et exploser leurs paroles dans une apocalypse anticléricale à laquelle la période post soixante-huitarde offrit ces lettres de noblesse.

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En dehors de cela, Léo Ferré, fidèle au dictionnaire définissait son anarchisme comme une forme d’insoumission qui ne reconnait la légitimité d’aucune autorité d’où qu’elle vienne, avec river au ventre, une seule ivresse, celle de la  liberté: libérer la parole et les mots  semblait presque chez lui comme une urgence, et avec cela, rendre tout son sens à l’injure et redéfinir le grossier. Etre vulgaire,  c’est se coucher et c’est refuser d’être libre. Au delà de la politique, Ferré c’est quand un cul, retrouvant sa grâce, devient, tout soudain, un mot rond à faire fuir André Breton. La vie, l’Amour, comme religion. « Ni Dieu, ni maître », le temps qui fout le camp et cette mer entêtante qui se fracasse sur les rives du souvenir comme une douleur sublimée. Magie des mots qui ensorcellent. Le sourire sur les lèvres et la tristesse au bord du coeur, le désespoir comme une seconde peau: un coeur ouvert, ça reçoit tout et ça finit, souvent, par se blesser aux épines du monde. Léo colère. Léo à vif. Léo amer. Et pourtant, continuer, aimer la vie jusqu’à plus soif, l’aimer d’amour à leo_ferre_poetes_vos_papiers_pauvre_rutebeuf_poesie_hommage_portraitfaire crever à sa surface des bulles de beautés poétiques, comme de l’oxygène pour ne pas suffoquer.

Dans la France des années cinquante et soixante, il fallait avoir le courage d’avoir des ennemis, et c’est un courage comme toujours qui va jusque dans l’assiette. Il faut le comprendre. le prix que paye l’artiste entier (y en a-t’il d’autres?) n’est jamais abstrait et la liberté d’expression a toujours un prix bien réelle que son quotidien lui rappelle. Mais c’est peut-être, là encore, l’absence de choix qui est aux commandes, l’impossibilité de faire autrement et de composer avec sa nature autre chose que de la musique et des mots. Pour le reste, vivre debout! Et La provocation qui naissait parfois de tout cela, au point de voir certains de ses textes interdits n’était qu’une conséquence de cette nature insoumise, pas un ustensile marketing: la conséquence d’un être au monde.

« Poètes, vos papiers! », Léo passait, indifférent, sans s’arrêter ou bien se mettait à gueuler et, bien avant la vie de château, qui ne dura pas tant que ça et puis, qui se finit en drame, la misère lui a collé longtemps à la peau, de longues années et ce n’est, surement pas par hasard, qu’à travers les siècles, celle de Rutebeuf et ses longues complaintes lui a parlé.

« La mémoire et la mer »
Le chemin de l’envers poétique

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Dans ce Moyen Âge où les rimes et les vers n’étaient souvent que chantés, Eustache Deschamps, au XIVe siècle créa une rupture pour affranchir l’art poétique de l’art musical. La poésie avait son langage, une musique innée, nichée dans le cœur de ceux qui la comprenaient. Elle n’avait besoin de rien d’autre qu’elle-même pour tenir debout; c’était un art majeur, un art à part entière et en lui donnant ses lettres de noblesses, le poète médiéval l’affranchissait pour les siècles à venir. Six cents ans plus tard, elle avait mûri, grandi, leo_ferre_hommage_portrait_anarchiste_poesie_rutebeuf_art_majeurdes auteurs gigantesques étaient passés par là, et Léo Ferré s’en mêlait. En faisant le chemin à l’envers, le poète anarchiste de Saint Germain des prés ouvrait sa propre voie pour une réconciliation des deux: mettre la musique au service de la découverte poétique ou de son errance. Avait-il été le seul? Sans doute pas mais dans ses plus grandes envolées poétique, marque des véritables artistes, il créait un genre unique qui n’appartenait qu’à lui et qui n’avait plus grand chose à voir avec des « chansonnettes ».

Un des points culminants de cet art poétique est un texte merveilleux qu’il écrivit lui-même et qui pourrait, sans en rougir, figurer aux côtés des plus grands, dans l’anthologie de la poésie française. Il y consacra des années, plus de seize dit-on. Ceci n’est pas une chanson, ou si c’en est une, la plupart des autres ne le sont plus, parce que soudain, avec « La mémoire et la mer »  qu’il donna pour la première fois dans les années soixante-dix, le mot  « chanson » devenait trop étroit pour décrire ce moment, ce texte et cette émotion qu’il  offrait à son public. Encore une fois, Cela n’a rien de médiéval et il s’agit poésie, mais si on doit à Léo Ferré d’avoir fait redécouvrir Villon ou Rutebeuf, alors, autant que la poésie française lui est redevable, le Moyen Âge aussi lui doit bien cela.

