Sujet : poésie médiévale, réaliste, satirique, trouvère, vieux français, langue d’oil, adaptation, traduction. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Média ; lecture audio Titre : La paix Rutebeuf, la paiz de Rutebuès
Bonjour à tous,
l semble que nos pas nous conduisent du côté du trouvère Rutebeufdepuis quelques jours. Nous allons donc en faire un de plus dans sa direction, aujourd’hui, en vous proposant la lecture audio de la poésie « la paix de Rutebeuf ».
Nous avions publié, il y a quelque temps, un article assez long sur le ce texte avec sa version en vieux-français, son adaptation en français moderne et encore quelques réflexions d’ordre plus général sur l’auteur médiéval, aussi nous vous invitons à vous y reporter. Tout est là : La « paix » de Rutebeuf et quelques reflexions sur le « je » et le « jeu » du poète médiéval.
Comme dans la plupart des lectures audio que nous avons proposées jusque là, les deux versions du texte ancienne et moderne sont mises en miroir pour vous permettre de mieux suivre et comprendre.
Sujet : citation, sagesse médiévale, poésie morale et satirique. Période : Moyen Âge central Auteur : Jean de Meung (Clopinel) (1250-1305) et Rutebeuf (1230-1285?) Ouvrage : le codicille
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, sur le codicille de Jean de Meung, que l’on trouve, la plupart du temps, annexé aux éditions du Roman de la rose dont il fut le co-auteur. Ce texte se présente sous la forme d’un poème critique, un legs moral que l’auteur médiéval fait à ses contemporains : clercs, hommes de religions ou puissants, notamment, et dans lequel il n’hésite pas à les égratigner ou les prendre à partie.
« Chascun scet que quant l’ame de sa charoigne part, De ce monde n’emporte avec soy point de part; Sa desserte l’emmaine, bien ou mal s’en départ, En aussi pou de temps comme il tonne ou espart.
Pensons que quant ly homs est au travail de mort, Ses biens ne ses richesses ne luy valent que mort Ne luy peuvent oster l’angoisse qui le mort, De ce dont conscience le reprent et remort » Jean de Meung – Le Codicille
Grand érudit, critique et moraliste, Jean de Meung n’en est pas à son galop d’essai pour ce qui est de manier la satire. Dans ce passage du codicille sur la conscience qui vient tourmenter le mourant sur son lit de douleur, il nous parlera tout à la fois :
de la vacuité de l’obsession d’accumuler des biens matériels et des richesses, pire encore quand ils sont acquis de manière malhonnête (« Bien mal acquis ne profite jamais »)
de ne pas transmettre à des héritiers de telles richesses mal acquises, au risque de leur empoisonner la vie et de les vouer eux-même « aux enfers ».
Le thème de la mauvaise conscience et des tourments qui se font jour face à la mort, au sujet de ses propres inconduites, n’est pas nouveau et reste cher au moyen-âge. Nous sommes dans l’Europe médiévale du XIIIe siècle et il est donc question ici de mettre en pratique les préceptes de morale et de conduite chrétienne, sans attendre qu’il soit trop tard : ce monde n’est qu’un passage et nous n’emmènerons rien dans l’au-delà que notre âme et nos actions passées.
On retrouvera pratiquement ses vers à l’identique chez Rutebeuf, et au vue des dates, Jean de Meung s’est certainement inspiré directement du célèbre jongleur et trouvère. Voici les vers de ce dernier, tirés de son dit de la croisade de Tunis :
« Vous vous moqueiz de Dieu tant que vient a la mort, Si li crieiz mercei lors que li mors vos mort Et une consciance vos reprent et remort ; Si n’en souvient nelui tant que la mors le mort. » Rutebeuf – Le dit de la croisade de Tunis
« Vous vous moquez de Dieu jusqu’à l’heure de la mort, et vous lui criez grâce lorsque la mort vous mord, que dans votre conscience sont reproches et remords; Nul n’y pense jusqu’au moment où la mort le mord. » Traduction de Michel Zink
Pour élargir au delà du moyen-âge chrétien occidental, dans nombre de cultures et de pratiques spirituelles, cultiver la conscience de sa propre impermanence et de sa propre mort est considéré, loin de toute forme de pensées négatives ou morbides, comme un guide efficace dans les actions de la vie (leur intensité, comme leur profondeur).
