« La vie hélas s’enfuit et ne s’arrête guère, Et la mort va bientôt devant nous à grands pas. Tout ce qui est, qui fut, et tout ce qui sera Font à mon coeur troublé une éternelle guerre. »
François Pétrarque (1304-1374), extrait, citations médiévales.
Grand poète, auteur, érudit et humaniste italien du XIVe siècle
Bonjour à tous, oici quelques jolis vers de Petrarque en note blues sur le temps, la vie et la mort. Enfin cela dit, et pour élargir un peu, j’ai envie de dire, ne nous laissons pas abattre quand même. Au delà de la poésie du grand auteur médiéval italien du XIVe siècle et des charmes indéniables d’une certaine nostalgie au regard du temps qui passe – particulièrement quand elle s’exprime de manière aussi belle que dans cet extrait – sachons aussi nous défier de l’esprit qui se perd un peu trop à baguenauder du passé au futur sans se fixer sur rien, sauf sur le présent et son lot infini de petits bonheurs cachés et de réjouissances. Au fond et en plus de tout cela, quelque soit le temps qui reste, il nous appartient, alors un très beau dimanche à tous, en profitant bien de chaque instant!
Joie et longue vie!
Fred
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Sujet : ballade, poésie médiévale, poésie satirique Auteur : Eustache DESCHAMPS (Morel) (1346-1406) Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge, XIVe Titre : Ballade sur le néant des choses de ce monde
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une autre pièce du grand Eustache Deschamps, dit Morel, C’est cette fois-ci, clairement, une poésie satirique sur les conflits de son temps. Souvenez-vous que ce poète médiéval a eu le privilège de vivre assez longtemps. Officier de cour, tour à tour messager, écuyer, huissier d’armes, il a occupé des emplois d’importance variable à la cour et a pu, au long de sa longue vie durant laquelle il ne cessa d’écrire, servir deux souverains. Concernant sa longévité, les avis sont partagés, dans la préface d’un ouvrage du XIXe siècle sur ses œuvres poétiques et satiriques, on lui prêtait près de vingt ans de vie en plus qu’on ne lui prête aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit, Eustache Deschamps connaîtra les guerres et les conflits de son temps, l’interminable guerre de cent ans, le pays à feu et à sang, les épidémies de peste, encore, qui ravagent les terres. Avec ces réflexions en forme de poésie sur le néant des choses de ce monde, il s’attaque frontalement, à l’orgueil et la vanité des puissants, aux vaines conquêtes qui ne cessent de mettre les pays à feu et à sang. Jusqu’au bout du texte, on sent l’homme d’expérience désabusé, las des guerres et des conflits de pouvoir mis face à l’évidence de la vacuité des choses et nous retrouvons encore, ici, un Eustache Deschamps engagé, témoin critique et satirique de son temps.
Ballade d’Eustache Deschamps
Sur le néant des choses de ce monde
Las ! que j’ay veu de tribulacion, De tempestes et de mortalitez, De haines, de peuples mocion , De grans orgueilz et de grans vanitez , De traïsons et de crudelitez, Puis cinquante ans ; et vengence soudaine Conflis de Roys en France et en Espaigne Pour nos péchiez , et universel guerre Pour le débat de France et d’Angleterre, Pais ardoir, tout destruire à larronde, Pour convoitier et seignourie acquerre : C’est tout néant des choses de ce monde.
Car nul n’en a vraie posession, N’estre ne puct qu’à sa vie héritez, Au mieulx venir, et par déception En sont pluseurs ou par force privez A leur vivant. Entre vous, qui vivez, Aiez regart aux conquests Charlemaine, Ceulx d’Alixandre et de la gent romaine, Qui tant de maulx soufrirent pour conquerre ; Mais puis leur mort tout fut cas comme un voirre , Et divisé ; ainsi fault que tout fonde Des biens mondains; foulz est qui pour eulx erre : C’est tout néant des choses de ce monde.