La Mémoire et la Mer :
oeuvre poétique majeure

leo_ferre_hommage_poesie_art_majeurQuant au sens littéral de cette poésie biographique, surréaliste et évocatrice de la vie de Léo Ferré, on n’a, pour être ému, pas besoin d’en avoir les clés. Les images naissent, merveilleuses, et les mots font surgir, dans leur écume, des trésors d’émotions. La beauté de l’alchimie poétique. Ce procédé secret et magique dont nous parlions plus haut convertissait, ici, les souvenirs de l’auteur en un joyau de poésie surréaliste. Combien de vocations sont-elles nées de l’écouter? Combien d’Hubert Felix Thiefaine? Combien d’autres? Et au delà de cet ailleurs poétique qui ne concède rien de facile, ce qui se donne encore ici, c’est la magie d’un être unique qui porte en lui ce don de donner des textures au mots et qui nous offre de tout son âme, une définition de la poésie comme Art majeur. Alors une fois encore un grand merci monsieur Léo Ferré pour cette leçon de musique et d’alchimie poétique.

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Le dit de l’oeil
ou la complainte de l’oeil de Rutebeuf

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Cette poésie de Rutebeuf, nous y venons, dont Léo Ferré cita de longs passages, est,  à l’origine, une longue complainte du poète médiéval sur sa situation  et sur ses misères. Rutebeuf, pris à la gorge de toute part, à sa manière presque devenue habituelle, y livre ses malheurs, en vrac, et sans ménagement. Et tout y passe, sa santé, son mariage a demi-raté, un enfant en bas âge qu’il faut alimenter et dont il faut payer la nurse, sa grande pauvreté et cette solitude aussi qu’il traverse dans ce désert que ne laissent que les faux amis.

C’est un texte très ardu à comprendre par endroits, et très long. Il est de cette langue parisienne de Rutebeuf que les autres auteurs peinent tant par moments à parler ce dont quelquefois d’ailleurs ils s’excusent même (cf citation de Jehan de Meung) mais nous vous en proposons tout de même une adaptation entre les lignes. Elle se base sur quelques traductions existantes, notamment celle de Michel Zinc mais aussi sur différentes recherches périphériques en vieux français.

Ci encoumence la complainte Rutebuef de son oeul ou le dit de l’oeil

Ne covient pas je vos raconte
Coument je me sui mis a hunte,
Quar bien aveiz oï le conte
En queil meniere
Je pris ma fame darreniere,
Qui bele ne gente nen iere.
Lors nasqui painne
Qui dura plus d’une semainne,
Qu’el coumensa en lune plainne.

Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis la honte
Car je vous ai déjà conté
En quelle manière
J’épousa ma dernière femme
Qui n’est ni belle ni gracieuse
Tout cela causa de grandes peines
Qui durèrent plus d’une semaine
Et commencèrent en lune pleine

Or entendeiz,
Vos qui rime me demandeiz,
Coument je me sui amendeiz
De fame panrre.
Je n’ai qu’engagier ne que vendre,
Que j’ai tant eü a entendre
Et tant a faire,
Et tant d’anui et de contraire,
Car, qui le vos vauroit retraire,
Il durroit trop.

Aussi écoutez
Vous qui me demandez de rimer
Comment je me suis amendé*  (« guéri »)
De prendre femme  (« de me marier »)
Je n’ai plus rien à gager ni à vendre
J’ai du  faire face à tant de choses
Et tant à faire,
Et tant de chagrins et d’ennuis
Que si je devais tous vous les conter
Cela durerait trop longtemps

Diex m’a fait compaignon a Job:
Il m’a tolu a un sol cop
Quanque j’avoie.
De l’ueil destre, dont miex veoie,
Ne voi ge pas aleir la voie
Ne moi conduire.
Ci at doleur dolante et dure,
Qu’endroit meidi m’est nuit oscure
De celui eul.

Dieu m’a fait compagnon de Job
Il m’a ôté en une seule fois
Tout ce que j’avais
De l’oeil droit,  dont je vois  mieux 
Je ne vois pas où va la voie
Et ne peux me conduire (m’orienter)
C’est vraiment douloureux et dur
Qu’en plein midi, c’est nuit obscure
Pour cet oeil.