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, ballade, auteur médiéval, analyse littéraire. Période : moyen-âge tardif Titre : « Ballade des menus propos » Auteur : François Villon (1431- ?1463)
Bonjour à tous,
égèreté et profondeur, de la mouche à la mort, peut-être ne sont-ils pas au fond si menus ces propos de François Villon sur la connaissance du monde et des choses, opposée à la difficulté ou l’impossibilité dérisoire de se connaitre soi-même.
Dans cette ballade dont le titre même semble nous inviter à ne pas la prendre au sérieux, cette litanie de celui qui connaît tout mieux qui lui-même qui revient comme une ronde, vient trancher comme un couperet dans la légèreté du propos. A quelques exceptions, voilà donc une grande liste de connaissances finalement assez peu savantes, pour un narrateur poète qui, pour finir, confesse se connaître lui-même encore moins.
Avec cette pirouette ironique, Villon se rit-il seulement de lui-même ou fait-il encore une allusion ( narquoise ?) à un genre poétique connu de son temps et dont on retrouve la trace aussi dans le lointain XIIe siècle, notamment dans la poésie du duc d’Aquitaine , Guillaume IX (1071-1126) ?
Ieuconosc ben sen et folhor, E conoscanta et honor, Et ai ardimen e paor…
Je connais bien sens et folie Je connais la honte et l’honneur J’ai connu l’audace et la peur
Guillaume IX d’Aquitaine Ben vuelh que sapchan li pulzor
Une hypothèse plus pragmatique
sur la ballade des menu propos de Villon
ans une approche plus pragmatique et plus « factuelle » de la poésie de François Villon et notamment sur la période qui couvre les années 1457 à 1461, le romaniste et professeur de littérature française allemand Gert Pinkernell(1937-2017) a émis l’hypothèse qu’à l’image de la ballade des proverbes, cette ballade des menus propos pouvait être une tentative du poète médiéval pour se réconcilier avec son protecteur Charles d’Orléans. Toujours selon Gert Pinkernell, au moment de l’écrire, Villon avait été chassé de Blois, suite à une querelle entre poètes de cour; le bon Villon aurait pu en effet y égratigné quelque peu un dénommé Fredet, poète alors en faveur du seigneur d’Orléans. Ce dernier, ainsi que son écuyer, en aurait d’ailleurs blâmé FrançoisVillon par poésie interposée qui, humilié, aurait alors décidé de déserter la cour.
Toujours suivant l’hypothèse de l’auteur allemand, cette ballade des menus propos prendrait donc plutôt l’allure d’un plaidoyer de Villon sur sa propre ignorance, animé de la volonté très pratique de se remettre dans les faveurs du noble. Le poète médiéval y relaierait encore dans un jeu de miroir, un plaidoyer fait peu avant par Charles d’Orléans pour la défense de Jean d’Alençon et dans lequel le prince reprenait notamment la phrase suivante empruntée à Saint-Bernard : « plusieurs congnoissent plusieurs choses et ne se congnoissent pas eulx mesmes » et plus loin: « …congnoissant que je ne suis ne sage, ne bon clerc… »
Encore une fois, il est difficile d’être totalement affirmatif sur tout cela et Gert Pinkernelllui-même prend de grandes précautions jusque la fin de son propos: « il pense avoir démontré qu’il est vraisemblable que… » Son approche suscite d’ailleurs quelques polémiques en d’autres endroits, parce que toute théorique et finalement absolument invérifiable même si elle se fonde sur l’ analyse minutieuse des textes, et des rapprochements et renvois aussi précis que troublants d’une poésie à l’autre. Au demeurant, ses efforts pour ancrer les ballades de FrançoisVillon dans le contexte réel de ses relations avec Charles d’Orleans et la cour restent tout à fait louables et pour tout dire, sans aucunement les déprécier, plutôt plaisants à suivre. On y trouve, bien sûr, de nombreux : « Villon a pu » « a dû », « a certainement », mais on suit avec plaisir les investigations littéraires de G Pinkernell pour mettre à jour les intrigues relationnelles possiblement cachées derrière la poésie de Villon, dans le but de la ré-éclairer d’une autre manière. Il faut ajouter que pour un peu, en le lisant, on assisterait presque à une répétition des querelles entre poètes de cour et des règlements de compte par poésies interposées au milieu desquels Clément Marot se retrouvera pris, un peu moins d’un siècle plus tard.