Quatre lignie et généracion Ay veu des Roys , depuis que je fu nez : Philippe, Jehan, Charle en succession Le cinquième , Charles ses filz ainsnez Régna après, dont furent subjuguez A Rosebeth Flament sur la montaigne; Vingt-six mille moururent soubz s’enseigne ; Que treize ans n’ot quant les ala requerre; Après au Dant par siège les va querre ; Bonbourc assist ; à celle fois seconde Ses ennemis en desloge et desserre : C’est tout néant des choses de ce monde.
A Amiens vi la conjunction , Et les noces quant il fut espousez A Ysabel qui de l’estracion De Bavière est. Je vis ses osts menez En la duchié de Guclre, et feux boutez ; Le duc venir es tentes en la plaine Devers le Roy, et sa volunté plaine Faire du tout. Et qui en veult enquerre A Saint-Denis un chafault , et par terre Joustes très grans où l’or luit et habonde ; Mais qui vouldroit jugier à droitte esquerre ; C’est tout néant des choses de ce monde.
La feste vi passant en mission Toutes autres, de la Royne entendez, Faicte à Paris après l’Ascencion ; Pour la guerre j’ay veu pluseurs traictez , Les grans trêves des deux Roys ; assemblez Dessoubz Ardre leur gent et leur compaigne, La fille au roy de France qu’il amaine Au roy Anglois , qui pour femme o lui erre Droit à Calays ; n’a que sept ans soubz serre, Là espousa la vierge enfant et monde ; Mais qui ces poins sent dont li cuers me serre : C’est tout néant des choses de ce monde.
ENVOI
Prince, j’ay vu les temps desordonnez; Sanz droit, sanz loy, païs habandonnez; Tous maulx courir , iniquité parfonde, Lesquelz je voy en mieulx estre espérez ; Mais jà pour ce trop ne vous y fiez : C’est tout néant des choses de ce monde.
Une belle journée à tous.
Fred
Moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
« Combien est épineux le chemin de la vie, et combien alpestre et dure est la montée que l’homme doit parcourir pour arriver à une véritable valeur ! »
François Pétrarque (1304-1374)
rudit, poète, diplomate, homme de science, historien et humaniste florentin du XIVe siècle, François Pétrarque est reconnu, encore à ce jour, comme un de plus grands auteurs italiens du moyen-âge avec Dante. Considéré encore comme un des pères de l’humanisme, on lui prête une influence durable sur la poésie romantique et moderne occidentale, mais, au delà, sur les valeurs morales et politiques des siècles suivants.
« C’est pourquoi également l’art qui exprime avec le plus de rigueur et de perfection les sentiments et les aspirations les plus constants et les plus élevés de l’homme passe nécessairement par Pétrarque, de Bembo à Michel-Ange et à Ronsard, de Góngora et Milton à Klopstock, de Shelley et Heine à Leopardi, Heredia et D’Annunzio. » Vittore BRANCA – Universalis – Pétrarque
Laure, l’amour, femme faite poésie par Petrarque, Miniature du Canzionere, XVe, bibliothèque de Venise
yant grandi en Provence, amoureux du Vaucluse et des sources de la Sorgue qui longtemps l’inspireront, Petrarque connaîtra aussi la vie bruyante d’Avignon, siège des papes d’alors. Plus tard, il finira par rentrer en Italie pour y passer le reste de sa vie.
Influencé par les confessions de Saint Augustin à l’âge de trente ans, son chemin se fraiera, dés lors, entre une foi chrétienne profonde et une ascèse à laquelle il aspire mais que sa nature de bon vivant semble le condamner à ne pas pouvoir toujours atteindre. Ainsi, il encensera les périodes de solitude et de retraites méditatives mais les alternera aussi avec des périodes plus mondaines. Ambitieux, mais aussi apprécié et reconnu de son temps, il acceptera également un certain nombre de missions politiques et diplomatiques, après être retourné définitivement sur le sol italien.