Or n’ai ge pas quanque je weil,
Ainz sui dolanz et si me dueil
Parfondement,
C’or sui en grant afondement
Ce par ceulz n’ai relevement
Qui jusque ci
M’ont secorru, la lor merci.
Moult ai le cuer triste et marri
De cest mehaing,
Car je n’i voi pas mon gaaing.
Or n’ai je pas quanque je aing:
C’est mes damaiges.

Alors rien ne va comme je voudrais
Mais je suis plutôt triste et affligé
Profondément.
Car je me trouve  au fond du gouffre
Et ne dois de me relever qu’ à ceux
Qui jusqu’ici
M’ont secouru. Merci à eux.
J’ai le coeur si triste et affligé
De cette infirmité
Car je n’y vois rien à gagner
Et rien ne va comme j’aimerais
Tel est mon grand malheur

Ne sai ce s’a fait mes outrages.
Or devanrrai sobres et sages
Aprés le fait
Et me garderai de forfait.
Mais ce que vaut quant c’est ja fait?
Tart sui meüz.
A tart me sui aparceüz
Quant je sui en mes laz cheüz
Ce premier an.
Me gart cil Diex en mon droit san
Qui por nous ot poinne et ahan,
Et me gart l’arme!

Je ne sais si je dois cela à mes excès,
Mais, dorénavant, je serais sobre et sage
Après tout cela,
Et me garderai de mal me conduire
Mais que valent les mots puisque le mal est fait
Je m’émeus trop tard
Trop tard je m’en suis aperçu
Alors que j’avais déjà chu  (dans l’infortune)
Cette première année
Que Dieu me garde  mon bon sens
Qui pour nous eut peine et douleur
Et protège mon âme

Or a d’enfant geü ma fame;
Mes chevaux ot brizié la jambe
A une lice;
Or wet de l’argent ma norrice,
Qui m’en destraint et m’en pelice
Por l’enfant paistre,
Ou il revanrra braire en l’aitre.
Cil sire Diex qui le fit naitre
Li doint chevance
Et li envoit sa soutenance,
Et me doint ancor alijance
Qu’aidier li puisse,
Et que miex son vivre li truisse,
Et que miex mon hosteil conduisse
Que je ne fais.

Et voilà que ma femme m’a fait un enfant; 
Mon cheval s’est brisé la patte
Contre une barrière
Et maintenant c’est ma nourrice qui veut de l’argent
Elle me torture et elle m’écorche (me tond)
Pour nourrir l’enfant
Sans quoi il reviendra hurler dans la maison
Si le seigneur Dieu qui le fit naître
Peut le prendre en charité
Et lui envoyer son soutien
Et s’il se sent encore un peu obligé envers moi
Qu’il puisse l’aider
Et qu’il lui trouve mieux sa pitance
Et qu’il conduise mieux ma maison
Que je ne le fais.

Ce je m’esmai, je n’en puis mais,
Car je n’ai douzainne ne fais,
En ma maison,
De buche por ceste saison.
Si esbahiz ne fu nunz hom
Com je sui voir,
C’onques ne fui a mainz d’avoir.
Mes hostes wet l’argent avoir
De son hosteil,
Et j’en ai presque tout ostei,
Et si me sunt nu li costei
Contre l’iver,
Dont mout me sunt changié li ver
(Cist mot me sunt dur et diver)
Envers antan.

Je m’émeus de tout cela mais je n’y peux rien
Car je n’ai ni douzaine ni fagot
Dans ma maison
De bûches pour cette saison
Aussi perdu ne fut nul homme
Comme je le suis vraiment
Car jamais je ne fus tant démuni
Mon propriétaire réclame l’argent
De son loyer
Et j’ai déjà presque tout dépensé
Et mes côtes se trouvent à nu
Contre l’hiver
D’où mes rimes ont beaucoup changé
(ces mots me sont durs et cruels)
Comparés à l’an dernier.

Par poi n’afoul quant g’i enten.
Ne m’estuet pas tenneir en ten;
Car le resvuoil
Me tenne asseiz quant je m’esvuoil;
Si ne sai, se je dor ou voil
Ou se je pens,
Queil part je panrrai mon despens
De quoi passeir puisse cest tens:
Teil siecle ai gié.
Mei gage sunt tuit engaigié
Et d’enchiez moi desmenagiei,
Car g’ai geü
Trois mois, que nelui n’ai veü.

C’est à devenir fou quand j’y réfléchis
Pas besoin de tanin pour me tanner (tanner : fatigué, jeux de mots)
Car le réveil
Me tanne assez quand je m’éveille
Ne sais plus si je dors ou veille
Ou si je pense
De quel côté  trouverais-je de quoi
Passer ces temps difficiles
Voila mon sort.
Mes gages sont tous engagés
Et déménagés de chez moi
Car je suis resté alité
trois mois sans voir personne.