Si le sujet vous intéresse, vous trouverez plus de détails sur la question dans l’ouvrage du : François Villon et Charles d’Orléans (1457 à 1461) de Gert Pinkernell. Plus accessible encore, vous pourrez consulter sur Persée un article détaillé du même auteur, paru en 1983 dans lequel il développe déjà largement cette hypothèse : une nouvelle date dans la vie et dans l’oeuvre de François Villon : 4 octobre 1458.
La ballade des menus propos
Je connois bien mouches en lait, Je connois à la robe l’homme, Je connois le beau temps du laid, Je connois au pommier la pomme, Je connois l’arbre à voir la gomme, Je connois quand tout est de mêmes, Je connois qui besogne ou chomme, Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Je connois pourpoint au collet, Je connois le moine à la gonne, Je connois le maître au valet, Je connois au voile la nonne, Je connois quand pipeur jargonne, Je connois fous nourris de crèmes,* Je connois le vin à la tonne, Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Je connois cheval et mulet, Je connois leur charge et leur somme, Je connois Biatris et Belet, Je connois jet qui nombre et somme, Je connois vision et somme, Je connois la faute des Boemes, Je connois le pouvoir de Rome, Je connois tout, fors que moi-mêmes.
Prince, je connois tout en somme, Je connois coulourés et blêmes, Je connois mort qui tout consomme, Je connois tout, fors que moi-mêmes.
* Sur ces fous nourris de crème, c’est encore un article de Persée qui vient à notre secours pour tenter de les expliquer : Note sur la Ballade des menus propos. Gertrude Schoepperle. Deux hypothèses existent sur l’interprétation de cette expression. La première y verrait plutôt comme sens que les fous sont bien nourris à l’inverse des sages et des poètes, La deuxième hypothèse, développée dans cet article, souligne l’association fréquente à l’époque du fou et du fromage.
Un excellente journée à tous !
Frédéric EFFE.
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Sujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, ballade, Villon chanté, chanson. Période : moyen-âge tardif Titre : « Ballade des menus propos » Auteur : François Villon (1431- ?1463) Interprètes : Monique Morelli Album :François Villon (1974)
‘est une voix surgie du passé qui entonne ici la ballade des menus propos de François Villon, celle d’une chanteuse populaire dans la veine d’une Piaf qui, dans les années soixante-dix chantaient les poètes.
Pour ceux qui se souviennent de la série télévisée Mandrin, Monique Morelli (1923-1993) y incarnait encore le rôle de La Carline et c’est elle qui prêtait aussi sa voix puissante au chant de Mandrin et à toutes les variations narratives chantées qui ponctuaient la série. Sans doute fut-elle une des dernières et dignes représentantes d’une certaine façon de chanter.
A partir de 1962, son cabaret parisien Chez Ubu fut un espace de création et d’expression pour de nombreux artistes et ce n’est pas par hasard si l’on peut encore entrevoir une parenté entre elle et la très créative Brigitte Fontaine, dans l’ambition littéraire et poétique au moins, même si leur style vocal diffère. Quoiqu’il en soit, à l’image de Léo Ferré, le récital de Monique Morelli est resté ambitieux et elle a contribué à faire connaître de nombreux poètes en les chantant.
Pour le reste, hormis les troubadours ou trouvères occitans, les poètes médiévaux de langue d’oil sont relativement peu chantés dans le texte original et elle a sans doute été une de celle qui a le plus exploré le fait de mettre en chanson la poésie de Villon en lui dédiant un album complet.
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
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