Sur son chemin de vie « alpestre », comme il le décrit lui-même dans cette citation, sa foi triomphera pourtant et il sera considéré comme un poète profondément chrétien ayant même oeuvré pour le renouveau des valeurs chrétiennes et classiques de l’Italie du XIVe siècles et les quelques disciples d’Averroès qui, sur le tard, le prendront à partie en moquant ses croyances n’y pourront rien changé. Au delà de tout cela, il restera, quoiqu’il en soit, considéré comme un des plus grands érudits, poète de son temps, un auteur de grand talent et un homme à l’humanisme profond.
Une belle journée!
Fred
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Sujet : poésie médiévale, poète satirique, ballade médiévale, Auteur : Eustache Deschamps dit Morel (~1340-1406) Titre : « Quand j’ai la terre et mer avironnée » Période : moyen-âge tardif
Bonjour à tous,
ous vous proposons aujourd’hui une belle poésie de Eustache Deschamps, auteur médiéval dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises ici. Cette fois-ci, il nous convie à sa suite dans le Paris du XVe siècle. Le texte n’est pas particulièrement satirique et il y loue même, au contraire, les beautés de la capitale de ces années là. Bien sûr, les champs et les vignes se sont forcément éloignés au fil des siècles, mais cette ode conserve le charme incomparable d’un voyage dans le temps avec comme guide privilégié, ce grand poète médiéval.
Lecture audio de la poésie
d’Eustache Deschamps en vieux français
Quant j’ay la terre et mer avironnée
version originale vieux français
Quant j’ay la terre et mer avironnée, Et visité en chascune partie Jherusalem, Egipte et Galilée, Alixandre, Damas et la Surie, Babiloine, le Caire et Tartarie, Et touz les pors qui y sont, Les espices et succres qui s’i font, Les fins draps d’or et soye du pays, Valent trop mieulx ce que les François ont : Riens ne se puet comparer à Paris.
C’est la cité sur toutes couronnée, Fonteine et puis de sens et de clergie, Sur le fleuve de Saine située : Vignes, bois a, terres et praerie. De touz les biens de ceste mortel vie A plus qu’autres citez n’ont; Tuit estrangier l’aiment et ameront, Car, pour deduits et pour estre jolis, Jamais cité tele ne trouveront : Riens ne se puet comparer à Paris.
Mais elle est bien mieulx que ville fermée, Et de chasteaulx de grant anceserie,* De gens d’onneur et de marchans peuplée, De touz ouvriers d’armes, d’orfaverie ; De touz les ars c’est la flour, quoy qu’on die : Touz ouvraiges a droit font ; Subtil engin, entendement parfont Verrez avoir aux habitans toudis**, Et loyaulté aux euvres qu’ilz feront : Riens ne se puet comparer a Paris.
*anceserie : ancienneté **toudis : toujours
Quand j’ai la terre et mer avironnée
Version français moderne
Quand j’ai la terre et mer avironnée Et visité en chacune partie Jérusalem, Egypte et Galilée, Alexandrie, Damas et la Syrie, Babylone, le Caire et Tartarie, Et tous les ports qui y sont, Les épices et sucres qui s’y font, Les fins draps d’or et soies du pays Valent trop mieux ce que les Français ont : Rien ne se peut comparer à Paris.
C’est la cité sur toutes couronnée, Fontaine et puits de science et de clergie, Sur le fleuve de Seine située : Vignes, bois a, terres et prairies, De tous les biens de cette mortel(le) vie A plus qu’autres cités n’ont; Tout étranger l’aiment et aimeront, Car, pour plaisirs et pour sites jolis, Jamais cité telle ne trouveront : Rien ne se peut comparer à Paris.
Mais elle est bien mieux que ville fermée, Et de châteaux de grande ancestrerie*, De gens d’honneur et de marchands peuplée, De tous ouvriers d’armes, d’orfèvrerie ; De tous les arts c’est la fleur, quoi qu’on die : Tous ouvrages adroits font ; Subtil engin, entendement profond Verrez avoir aux habitants toudis**, Et loyauté aux œuvres qu’ils feront : Rien ne se peut comparer à Paris.
Une bien belle journée à tous.
Fred
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