Ma fame ra enfant eü,
C’un mois entier
Me ra geü sor le chantier.
Ge [me] gisoie endementier
En l’autre lit,
Ou j’avoie pou de delit.
Onques mais moins ne m’abelit
Gesirs que lors,
Car j’en sui de mon avoir fors
Et s’en sui mehaigniez dou cors
Jusqu’au fenir.

Ma Femme ayant eu un enfant
Un mois entier
Etait, elle aussi,  alitée dans la chambrée
Je gisais moi pendant ce temps
Dans l’autre lit
Où j’avais bien peu de loisirs
Jamais je n’eus moins de plaisir
De me trouver au lit qu’alors
Car cela me coûta beaucoup
Et j’en resterai infirme
jusqu’à la fin (de mes jours)

Li mal ne seivent seul venir;
Tout ce m’estoit a avenir,
C’est avenu.
Que sunt mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amei?
Je cuit qu’il sunt trop cleir semei;
Il ne furent pas bien femei,
Si sunt failli.
Iteil ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
E[n] maint costei,

Le malheur ne sait seul venir
Et tout ce qui devait m’advenir
Est advenu.
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenu
et tant aimé?
Je crois qu’ils sont trop clairsemés
Il ne furent pas si bien semés
Et m’ont failli
Ces amis là me m’ont pas soutenu
Jamais, tant que Dieu m’assaillait
de toute part.

N’en vi .I. soul en mon ostei.
Je cui li vens les m’at ostei,
L’amours est morte:
Se sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte,
Ces enporta,
C’onques nuns ne m’en conforta
Ne tiens dou sien ne m’aporta.
Ice m’aprent
Qui auques at, privei le prent;
Et cil trop a tart ce repent
Qui trop a mis
De son avoir a faire amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.

Je n’en vis pas un seul chez moi
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
Jamais aucun  me conforta
Ni du sien ne m’apporta
Ce qui m’apprend
Que le peu qu’on a, un ami le prend
Et celui là se repent trop tard
Qui a trop donné
De ce qu’il avait pour se faire des amis
Quand il ne les trouve ni entiers ni à demi ( pas la moitié d’un)
Pour lui porter secours.

Or lairai donc Fortune corre,
Si atendrai a moi rescorre,
Se jou puis faire.
Vers les bone gent m’estuet traire
Qui sunt preudome et debonaire
Et m’on norri.
Mi autre ami sunt tuit porri:
Je les envoi a maitre Horri
Et cest li lais,
C’on en doit bien faire son lais
Et teil gent laissier en relais
Sens reclameir,
Qu’il n’a en eux riens a ameir
Que l’en doie a amor clameir.

Aussi, désormais, je laisserai courir la chance
Et je tâcherai de m’aider moi-même
Si je le puis
Je me tournerai vers les gens de bien
qui sont généreux et bons
Et m’ont nourri.
Mes autres amis sont tous pourris
Je les envois à Maître Horri (Poubelle)
Et les y laissent.
Car il faut bien en faire son deuil
Et laisser de telles personnes derrière soi
Sans implorer
En eux, il n’y a rien à aimer
Que l’on puisse nommer amitié (amour)

[Or prie Celui
Qui trois parties fist de lui,
Qui refuser ne set nului
Qui le reclaime,
Qui l’aeure et seignor le claime,
Et qui cels tempte que il aime,
Qu’il m’a tempté,
Que il me doint bone santé,
Que je face sa volenté]
Mais cens desroi.

[Alors je prie celui 
Qui fit de lui trois parties, 
Qui ne sait jamais refuser
A qui l’implore,
l’adore et l’appelle Seigneur
Et qui est celui qui met à l’épreuve ceux qu’il aime
Comme il m’a mis à l’épreuve,
Qu’il me donne une bonne santé,
Pour que je fasse sa volonté,
Sans plus faillir.

Monseigneur qui est fiz de roi
Mon dit et ma complainte envoi,
Qu’il m’est mestiers,
Qu’il m’a aidé mout volentiers:
C’est li boens cuens de Poitiers
Et de Toulouze.
Il saurat bien que cil golouze
Qui si faitement se dolouze.
Explicit.

A Monseigneur qui est fils de Roi
Ce dit et cette complainte, envoie, 
Car j’ai besoin de lui,
Qui m’a aidé toujours volontiers
C’est le bon conte de Poitiers
Et de Toulouse.
Il saura bien ce que désire
Celui qui se plaint de la sorte.

En vous souhaitant une belle journée
Fred
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Henri VIII, l’amour courtois et Barbe Bleue, citations oubliées

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Petit dialogue historique oublié:

Henri VIII:  « – Je peux vous parler en tête à tête? »
Anne Boleyn :  « – Oui, mon roi, un instant, je change de toilette et je suis tout à vous. »
Henri VIII : « – Non mais vous embêtez pas avec ça, j’ai vraiment besoin juste que d’votre tête en fait. »

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui,  au menu, nous vous proposons un peu d’humour noir, en forme de clin d’oeil à l’article que nous avons publié récemment sur la chanson Greensleeves. Conformément à une croyance assez répandue, nous y examinions, en effet, la possibilité que le roi Henri VIII d’Angleterre de la dynastie Tudor ait pu en être l’auteur, et nous y touchions aussi un mot de la vie sentimentale mouvementée de ce roi. Nous sommes à la toute fin du moyen-âge ou au début de la renaissance, et sous son règne assez long qui dura 38 ans, le souverain connut, en effet, six reines, dont deux qu’il fit décapiter: catherine_howard_henri_VIII_tudor_barbe_bleu_humour_noirla première Anne Boleyn (celle de l’illustration en tête d’article) est même devenue une figure de martyre pour les protestants. La seconde, Catherine Howard, fut exécuter également par décapitation, moins de deux ans après qu’elle eut été faite reine. (portrait ci-contre)

Pour cette dernière, tout aurait, en réalité, commencé bêtement par une altercation de couple, bénigne en apparence. La jeune reine serait, en effet, rentrée un soir, fourbue d’une journée passée à chevaucher son destrier, son secrétaire personnel ou un courtisan. L’Histoire hésite. Devant sa mine déconfite, le roi lui aurait alors dit:  « Ca va chérie? T’en fais une tête! » et tout serait parti de là.

ecailles_humour_noir_barbe_bleue_henri_VIIIOui oh! Je sais! De grâce, ne niez pas, je sens bien poindre les airs goguenards sous les barbes et les moustaches. On va encore me dire que les choses se sont passées autrement et  que c’est l’intrigue et l’adultère de Catherine Howard qui l’ont conduite à sa perte, et surement pas un simple querelle de couple « bébête » et somme toute bien banale, au sortir d’une journée tendue. Et bien, vous avez gagné, vous l’aurez voulu! Nous allons, une fois de plus, vous démontrer l’implacable véracité de nos dires en appelant à la rescousse notre correspondant sur le terrain, le grand, l’immense démystificateur de vérités historiques, j’ai nommé Gonthier Bernoix de la Tanche,  pour qu’il établisse, par le menu, la fiabilité de nos sources! Et puisque l’on nous raille et puisque l’on nous moque, nous nous effacerons même, en ne faisant que le citer pour laisser la vérité triompher et cingler de toute sa cinglantise. (je ne sais plus si l’on dit cinglantise ou cinglerie? Mais comme je suis un peu énervé, bon bref!)

De notre correspondant de terrain : Gonthier Bernoix De la Tanche

gonthier_bernoix_tanche_humour_medieval_chroniques_saint_louis_de_joinville« Mon cher Frédéric,

Merci de votre confiance sans cesse renouvelée et merci aussi pour vous tenir du côté de la vérité, la seule, en nous laissant une fois de plus la parole. Vous avez beau être seulement notre cousin par alliance du côté de l’arrière tante de notre oncle Euzèbe, qui n’est pas, hélas pour elle, une Bernoix De la Tanche, votre sagacité pourrait presque faire de vous, parfois, l’un des nôtres.

Pour le cas qui nous concerne aujourd’hui, soyons clairs. Autant certaines fois nous ne sommes pas totalement sûrs de nos sources, autant là, c’est, comme disent les grouillots, du béton armé. Pas la moindre place au doute! Cette révélation sur l’échange entre le roi Henri VIII nous provient, en effet, d’une source totalement irréfutable puisqu’il s’agit de Marinette C., vendeuse de poissons attitrée sur le Marché du boulevard Raspail, dans le sixième arrondissement. Depuis que nous la connaissions, la chère dame, dont la probité n’est plus à établir – ce que la grande majorité de sa clientèle (dont nous sommes) pourra vous confirmer – la chère dame, disais-je, ne cessait, à tout propos, de s’en référer à sa longue lignée familiale et poissonnière, à grands renforts de citations qu’elle parsemait invariablement de « comme disait mon grand-père » par ci, « comme disait mon pauvre aïeul », par là.

humour histoire
Marinette C, témoin de l’Histoire, Poissonnière du Marché Raspail a tenu à garder l’anonymat

C’est ainsi que nous en sommes venus bientôt à fonder la certitude que quelques précieuses vérités ecailles_humour_noir_barbe_bleue_henri_VIIIhistoriques se trouvaient assurément nichées là, prêtes à surgir, pour peu que nous nous donnions la peine de gratter un peu sous les écailles. Il  suffisait de remonter patiemment, tel le fringant saumon, le cours de cette mémoire familiale jusqu’à ses sources les plus reculées. Depuis des mois, nous cuisinions donc Marinette, à petit feu, tout en feignant de n’être qu’à nos emplettes et c’est ce dernier vendredi, sur le coup des midis, que tout advint. Après avoir levé nos deux filets de dorade et la main déjà plongée dans le panier de crevettes que nous nous proposions de servir en accompagnement, elle accoucha, enfin, devant nos yeux émus de l’incroyable vérité que sa famille avait su conserver durant plus de cinq siècles. Encore une fois, notre intuition ne nous avait pas trompé; la grande Histoire nous souriait. De l’aveu même de Madame Marinette, un de ses aïeuls, un certain Arnould C., surnommé mystérieusement la truite, avait, en effet, été écailler au château du roi Henri VIII quand l’incident était survenu en ce terrible mois de février 1542. Et ce n’est pas sans émotion que nous reportons ici les dires de cette témoin privilégiée de l’Histoire, sans en changer une virgule. Elle s’était, jusque là, tenue silencieuse, dans l’attente de rencontrer un chercheur véritable, digne de recueillir la vérité et elle venait de le trouver:

humour_medieval_joke_humour_noir_blague_historique_henri_VIII_barbe_bleue_tudor_catherine_howard_renaissance

-« Comment vous dites, M’sieur Gonfier? Henri VIII? Bin vous pensez! Dans la famille, on a encore gardé l’arête de sole avec laquelle il a failli s’étouffer un jour, le pauvre bougre. Enfin j’dis l’pauvre bougre mais c’était pas lui le plus à plaindre. Ce jour là, mon pauvre aïeul  a bien failli y laisser sa tête avec celle de la sole parce qu’attention c’était pas un mou du genou le Henri! Mais bon, l’aïeul, c’était un vif aussi. On l’surnommait pas la truite pour rien. Du coup, il a filé fissa en cuisine et il a pu sauver ses fesses. Bon par contre, après ça, toute sa vie, à chaque fois qu’il devait lever une sole, il avait les guitares qui jouaient des claquettes. C’est c’même soir d’ailleurs, après le deuxième service, en passant dans les couloirs et j’peux vous dire qu’i rasait les murs, qu’il a entendu le roi qui f’sait comme ça à la p’tite, J’dis la p’tite même si c’était la reine parce qu’i z’avaient quand même trente piges de différence. C’est pas rien. Bon bref, il lui a fait : « Ca va, chérie, t’en fais un tête? ». Et comme l’autre était pas du genre à s’laisser marcher sur les nageoires, elle lui a balancé direct dans la face « Cupez-vous donc plutôt d’votre arrière-train, mon bon roi. C’est pas tellement le jour d’me  brouter » Et de là, p’tit à p’tit, le ton serait monté et bon bin on connait la suite: comme à la NBA. Faute. Lancer franc, premier essai! Couick! La tête dans l’panier. Bonsoir M’sieurs dames… Henri VIII: 3 – Catherine Howard: 0. Pas de date prévue pour le match retour. »

barbe_bleu_humour_histoire_henri_VIII_catherine_howard_humour_noir

– Par contre une chose, vous savez, m’sieur Gonfier, nous on s’plaint des fois qu’on n’a pas la vie facile, mais du temps d’mon aieul Arnould, les couteaux à écailler c’était autre chose que maintenant. Croyez-moi quand i fallait s’farcir des bourriches d’huîtres au réveillon, ça brillait pas trop en cuisine. C’est plutôt de ça qui faudrait parler dans vos bouquins ou ch’ais pas quoi, ça oui ça intéresserait surement plus les gens que vos machins, Enfin, j’dis ça… Mais i veut vraiment pas humour_noir_histoire_henri_VIII_barbe_bleue_renaissance_fin_moyen-age_humour_medieval_historiqueune belle tête de lotte là? J’ui fait à 1 euro, tiens! Dans une soupe, ça, mon p’tit m’sieur, vous m’en direz des nouvelles. »

Inutile de vous préciser, mon cher ami, que sous le coup de l’émotion, je ne l’écoutais déjà plus. Conscient d’avoir été témoin d’un fait historique remarquable, Arnoud C, dit la truite, avait fait en sorte que l’histoire se transmettre et il avait même conservé l’arête qui avait manqué de changer le destin de l’Angleterre et celui de Catherine Howard. Je ne demanderais pas à la voir, pas encore. C’était trop tôt. Un chercheur doit aussi savoir ne pas brusquer les choses. Je me sentais grisé, heureux. Une fois de plus, nous avions visé juste. Pourquoi fallait-il toujours que l’Histoire nous choisisse? Je saluais la dame poissonnière d’un simple merci, du bout des lèvres. Les mots ne voulaient pas sortir, il faudrait du temps. Je prenais la tête de lotte presque machinalement et, avant de la mettre dans mon panier, je croisais son regard accusateur. Cinq siècles d’histoire nous contemplaient, je repensais à l’anecdote. Il y a bien des choses que j’aurais pu manger ce soir là, mais surement pas de la tête de lotte. »

Gonthier Bernoix de la tanche
« L’Histoire est toujours là ou on ne l’attend pas »

En guise de conclusion
Henri VIII et l’amour courtois?

Désormais, tout est clair. Comme nous vous l’avions annoncé, c’est édifiant. Quand Gonthier parle, il ne nous reste plus à nous, pauvres ignorants, que le silence comme refuge. Qu’ajouter de plus après cette démonstration implacable de méthodologie scientifique? Si, peut-être tout de même, qu’Henri VIII ne fit pas qu’empiler les conquêtes et décapiter des femmes. Qui sait, un jour, aurons-nous à aborder d’autres faits humour_noir_barbe_bleue_conte_perrault_henri_VIII_non_sense_chronique_humour_historiquequ’il laissa à la postérité? Comme tout bon psychopathe, peut-être a-t’il aussi pendu des chats? Je plaisante encore, pardon.

Sur le fond, les spécialistes semblent toutefois s’accorder sur le fait que nous ne serions pas avec Henri VIII, en présence d’une forme d’amour courtois, sauf à se laisser aller à des digressions orthographiques hasardeuses: courtois, court, écourté. Les historiens n’étant pas tellement portés sur les jeux de mots, ils n’ont, en tout cas, semble-t’il par retenu ce genre d’exercice, en les laissant aux pychologues qui pourront toujours gloser. Qui sait, il se peut même que quelques lacaniens s’entêtent, ce serait de circonstance.

Pour le reste, comme nous le mentionnons déjà dans l’article précédent,  on a émis l’hypothèse que le conte Barbe Bleue de Charles Perrault qu’on a pensé longtemps inspiré par le personnage de Gilles de Retz (sur lequel nous publierons bientôt un article), l’avait été, bien plus, en réalité par Henri VIII.  Les crimes du personnage de Barbe bleue étant bien plus semblables à ceux d’Henri VIII, ou ceux d’un Landru qu’à un pédophile sataniste, ce dont on a accusé Gilles de Retz et qu’il a confessé, c’est une hypothèse qui se tient. Et si comme nous, vous vous posez la question, cette fameuse question, cette question terrible: « peut-on rire de tout? », à laquelle il me semble qu’on n’est bien forcé de répondre en forme de question aussi: « Sans doute pas, mais  en même temps, peut-on rire de rien? »

Tout cela étant dit, nous vous souhaitons une belle journée!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« La maman des poissons elle est bien gentille, mais moi je la préfère avec du citron »  Bobby la Pointe

« Nécessité fait gens méprendre »: aux sources d’une citation de François Villon

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet: citation, poésie médiévale, poésie réaliste, maître de poésie, auteur, poète médiéval, citations expliquées, adaptation.
Période: moyen-âge tardif,
Auteur: François Villon (1431-1463)
Titre: Le testament (extrait)


francois_villon_citations_médiévales_poesie_satirique_realiste_loup

« Nécessité faict gens mesprendre Et faim saillir le loup des boys. »
François Villon –  maître de poésie médiévale.   Extrait du Testament.


Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici une « citation » extraite du testament de Villon. Pour la remettre dans son contexte, elle fait suite à un passage où François Villon cite l’anecdote du corsaire Diomedés qu’Alexandre le Grand avait décidé d’interroger avant de le faire condamner. Sommer de répondre de ses crimes face à l’empereur, le pirate répondit, en substance,  que s’il en avait eu les moyens, il aurait été lui-même empereur. Au fond, tout n’était peut-être qu’une question d’échelle.  Devant sa répartie, non seulement Alexandre le Grand gracia le corsaire mais décida encore de faire sa fortune.  Dans sa poésie, Villon fera ajouter au corsaire que son infortune et sa misère seules expliquaient ou justifiaient ses actes :

« Et saichiez qu’en grant poverté,
Ce mot se dit communement,
Ne gist pas grande loyaulté. « 

L’Histoire de  l’anecdote sur Alexandre le Grand et le pirate Diomedés

poesie_citation_medievale_expliquees_francois_villon_alexandre_le_grand_et_le_pirate_diomedes
L’histoire d’Alexandre le Grand et du corsaire à la source d’inspiration de François Villon, Manuscrit “Schachzabelbuch”, Konrad von Ammenhausen, Stuttgart, 1467

Cette anecdote, connue surtout par Saint-Augustin qui la mentionne dans la Cité de Dieu pour illustrer le fait que les empires sans justice ne sont que des entreprises de brigandage, est tirée originellement de la République de Cicéron :

« Alexandre demandait à un pirate par quel attentat il osait infester la mer avec un misérable brigantin. Par le même droit, dit-il, qui vous fait ravager le monde »    Cicéron – La république – Livre III.

Voici l’extrait de Saint-Augustin :

« Que sont les empires sans la justice, sinon de grandes bandes de brigands ? De même, une bande de brigands est-elle autre chose qu’un petit empire, puisqu’elle forme une espèce de société gouvernée par un chef, liée par un contrat, et où le partage du butin se fait suivant citation_poesie_medievale_francois_villon_saint_augustin_alexandre_le_grand_ciceron_moyen-age_tardifcertaines règles convenues? Que cette troupe malfaisante vienne à augmenter en se recrutant d’hommes perdus, qu’elle s’empare de places pour y fixer sa domination, qu’elle prenne des villes, qu’elle subjugue des peuples, la voilà qui reçoit le nom de royaume, non parce qu’elle a dépouillé sa cupidité, mais parce qu’elle a su accroître son impunité. C’est ce qu’un pirate, tombé au pouvoir d’Alexandre le Grand, sut fort bien lui dire avec beaucoup de raison et d’esprit. Le roi lui ayant demandé pourquoi il troublait ainsi la mer, il lui repartit fièrement « Du même droit que tu troubles la terre. Mais comme je n’ai qu’un petit navire, on m’appelle pirate, et parce que tu as une grande flotte, on t’appelle conquérant ».
Saint Augustin – La cité de Dieu

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioUtilisant l’anecdote dans le testament pour plaider en faveur de ses propres déboires et de ses inconduites, voilà ce que Villon conclut :

« Se Dieu m’eust donné rencontrer
Ung autre pitieux Alixandre
Qui m’eust fait en bon coeur entrer,
Et lors qui m’eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voys.
Necessité fait gens mesprendre
Et fain saillir le loup du boys. »
Francois Villon – Le testament

Ce qui très librement adapté en français moderne donne :

Si Dieu m’eut donné de rencontrer
Un être aussi compréhensif que le fut Alexandre
Qui m’eut  permis de vivre en honnête homme
Et que l’on m’eut alors surpris à m’abaisser à faire le mal
Je me serai jugé moi-même
Bon à être brûlé et mis en cendres
Nécessité fait gens mesprendre
Et faim saillir le loup du bois.


L’extrait complet de la poésie
dans la langue de maître  François Villon 

Après l’explication et la synthèse et pour varier un peu, voilà l’extrait complet de Villon dont est tirée cette citation :

Au temps qu’Alixandre regna,
Ungs homs nommé Dïomedés
Devant lui on lui admena,
Engrillonnné pousses et detz
Comme larron, car il fut des
Escumeurs que voyons courir;
S y fut mis devant ce cadés
Pour estre jugiez a mourir.

L’empereur si l’araisonna:
 » Pourquoy es tu laron en mer? »
L’autre responce lui donna:
 » Pourquoy laron me faiz clamer?
Pour ce qu’on me voit escumer
En une petïote fuste?
Se comme toy me peusse armer,
Comme toy empereur je feusse.

Mais que veulx tu! de ma fortune,
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faulcement me fortune,
Me vient tout ce gouvernement.
Excusez moy aucunement
Et saichiez qu’en grant poverté,
Ce mot se dit communement,
Ne gist pas grande loyaulté. « 

Quant l’empereur ot remiré
De Dïomedés tout le dit:
 » Ta fortune je te mueray
Mauvaise en bonne « , ce lui dist.
Si fist il; onc puis ne mesdit
A personne, mais fut vray homme;
Valere pour vray le bauldit
Qui fut nommé le Grant a Romme

Se Dieu m’eust donné rencontrer
Ung autre pitieux Alixandre
Qui m’eust fait en bon eur entrer,
Et lors qui m’eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voys.
Necessité fait gens mesprendre
Et fain saillir le loup du boys.

Voir tous les autres articles sur la poésie de François Villon.

Une belle journée à tous!
Fred
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